PARAGRAPHE II : UNE TENDANCE NEGLIGENTE DE LA SITUATION
AU DEPART
Les opérations de maintien de la paix des organisations
africaines créées pour résoudre les conflits africains
arrivent sur les théâtres d'opération avec beaucoup de
lacunes. En effet depuis les missions initiées par la défunte OUA
jusqu'à celles entreprises par l'actuelle U.A, deux données
fondamentales semblent laissées en rade par les décideurs
africains. Ces données peuvent être lourdes de conséquences
pour les missions de la paix durant toute leur existence. Il s'agit notamment
de l'imprécision des mandats depuis le début (A)
et l'habitude pour les dirigeants de créer une simple mission
d'observation de la paix au départ (B). La MUAS n'a pas
dérogé à cette règle.
A / l'Imprécision de la MUAS.
Les diverses interprétations que les acteurs de la
crise soudanaise font de l'intervention de l'U.A montrent bien que le CPS
n'avait pas prit au départ les précautions nécessaires
pour rendre claire les règles d'engagement de sa mission. Cependant ce
problème d'interprétation ne date pas d'aujourd'hui. En effet si
l'on se réfère à l'unique opération de maintien de
la paix créée dans
l'histoire de l'ancienne OUA, le problème y figurait
déjà. Il s'est manifesté par la controverse qui apparut
entre le Commandant de la force et le GUNT au sujet de l'interprétation
des Accords de Lagos qui contenaient le mandat de la force. En outre le
Sénégal et le Zaïre maintenaient une hostilité
manifeste à l'endroit du Président Goukouni Wedeye,
président du GUNT, qui était soupçonné d'entretenir
des rapports intimes avec le colonel Kadhafi, taxé d'impérialiste
et de communiste, et perçu comme un allié de l'ex --URSS
menaçant le pré carré français52. Ainsi
ce désaccord entre la force africaine et le GUNT en place sur
l'interprétation des Accords de Lagos à conduit cette force
d'assister impuissamment à la rupture des accords par l'une des factions
celle de Hisséne Habré, et son entrée triomphale à
Ndjaména en juin 1982.
Douze ans après, le même phénomène
s'est presque reproduit au Rwanda. En effet le déploiement du Groupe
d'observateurs militaires neutres de l'OUA en 1991 dans le but d'observer le
cessez-le-feu entre les forces gouvernementales et celles du Front Patriotique
Rwandais (FPR) n'a pas empêché le déclenchement du
génocide après l'assassinat du Président Habyarimana.
Aujourd'hui le même problème est vécu par
la MUAS au Darfour. En effet déployée à la suite de
l'Accords de cessez-le-feu de Ndjaména du 08 avril 2004, le mandat de
l'Union Africaine au Soudan n'est pas unanimement admis par les
différents acteurs de la crise. Comme en illustrent les nombreuses
attaques dont la mission fait l'objet. Les résolutions et accords en
faveur du Darfour font également l'objet de diverses
interprétations.
Le Soudan d'une part, rejetant la Rés. 1556 (2004) du
Conseil de Sécurité des Nations Unies qui a décidé
de l'imposition d'un embargo sur la fourniture d'équipements militaires
vers le Soudan et exigé du Gouvernement qu'il honore l'engagement de
désarmer les milices janjawids et de traduire en justice tous ceux qui
ont commis des violations des droits de l'homme et du droit
52 CF. M C D Wembou, L'OUA à l'aube du
XXIème siècle : Bilan Diagnostique et Perspectives, op. ,
cit. p. 295
international humanitaire. La Rés. 1591 étant
cet embargo au matériel militaire à destination de tous les
belligérants au Darfour. Toutefois l'absence de liste de ces
belligérants permet à la Chine et à la Russie de
contourner la mesure, en arguant du manque de preuves que Khartoum participe
aux attaques. D'autre part, l'Accord obtenu le 05 mai 2005 à Abuja n'a
jamais fait l'unanimité des belligérants. En effet après
cet accord intervenu entre le Gouvernement et la faction du principal mouvement
rebelles, ALS, le conflit raviva. Tout simplement parce que les rebelles
signataires de l'accord se joignirent aux forces gouvernementales pour
combattre ceux qui ont refusé d'y prendre
part. il s'agit en particulier du MJE et la
faction minoritaire du M/ ALS.
Ces différents éléments ne facilitent pas
à la MUAS de réussir son pari. En outre avec un personnel
très réduit au départ, le mandat de la MUAS était
également assis sur une coquille vide.
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