Introduction
Cette étude vise à mieux comprendre les trois
diasporas ; juive, maghrébine, et d'Afrique sub-saharienne et les
manières dont elles s'expriment dans l'espace médiatique
français. Je trouve que cet acte de communication est non seulement un
effort vers la diffusion de l'information à propos de la diaspora, mais
c'est aussi un processus par lequel chacun affirme son identité sur
les ondes. Pour ce faire, nous nous sommes penché tout d'abord sur la
notion de territoire.
Selon le dictionnaire Le Robert, dictionnaire de la langue
française le mot « territoire » a trois
significations. Le premier : « étendue de la surface
terrestre sur laquelle vit un groupe humain ; une collectivité
politique nationale, pays, nation, parfois état» ; le
deuxième «Etendue de pays sur laquelle s'exerce une
autorité, une juridiction » ; le
troisième « Etendue de pays qui jouit d'une
personnalité propre mais ne constitue pas un Etat
souverain ».
Mais quand un individu ou un groupe quitte ce territoire pour un
autre, la mémoire de son propre territoire reste toujours en lui.
Eloignés de leurs territoires d'origine les étrangers commencent
à construire leur territoire imaginaire sur le territoire d'accueil. En
effet, il y a d'un côté les lieux ou territoires d'origine, qui
sont parfois des «patries perdues», avec lesquels une population
diasporique s'efforce de maintenir un lien ne serait-ce qu'imaginaire. Et il y
a le territoire d'installation ou d'accueil, étranger par
définition, mais dans lequel les communautés diasporiques
cherchent un ancrage territorial à l'aide de marqueurs, ou en
créant des micro-territoires se référant à la
mémoire du territoire d'origine (Bruneau, 2006).
Décrivant la notion de l'imaginaire national Benedict
Anderson écrit que l'idée du nationalisme est un imaginaire
« parce que même les plus petites des nations ne
connaîtront jamais la plupart de leur concitoyens : jamais ils ne les
croiseront ni ne les entendront parler d'eux, bien que dans l'esprit de chacun
vive l'image de leur communion...Les communautés se distinguent, non par
leur fausseté ou leur authenticité mais par le styles dans lequel
elles sont imaginées ». Alors qu'Anderson parle de
phénomène du nationalisme dans le pays, ce sentiment du
nationalisme peut se transporter avec les peuples qui quittent leur territoire
propre pour un autre.
Si les magasins, les écoles, les monuments et les
bâtiments construits par des membres de la diaspora sont
considérés comme des « ancres
territoriales », les arts, spectacles, cinéma,
médias, littérature offrent l'espace pour le déroulement
de l'imaginaire de la diaspora. Les films de la diaspora indienne demeurant aux
Etats-Unis et en Angleterre sont une preuve de ce phénomène. En
France, les écrivains d'origine Afrique sub-saharienne expriment leur
expérience dans la diaspora. Un territoire imaginaire ou se manifestent
leur identité, leur mémoire des «patries perdues »
ainsi que leurs conflits, leurs tensions et leur insertion dans leur territoire
d'accueil. Dans ce territoire la diaspora réinvente ses coutumes, les
manières de son pays d'origine par ses couleurs, ses
présentations, ses paroles. Cette réinvention est basée
sur la connaissance et la mémoire des membres de la diaspora. La plupart
du temps elle réussit à créer un territoire auquel tous
les peuples de la diaspora peuvent s'identifier, appartenir et participer.
Ce mémoire explore les manières dont les diasporas
juives, maghrébines et d'Afrique sub-saharienne de la région
iséroise construisent leur territoire imaginaire sur trois radios
diffusant à Grenoble ; Radio Kol Hachalom, Beur FM, et Radio
Kaléidoscope. Alors qu'il existe une diaspora italienne à
Grenoble qui se diffuse par la Radio italienne, je ne la retiens pas dans mon
étude en raison des limitations linguistiques que je me suis
donnée.
