Sciences et Politiques institutionnelles au Burkina Faso: élaboration et réformes de la Constitution de la IVème République( Télécharger le fichier original )par G. Jean Luc ZONGO Université Ouaga II Burkina Faso - DEA sciences politiques 2011 |
Section II : Qu'est-ce que les sciences ?A l'article science, le Littré donne onze (11) définitions. Ce qui montre à quel point le mot n'est pas univoque. Mais cette vertigineuse polysémie, embarrassante à première vue, n'est qu'apparente. Au fond, la plupart de ces définitions cavalent sur un terme central : la « connaissance » ou son synonyme le « savoir ». La variété de ces définitions semble tenir à ce que le Littré perçoit plusieurs types de science qui se distinguent aussi bien par l'objet que par le moyen de connaître ou même par l'auteur de la science. Ainsi, voit-on tour à tour le mot science signifier « connaissance qu'on a de quelque chose », « savoir » acquis par « la lecture et la méditation », et « science du coeur » comme « connaissance des sentiments », « science de simple intelligence », « de vision », « moyenne » ou « infuse » pour désigner, en théologie, les différentes façons dont on croit que Dieu connait, etc. Mais dans la série des définitions données, une seule nous séduit définitivement en ce qu'elle rapporte l'acception généralement entendue aujourd'hui au sujet du mot « science »: « ensemble, système de connaissances sur une matière ». A la question « qu'est-ce que les sciences », on pourra donc provisoirement dire que c'est « l'ensemble des connaissances » qui existent pour chaque « matière » mais uniquement des connaissances vraies. Il se pose alors un autre problème tenant au fait que nous avons ajouté le mot « vrai ». Alors, qu'est-ce que le « vrai » ? Selon Aristote, « dire de l'Être qu'il est et du Non-Être qu'il n'est pas, c'est le vrai » ou d'après une autre traduction, « dire que ce-qui-est, est, et que ce-qui-n'est-pas, n'est pas, est vrai »30(*). Donc les sciences qui se rapportent aux connaissances vraies sont les sciences dont les énoncés sont en « accord » avec « ce qui est ». Elles disposent d'une démarche particulière, d'une méthode qui leur permet de vérifier dans les faits ce qu'elles énoncent dans leurs hypothèses. Ce qui caractérise donc les sciences ainsi entendues, c'est leur méthode. À ce stade de la cogitation, on aperçoit deux sens au mot science. En premier lieu, la science est une activité de recherche méthodique. En deuxième lieu, c'est le savoir que produit une telle activité. D'où la distinction que Paul de Bruyne établit entre « Forschung » (recherche) et «Wissenschaft » (savoir). Ainsi, dans le premier sens, « la science est un mode de production de connaissances dont la finalité première est d'explorer, de comprendre et d'expliquer "ce qui est"31(*) ». Selon cet auteur, l'activité scientifique se distingue des autres modes de connaissances par l'acquisition d'un « certain type de savoir (théorique) et par l'élaboration de certaines normes ou procédures d'investigation du réel (par la logique de la découverte), de validation (logique de la preuve) et de communication des résultats (logique de l'exposition)32(*) ». Dans le deuxième sens, c'est l'ensemble des connaissances ainsi produites dans un domaine donné. C'est ce dernier sens qui va prévaloir dans ce travail. Un auteur du nom de A. C. Crombie, a soutenu qu'il y avait six styles de pensée scientifique : la postulation mathématique, l'exploration expérimentale, la modélisation hypothétique, la classification taxinomique, l'analyse statistique, et enfin la dérivation historico-génétique33(*). Chacun de ces six styles peut donc produire des connaissances scientifiques. Si nous avons préféré mettre sciences au pluriel, c'est afin de marquer que toutes ces manières scientifiques de penser peuvent être concernées, quoique, en ce qui concerne les politiques institutionnelles, il y en ait qui soient parfois plus sollicitées que d'autres. Dans les limbes des institutions, dans leur laboratoire ou leur usine de fabrique, aucune science n'est ainsi d'office exclue. Dans leurs relations avec la société, ces sciences peuvent prendre la forme de l'expertise, que Céline Granjou définit comme « comme l'intégration de savoirs scientifiques dans un processus de décision politique34(*) » ou autre. Dans le processus de décision politique, elle peut être interne, c'est-à-dire provenir de structures intégrées à l'État ou externe, c'est-à-dire d'experts qui lui sont extérieurs. * 30 Aristote, Métaphysique G, 1011b25 (trad. Tricot, Vrin, 1974, p. 235). Cité par Hacking I., « Vrai », les valeurs et les sciences, Actes de la recherche en sciences sociales 2002/2, 141, p. 13-20. * 31 P. De Bruyne, Politique de la connaissance. Analyse des enjeux et décisions, Bruxelles, De Boeck Université, p. 11; * 32Ibid. p. 11 * 33 A. C. Crombie, Styles of Scientific Thinking in the European Tradition, Londres, Duckworth, 3 t., 1994, cite par Hacking I., « Vrai », les valeurs et les sciences, op.cit. * 34 Granjou C., L'expertise scientifique à destination politique, Cahiers internationaux de sociologie 2003/1, n° 114, p.175 |
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