PARAGRAPHE 2 : Revue de littérature théorique
et empirique
A. Littérature théorique
La revue de littérature théorique comprend deux
parties. La première aborde les réflexions sur la
réduction des coûts induite par la naissance des
intermédiaires financiers dont les banques. La seconde, apprécie
l'intervention des banques sur le marché financier et analyse pour finir
le sens de la causalité développement financier et
développement économique.
1. Les banques et la réduction des coûts
L'existence des imperfections sur le marché justifie la
présence des intermédiaires financiers. En effet, sur un
marché de capitaux parfait dans lequel les agents effectuent sans
coûts et sans limites tous les prêts et emprunts souhaités,
l'intermédiation financière ne pourrait être
justifiée. La naissance des intermédiaires financiers vient donc
pallier à un problème de coût, si bien qu'elle est
liée à un gain d'efficience, de productivité et contribue
de ce fait à la croissance économique.
Les imperfections rencontrées sur le marché sont de
trois ordres :
Premièrement, il s'agit des coûts de transactions
auxquels doivent faire face prêteurs et emprunteurs. Parmi ces
coûts, nous distinguons les coûts de recherche, de mise en examen
du projet par le prêteur, le suivi du projet ou monitoring et les
coûts de mise en application. Ces coûts individuels sont d'autant
plus élevés que l'activité des intermédiaires
financiers est nécessaire. En effet, les intermédiaires
financiers bénéficient d'économies d'échelles
grâce à leur taille, ce qui contribue pour beaucoup à
baisser les coûts individuels entre prêteurs et investisseurs.
La deuxième imperfection, réside dans
l'incomplétude des contrats. Il est difficile de formuler des contrats
bilatéraux qui tiennent compte de tous les états de la nature.
Cette situation justifie en partie l'activité de transformation des
actifs financiers développée par les intermédiaires
financiers qui en contrepartie d'une commission offrent une
variété de service de transformation d'actifs.
La troisième imperfection émane des
asymétries d'information susceptibles d'intervenir entre prêteurs
et emprunteurs. Au nom de ces asymétries, nous pouvons citer les
asymétries :
Ex ante, avant la signature du contrat, provenant de la
difficulté à déterminer parmi les projets soumis, les plus
rentables. Cette difficulté à choisir les meilleurs projets peut
créer des problèmes de sélection adverse. Selon Leland et
Pyle (1977), c'est l'asymétrie ex ante qui justifie la création
des intermédiaires financiers.
Pendant le contrat, l'emprunteur peut effectuer une
activité plus risquée que celle préalablement
indiquée au prêteur, en ce sens que la seule observation de ses
revenus ne renseigne pas le prêteur si le contrat est dûment
respecté. Ces problèmes ont été qualifiés
d'aléa moral.
Ex post, des problèmes d'opportunisme peuvent survenir
à cause de l'emprunteur enclin à déclarer des revenus
inférieurs pour minimiser ses remboursements. Ce fait justifie
l'activité de production d'information des intermédiaires
financiers dont les banques. Les banques disposent d'information
privilégiée sur les entreprises qu'elles ne sauraient divulguer.
Ce qui n'est pas le cas sur le marché financier. En effet, pour
bénéficier d'un prêt ou lever des fonds
sur le marché, l'entreprise doit s'ouvrir et livrer au
marché ses informations privées au risque de perdre des parts de
marché à cause de la concurrence. A cet effet, le marché
est plus favorable aux grandes entreprises ayant une bonne réputation
selon Diamond (1991), ou ayant des fonds propres importants selon Hoshi et al
(1990). A contrario, une petite entreprise n'ayant pas encore bâti sa
réputation de solvabilité devra passer par les banques qui
disposent d'un monopole naturel de création d'information selon
Ramakrishnan et Thakhor (1984). En partant du fait, que les banques disposent
d'un avantage comparatif dans la production de l'information, elles ont la
possibilité d'affecter les ressources disponibles dans l'économie
aux projets qu'elles ont identifiés comme étant les plus
rentables selon Greenwood et Jovanovic (1990). Selon King et Levine (1993b),
outre la sélection des projets productifs, les intermédaires
financiers peuvent aussi favoriser l'innovation par la détection des
projets innovateurs, contribuant ainsi à la croissance
économique. Toutefois, les banques ne suppriment pas l'imperfection de
l'information. Elles restent toujours victimes de l'asymétrie
d'information. En effet, le savoir qu'elles possèdent n'est jamais
équivalent à celui que possèdent les emprunteurs sur
eux-mêmes. Dans ces conditions pour se protéger, les banques
effectuent le plus souvent un rationnement du crédit. Le rationnement