Dans le premier chapitre nous étudierons la question des
représentations mentales comme facteurs de la construction de
stéréotypes relatifs aux immigrés issus de pays autrefois
colonisés. Vivant dans un territoire différent de celui de leur
origine ces peuples sont confrontés au dilemme de leur
représentation pour eux-mêmes et pour les citoyens ou le pays qui
les accueille. Alors qu'ils voudraient garder les symboles, les habitudes et
les coutumes qui définissent leur singularité, ces mêmes
éléments deviennent les moyens par lesquels ils sont
identifiés ou séparés par les habitants du pays d'accueil.
Dans ce processus ils construisent un stéréotype qui sert
à communiquer leur culture aux autres. De leur côté les
habitants du pays d'accueil basent leur perception de cet étranger sur
leurs idées réelles ou imaginaires, ce qui peut les conduire
à la méconnaissance ou à une augmentation de
préjugés et construire un stéréotype
négatif par rapport à l'autre.
Dans le deuxième chapitre, j'élabore les
idées qui ont construit les stéréotypes de la diaspora
juive; la politique fasciste et le développement de la radio.
J'observerai la radio - média puissant pendant cette période
marquée par la deuxième guerre mondiale, comme un art ainsi qu'un
vecteur de communication et d'expérimentation de ces
représentations.
Le troisième chapitre de ce mémoire aborde
le thème de la diaspora et fait une esquisse des trois diasporas qui
nous concernent : juive, maghrébine et d' Afrique
sub-saharienne.
Il est facile de catégoriser tous les individus et
groupes qui quittent leur territoire d'origine pour s'installer dans un autre
comme « des immigrés », selon Simone Bonnafous le
terme « immigré » est un participe passé qui
exprime un état autant que le résultat d'une action.
Officiellement, l'immigré n'est pas forcement un étranger, ni
même un travailleur homme, puisqu'il y a parmi eux des femmes et des
enfants. Parlant de la France elle écrit que l'immigré peut
être français si l'on prend l'exemple des harkis, des Antillais ou
des jeunes français issus de l'immigration. L'immigré peut
également ne jamais avoir immigré s'il fait partie de la
deuxième ou de la troisième génération issue de
l'immigration.
Considérant les limitations du mot
« immigré » pour décrire une
communauté qui a laissé son territoire et s'est installé
dans un autre pour une période longue, je préfère
l'utilisation du terme « diaspora » qui tient compte du
fait de l'amalgame des étrangers dans la société
d'accueil ainsi que des enfants qui sont nés dans le nouveau territoire.
La France a reçu des immigrés de plusieurs pays
depuis le début de ce siècle. Après la première
guerre mondiale la France a accueilli de la main d'oeuvre provenant
d'Allemagne, de Belgique, de Pologne, d'Italie, d'Algérie, de
Tunisie et du Maroc pour travailler dans les mines et les industries.
Après la deuxième guerre mondiale la France, surtout la
région de l'Isère fut la terre d'accueil non seulement de main
d'oeuvre mais aussi de dissidents politiques de pays européens comme
l'Espagne, le Portugal et la Grèce. En Isère, cette forte
présence de travailleurs espagnols, portugais ou grecs permit aux
immigrés politiques de trouver un milieu d'accueil (Barou, 2001). A
défaut de chiffres statistiques on peut dire « Beaucoup parmi
eux » sont arrivés à Grenoble attirés par ses
universités. Après 1973 l'Isère accueillit des
Latino-Américains, surtout des Chiliens qui fuyaient la
répression menée par le régime de Pinochet. A partir de
1975, l'Isère connût le flux d'arrivée de ressortissants
des trois pays du Sud-Est Asiatique touchés par les conséquences
des changements de régimes. Des ressortissants du Vietnam, du Laos, et
du Cambodge s'installent à Cognin-les-Gorges. Cette immigration
historique explique la présence de plusieurs diasporas en Isère.
Actuellement, Grenoble continue à attirer les étrangers en tant
qu'étudiants et chercheurs scientifiques.
