ANNEXE 2 : Historique du crédit rural dans la
région de l'Alaotra
A. 1960 à 1972 : L'époque des
sociétés de crédit avec la SCAM
Dans les années 1960, le plus important système
adopté dans la région du Lac Alaotra en matière de
crédit de masse est la SCAM ou
Société de Crédit Agricole Mutuel. Elle
est constituée par un groupement de paysans habitant dans un même
village, possédant un statut officiel de type S.A.R.L., un
règlement intérieur et dont le centre d'intérêt est
l'accès au crédit.
Les SCAM fonctionnaient comme une véritable
société, avec présentation des résultats à
chaque fin d'exercice et élaboration des programmes pour la prochaine
campagne. C'est l'Assemblée Générale qui constitue
l'organe suprême de décision. Toutes demandes de crédits -
effectuées auprès de la Banque Nationale Malgache (BNM)
- au nom de l'association devront être avalisées par
cette institution. Beaucoup d'agriculteurs, membres des SCAM, ont
réalisé la promotion de leur exploitation et de leur
ménage par le biais de ce système.
De l'autre côté, la politique de
développement rural de l'époque - favorables aux formules
d'Associations des Producteurs et Coopératives Agricoles - cadre bien
avec ces initiatives. L'Etat appuie ces initiatives paysannes par des dotations
de matériels lourds, construction de hangars et de magasins de stockage
de grande capacité directement gérés par ces
coopératives.
Toutefois, des problèmes surgissaient au fur et
à mesure de l'évolution de ce système. Le rapport de
l'Office du Riz Alaotra (O.R.A.) de 1968 à 1970 mentionnait des
détournements de crédit et pratiques de l'usure par la
sous-distribution de crédit par certains membres des associations. Cela
a conduit à la dissolution de certains SCAM. Cette tournure a
incité les responsables à identifier d'autres voies pour
l'amélioration du crédit de masse.
1972 à 1977: Un essai de crédit de masse
individuel par le PCAI
Le nouveau programme Petit Crédit Agricole
Individuel ou PCAI à été
lancé par la BNM vers 1972. Il a été repris par la
BTM de 1975 à 197742. C'est un prêt
destiné aux petits agriculteurs individuels.
Le climat politique national, après les manifestations
de mai 1972, n'a pas permis une réelle expansion de ce type de produit.
Des mauvais taux de recouvrement, détournement de crédit et
insuffisance de sensibilisation s'ajoutaient à ces problèmes. Du
point de vue pratique, le système est jugé trop lourd à
gérer et nécessite beaucoup de techniciens.
42 La banque BNM est nationalisée et devenue
"Bankin'ny Tantsaha Mpamokatra" ou BTM.
Au fur et à mesure de l'implantation de l'économie
socialiste, on a abandonné progressivement l'approche "individuelle
stricte" pour généraliser l'approche "collectivités
décentralisées". L'objectif est de donner à tout un peuple
la même chance d'accéder au crédit. 1977 :
Populariser le crédit agricole à travers le FMR
Le Financement du Monde Rural ou FMR
Traditionnel, appliqué à partir de 1977 est un
crédit individuel sous caution des Fokontany. Le Fokontany, qui est
désormais l'unité d'intervention de la BTM, est responsable de
l'établissement des demandes de prêt, de la sensibilisation et la
perception des recouvrements. L'avantage de ce système a
été de pouvoir toucher un maximum de cibles en l'espace de temps
assez court.
Cependant, le manque de suivi, au fur et à mesure de
l'augmentation du nombre des bénéficiaires, a
entraîné un détournement massif de crédit. Ce qui a
engendré un très mauvais taux de recouvrement, comme le montre la
figure suivante :
![](Etudes-de-perennisation-du-microcredit-grenier-commun-villageois--Ambatondrazaka-dans-la-reg49.png)
Nombre de beneficiaires
1600
1400
1200
1000
400
800
600
200
0
Nombre de bénéficiaires Taux de recouvrement (%)
1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989
Figure 20 : Evolution du taux de
recouvrement de crédit FMR Traditionnel de 1981-1989
Année
40
90
80
70
60
50
30
20
0
10
Taux de recouvrennent (%)
Source : BTM Avaradrova - Ambatondrazaka, 1990;
in Etude historique du crédit agricole dans la région du
Lac Alaotra - Claude RANDRIANARISOA. FOFIFA-DRD, mai 1995.
On avait aussi noté une dilution des
responsabilités par le fait que le crédit était devenu un
instrument politique à l'usage des administrateurs. Il suffit d'avoir de
bonnes relations avec un décideur pour pouvoir accès au
crédit. Par contre, les projets sérieux risquent de ne pas
être présentés si des mésententes existent entre les
demandeurs et les membres du comité d'octroi.
En 1980, une nouvelle forme d'intervention - qui sera
basée sur l'étude plus affinée et individuelle des
exploitations - a été proposée par la BTM et le
Ministère de l'Agriculture de l'époque, avec l'appui financier de
l'IDA et du BIRD. C'est la mise en route du Projet FMR-ODRI ou
Financement du Monde Rural - Opération de Développement
Rural Intégrée. Le système se propose
d'intégrer le crédit agricole dans le processus de
développement de l'exploitation, en mettent en oeuvre des suivis
techniques de cette dernière par des agents de vulgarisations
(SOMALAC, CIRVA). Le crédit avait touché les
besoins à court terme43 et à moyen terme44,
avec un taux d'intérêt annuel de 17%. La garantie devra être
au moins 10% des montants octroyés.
