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La construction de territoires imaginaires par et pour les diasporas à  travers trois radios locales grenobloises

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par Elsa Mathews
Université Stendhal - CoMundus: Media, Communication and Cultural Studies 2010
  

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La construction de territoire imaginaire par et pour les diasporas à travers trois radios locales grenobloises

Introduction

Cette étude vise à mieux comprendre les trois diasporas ; juive, maghrébine, et d'Afrique sub-saharienne et les manières dont elles s'expriment dans l'espace médiatique français. Je trouve que cet acte de communication est non seulement un effort vers la diffusion de l'information à propos de la diaspora, mais c'est aussi un processus par lequel chacun affirme son identité sur les ondes. Pour ce faire, nous nous sommes penché tout d'abord sur la notion de territoire.

Selon le dictionnaire Le Robert, dictionnaire de la langue française le mot « territoire » a trois significations. Le premier : « étendue de la surface terrestre sur laquelle vit un groupe humain ; une collectivité politique nationale, pays, nation, parfois état» ; le deuxième «Etendue de pays sur laquelle s'exerce une autorité, une juridiction » ; le troisième « Etendue de pays qui jouit d'une personnalité propre mais ne constitue pas un Etat souverain ».

Mais quand un individu ou un groupe quitte ce territoire pour un autre, la mémoire de son propre territoire reste toujours en lui. Eloignés de leurs territoires d'origine les étrangers commencent à construire leur territoire imaginaire sur le territoire d'accueil. En effet, il y a d'un côté les lieux ou territoires d'origine, qui sont parfois des «patries perdues», avec lesquels une population diasporique s'efforce de maintenir un lien ne serait-ce qu'imaginaire. Et il y a le territoire d'installation ou d'accueil, étranger par définition, mais dans lequel les communautés diasporiques cherchent un ancrage territorial à l'aide de marqueurs, ou en créant des micro-territoires se

référant à la mémoire du territoire d'origine. (Bruneau, 2006).

Décrivant la notion de l'imaginaire national Benedict Anderson écrit que l'idée du nationalisme est un imaginaire « parce que même les plus petites des nations ne connaîtront jamais la plupart de leur concitoyens : jamais ils ne les croiseront ni ne les entendront parler d'eux, bien que dans l'esprit de chacun vive l'image de leur communion...1Les communautés se distinguent, non par leur fausseté ou leur authenticité mais par le styles dans lequel elles sont imaginées2 ». Alors qu'Anderson parle de phénomene du nationalisme dans le pays, ce sentiment du nationalisme peut se transporter avec les peuples qui quittent leur territoire propre pour un autre.

Si les magasins, les écoles, les monuments et les bâtiments construits par des membres de la diaspora sont considérés comme des « ancres territoriales »3, les arts, spectacles, cinéma, médias, littérature offrent l'espace pour le déroulement de l'imaginaire de la diaspora. Les films de la diaspora indienne demeurant aux Etats-Unis et en Angleterre sont une preuve de ce phénomène4. En France, les écrivains d'origine Afrique sub-saharienne expriment leur expérience dans la diaspora5. Un territoire imaginaire ou se manifestent leur identité, leur mémoire des «patries perdues » ainsi que leurs conflits, leurs

1

Benedict Anderson : L'Imaginaire National : Réflexions sur l'origine et essor du nationalisme ; La Découverte/Poche p. 19.

2 Ibid p20

3 Michel Bruneau : Les territoires de l'identité et la mémoire collective dans Espace Géographique 2006/4 À Tome 35. Disponible sur www.cairn.info.

4

Pendant la décennie il y a plusieurs films provenant de la diaspora indienne reflétant les dilemmes et les conflits de la diaspora indienne à étranger. Les plus connus sont Bend It Like Beckham basé sur la diaspora indienne qui vit en Angleterre et The Namesake/Un nom pour un autre basée sur la diaspora indienne aux Etats Unis.

5 Malela B Buata : Les écrivains de la diaspora africaine francophones en France dans Contextes ; Juillet 2010. Disponible sur www.contextes.revues.org.

tensions et leur insertion dans leur territoire d'accueil. Dans ce territoire la diaspora réinvente ses coutumes, les manières de son pays d'origine par ses couleurs, ses présentations, ses paroles. Cette réinvention est basée sur la connaissance et la mémoire des membres de la diaspora. La plupart du temps elle réussit à créer un territoire auquel tous les peuples de la diaspora peuvent s'identifier, appartenir et participer.