peut s'appliquer par une élévation des taux
d'intérêts dans le but d'attirer les meilleurs projets. L'effet
contraire pourrait se produire ici puisque cette façon de
procéder peut attirer les emprunteurs à hauts risques dont la
solvabilité est hypothétique au détriment des promoteurs
avisés à faibles risques. Ainsi, Stiglitz et Weiss (1981, 1992)
préconisent un rationnement par les quantités. Pour Bencivenga et
Smith (1993), il existe une relation inverse entre rationnement du
crédit et croissance. Toute politique limitant le rationnement
favoriserait selon eux la croissance. Cette politique doit prendre la forme de
garantie d'une partie des crédits par exemple. Cette idée n'est
pas partagée par Guillard et Rajhi (1998) qui considèrent que
l'existence d'un fonds de garantie a pour effet pervers d'augmenter le risque
de faillite individuel des entrepreneurs. Ils préconisent plutôt
une politique de
subventions sous la forme des taux bonifiés qui permet
d'atteindre un taux de croissance plus élevé. La contribution de
Bernanke et Gertler (1990), est de préciser l'importance du patrimoine
dans la relation entre les banques et les emprunteurs. Ils considèrent
que la richesse initiale dont dispose l'entreprise peut réduire
l'inefficience due à l'asymétrie d'information et
améliorer la performance de l'investissement et de la croissance.
Par ailleurs, puisque nous soulignons que les banques
n'éliminent pas totalement les asymétries, il faut
préciser que si l'activité de crédit contribue pour
beaucoup à la croissance, elle peut être au même moment
préjudiciable à la croissance. En effet, les modèles de
croissance endogène considèrent les banques comme de simples
intermédiaires financiers qui canalisent l'épargne des agents
excédentaires vers les agents à besoin de financement. Ces
modèles ne perçoivent pas que grâce au pouvoir de
création monétaire des banques, c'est-à-dire à leur
capacité d'accorder des crédits sans épargne
préexistante, elles peuvent aussi déstabiliser l'économie.
En effet, en injectant constamment de nouvelles ressources dans
l'économie - induit par une recherche inaltérée du profit,
lorsque les taux débiteurs s'envolent- les banques peuvent freiner la
croissance de deux manières. D'une part, il peut se produire une
inflation due à la croissance de l'offre de monnaie qui ne tienne pas
nécessairement compte du taux de croissance réel. D'autres part,
nous pourrions assister au non recouvrement des créances à hauts
risques. Dans ces conditions en cas de retraits massifs des
dépôts, les banques feront faillite en ce sens que la valeur de
liquidation des actifs devient rapidement inférieure à la valeur
des dépôts exigibles de la banque. Ces deux situations sont
susceptibles d'affecter assez négativement l'économie dans son
ensemble.
L'ouverture ainsi faite sur les dépôts bancaires,
nous permet d'analyser la relation entre les banques et les déposants.
En effet, du fait que les agents individuels ne savent pas le moment où
ils auront besoin de liquidité pour consommer et du fait qu'ils soient
dans l'impossibilité de transmettre aux autres agents l'information
quant à ce besoin inattendu, la présence des banques prend
tout son sens. En effet, les prêteurs individuels
après l'octroi du prêt peuvent subir des chocs
imprévisibles et vouloir rentrer en possession de l'argent
prêté, si bien que les emprunteurs sont tenus de liquider leurs
investissements avant l'échéance. Cette situation est
coûteuse pour les deux parties et préjudiciable à
l'économie. La présence des banques permet donc de réduire
ce risque de liquidité en garantissant la conversion des actifs en
moyens de paiement immédiatement utilisables. Cette assurance apporter
par les banques permet de réduire le nombre d'investissements
liquidés avant échéance et permettre l'aboutissement des
projets d'investissements rentables qui s'étalent dans le long terme.
Ainsi, les banques en réduisant les coûts dus au risque de
liquidité contribue énormément à la croissance
économique. Cette idée n'est pas totalement partagée par
Jappeli et Pagano (1994) qui soutiennent que l'assurance de liquidité
entraîne la baisse de la propension à épargner des
ménages, ce qui entrave la croissance. Partant, la solution
préconisée pour stimuler la croissance serait d'accorder les
crédits aux entreprises et de rationner les ménages. Cette
analyse reçoit l'approbation des auteurs comme De Gregorio (1992) qui
analyse les prêts accordés aux ménages à des fins de
formation ou d'éducation. Ainsi, une baisse de ces crédits
ralentirait le développement du capital humain, déterminant
essentiel de la croissance économique dans les modèles de
croissance endogène.
De plus en plus aujourd'hui, l'activité des banques ne
se confine plus dans l'activité traditionnelle de réduction des
coûts qui a justifié la création des banques et lui a
conféré un rôle essentiel dans le fonctionnement
économique. Elles s'impliquent beaucoup plus sur le marché qui
offre des produits sophistiqués, appropriés aux besoins des
agents économiques. Nous analysons donc dans les lignes qui suivent les
effets de l'intervention accrue des banques sur le marché financier et
le sens de la relation entre le développement financier et le
développement économique.
2. Les banques, le
développement financier et la croissance
Au fur et à mesure, les besoins des agents
économiques évoluent, ainsi les déposants recherchent des
placements à hauts rendements, comme c'est le cas en France avec les
SICAV et les FCP. Les emprunteurs quant à eux, recherchent des
financements moins coûteux. Alors nous assistons progressivement au
déclin de l'intermédiation bancaire. Soucieuses de continuer
à exister, mieux de continuer à faire des profits, les banques se
lancent dans des activités de marché qui ont fait la fortune des
marchés comme Wall Street. Nous constatons l'explosion des
crédits et la création d'actifs de plus en plus innovateurs.
Cette situation peut avoir deux conséquences. L'une, déjà
aborder précédemment est le risque d'insolvabilité des
emprunteurs qui peut conduire à une banqueroute. L'autre, est que cette
intervention des banques sur le marché peut contribuer à
développer le marché, développement
considéré par les structuralistes financiers comme moteur du
développement économique. En effet, en ce qui concerne la
relation développement financier et développement
économique, deux écoles s'affrontent. Pour les structuralistes
financiers, un réseau important d'institutions financières et un
déploiement important d'instruments financiers devrait avoir un fort
effet positif sur le processus d'épargne et d'investissement, ce qui va
favoriser la croissance économique. La seconde école est celle de
la répression financière. Selon les travaux de Mc Kinnon (1973)
et Shaw (1973), la répression financière - qui est
caractérisé par la fixation des taux d'intérêt
réels en dessous du niveau d'équilibre du marché, des
montants élevés de réserves bancaires et l'obligation
faite aux banques de financer les projets gouvernementaux très peu
rentables - ne peut que générer l'inflation couplée
à une faible croissance. Ils préconisent donc la
libéralisation financière. Par opposition, elle serait capable de
stimuler la propension à épargner, inciter les banques à
accorder de plus en plus de crédits pour financer les projets
d'investissements, toutes choses bénéfiques à la
croissance. Cette réflexion n'a pas connue l'adhésion totale des
néo structuralistes dont notamment Van Winjbergen (1983) et Eboué
(1990). Selon eux, l'école de la
répression financière ignore les structures
économiques et financières des pays en développement. En
effet dans une économie en développement, la
libéralisation financière en rémunérant mieux
l'épargne placée auprès des banques, comporte le risque de
substitution des dépôts bancaires aux dépôts
informels. Alors que ces dépôts informels constituent la source
principale de financement du secteur réel dans ces économies.
Partant, une réduction de la quantité de monnaie centrale en
circulation dans le secteur informel induit un risque de recul de la croissance
pour l'ensemble de l'économie.
Par ailleurs, d'autres auteurs dont Patrick (1966), Jung
(1986) et Saint Paul (1992), se sont intéressés à la
nature de la causalité développement financier et
développement économique. Patrick (1966) distingue deux voies
possibles à différents stades de développement : le supply
leading et le demand following. Selon le concept du demand following, le
développement progressif des services financiers serait la
conséquence d'un processus de développement économique
répandu dans toutes les sphères de l'activité
économique. Le supply leading suppose que le développement du
secteur financier influence positivement le développement
économique. C'est cette approche qui est privilégiée par
Patrick (1966).Gurley et Shaw (1960) semblent préconiser le demand
following. Toutefois, ils indiquent que l'effet rétroactif de la finance
sur l'économie peut s'observer. Ces opinions montrent bien que la
causalité peut s'exercer dans les deux sens. Finalement nous retenons
qu'autant les banques peuvent agit sur l'économie, autant la croissance
économique entretenue peut influencer l'activité bancaire.
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