Son coût trop élevé, avec la
nécessité de mobilisation important d'agents de terrain, a
handicapé cette approche. Cela a amené à la
réduction du nombre des bénéficiaires, illustrée
par la figure suivante :
![](Etudes-de-perennisation-du-microcredit-grenier-commun-villageois--Ambatondrazaka-dans-la-reg50.png)
Nombre de beneficiaires
400
500
300
200
100
0
Nombre de bénéficiaires Taux de recouvrement (%)
Figure 21 : Evolution du nombre des
bénéficiaires de crédit FMR-ODRI de
1983-1987
1983 1984 1985 1986 1987
Année
40
60
50
30
20
0
10
Taux de recouvrennent (%)
Source : BTM Avaradrova - Ambatondrazaka, 1990;
in Etude historique du crédit agricole dans la région du
Lac Alaotra - Claude RANDRIANARISOA. FOFIFA-DRD, mai 1995.
L'insuffisance de contact BTM - paysans et d'encadrements
techniques, suite à la dégradation des routes et des moyens de
locomotion, a affaibli le taux de recouvrement.
ACS et ACCS: des crédits associatifs pour
réduire le coût d'intervention
L'approche par groupement a été reprise vers
1983. C'était le début de l'Association de Crédits
Solidaires (ACS) et l'Association de Crédits à
Caution Solidaire (ACCS). Le crédit reste individuel, mais le
groupe apporte sa caution à la banque pour chacun des membres.
Au Lac Alaotra, les Associations pour l'Intensification des
Mailles (AIM) sont reconverties, sous l'impulsion de la SOMALAC, en
Associations d'Intensification et de Crédit ou
AIC. Les paysans se trouvant en dehors des
périmètres, qui ont de difficulté d'accès à
l'irrigation, sont pourtant écartés de ces crédits. Il est
jugé dangereux d'engager d'importants crédits à ces
paysans45.
Une "solidarité forcée" par les faits
étant née, non seulement entre les membres d'un groupement, mais
aussi entre les propriétaires des lots voisins (regroupés dans
l'AIM). Leurs rizières dépendent en effet d'un même
réseau hydraulique, d'où la création spontanée de
la solidarité entre eux, face à un problème commun. On
peut dire que le système adopté était un succès car
les taux de recouvrement avoisinaient le 96,2% de 1984 à 1989,
d'après la figure qui suit.
43 Crédit de campagne
44 Acquisition de matériels agricoles
45 Sur un ensemble de superficie brute de
rizière de 95 400 ha, seuls 32 000 ha font partie des grands
périmètres irrigués. Celles possédant une bonne
maîtrise d'eau sont encore d'un pourcentage plus bas. Etude
historique du crédit agricole dans la région du Lac Alaotra -
Claude RANDRIANARISOA. FOFIFA-DRD, mai 1995.
![](Etudes-de-perennisation-du-microcredit-grenier-commun-villageois--Ambatondrazaka-dans-la-reg51.png)
72
120
100
100
95
80
60
90
40
85
20
0
80
Campagne de culture
Nombre de groupements
Taux de recouvrement (%)
Nombre de groupements Taux de recouvrement (%)
1984-85 1985-86 1986-87 1987-88 1988-89
Figure 22 : Evolution de recouvrement des
credits au sein de la SOMALAC de 1984 à 1989
Source : SOMALAC, 1989; in Etude historique du
crédit agricole dans la région du Lac Alaotra - Claude
RANDRIANARISOA. FOFIFA-DRD, mai 1995.
Les défaillances de ce système n'ont jamais
été constatées que lors de la période de
dissolution de la SOMALAC en 1991. Les contraintes sur l'irrigation commencent
à se fait ressentir. La paralysie des services de développement
de la BTM, due à l'événement socio-politique de mai au
novembre 1991 a aggravé les problèmes de recouvrement. Alors que
l'échéance des crédits de campagne rizicole a
été fixée habituellement au 31 août. Le taux de
recouvrement n'a atteint que 56% en fin de campagne.
Pour certains, le recouvrement des dettes n'est plus
prioritaire pour la continuation des travaux rizicoles, du fait de
problème d'irrigation. Pour d'autres, la peur de ne plus avoir de
crédit - suite aux grèves et à la fermeture des banques -
les ont conduits à ne pas rembourser.
Le crédit sous-distribué durant
l'Opération Blé KOBAMA
Le crédit sous-distribué, tel "le crédit
blé", existait aussi à Ambatondrazaka vers 1988 à 1993.
C'est une opération menée de pair par la BTM et le
Ministère de l'Agriculture, par le biais du volet agricole de
l'Opération Blé KOBAMA ou OB KOBAMA.
L'objectif est d'encourager la production de blé pour
l'approvisionnement des minoteries d'Antsirabe et de Toamasina.
Théoriquement, le système ne devrait comporter
aucun inconvénient. La part des intrants avancés à
crédit par la KOBAMA, sur le coût total de la production du
blé ne représente qu'une partie. Cependant, la quantité de
blé, vendue à la KOBAMA par certains groupements, n'arrive pas
à payer le montant du crédit emprunté avec les
intérêts.
Outre les problèmes de grêle et de maladies qui
ont affecté les cultures de blé, bon nombre des paysans
utilisent, en effet, les intrants pour la culture maraîchère. La
production de blé reste ainsi faible.
Le crédit usurier: une histoire qui date de
longtemps
Durant toutes ces périodes, le crédit usurier
demeure toujours au sein de la population d'Ambatondrazaka. Qu'importe l'aspect
économique du système, avec le montant de l'intérêt
à payer; seuls les critères sociaux en prédominent : la
facilité d'accès, la proximité du service et la libre
utilisation de la somme empruntée.
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