Conclusion
« La radio offre un territoire magnifique au
déploiement de l'imaginaire... » écrit
Laure Adler en 2004. L'histoire de la radio en est une preuve. Depuis son
invention par Marconi en 1895, la radio fut utilisée comme une arme de
guerre utilisant l'imaginaire. Pendant les années 30 Hitler employa la
radio pour créer une atmosphère antisémite, pour diffuser
les préjugés et les sentiments de haine contre les juifs en
Allemagne en lançant des discours enflammés contre cette
diaspora. Si la radio comme moyen de communication a été un
véhicule de peur et haine pendant l'ère nazie, elle servit aussi
de moyen pour évoquer le patriotisme et les sentiments
d'héroïsme chez les anglais. En même temps des stations
noires anglaises et allemandes furent déployées pour
générer des fausses nouvelles et répandre des idées
contradictoires. Cette époque a aussi témoigné de
l'émergence de l'art de la radio. Donc, la radio fut employée
par ceux qui la contrôlaient pour populariser des idées ou des
notions de la manière qui leur a paru la meilleure. Bref, la radio fut
le véhicule d'imagination des puissants.
En France, le mouvement des radios libres pendant les
années 80 a fait que le public avait plus de contrôle sur ce moyen
de communication. Les trois radios étudiées dans ce
mémoire, Radio Kol Hachalom (RKH), Beur FM et Radio Kaléidoscope
(RKS), ont émergé pendant cette période.
Apres avoir étudie les diffusions diverses de la RKH
comme les journaux et les émissions religieuses j'en ai conclu que les
fréquences des journaux dans cette radio la rendent
« impérialiste ». En revanche je me suis
demandée : Est-ce que cette radio reflète vraiment les
sentiments de la diaspora juive ? Est-ce que les jeunes juifs suivent la
même ligne de pensée ? Chercher les réponses à
ces questions est hors de sujet de ce mémoire.
En outre, bien que cette radio essaie de tracer l'histoire de
la diaspora juive à travers les siècles il s'agit d'une
hybridité ancienne et non moderne. Donc, ce facteur fait que cette radio
qui représente la première et la plus importante diaspora du
monde est réduite au communautarisme, ce qui est une définition
limitée de la diaspora, basée plutôt sur les craintes et
les inquiétudes qu'un peuple porte en lui lors qu'il
quitte son territoire propre. Ces faits ainsi que l'analyse de quelques
extraits de discours sur RKH me fait conclure que cette radio est le support du
sionisme.
En expliquant le terme « democratie »
l'Encyclopédia Universalis dit que « La democratie
est une valeur qui n'est pas seulement une formule d'organisation politique ou
une modalité d'aménagement de rapports. Elle est
l'inaliénable vocation des hommes à prendre en charge leur
destin, tant individuel que collectif» Si la RKH a recréé un
territoire impérialiste sur les ondes par la fréquence de
diffusions des journaux, on peut dire que le territoire recréé
par Beur FM, la radio qui représente la diaspora maghrébine porte
les valeurs « démocratiques ».
Les émissions basées sur les paroles des
anonymes, les discussions qui évoluent autour de points de vues
exprimés pendant des émissions non seulement donnent à ce
territoire maghrébin sur les ondes une structure d'houma
radiophonique il facilite aussi la diffusion de la voix et des sentiments
individuels, faisant partie de la collectivité maghrébine sur les
ondes. Et le fait que les anonymes parlent sans être censurés ou
arrêtés par les animateurs renforce ce qualificatif de Beur FM
comme radio démocratique.
Cependant, c'est Radio Kaléidoscope qui tente de
comprendre l'hybridité et la mixité de la diaspora de toutes les
manières possibles. L'extrait affiché dans ce mémoire en
est une preuve. Toutes les émissions de Radio Kaléidoscope
essaient de mieux comprendre les diasporas, leurs histoires, leurs parcours,
leurs inquiétudes et leur insertion dans la société
française. Comme son nom l'indique Radio Kaléidoscope
réussit à présenter les diasporas diverses non seulement
en Isère mais aussi en France. Comme Radio Kaléidoscope est un
des créateurs des émissions pour l'EPRA nous entendons
presque chaque jour un entretien ou une émission sur des diasporas d'une
autre région de France. En plus, pendant un cycle de 24 heures nous
entendons parler en plusieurs langues : 3, 4 voire plus. Alors que la
plupart des émissions de cette radio sont en français, l'Espagnol
est la langue des émissions diffusées à 11 heure du lundi
au vendredi; nous entendons des chansons en anglais pendant la diffusion
d'émission sur les musiques américaines et pendant les
émissions Tam-Tam d'Afrique et Sur les Rives de Fleuves
Congo nous entendons des chansons dans des langues africaines.
Mais au niveau des présentations radiophoniques il
reste beaucoup de choses à améliorer sur Radio
Kaléidoscope. Tantôt l'auditeur entend annoncer des
émissions qui ne sont pas ensuite diffusées. Tantôt
l'émission ne commence pas à l'heure. La répétition
des chansons sont un défaut qui touche non seulement RKS mais aussi RKH,
en entendant ces deux radios nous avons l'impression que les animateurs ne
changent pas les chansons pendant plusieurs mois.
Au contraire, nous entendons de la musique vivante du Maghreb
sur Beur FM. Cependant, le rythme et la fréquence de diffusion de cette
musique donne à cette radio un caractère bruyant et agressif.
Cette importance donnée à la musique fait que la radio ne donne
pas assez d'attention aux actualités qui proviennent du monde arabe.
Ces actualités bien qu'elles soient présentées pendant les
flashes, qui sont eux-mêmes éclipsés par cette musique
forte, ne sont pas développées pendant la journée.
L'émission Forum Débat sur Beur FM préfère
donner plus d'importance aux vies et à la politique des
maghrébins en France plutôt qu'au Maghreb. Il n'en est pas de
même pour Radio Kol Hachalom, qui tente de présenter la politique
et l'économie d'Israël dans des émissions comme
Israël Start Up et pour Radio Kaléidoscope qui
présente et discute les thèmes politiques d'Amérique
Latine.
Allen S Weiss dans son livre Experimental Sound and
Radio (2001), constate la diversité de la radio :
Il n'y a pas une seule identité qui constitue
« la radio », plutôt il existe une multitude de
radios. La radiophonie est un domaine hétérogène au niveau
de ses appareils, de ses pratiques, de ses formes et de ses utopies...
Une esquisse, brève et nécessairement
incomplète va nous rendre compte de quelques tendances qui ne sont pas
principales et nous donner une idée de sa diversité. F. T
Marinetti - imagination sans fil et la radio futuriste - Velimir Khlebnikov-
utopie révolutionnaire et la fusion de l'humanité ; Leon
Trotsky - Radio révolutionnaire ; Dziga Vertov - agit-prop et
la «L' oeil de la radio » ; Upton Sinclair-
télépathie et la radio mentale ; Bertolt Brecht - radio
interactive et communication publique ; Rudolf Arnheim-
spécificité radiophonique et critique de l'imagination
visuelle ; les radios narratives labyrinthiques de Hörspiel ;
Coupes et destruction de la communication de William Boroughs ; Glenn
Gould -perfectionnisme du studio et
«radio contrapuntique » ; Marshall Mcluhan -
l'extension du système nerveux central ; la diversité des
radios communautaires ; radios libres, radios guérillas ;
radio pirate ; radio radicale....
Ainsi, chaque « radio »
détermine un monde idéal, bien que quelques uns de ces domaines
abordent explicitement les thèmes d'utopie et de dystopie...
Dans le contexte de cette observation nous pouvons conclure
que les trois radios locales grenobloises en contribuant à la
diversité radiophonique au niveau sonore et variétés des
émissions aussi représentent l'utopie comme imaginée par
leurs créateurs. Alors que RKH construit son monde idéal du
sionisme sur les ondes, Beur FM reconstruit son houma comme
imaginée et mémorisée par les créateurs de cette
radio et Radio Kaléidoscope récrée sur les ondes la France
idéale et actuelle où se mêlent les différentes
identités mondiales avec leurs singularités.
Fin
|