Ensuite, dans le quatrième et dernier chapitre
commençant avec un compte-rendu du paysage radiophonique en France, je
présente mon analyse des trois radios grenobloises que j'ai retenues
comme sources pour cette étude. Je commence chaque section par une
description suivie par une analyse de la construction des identités
juives, maghrébines, et d'Afrique sub-saharienne à travers leurs
radios respectives : Radio Kol Hachalom, Beur FM, et Radio
Kaléidoscope. Je tente de présenter dans ce chapitre la
manière dont ces trois diasporas iséroises réinventent
leur identité comme un peuple et une société sur les
ondes, et par ce moyen construisent leur territoire ou manifestent leur
singularité, leurs inquiétudes et les repères de leur
intégration en France. En même temps j'essaie de
décrire l'utilisation de la radio comme un moyen de communication pour
ces communautés à travers l'emploi de sons, de musiques et de
paroles qui leur sont familiers.
Méthodologie
Les principales sources
Alors que ce mémoire a commencé dans le but
à mieux comprendre « la représentation des
immigrés sur les radios communautaires » il a
évolué avec chaque document que j'ai lu sur la voix, les
identités, le son et la représentation. Ayant fait des
études d'histoire le connaissais les idées d'Orientalisme
d'Edward Said. J'ai pensé que ces idées seront utiles pour mieux
décrire la représentation des communautés qui viennent de
pays autrefois colonisés.
Le deuxième document qui a influencé ce
mémoire est « Territoires de la Voix » par
Patrick Berthier dans Médiation et Information » n° 8,
1998, dans lequel il postule que la voix se présente, comme un
domaine, un ensemble de « territoires » susceptibles
d'invasions, de colonialismes et de remodelages, de résistance aussi.
Ayant lu ce document j'ai élargi mon propos et décidé de
considérer les ondes comme une voix amplifiée où demeurent
les territoires divers. Ensuite j'ai essayé de superposer l'idée
de l'imaginaire national développé par Benedict Anderson dans son
livre : L'imaginaire national : Réflexions sur l'origine
et l'essor du nationalisme. Tout cela m'a conduit à traiter mon
sujet sous le titre suivant : La construction de territoire imaginaire
par et pour les diasporas à travers trois radios locales grenobloises.
Les méthodes
Enregistrement des émissions
J'ai constitué un corpus d'étude par
l'écoute de la radio et l'enregistrement des émissions sur des
cassettes. Les enregistrements sont faits sur l'appareil de la marque Blue Sky
Numéro BXC61 sur les cassettes TDK IEC/TYPE I, ainsi que grâce aux
émissions transférées par Manuel Laversanne de la Radio
Kaléidoscope, sur ma clé USB. J'ai 250 heures d'enregistrement,
auxquelles 100 heures (environs) appartiennent a la Radio Kaléidoscope
( + 50 heures avec des émissions transfert par Manu), 100 heures
(environs) a la Radio Kol Hachalom et 50 heures (environs) a la Beur FM.
Analyse
Les paramètres d'analyse donnés par M. Luiz Busato
étaient utiles pour comprendre et classifier les aspects des sons, des
paroles. Je joins une feuille de tabulations faites pendant l'écoute
des émissions.
Les principales difficultés rencontrées ont
été
1 le manque de livres et de documents par rapport à
l'analyse sonore. J'ai eu de la peine à en trouver quelques uns. La
plupart des documents sur l'art de la radio ont été
trouvés en ligne.
2 Les émissions qui n'ont pas commencé
à l'heure ou qui n'étaient pas diffusées comme attendu,
surtout sur Radio Kaléidoscope et Radio Kol Hachalom.
3. Je n'ai eu aucun problème pour établir le
contact avec RKS et Beur FM. L'équipe de RKS était
tolérante bien que j'y sois allée sans rendez-vous. Pour Beur
FM, lorsque M. Nacer Kettane le fondateur de la radio a reçu ma lettre
demandant des renseignements, il m'a appelé et me les a fournis. Au
contraire, l équipe de la Radio Kol Hachalom n'a jamais répondu
à mes courriels. Quand je les appelais, il se disaient trop
occupés et c'est après plusieurs coups de fil que j'ai pu avoir
des informations à propos de leurs studios et de leurs financements.
Selon mon hypothèse l'équipe de cette radio n'est pas ouverte aux
questions qui viennent hors de leur réseau propre.
|