Ce mémoire explore les manières dont les diasporas juives, maghrébines et d'Afrique sub-saharienne de la région iséroise construisent leur territoire imaginaire sur trois radios diffusant à Grenoble ; Radio Kol Hachalom, Beur FM, et Radio Kaléidoscope. Alors qu'il existe une diaspora italienne à Grenoble qui se diffuse par la Radio italienne, je ne la retiens pas dans mon étude en raison des limitations linguistiques que je me suis donnée.

Dans le premier chapitre nous étudierons la question des représentations mentales comme facteurs de la construction de stéréotypes relatifs aux immigrés issus de pays autrefois colonisés. Vivant dans un territoire différent de celui de leur origine ces peuples sont confrontés au dilemme de leur représentation pour eux-mêmes et pour les citoyens ou le pays qui les accueille. Alors qu'ils voudraient garder les symboles, les habitudes et les coutumes qui définissent leur singularité, ces mêmes éléments deviennent les moyens par lesquels ils sont identifiés ou séparés par les habitants du pays d'accueil. Dans ce processus ils construisent un stéréotype qui sert à communiquer leur culture aux autres. De leur côté les habitants du pays d'accueil basent leur perception de cet étranger sur leurs idées réelles ou imaginaires, ce qui peut les conduire à la méconnaissance ou à une augmentation de préjugés et construire un stéréotype négatif par rapport à l'autre.

Dans le deuxième chapitre, j'élabore les idées qui ont construit les stéréotypes
de la diaspora juive; la politique fasciste et le développement de la radio.

J'observerai la radio À média puissant pendant cette période marquée par la deuxième guerre mondiale, comme un art ainsi qu'un vecteur de communication et d'expérimentation de ces représentations.

Le troisième chapitre de ce mémoire aborde le thème de la diaspora et fait une esquisse des trois diasporas qui nous concernent : juive, maghrébine et d' Afrique sub-saharienne.

Il est facile de catégoriser tous les individus et groupes qui quittent leur territoire d'origine pour s'installer dans un autre comme « des immigrés », selon Simone Bonnafous le terme « immigré » est un participe passé qui exprime un état autant que le résultat d'une action. Officiellement, l'immigré n'est pas forcement un étranger, ni même un travailleur homme, puisqu'il y a parmi eux des femmes et des enfants. Parlant de la France elle écrit que l'immigré peut être français si l'on prend l'exemple des harkis6, des Antillais ou des jeunes français issus de l'immigration. L'immigré peut également ne jamais avoir immigré s'il fait partie de la deuxième ou de la troisième génération issue de l'immigration.7

Considérant les limitations du mot « immigré » pour décrire une communauté qui a laissé son territoire et s'est installé dans un autre pour une période longue, je préfère l'utilisation du terme « diaspora » qui tient compte du fait de l'amalgame des étrangers dans la société d'accueil ainsi que des enfants qui sont nés dans le nouveau territoire.

6 Le terme «Harki » tiré de l'Arabe harka (mouvement), s'applique aux soldats de certaines unités supplétives autochtones de l'Algérie engagées avec l'armée française, contre la rébellion indépendantiste de 1954 à 1962 : Source Encylopédia Universalis.

7 Yvan Gastaut : L'immigré dans l'opinion publique : Algérien, du migrant au clandestin (1960-1990) dans Migrations Société ; Espace politique et immigration Revue de presse (Italie) Vol 6, N° 36, Novembre-Décembre 1994

La France a reçu des immigrés de plusieurs pays depuis le début de ce siècle. Après la premiere guerre mondiale la France a accueilli de la main d'oeuvre provenant d'Allemagne, de Belgique, de Pologne, d'Italie, d'Algérie, de Tunisie et du Maroc pour travailler dans les mines et les industries8. Après la deuxième guerre mondiale la France, surtout la région de l'Isère fut la terre d'accueil non seulement de main d'oeuvre mais aussi de dissidents politiques de pays européens comme l'Espagne, le Portugal et la Grèce. En Isère, cette forte présence de travailleurs espagnols, portugais ou grecs permit aux immigrés politiques de trouver un milieu d'accueil (Barou, 2001). A défaut de chiffres statistiques on peut dire « Beaucoup parmi eux » sont arrivés à Grenoble attirés par ses universités. Après 1973 l'Isère accueillit des LatinoAméricains, surtout des Chiliens qui fuyaient la répression menée par le régime de Pinochet. A partir de 1975, l'Isère connüt le flux d'arrivée de ressortissants des trois pays du Sud-Est Asiatique touchés par les conséquences des changements de régimes. Des ressortissants du Vietnam, du Laos, et du Cambodge s'installent à Cognin-les-Gorges. Cette immigration historique explique la présence de plusieurs diasporas en Isère. Actuellement, Grenoble continue à attirer les étrangers en tant qu'étudiants et chercheurs scientifiques.

