B/ L'inadaptation du système par rapport aux
réalités du pays
« L'inadaptation des structures politiques africaines est
révélée à la fois par l'existence de formes d'Etat
qui ne reflètent pas les caractéristiques des
sociétés africaines et d'un appareil d'Etat »24.
Ces propos trouvent aujourd'hui toute leur véracité dans la
situation qui prévaut au Soudan. En effet La tourmente dans laquelle le
Soudan vit depuis 1956 démontre que le régime en place n'a pas
toujours trouvé un système politique adapté aux
réalités du pays. En outre pour pouvoir apprécier le
fédéralisme institué par le Front National Islamique
(FNI)25, nous nous sommes intéressés au fonctionnement
de celui-ci. Par ailleurs ce fédéralisme régit par le
décret constitutionnel de 1991 avait divisé le Soudan en 9 Etats
fédérés, qui reprennent les contours des anciennes
provinces. Ce décret sera complété par celui de 1994 qui
va désormais diviser le pays en 26 Etats
24 P F Gonidec, Les Relations Internationales
Africaines, ~Op. , Cit., p. 17
25 C'est ce front qui avait pris le pouvoir en juin
1989 et c'est lui qui gouverne toujours le Soudan avec comme chef de file le
Président Omar Al BECHIR
(voir carte p. 26). Le fédéralisme adopté
par le Soudan avait doté à chaque entité
fédérée un exécutif et une assemblée locale
:
L'Etat fédéré ou Wilaya était
gouverné par un gouverneur ou Wali, un gouverneur adjoint et des
ministres. Tous ces membres de cette administration locale étaient
nommés par le chef de l'Etat. Ils font serment d'allégeance au
régime et s'engagent à respecter les décrets
constitutionnels et la loi. Justement c'est là ou l'analyse du
fédéralisme soudanais est intéressent. En effet un
fédéralisme dans lequel les dirigeants locaux sont nommés
et non élus par les populations de la localité ne peut bien
fonctionner. Par ailleurs dans un fédéralisme l'objectif
visé est de laisser la gestion des affaires locales aux populations
elles même. Dans ce cas toute équipe venue de l'extérieur
peut être considérée comme une intruse et peut être
rejetée par la population. Ce qui peut crée des tensions entre
l'équipe dirigeante et la population locale. On se demande aujourd'hui
si ce n'est pas là où réside tout le mal du Soudan qui
semble ne pas vouloir laisser les provinces la gestion de leurs affaires alors
que le pays est fédéral. C'est pourquoi Marc Lavergne n'a pas
hésité à déclarer que « le terme d'Etat
fédéré paraît donc abusif, et na que des rapports
lointains avec les modèles auxquels il est fait référence,
comme le Canada, l'Australie, le Brésil, le Nigeria...
»26.
L'autre élément de ce fédéralisme
à la « soudanaise » c'est l'Assemblée
Représentative. En effet dans ce système chaque Wilaya est
dotée d'une Assemblée, chargée de la choura,
c'est-à-dire le « le conseil » de l'exécutif et des
fonctions législatives notamment l'adoption de textes
législatifs. Les membres de l'assemblée sont élus, promus
ou choisis selon une procédure très complexe, qui se veut une
transposition d'un « modèle islamique »27. Ces
membres s'engagent à travailler sans aucune attache partisane. La
durée des législatures est de deux ans à partir de la
première séance mais celle-ci peut être étendue
de
26 Cf. M Lavergne, le nouveau système
soudanais ou la démocratie en trompe l'oeil, Politique Africaine,
no 66, juin 1997, pp.23-38
27 Pour plus de détails Cf. M Lavergne. ,
Ibid., pp.23-38
deux ans encore par un simple décret pris par le chef
de l'Etat. Là encore le système mérite une
réflexion. En effet comment un décret présidentiel peut
prolonger le mandat des députés élus au niveau local et
sensés représentés des populations à la base. Cela
ne revient t-il pas à dire que pour la deuxième
législature les membres de l'Assemblée locale sont nommés
par le chef de l'Etat au même titre que les membres de l'exécutif
fédéral ?
En tout état de cause deux données fondamentales
semblent militer en faveur d'un système fédéral au
Soudan : c'est d'abord la superficie du pays. En effet avec 2,5 millions de
km2 le Soudan fait cinq fois la France et devient en même
temps le plus grand pays d'Afrique et du monde Arabe. C'est
ensuite la diversitédu pays. En effet avec une population aux quatre
cinquième rurales et divisée en
nombreux groupes ethniques, communautés linguistiques,
obédiences religieuses et genres de vie, le Soudan détient
aujourd'hui une donnée démographique très complexe.
Ces deux données auraient du permettre au régime
d'imaginer des réformes plus adaptées aux réalités
du pays. Cela pouvait, peut être évité la situation dans
laquelle l'Etat se baigne depuis 2003 avec notamment la crise du Darfour. Crise
qui présente aujourd'hui beaucoup d'enjeux.
![](Lunion-africaine-et-la-crise-du-darfour10.png)
SOURCE : Cf. M Lavergne, le nouveau
système soudanais ou la démocratie en trompe l'oeil,
Politique Africaine, no 66, juin 1997, pp.23-38
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