Ensuite, dans le quatrième et dernier chapitre commençant avec un compterendu du paysage radiophonique en France, je présente mon analyse des trois radios grenobloises que j'ai retenues comme sources pour cette étude. Je commence chaque section par une description suivie par une analyse de la construction des identités juives, maghrébines, et d'Afrique sub-saharienne à travers leurs radios respectives : Radio Kol Hachalom, Beur FM, et Radio Kaléidoscope. Je tente de présenter dans ce chapitre la manière dont ces trois diasporas iséroises réinventent leur identité comme un peuple et une société sur

8 Gérard Noiriel ; L'histoire de l'immigration en France : Note sur un enjeu dans Actes de la recherche en Sciences Sociales,1984, Volume 54. Disponible sur www.persee.com

les ondes, et par ce moyen construisent leur territoire ou manifestent leur singularité, leurs inquiétudes et les repères de leur intégration en France. En même temps j'essaie de décrire l'utilisation de la radio comme un moyen de communication pour ces communautés à travers l'emploi de sons, de musiques et de paroles qui leur sont familiers.

Méthodologie

Les principales sources

Alors que ce mémoire a commencé dans le but à mieux comprendre « la représentation des immigrés sur les radios communautaires » il a évolué avec chaque document que j'ai lu sur la voix, les identités, le son et la représentation. Ayant fait des études d'histoire le connaissais les idées d'Orientalisme d'Edward Said. J'ai pensé que ces idées seront utiles pour mieux décrire la représentation des communautés qui viennent de pays autrefois colonisés.

Le deuxième document qui a influencé ce mémoire est « Territoires de la Voix » par Patrick Berthier dans Médiation et Information » n° 8, 1998, dans lequel il postule que la voix se présente, comme un domaine, un ensemble de « territoires » susceptibles d'invasions, de colonialismes et de remodelages, de résistance aussi. Ayant lu ce document j'ai élargi mon propos et décidé de considérer les ondes comme une voix amplifiée où demeurent les territoires divers. Ensuite j'ai essayé de superposer l'idée de l'imaginaire national développé par Benedict Anderson dans son livre : L'imaginaire national : Réflexions sur l'origine et l'essor du nationalisme. Tout cela m'a conduit à traiter mon sujet sous le titre suivant : La construction de territoire imaginaire par et pour les diasporas à travers trois radios locales grenobloises.

Les méthodes

Enregistrement des émissions

J'ai constitué un corpus d'étude par l'écoute de la radio et l'enregistrement des
émissions sur des cassettes. Les enregistrements sont faits sur l'appareil de la
marque Blue Sky Numéro BXC61 sur les cassettes TDK IEC/TYPE I, ainsi que

grâce aux émissions transférées par Manuel Laversanne de la Radio Kaléidoscope, sur ma clé USB. J'ai 250 heures d'enregistrement, auxquelles 100 heures (environs) appartiennent a la Radio Kaléidoscope ( + 50 heures avec des émissions transfert par Manu), 100 heures (environs) a la Radio Kol Hachalom et 50 heures (environs) a la Beur FM.

Analyse

Les paramètres d'analyse donnés par M. Luiz Busato étaient utiles pour comprendre et classifier les aspects des sons, des paroles. Je joins une feuille de tabulations faites pendant l'écoute des émissions.

Les principales difficultés rencontrées ont été

1 le manque de livres et de documents par rapport à l'analyse sonore. J'ai eu de la peine à en trouver quelques uns. La plupart des documents sur l'art de la radio ont été trouvés en ligne.

2 Les émissions qui n'ont pas commencé à l'heure ou qui n'étaient pas diffusées comme attendu, surtout sur Radio Kaléidoscope et Radio Kol Hachalom.

3. Je n'ai eu aucun problème pour établir le contact avec RKS et Beur FM. L'équipe de RKS était tolérante bien que j'y sois allée sans rendez-vous. Pour Beur FM, lorsque M. Nacer Kettane le fondateur de la radio a reçu ma lettre demandant des renseignements, il m'a appelé et me les a fournis. Au contraire, l équipe de la Radio Kol Hachalom n'a jamais répondu à mes courriels. Quand je les appelais, il se disaient trop occupés et c'est après plusieurs coups de fil que j'ai pu avoir des informations à propos de leurs studios et de leurs financements. Selon mon hypothèse l'équipe de cette radio n'est pas ouverte aux questions

qui viennent hors de leur réseau propre.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery