EPIGRAPHE
La politique « Tolérance
zéro » prônée par le Président Joseph
KABILA, est-elle un mythe ou une réalité ? Qui sont les
cibles ? Les riches ou les pauvres ?, Les gouvernants ou les
gouvernés ?
Vicky MUDEKUZA
DEDICACE
A mon père, feu Edouard MUSHOZA BISIMWA,
A ma mère Veronica FATUMA,
A mes frères et soeurs,
A mon épouse Nicole ILUNGA KYUNGU et mes chers
enfants : Gloria - veronica MUDEKUZA FATUMA, Denise MUDEKUZA MUKALAY,
Exaucé MUDEKUZA MUSHOZA, Junior Victoire MUDEKUZA,
Au philosophe Abbé Vincent MULAGO, à papa
MUDAHAMA Z., au feu BOJI Dieudonné.
A toute ma belle famille,
Je dédie ce
travail.
REMERCIEMENTS
Les études en criminologie sont très jeunes dans
notre pays, la République Démocratique du Congo, car il s'agit
d'une première Ecole de Criminologie en Afrique centrale.
La rédaction du mémoire dans ce domaine a ses
exigences propres auxquelles il faut se conformer. Il n'est donc pas
aisé d'y parvenir sans difficulté. Pour ce faire, nous avons
bénéficié d'un encadrement de tout le personnel tant
administratif qu'enseignant de l'école.
Nous remercions la coopération belge à travers
le professeur émérite Françoise DIGNEFFE pour avoir
doté à notre Pays cette école et les professeurs comme
Christophe ADAM, Philippe MARY, Jacques FIERENS, Dan KAMINSKI, Sara LIWERANT
... afin de dispenser des enseignements dans diverses disciplines constituant
notre formation.
Nous remercions de tout coeur le professeur Sara LIWERANT et
le Docteur NGOIE MWENZE pour avoir accepté malgré leurs
occupations diverses de diriger et co-diriger ce travail.
Les discussions pertinentes avec Albert MUTOMBO ont
été d'un apport déterminant ; sans oublier les cadres
et agents de la douane pour leur disponibilité et leur encadrement aux
différents sites de notre stage de recherche.
Nous remercions les collègues de promotion pour leur
soutien non de moindre. Il s'agit de : Didier KYONDWA et Victor
KAPUMBA, et aux familles des aînés et amis KITOPI KIMPINDE,
Capitaine MUHAMONO, Colonel Henri BASHIZI, Freddy DIAMBOMBA, Freddy KAJEJE,
Jacques CIRHUZA, Moreau MWAMBU.
Nous pensons également aux différents chefs de
notre organisation : notre directeur général François
BEYA KASONGA et tout son cabinet, au Directeur Général honoraire
KAMB TSHIJIK, aux Directeurs Consul NUMBI KALALA, Roland KASHWANTALE, Papy
WABENGA, Jacques IKWA, Bernard NDALA, aux Chefs de division BUSHIRI, IBANDA,
enfin aux collègues de la D.G.M KATANGA : Toussaint NKOY, Thiery
MUKALAY, Charles SOKE, Claude MABRUKI, Warnand SABWE, Deo SHINDANO, Eddy
MWAMBA, Grégoire KACHELEWA, Eric YUMA, Eva TSHISWAKA, Claudine MULIMBI,
Bernard SHUKU, Robert SADI, Alexis MUKAZ.
INTRODUCTION GENERALE
La présente dissertation que nous avons
l'opportunité de présenter, analyse les différents
mécanismes non réglementaires présidant à
l'affectation du douanier au poste stratégique.
Il a été constaté après une longue
observation dans le milieu douanier que quelques-uns menaient une vie
différente de leurs collègues lorsqu'on regarde leur
manière de vivre ; se traduisant souvent par la possession de biens
meubles et immeubles qui font parler d'eux dans la ville de Lubumbashi.
Par ailleurs, l'occupation du poste joue déterminant
dans la facilité de gain à la douane. C'est dans cette optique
que nous avons compris qu'il y a quelques postes au sein de la douane Katanga
qui offrent l'opportunité à l'occupant de gagner beaucoup
d'argent par rapport aux autres. Ce sont de postes dits stratégiques ou
juteux. Ceux n'offrant pas cette opportunité à l'occupant sont
dits, postes garages.
C'est dans ce contexte alors que nous nous sommes posé
cette question devant constituer le fil conducteur de cette
étude : « Que fait un douanier pour occuper un poste
stratégique ? ».
Pour éclairer l'objet de cette recherche, nous avons
mobilisé la théorie sociologique de l'organisation,
complétée par celle d'acteur stratégique dans l'optique de
Crozier (1977).
Elles nous ont permis de comprendre la douane en tant
qu'organisation et les acteurs (douaniers) ayant une marge de liberté
qui leur permet d'interpréter et de discerner les normes
régissant le fonctionnement de la douane qu'ils adaptent à leur
propre profit présent ou à venir selon le projet. La partie
réservée à l'instrumentalisation de la loi par le douanier
pour avoir de l'argent soutient notre théorie.
En vue de saisir notre objet d'étude, nous nous sommes
servi de l'observation directe dite aussi observation in situ à
travers le stage de recherche. Celle-ci a été enrichie par les
entretiens directs et par les entretiens semi-directifs.
Concernant le traitement des données, nous avons
recouru à l'analyse thématique sous ses deux aspects, vertical et
horizontal.
L'approche mobilisée étant inductive, elle nous
a permis de construire directement les hypothèses à partir des
données empiriques dans le corpus de cette étude.
Quant au canevas sommaire, la recherche s'articule autour de
trois chapitres que voici :
- Le premier cerne le cadre théorique,
- Le second présente les dispositifs
méthodologiques, le site de recherche et le cadre réglementaire
de l'Office de Douane et Accises en sigle,
- Enfin le troisième jette le regard criminologique sur
les mécanismes d'affectation du douanier au poste stratégique. Il
présente le résultat de cette étude qui se termine par une
conclusion générale suivie d'une bibliographie.
CHAPITRE I.
: CADRE THEORIQUE
Ce chapitre comprend trois volets, à savoir :
- le premier est centré sur l'objet de recherche ;
- le deuxième fixe la problématique et
étaye les questions de recherche en précisant le tracé ;
- le troisième présente la mise en contexte de
l'objet.
1.1.OBJET
DE RECHERCHE
Cette partie du travail est focalisée sur la
construction de l'objet (1), fixe la question de recherche (2), présente
l'état de la question (3), détermine les visées de la
recherche (4) et délimite le contour de la recherche sur le plan
spatial, temporel et conceptuel (5).
1.1.1.
Construction de l'objet d'étude.
La République Démocratique du Congo, notre pays,
a connu plusieurs mutations politiques depuis l'indépendance
jusqu'à ce jour. Ces mutations ont dégradé le tissu
économique et social du pays. Il s'agit à titre d'exemple la
zaïrianisation (1973), les diverses reformes monétaires,
l'institutionnalisation du parti unique le Mouvement Populaire de la
Révolution(MPR), etc.
Parlant de la zaïrianisation, Ngoie Mwenze (2009 :
120) écrit :
« C'est dans cette perspective qu'il faut
interpréter l'une des mesures les plus spectaculaires, les plus
controversées du régime, la zaïrianisation, qui vit, en
1973, les entreprises appartenant à des étrangers
distribuées à des citoyens zaïrois ».
Les pillages multiples et le non paiement des fonctionnaires
de l'Etat pour ne citer que ceux-ci, ont eu de conséquences
considérables sur la vie de tout un chacun. Le même auteur ci-haut
cité renchérit en ceci :
« de 1991 à 1993, les grandes villes du pays
sont secouées par des pillages (des magasins, des boucheries, des fermes
...) orchestrés par les forces armées zaïroises (2009 :
121) ».
Ce faisant, travailleurs ou chômeurs congolais ont
cherché la nouvelle manière de se débrouiller pour
répondre aux devoirs et obligations qui les attendent.
Le parent devant nourrir sa famille, scolariser les enfants,
sécuriser la famille par un logement et par une activité
lucrative a recouru à d'autres manières pour se
débrouiller dans un domaine bien déterminé. C'est pour
cette raison que les femmes cessent d'être de ménagères
tout court, elles deviennent aussi participantes aux activités
productrices afin d'aider leur mari à la survie de la famille. De ces
activités exercées par la femme, nous pouvons citer à
titre d'exemple, la vente au domicile de la bière, le commerce ambulant
de légumes, des arachides, des poissons, etc.
A ce propos Khonde et Rémon écrivent ce qui suit
(2006 : 47) :
« pour ce qui est de la population active , celle-ci
donne l'impression d'avoir augmenté , c'est -à - dire de 13,8%
en 1973 à 15,72% en 2002 . Ceci reste une impression puisque la
catégorie purement ménagère a beaucoup diminuée
(6,3% à 4,91%). Cette catégorie de la population n'est plus
restée celle qui ne s'occupe que de travaux ménagers, il s'agit
maintenant d'une activité à part entière, au
même titre que les activités de débrouille
nécessaires pour suppléer au revenu salarial qui s'est
totalement effrité. »
C'est pendant ce temps que naquit dans les avenues et les rues
de notre pays, l'article 15 d'une « constitution
officieuse » qui stipulait : «débrouillez -
vous».
Cet article a été renforcé par le
discours politique du Feu Président de la République M'zee
Laurent Désiré KABILA lorsqu'il dit : « Prenez - vous en
charge, nous devons nous organiser chacun là où il est... »
Dans ses adresses politiques et administratives, le
Président Laurent Désiré Kabila demandait au peuple
congolais de travailler durement pour reconstruire le pays. Chacun devait
apporter sa pierre à l'édifice.
Cette citation tirée du discours du Président de
la République, avait suscité diverses interprétations
selon le sentiment de celui qui interprétait.
Les travailleurs congolais en général et les
douaniers en particulier se sont sentis interpellés par ce discours pour
se prendre en charge eux-mêmes au moment où le pays était
en pleine guerre avec ses voisins de l'Est.
Ce discours avait renforcé chez le fonctionnaire un
sentiment d'insécurité, un désespoir alors qu'il voyait en
M'zee KABILA, un vrai libérateur, reflétant un Etat Providence.
Pour ce faire, le douanier cherche les mécanismes
pouvant lui permettre de se prendre en charge, lesquels mécanismes sont
orientés vers ses relations pour être affecté à un
poste rentable ou stratégique, c'est-à-dire celui qui offre les
opportunités d'avoir beaucoup d'argent dans un temps record.
Par ailleurs, un mécanisme est à comprendre
selon Petit Larousse illustré : (2005 : 675) comme : «
combinaison de pièces disposées de façon à
obtenir un résultat déterminé ; mode de fonctionnement
d'un ensemble dépendants les uns des autres ». Nous
considérons le mot « mécanisme » dans sa
première acception.
Nous pouvons le dire en passant que les relations du douanier
deviennent de plus en plus complexes avec le système politique mis en
place en RDC par les institutions internationales en vue de résoudre les
conflits armés ayant embrasés le pays.
Le système politique de « 1 + 4 »
un président de la république avec quatre vice -
présidents, issu de l'accord global et inclusif de Sun city en
République Sud Africaine en avril 2002, avait déterminé le
partage du pouvoir entre les différents acteurs politiques et ce,
à tous les niveaux, notamment dans les institutions politiques, dans les
services de sécurité, dans le porte feuille de l'Etat et dans
l'administration.
1 + 4 signifie un prédisent de la République
avec quatre vice-présidents dont deux sont issus de deux factions
rebelles, un de l'opposition démocratique et le dernier de la composante
gouvernementale.
Ainsi, la vie du douanier au Katanga attire le regard de
toutes les catégories sociales de la ville de Lubumbashi. Après
observation sur terrain, nous avons compris que même entre les douaniers,
il y a des écarts de standing de vie qui font qu'il y a parmi eux ceux
qui attirent l'attention des autres, attention manifestée par l'envie
d'être comme eux, se procurer notamment les villas, les beaux
véhicules, etc.
Philippe Robert cité par Kaminski (2006 : 85),
parlant de l'intérêt écrit : « les biens de
consommation semi -durables - les voitures, l'électro-domestique, les
vêtements à la mode - sont très liés aux styles
de vie : il est difficile d'échapper à la relégation
spatiale, surtout si l'on habite une zone mal desservie en transports en
commun ; difficile donc de présenter l'image prestigieuse d'un individu
mobile, difficile même souvent d'accéder aux emplois et aux
distractions.
Sa possession constitue l'un des symboles les plus facilement
accessibles de qualification sociale. Le long de sa gamme qui va de simplement
utilitaire jusqu'au véhicule de prestige, peut donc facilement se
nouer une lutte de distinction ».
Les douaniers se battent pour être affectés dans
des postes stratégiques et rentables comme receveurs, inspecteurs et
l'affectation à Kasumbalesa, porte d'entrée de toutes les
marchandises destinées à la province du Katanga et aux deux
provinces du Kasaï. Ces postes offrent des opportunités d'avoir
beaucoup d'argent facilement et vite pour se sécuriser. Dans cette
optique l'occupation de poste joue un rôle important dans la
facilité de gain. En effet, il y a les postes qui présentent la
facilité de capitaliser plus par rapport à d'autres. Ceux qui
offrent plus d'opportunité de capitalisation sont dites
stratégiques et d'autres sont considérés comme de postes
« garage »
Ceci peut être affirmé avec Kienge Kienge Intudi,
cité par Lupitshi Wa Numbi, (2006: 6) lorsqu'il souligne que : « le
fait pour un objet d'étude d'être trop visible et d'attirer
plusieurs observateurs, est un élément positivable car dit-il ;
cela ne fait qu'accroître l'intérêt pour le chercheur
travaillant sur pareil objet d'expliciter la manière dont il le
construit, pour en fait créer une rupture avec d'autres
interprétations possibles »
Chez le douanier le profit est celui de se faire de «
Cretch »(1(*)) en vue
soit d'occuper un poste stratégique, soit de se maintenir à ce
dernier et soit enfin accéder à une promotion en grade ou en
fonction.
C'est dans ce cadre précis que le mémoire du
doctorant Mazwan K.(2006 : 12) nous sera utile lorsque nous devons
associer le comportement du douanier au phénomène laboratoire,
qualifié par le juridique d'acte de fraude documentaire, soit acte de
falsification des documents douaniers et commerciaux en vue notamment
d'éluder partiellement ou totalement les droits et taxes à
l'importation.
Ce phénomène laboratoire est
considéré dans le cadre de cette recherche comme une
stratégie montée par le déclarant avec la
complicité du douanier pour avoir de l'argent ou « Cretch »
pour nourrir le parrain, en terme de rapport avec pour conséquence
d'être maintenu au poste stratégique ou bénéficier
d'une promotion à un poste plus stratégique que celui
occupé.
Ainsi, l'objet de cette recherche est l'étude des
différents mécanismes non réglementaires présidant
à l'affectation du douanier à un poste stratégique.
1.1.2. Mise en contexte de l'objet d'étude
La présente recherche s'inscrit dans une perspective
qualitative et compréhensive considérant le contexte comme
élément capital et incontournable pour la compréhension
des phénomènes à étudier.
C'est sous cet angle que la mise en contexte de l'objet permet
d'opérer une rupture entre l'objet et le chercheur en vue
d'éviter le jugement de valeur en tant que registre moral et normatif.
Il est donc utile pour nous, en vue de comprendre les
différents mécanismes qui se greffent autour de l'affectation du
douanier à un poste stratégique, de les placer dans le contexte
où ils se produisent, de cerner les circonstances qui les accompagnent
du point de vue politique, économique et socioculturel.
1.1.2.1. Du
point de vue politique
Pendant le régime du feu président Mobutu, les
affectations et les engagements à la douane étaient dictés
par l'appartenance à la mouvance politique. Il fallait chanter et danser
les chants révolutionnaires pour occuper un poste important dans la
fonction publique. Autrement dit, il fallait s'impliquer dans les
activités de mobilisation, Propagande et Animation Politique (MOPAP).
Ainsi, les recettes générées par ces
services de l'Etat étaient destinées à sécuriser le
pouvoir du président et d'entretenir ses militants, piliers du
pouvoir.
Le pouvoir politique a entretenu le clivage ethnique. Ce qui
a fait que la direction de telle entreprise de l'Etat était
confiée dans les mains de tel dirigeant. A son tour, celui-ci ne
privilégiait que les siens en les confiant des postes susceptibles de
produire beaucoup d'argent.
La politique de diviser pour régner a fait que le
clivage Kasaïen - Katangais a abouti à un bain de sang ainsi que le
remplacement des ceux-là étiquetés comme dominateurs et
dominants, par les Katangais s'estimant dominés dans le cadre de
l'accès à l'emploi et, plus particulièrement à la
Gécamines (la Générale des Carrières et des Mines)
société d'Etat implantée dans la province du Katanga.
Dans leur lutte contre l'hégémonie
Kasaïenne pendant la période de la transition démocratique,
Dibwe Diamwembu (20052 : 51) précise : « les originaires du
Katanga mirent au point plusieurs stratégies dans le domaine
économique, ils s'efforcèrent de décourager les
opérateurs économiques d'origine Kasaïenne » (2002 :
51).
Si pendant la deuxième République, l'emploi et
l'affectation étaient dictées par la mouvance
présidentielle ainsi que l'appartenance
ethnico-tribalo-régionaliste au chef de l'Etat ou à la personne
du chef d'entreprise, la même situation a survenu pendant la
période de turbulence politique avant les élections. C'est la
période de « un + quatre ». Elle a été
marquée par non seulement l'émergence de l'appartenance au parti
politique, mais également l'appartenance ethnique dans le domaine de
l'emploi et de l'affectation à des postes stratégiques. Ce
phénomène s'est manifesté également dans
l'armée et la police en dépit du fait que ces deux institutions
sont considérées apolitiques.
Aujourd'hui, pendant cette période dite
démocratique, au début, les acteurs étaient
hésitants, avec le temps, les anciennes habitudes ont
émergées pour se manifester dans la vie courante à travers
les services de l'Etat.
Celui qui est nommé à un poste
stratégique fait un effort pour le conserver pendant longtemps tout en
se faisant vassal du « nominateur ou recommandant».
1.1.2.2 du point de vue économique
La politique et l'économique marchent de pair. Depuis
l'époque coloniale, les agents de l'Etat ou leurs femmes recourraient
à des activités non réglementaires. Celles-ci
étaient sous la direction de l'Etat. Après l'indépendance
pendant la période de Mobutu, celui-ci a mis l'économie du pays
dans le chaos à travers sa politique de nationalisation ou
Zaïrianisation. Sans aucune formation de gestion, les
« acquéreurs » ont géré les biens
acquis comme leurs propriétés privés. C'est ainsi que
même dans l'administration, celui qui dirigeait l'entreprise, pouvait
gonfler des effectifs en recrutant les membres de son ethnie ou de sa
région, aujourd'hui province.
Dans le constat, les étrangers à l'ethnie ou
à la province du chef, sont marginalisés. Ils ne peuvent pas
occuper de postes stratégiques ni recevoir une mission politique. Pour
accéder au poste stratégique, il fallait verser un pot de vin ou
soit se faire vassal du chef. La même perdure jusqu'à ce jour.
Aujourd'hui, la recommandation joue encore un rôle très important
pour avoir l'emploi ou occuper un poste stratégique.
1.1.2.3.
Du point de vue socio-culturel
La solidarité traditionnelle avait cédé
le pas à la solidarité urbaine. Celle-ci est fondée non
pas sur les relations de voisinage, mais plutôt sur le critère
d'appartenance ethnique. Cela se démontre par la présence des
associations culturelles et mutuelles dans les villes, par exemple BALUBAKAT
pour les Baluba du Katanga, DIVAR pour le Rund du Katanga , ALIBA pour les
Bangala de l'Equateur ,etc.
Devient déterminant l'appartenance à la
même famille, au même village, à la collectivité, au
même territoire et à la même province. La langue est le
critère à la fois d'union et de séparation. Elle unit ceux
qui parlent une langue commune et séparent ceux qui ne la partagent pas.
La solidarité ethnique a joué encore un
rôle important concernant l'emploi et l'affectation à des postes
stratégiques. Pendant la période de Mobutu, c'est le bloc Ouest
ou les « bangalaphones » qui occupaient les postes
stratégiques. Beaucoup d'acteurs ont dû changer leurs noms pour
adopter ceux de bangala pour cette fin.
L'éthno-centrisme professionnel a été
aussi un facteur important ayant présidé au conflit Kasaïen
- Katangais. Ceux-ci avaient occupé plusieurs postes de
responsabilité. C'est ce qui a fait qu'ils engageaient les leurs au
détriment des autochtones (Katangais ). Cette hégémonie a
été mal digérée par les Katangais et a
entraîné le conflit. C'est presque la même situation qui a
fait générée le phénomène « bundu dia
kongo » au Bas Kongo où d'autres ethnies étaient
visées pour qu'elles laissent la place aux originaires.
Ainsi, le contexte socioculturel montre comment l'ethnie est
utilisée à la fois comme stratégie et moyen pour soit
obtenir l'emploi, soit occuper un poste stratégique.
1.2.QUESTION DE RECHERCHE
La formulation de la question sous examen dans la
présente dissertation n'a pas été chose facile pour nous.
Il a fallu des interventions tant de condisciples que des enseignants notamment
le professeur Digneffe pour arriver à analyser le fonctionnement de la
douane en vue d'en dégager une question définitive. Simone
Dreyfus et Laurence Nicolas Vullierne (1983 : 130), parlant de la prospection :
« une étape qui consiste essentiellement dans une recherche
très superficielle tendant à circonscrire de façon
sommaire le domaine sur lequel portera le mémoire ou la thèse. Il
ne s'agit pas encore de définir la portée ni le contenu
précis du sujet, mais seulement de chercher à en situer le
thème général.
L'obligation méthodologique de toujours prendre
distance par rapport à nos préjugés et les
évidences nous a aidé à focaliser notre attention sur les
affectations du douanier au poste stratégique en essayant d'analyser les
moyens que celui-ci utilise pour être affecté au poste
stratégique.
Nous sommes partis de l'idée selon laquelle la plupart
de jeunes universitaires congolais cherchent à être
embauchés à la douane pour gagner leur vie facilement car,
à la douane il y a plus d'opportunités d'avoir beaucoup d'argent
facilement, issu des moyens obscurs.
En tant que responsable du service de migration respectivement
à la frontière de Kasumbalesa et à celui de Sakania, nous
avons observé dans le milieu du douanier que quelques - uns bien que
évoluant ensemble, avaient beaucoup d'argent par rapport à leurs
collègues et, par conséquent, l'on observe un standing de vie
différent des uns et des autres.
En nous intéressant au douanier, nous avions l'image
d'un corrompu à cause du standing de vie de celui-ci qui fait parler de
lui dans la ville de Lubumbashi. C'est alors que nous nous posions la question
suivante : « Pourquoi les douaniers se font-ils corrompre ? » Cette
question, étant étiologique et répondant au code
institutionnel, a été rejetée au profit de la
manière dont les affectations du personnel sont faites au sein de
l'administration douanière.
D'où, la question suivante :
- Quels sont les mécanismes autour de l'affectation du
douanier dans un poste stratégique ? ».
Pour rendre cette question claire, nous l'avons
reformulée en ces termes : « Que fait un douanier pour
occuper un poste stratégique ? ».
Nous pensons que cette question est essentiellement
criminologique et répond aux critères d'une bonne question
à savoir : la pertinence, la faisabilité et la clarté.
D'autres sous questions permettent d'élargir la compréhension de
cette question de départ :
1. Quels sont les postes dits stratégiques à la
douane Katanga et en quoi ils sont stratégiques ?
2. Que font les douaniers pour occuper des postes
stratégiques ?
3. Qui affecte les douaniers en province dans les
différents postes ?
4. Quelles sont les pratiques des acteurs ?
5. Quelles sont les logiques des acteurs ?
I.3. ETAT
DE LA QUESTION
Nous ne sommes pas le premier à pouvoir aborder une
recherche sur la douane. La probité, la recherche de la pertinence et
surtout de l'originalité nous ont obligé de procéder au
recensement de la littéraire des ouvrages ayant trait à notre
objet de recherche en vue non seulement de fixer et de préciser la
question centrale, mais aussi et surtout de nous démarquer de nos
prédécesseurs par la production d'un savoir nouveau.
Ce faisant, ce domaine n'est jamais épuisé parce
que chaque chercheur a tendance à saisir tel ou tel aspect de la
réalité sociale. Nous pouvons l'affirmer aussi avec Adam (2008)
qui, se référant à Karl Popper dit : « la
connaissance de la réalité est sélective .Nous ne pouvons
pas prendre la totalité, car elle nous échappe, elle est complexe
», (...) : « la connaissance est partielle et partiale
parce qu'elle est faite selon les valeurs, selon les sensibilités, en
fonction des caractéristiques ». Simone Dreyfus et Laurence
Nicolas Vullierne (1983 : 131), renchérissent en disant : « il
n'est pas nécessaire, bien entendu, que nul n'ait jamais abordé
la question. Mais il faut qu'elle n'ait pas été
épuisée à une date récente et qu'il reste encore
quelque chose à apporter en en approfondissant l'étude ».
Parmi les études menées sur la douane, nous
avons retenu les suivantes
1. Mazwan (2008) analyse le phénomène
laboratoire à l'OFIDA. A travers cette étude, l'auteur montre
comment le douanier et leurs partenaires recourent au phénomène
laboratoire pour avoir de « Cretch » (argent) en vue de faire face
à l'insécurité de la vie.
2. Musatula (2008) étudie contrôle douanier dans
la ville de Lubumbashi, entre quête de sécurité et
privatisation de la douane. Il se dégage de sa recherche les pratiques
visant à contourner ou à éviter le contrôle
douanier. Les acteurs douaniers développent la logique de capitalisation
du pouvoir de l'Etat tandis que les commerçants et les déclarants
misent sur la stratégie de privatisation de la douane. Et tous se
réduisent à la logique de quête de sécurité
et de profit.
3. Nkunku et Rémon (2002) évoquent les
stratégies de survie à Lubumbashi (RD Congo). Bien que cet
ouvrage ne traite pas la question de la douane, néanmoins, il nous
permet de comprendre le cadre contextuel dans lequel vit le douanier qui
recourt à l'informel comme stratégie pour avoir de l'argent en
vue d'un standing de vie meilleur et de le maintenir.
4. Queloz , Borgh et Cesoni (2006) analysent le processus de
corruption en Suisse.
Leur ouvrage, bien que n'abordant pas une étude sur la
douane, permet cependant de comprendre la manière dont les nominations
et les promotions sont réalisées dans les cantons de Valois et
celui de Genève. En plus, il nous montre comme les relations informelles
influentes sur l'octroi de marché d'exécution des travaux de
réhabilitation de routes en Suisse.
Comme à la manière de la douane, les relations
informelles jouent un rôle déterminant pour être promu et
gagner un marché. Ces relations sont aussi exploitées comme
stratégie pour s'enrichir.
5. Lupitshi Wa Numbi, (2006) examine les pratiques non
règlementaires dans le réseau automobile des transports en commun
à Lubumbashi. Ce mémoire bien qu'ayant traité un sujet
concernant le fonctionnement de la police, à travers les pratiques non
règlementaires qui constituent une stratégie de capitalisation du
poste par le policier, permet de comprendre comment les situations-
problèmes observées par le policier constituent une ressource de
revenu pour lui et qui doit faire apporter un « rapport »
à sa hiérarchie. Cette stratégie de capitalisation du
poste est pareille aussi à la douane.
6. Numbi Kabange (2007) intitule son travail en ces
mots : « le régime douanier du Code minier : Analyse
critique et difficultés rencontrées dans
l'application » du code minier.
L'auteur montre comment le douanier exploite à son
profit le code minier de la RDC promulgué en 2002.Cet acteur profite du
manque de clarté ou des zones d'ombres de ce code pour
l'interpréter à son gré et pour ses intérêts.
C'est en fait, une situation-problème posée par la loi que le
douanier mobilise comme une stratégie pour avoir de l'argent «
Cretch ».
Il ressort de cette recension de la littérature le
constat selon lequel ces études abordent soit les pratiques informelles,
soit le travail du douanier sans parler du poste stratégique à la
douane et des mécanismes pour y accéder.
Notre contribution en élaborant cette recherche
consiste à examiner les mécanismes autour de l'affectation du
douanier à un poste dit « stratégique ». Il s'agit de
comprendre comment le douanier recourt au cadre non réglementaire
(ses relations) pour être affecté au poste stratégique. Ce
cadre non réglementaire a supplanté celui réglementaire
dans le fonctionnement de la douane.
1.4.
VISEES DE LA RECHERCHE
La présente recherche a pour finalité la
compréhension des différents mécanismes autour de
l'affectation du douanier à un poste stratégique.
Elle est essentiellement théorique dans ce sens qu'elle
vise l'accumulation du savoir criminologique sur la question sous examen,
c'est-à-dire le fonctionnement non réglementaire de la douane
est une situation - problème qui intéresse le criminologue.
Outre cette préoccupation, cette étude recherche
également la cohérence logique des faits. C'est dans cette
optique qu'elle analyse les affectations à travers l'organisation
douanière en mettant en relief les règles d'innovation qui
structurent les relations sociales. Elle montre comment la solidarité
ethnique, les affinités amicales et le phénomène
« feed-back » ou « rapport » président
à l'affectation des agents au poste stratégique.
Les affectations étant mues par les critères
subjectifs, un lien de vassalité se crée entre l'intervenant
(parrain ou recommandant), l'affectant (le chef) et l'affecté (agent ou
parrainé). Cette vassalité induit les différentes
pratiques de capitalisation qui sont essentielles à la
pérennisation au poste. D'où le dicton suivant : « j'y suis
et j'y reste », se traduisant en quelque sorte : le système de
parapluie.
Une autre visée que s'assigne cette étude est la
recherche des contradictions. Il s'agira de stigmatiser comment le
modèle non réglementaire entre en lutte contre celui dit
réglementaire. De cette lutte de contradiction, la sphère non
réglementaire ou informelle tend à se cimenter au
détriment de celle dite formelle. Tout ceci pour montrer que la
sphère organisationnelle est une construction. En tant que telle, elle
est imparfaite et inadaptée. C'est dans cette logique que les acteurs la
modèle à leur façon.
Les visées étant fixées, il y a lieu
maintenant de circonscrire notre champ d'analyse.
1.5.
CHAMP D'ANALYSE
Selon Albarello (2004 : 28), le champ d'analyse est une
notion qui se conçoit comme : « une fonction tout à fait
centrale dans le processus d'élaboration de l'objet de recherche. Elle
est décisive parce qu'elle permet de chercher et particulièrement
au praticien - chercheur, d'effectuer ce premier travail qui consiste à
circonscrire l'espace social sur lequel son regard se portera » (2004 :
28).
Dans l'espace, nous avons ciblé les deux
entrepôts publics concédés à Lubumbashi par deux
politiciens originaires de la province du Katanga, la sous-direction de la
douane / Kasumbalesa et enfin la barrière de Kisanga, constituant la
porte d'entrée et de sortie de la marchandise à Lubumbashi.
Les différents bureaux indiqués ci-haut ont
constitué les lieux de notre stage de recherche.
Dans le temps, la présente recherche couvre la
période de stage allant du 2 février au 21 avril 2008.
Cependant, pour mieux comprendre le phénomène,
il est sincère de dire, qu'il est enraciné avec le début
de la transition politique (2002) dans notre pays, la République
Démocratique du Congo, pour la seule raison que chaque composante des
institutions politiques du pays, tenait à tout prix à positionner
ses militants pour s'enrichir et par conséquent, se constituer de grands
donateurs du parti.
Ceci sera élucidé dans les pages
réservées au cadre pratique de notre sujet quant à la
compréhension de logiques des acteurs recourant aux
phénomènes pour s'enrichir vite et facilement.
Le même auteur précise au regard du champ
d'analyse ce qui suit : «Le concept du champ implique une dimension
dynamique et il conduit le chercheur à repérer les multiples
acteurs qui le constituent » (2008 : 28).
Evoluant dans son sillage, les acteurs qui concernent cette
recherche sont les cadres et les agents de la douane au Katanga, situés
à de niveaux différents dans l'organigramme de la douane. Il
s'agit du directeur, des sous-directeurs, des inspecteurs, des
contrôleurs, des vérificateurs et les agents de la brigade
douanière.
Le champ étant défini, Albarello (2004 : 28)
dit, « un phénomène humain quel qu'il soit peut être
étudié sur les points de vue disciplinaires variés »
Parlant des systèmes thérapeutiques dans le
cours de criminologie psychologique, Adam (2007 - 2008) précise ceci :
« En criminologie lorsqu'on veut analyser un phénomène, on
s'inscrit à un niveau d'interprétation.
A ce propos, cette recherche présente un
intérêt essentiellement criminologique dans ce sens que les
acteurs recourent à des pratiques non réglementaires dans
l'optique d'avoir une affectation à un poste stratégique ou
rentable à l'antipode de la voie formelle de l'administration
douanière.
Elle (la recherche) cerne les mécanismes d'affectation
du douanier au poste où cet acteur a des opportunités de
s'enrichir.
Elle vise l'explication de ce phénomène en
épinglant quelques pratiques qui s'en dégagent, les
stratégies et les ressources que les acteurs mobilisent à cette
fin.
Parlant des pratiques, la recherche va analyser quelques -
unes observées pendant le moment de stage, d'autres entendues dans le
langage (jargon) des douaniers.
- Le phénomène laboratoire,
- Le phénomène « leisa mpunda po
mpunda aleisa yo » ou « kolya na mokonzi »
Traduction : (nourris le cheval afin que celui-ci
te nourrisse)
- « le feed-back » ou « le
rapport »,
- L'airways ou non arrivée
- la frappe,
- La grille, le TPP, le cretch, le per diem
- Les relations formelles et informelles personnelles du
douanier,
- Le kinduguisme
Ces deux dernières sont des stratégies et
ressources que mobilise le douanier pour occuper un poste stratégique.
1.6.
PROBLEMATIQUE & QUESTION DE RECHERCHE
Pour Quivy et Campenhoudt(1995 :85), « la
problématique est l'approche ou la perspective théorique qu'on
décide d'adopter pour traiter le problème posé par les
questions de départ. Elle est une manière d'interroger les
phénomènes étudiés. Elle constitue une étape
charnière de la recherche entre la rupture et la construction ».
La question sous examen soulève les problèmes
liés à l'administration du personnel à la douane dans la
province du Katanga. Ces problèmes sont notamment les affectations
à de postes dits « stratégiques ».
A cet effet, cette administration douanière
n'obéit pas à la logique administrative. D'autres critères
internes ou externes à la douane entrent en ligne de compte concernant
les affectations.
A travers ce constat, nous avons posé le
problème lié l'affectation du personnel douanier. A ce propos, un
problème peut être appréhendé de plusieurs
manières selon l'orientation que l'on adopte pour l'aborder. A ce
sujet(Adam 2008), cite Debuyst : « nous apercevons toujours la
réalité en fonction d'une grille de lecture préalable qui
nous est propre.
De ce qui précède, quelle est la grille de
lecture que nous pouvons mobiliser pour éclairer le problème sous
étude ?
L'approche organisationnelle a été
mobilisée comme la grille d'entrer en la matière. L'organisation
est un construit que nous devons déconstruire pour en comprendre son
fonctionnement.
L'administration douanière fonctionne avec deux
sphères dont l'une est visible et l'autre invisible. Il s'agit de
l'organisation formelle ou réglementaire et l'autre informelle ou non
réglementaire. Cette dernière est puissante et soutient celle
réglementaire. Les acteurs douaniers mobilisent celle non
réglementaire pour arracher l'affectation au poste
stratégique.
Cette approche organisationnelle bénéficiera
l'apport de l'acteur stratégique tel que perçu par Crozier et
Friedberg (1977).
Les douaniers ne sont pas des automates mais plutôt des
acteurs stratégiques et rationnels. L'organisation est un construit et
pose le problème de l'adaptation, c'est ainsi que les douaniers entant
qu'acteurs ont une marge de liberté qui leurs permet
d'interpréter, de jauger, de discerner les normes d'organisation en les
adaptant et en créant aussi d'autres. En tant qu'acteur
stratégique, ils font tout pour tirer les ficelles de leur
côté, parfois visant les intérêts qui vont à
l'encontre de l'organisation.
En recourant à Kamniski (2005 : 24), dit : «
établir la problématique, revient à définir trois
éléments ce que l'on cherche à expliquer, ce avec quoi on
veut le mettre en relation et le type de relation entre les deux premiers
éléments ».
Ainsi, la variable indépendante de cette recherche
renvoie aux mécanismes autour de l'affectation du douanier au poste
stratégique, tandis que, la variable dépendante cerne le douanier
en terme d'acteur stratégique et rationnel à travers les
relations informelles ; la rationalité est à saisir en rapport
avec ses objectifs qui peuvent parfois être en contradiction avec
ceux de la douane comme organisation ; le schème
d'intelligibilité de cette recherche est processuel.
Ce cadre théorique nous a permis de construire l'objet
de cette recherche qui n'est autre que les mécanismes d'affectation du
douanier au poste stratégique. L'approche théorique reste la
sociologie de l'organisation alimentée par l'approche stratégique
de Crozier et Friedberg (1977).
Le cadre théorique étant fixé, quels sont
les dispositifs méthodologiques à mettre en oeuvre pour
récolter et traiter les données ? Qu'en est - il du site de
recherche et du cadre réglementaire ? Les réponses à
ces questions font l'objet du chapitre suivant.
CHAPITRE
II : DISPOSITIF METHODOLOGIQUE, SITE DE LA RECHERCHE ET CADRE REGLEMENTAIRE DE
L'OFIDA
Ce chapitre épingle les dispositifs
méthodologiques de notre recherche et présente l'office des
douanes et accises, OFIDA en sigle.
2.I.
DISPOSITIFS METHODOLOGIQUES
Cette partie de la recherche fixe le choix
méthodologique (1), détermine le type d'échantillon (2),
présente les techniques de recueil de données ciblés (3),
l'immersion sur terrain du chercheur (4), la manière dont les
données ont été traitées (5) et ainsi que les
considérations éthiques, les facilités et les
difficultés rencontrées (6).
2.1.1.
Choix Méthodologique
Ce point répond à la préoccupation de
savoir quelles sont les méthodes qui semblent mieux adaptées
à l'objet de la présente recherche afin d'aboutir à des
résultats escomptés.
N'étant pas agent de la douane, nous menons une
étude de l'extérieur. Pour avoir accès aux données,
ce n'est pas une chose aisée. A notre avis, la méthode qui
convient pour appréhender l'objet en étude, c'est l'observation
participante. Nous la prenons dans l'optique de Muchielli (2004 : 213) qui
la considère comme ethnographique. « Elle consiste pour le
chercheur étranger à la communauté de mener un long
séjour dans ce milieu aux fins de l'observation. Ce long séjour
est une nécessité pour que le chercheur puisse apprendre la
langue des acteurs participants. En plus, il doit chercher à
s'intégrer dans le groupe pour y occuper une place et participer aux
activités du groupe dans le but de saisir ce dont il a besoin. »
Concrètement, cette méthode de l'observation
participante a été utile pour notre immersion sur terrain. Elle
nous a permis par l'entremise de notre stage à nous intégrer sur
terrain tout en jouant notre rôle de stagiaire, à cibler les
acteurs pertinents et à observer les faits relatifs à notre
objet.
Le choix méthodologique étant fixé, il
nous faut un regard sur l'échantillonnage.
2.1.2.
Echantillonnage
Nous avons porté notre choix sur
l'échantillonnage de type qualitatif à cas multiples. Cet
échantillonnage part d'une population regorgeant toutes les
catégories du personnel douanier à savoir les sous-directeurs,
les inspecteurs, les contrôleurs, les vérificateurs, les commis.
Ceci répond à la classification d'emplois telle que le
précise la convention collective. ((*)1)
Le souci est de recueillir les avis et opinions diverses sur
les différents mécanismes mis en place par les acteurs pour
occuper le poste stratégique.
Tableau 1 :
Sites
|
Sous-diecteurs
|
Inspecteurs
|
Contrôleurs
|
Vérificateurs
|
Vérificateurs assistants
|
Commis princ
|
Total
|
Kasumbalesa
|
1
|
3
|
3
|
6
|
4
|
2
|
19
|
Barrière Kisanga
|
--
|
1
|
2
|
4
|
2
|
1
|
10
|
EPC Trade service
|
--
|
1
|
3
|
2
|
1
|
3
|
10
|
Total
|
1
|
5
|
8
|
12
|
7
|
6
|
39
|
Ce tableau indique que nous avons eu les entretiens avec 39
cadres et agents de la douane et ce, dans les trois sites de notre
recherche.
Pour ce qui est de l'échantillonnage, nous avons retenu
dix (10) cadres et agents en tenant compte du sexe, la fonction, le grade,
l'ancienneté et le lieu d'affectation.
Cet échantillon a été construit au regard
de la maquette de l'univers d'enquête. Notre technique a consisté
à prendre deux acteurs dans chaque catégorie du personnel de la
douane pour une analyse aisée. C'est un total de dix(10)
constitué de cadres et agents de la douane.
Il ne s'agit pas ici d'une représentation quantitative
mais plutôt qualitative, c'est-à-dire que nous avons tenu compte
de la diversité des acteurs et de la saturation.
L'échantillon qualitatif invite le chercheur de tenir
compte de la diversité des acteurs et de la saturation.
La diversité étant déjà
présentée, nous pensons avoir atteint la saturation
théorique en interviewant les diverses personnes ciblées ainsi
que l'observation faite dans les trois sites en vue de trianguler les
données.
Ces sites sont : la sous-direction de la douane KASUMBALESA
constituant le site principal de notre recherche, la barrière kisanga
où oeuvre la brigade douanière et d'autres services
spécialisés, enfin l'entrepôt public concédé
« trade service ».
Concernant la saturation empirique, elle a été
axée uniquement sur l'observation menée dans les sites ci-haut
explicités. Nous avons pu l'atteindre lorsque nous avons constaté
que les nouvelles observations n'étaient que de répétition
et par conséquent, elles ne fournissent plus de nouvelles connaissances
utiles à notre objet de recherche.
Notre échantillon étant limité selon la
maquette de l'univers d'enquête, nous avons mené des entretiens
profonds avec le receveur de Kasumbalesa à son domicile de Lubumbashi en
vue d'enrichir les données récoltées dans les
différents sites. Le receveur dont il est question, est un ancien
douanier qui maîtrise les rouages du fonctionnement de la douane.
Apres avoir présenté l'échantillon, nous
devons fixer le lecteur sur les techniques de récolte de données.
2.1.3. Techniques de recueil
des données
Pour recueillir les données, nous avons recouru
à trois techniques à savoir :
- l'observation directe, l'interview et la consultation des
documents administratifs de la douane.
2.1.1.1. L'observation directe sous sa forme dite
in situ. En qualité de chercheur participant, nous l'avons
utilisée pour observer les gestes, le discours en termes de jargon
douanier et les attitudes des acteurs de terrain.
Cette technique a permis de récolter les données
et plus précisément les discours des acteurs qui cadrent avec
notre objet de recherche au moment de leur production. Mais, il n'est pas
aisé d'observer les faits liés à notre objet tant qu'il
relève de la discrétion des acteurs.
Néanmoins, nous avons fourni un effort pour saisir
certains dont nous allons analyser le sens. En plus, il y a certains messages
codés puisque relevant du jargon douanier, nous traduisant les
stratégies des acteurs cherchant à se maintenir ou à
être promu au poste stratégique. A titre illustratif, nous en
présentons quelques-uns,
- « Il faut KOLYA NA MOKONZI, il faut NA TINDA BITOYO, il
faut na luka cretch », traduction : (il faut manger avec le chef, il
me faut envoyer de poisons salés, il me faut chercher de l'argent).
- « toyaki pamba, tokozonga pamba te » :(Nous sommes
venus sans rien mais nous n'allons pas rentrer mains bredouilles) ;
- « tika Kolanda mutu wana, aza f.p., asi asala ba
frappes ebele, nani akolande ye, aza fp, mutu ya makasi »,
Traduction : (ne poursuit pas cet homme, il est de la famille
présidentielle, il a déjà fait beaucoup de fraudes, qui va
le sanctionner, il est de la famille présidentielle, l'homme fort) ;
« J'ai beaucoup traîné au
secrétariat où il n'y a rien parce que je n'ai pas de parapluie
».
2.1.1.2. l'interview, appelé aussi entretien sous sa
forme semi directive.
Elle a été mobilisée pour enrichir et
compléter certaines données ayant échappées
à notre observation. Elle nous a permis de dégager les
différents points de vue, les expériences et les
stratégies mobilisées par les acteurs (douaniers) dans le cadre
de l'affectation au poste stratégique.
C'est de cette manière que nous avons eu à
récolter les données du terrain ou regard de l'observation.
Comme la stratégie du chercheur nous oblige d'avoir sur
nous notre carnet de bord, chaque fois qu'un discours se produisait, nous le
retenions d'abord pour le transcrire après et ce, à l'abri des
observateurs. Certains ont été transcrits directement au moment
où ils se produisaient dans notre bureau de stage. Ce cadre là
nous permettait de les transcrire sans inquiétude.
Pour éviter les suspicions, la transcription du
discours produit à KASUMBALESA se traduisait au moment où le chef
(contrôleur, vérificateur), sortait pour la vérification
physique de container dans le parking. A la barrière KISANGA, c'est
après qu'on est libéré les marchandises, nous nous
retirions dans le bureau pour écrire, alors que le chef d'équipe
de la brigade et ses agents prenaient leur bière dans un petit «
NGANDA » (Buvette).
Comme d'aucuns peuvent le constater, l'observation in
situ est limitée parce que ne permettant pas de saisir tous les
faits liés à l'objet, par exemple, les différentes
stratégies des acteurs qui ne sont pas toutes facilement observables.
C'est dans ce cadre que nous avons recouru à
l'étude de quelques cas vécus pour les acteurs en vue d'analyser
la manière dont ils ont été promus et occupent
actuellement de poste stratégique. Il s'agissait aussi de
connaître les personnes de l'intérieur ou de l'extérieur
qui interviennent dans ce mécanisme d'affection au poste
stratégique, les ressources mobilisées par les acteurs et les
stratégies y afférentes.
2.1.1.3. Consultation des documents
administratifs
La consultation des documents douaniers tels que les
déclarations de la marchandise, la législation douanière,
la convention collective de la douane, le tarif douanier a été
utile pour comprendre comment les douaniers falsifient les documents,
produisent les fausses dénominations de la marchandise, ou la
sous-évaluation de la marchandise. Ils exploitent la loi en vue de
capitaliser le poste occupé. Le chef promeut et affecte les siens aux
postes stratégiques. C'est le recours au
« phénomène laboratoire » comme il a
été analysé par Mazwan Kelunga (2008).
Par ailleurs, nous avons lu la convention collective qui
détermine les conditions de promotion des agents et cadres de la douane.
Ce contexte professionnel sera développé lorsque nous allons
aborder le cadre réglementaire du fonctionnement de la douane.
Disposant des techniques, il est opportun de montrer comment
nous nous sommes insérés sur terrain pour les mettre en pratique.
2.1.3.4. L'entretien
Avant de procéder aux entretiens, nous avons construit
notre guide d'entretien en formulant notre consigne (j'aimerais que vous me
parliez de votre travail) alimentée des les questions de recherche sous
forme de thèmes :
- - Conditions de recrutement
- Conditions de promotion
- Conditions d'affectation
- Poste stratégique
- Comment occuper le poste stratégique
- Les pratiques liées au poste stratégique
- Les postes non stratégiques
- Logiques liées aux différentes pratiques.
Lors de notre stage dans les différents bureaux, nous
avons fourni un effort pour amplifier la familiarité et la mise en
confiance des acteurs. Ayant ciblés quelques uns devant constituer notre
échantillon, nous avons pris rendez- vous avec chacun au regard de notre
calendrier.
Ainsi nous nous sommes entretenus avec le sous-directeur Chuyi
dans un lieu discret (Cercle privé appartenant à une
société minière de la ville) de la commune KAMPEMBA.
C'est à sa charge que nous avions pris un verre tout en nous entretenant
sur l'objet en transcrivant directement ses propos dans un cahier registre
acheté pour cette fin.
Avec le receveur principal Simba qui m'avait
invité chez lui le dimanche après le culte et nous nous sommes
entretenus autour de sa piscine, téléphones fermés. En
voyant les conditions de vie et le nombre des gens qui venaient demander de
l'argent et que sa femme s'en occupait, le nombre de véhicules dans la
parcelle, sa villa, nous avons vite associé son être au poste
occupé à KASUMBALESA.
Le douanier Sandoa lui m'a demandé de lui payer une
bouteille d'alcool connu à Lubumbashi sous l'appellation « Bols
». C'est autour de cette bouteille qu'a eu l'entretien au cercle tennis de
la Société Nationale de Chemin de fer du Congo (SNCC) où
notre interlocuteur devait attendre un opérateur économique de la
ville qui lui, avait promis de l'argent pour payer les frais d'études de
son fils étudiant à l'Université de Lubumbashi. Un fait
particulier relevé dans son discours et ses gestes traduisait le regret
de son état professionnel.
« Sina ndugu njoo pale niko ivi, sipandake grade,
sipatake affectation ya bien » Traduction : (je n'ai pas de
frère, c'est pourquoi je suis comme ça, je ne monte pas de grade
je n'obtiens pas une bonne affectation).
La douanière Kikuni avait semblé ne pas vouloir
nous recevoir. Pour elle, elle reçoit beaucoup d'étudiants
stagiaires qui lui font parler, ils épuisent son souffle pour rien au
lieu de recevoir les gens qui vont voir de directeur et qu'à leur
sortie, ils lui laissent quelques billets de banque.
Pour réussir à nous entretenir avec elle, nous
avons rappelé le jour qu'elle devait aller en Zambie.
A la frontière de kasumbalesa l'immigration Zambienne
l'avait compliquée pour l'obtention du visa pour motif qu'elle
n'était pas douanière de kasumbalesa. le chef local de la douane
kasumbalesa, actuellement au grade de sous-directeur, l'avait envoyée
à notre bureau alors que nous assumions les fonctions de chef de poste
adjoint de la Direction Générale de Migration à la
même frontière. Sa situation fut décantée par un
simple coût de téléphone destiné à mon
collègue zambien.
C'est dans ce cadre qu'elle s'exclama :
« Papa Vicky ni weye kumbe ivi weye tuendeni mu bureau
yaku pembeni, collègue wangu wa biro apokeleye wageni wa chef »
Traduction : (Papa Vicky, c'est vous comme c'est vous, allons au bureau
d'à côté, comme ça mon collègue du bureau va
continuer à recevoir les visiteurs du chef).
C'est dans ce bureau qu'elle me parle de son expérience
à la douane (19 ans) et la manière dont les affectations se font
étant donné qu'aucun document ne peut entrer ou sortir chez le
directeur sans qu'elle l'enregistre et lui attribue un numéro. La
confiance étant gagnée, elle me livre le secret sur les
affectations, et les promotions et les comportements des douaniers tant au
service qu'en dehors de celui-ci.
Voilà au moins la manière dont nous avons
procédé pour récolter les données d'entretien dont
la durée moyenne variait entre 45 et 60 minutes pour chaque personne
interviewée. C'est en procédant ainsi que nous avons ciblé
toutes les personnes citées jusqu'à atteindre la saturation.
La mise en oeuvre étant élaborée, il
nous reste à présenter la manière dont les données
ont été analysées.
2.1.4 L'Immersion sur terrain
et gestion de la position du chercheur
2.1.4.1.
L'immersion sur terrain
Notre immersion sur terrain s'est réalisée
grâce à la lettre de recommandation de stage
délivrée par l'Ecole de Criminologie de l'Université de
Lubumbashi. L'immersion sur terrain comme le dit Mazwan Kelunga (2008 :
60), «est une épreuve difficile particulièrement pour un
chercheur extérieur puisqu'elle pose des attitudes à prendre
».
A ce propos Kienge Kienge (2005 102-110), « explicite
en montrant qu'elle rend compte de son expérience vécue et des
attitudes prises dont le programmatisme (stratégie de la langue, celle
du coca) et la flexibilité dans l'emploi du temps ». (2005
:102-110)
En ce qui nous concerne, notre intégration dans le
milieu a été facilitée par notre statut d'agent de l'Etat
(migration) à travers bien sur les différentes fonctions de
responsabilité assumées à la frontière de
Kasumbalesa, à la frontière de Sakania et dans la ville de
Lubumbashi.
En tant que client de la douane dans le cadre de
dédouanement des véhicules ; nous avons été en
contact avec le partenaire de la douane (le déclarant) maîtrisant
bien le jargon et le rouage de la douane tant de Kasumbalesa que celle de
Lubumbashi. Comment avons-nous géré notre position de chercheur ?
2.1.4.2.
Gestion de la position du chercheur
Ici nous voulons montrer l'attitude prise sur terrain en notre
qualité de chercheur
a) Chercheur participant :
En nous insérant dans le milieu, le stage nous a permis
de nous intégrer dans le milieu professionnel où nous avons
joué le rôle du stagiaire. Ce statut nous permettait de participer
au travail du douanier à travers diverses tâches, comme
l'assistance au déchargement de la marchandise chez le client,
l'interpellation à kisanga de containers communément
appelés kapiri, nom du lieu où sont fabriqués ces
containers, etc.
A titre d'information, ces containers sont ceux
fabriqués à kapiri en tanzanie et attendent les marchandises en
provenance de l'Asie mais qui sont déchargés en Tanzanie pour
être recharger au même lieu à la destination de kasumbalesa.
Il s'agit des containers ne répondant pas aux normes internationales
(codification et numérotation) et qui, par conséquent,
constituent une ressource financière pour le douanier qui estime au vu
de la marchandise le taux du tarif douanier à appliquer.
En conséquence, ceci donne lieu à une
négociation entre le douanier et le propriétaire (physique ou
moral) de la marchandise.
La position du chercheur participant a été pour
nous un atout qui nous a facilité la mise en oeuvre de l'observation.
b) Chercheur observant et observé
En qualité de stagiaire connu, nous avons d'abord
été observant et à même temps observé. Cette
situation nous a amené à gérer notre position de chercheur
pour transcrire en cachette les données de l'observation pour ne pas
éveiller l'attention des observés.
Signalons aussi que pendant cette période de stage,
nous avions fournis un effort pour gagner la confiance de cadres et agents de
la douane.
La confiance étant gagnée dans ceux qui nous
ont connu tant à kasumbalesa qu'à sakania, nous les avons
facilité leurs sorties de notre pays par l'octroie d'un laissez-passer
gratis destinés aux fonctionnaires de l'Etat, aussi pour n'avoir pas
donné le vrai projet de notre mémoire.
Toutefois, ceci a été
révélé plus tard dans les entretiens menés en
dehors des heures de services, car un contrôleur m'invitant à
partager un repas avec lui m'a dit ceci : « En science, il n'y a pas de
tabou, et surtout que vous êtes étudiant d'un de mes meilleurs
professeurs de l'Université de kinshasa en la personne de Raoul Kienge
Kienge ».
Il sied de signaler que la langue de communication avec les
acteurs a été essentiellement le français auquel s'est
greffé le Swahili qui est la langue principale de la province du katanga
et un peu de lingala pour les douaniers venant fraîchement de kinshasa
et du Bas - Congo.
1.5.
Analyse des données
A titre de rappel, l'objet de cette recherche porte sur le
mécanisme d'affectation du douanier au poste stratégique.
Étant donné que ce mécanisme a un sens à
découvrir dans l'esprit des acteurs qui interviennent dans l'affectation
du douanier au poste stratégique, la méthode d'analyse du contenu
sous sa forme dite thématique nous a semblé la mieux
indiquée pour comprendre et interpréter les données de
l'observation et de l'entretien recueillis en terme de discours.
Selon Berthelot sous la plume d'Ankouni et Ansaert (1999
:19), « l'analyse thématique consiste à découper
le corpus empirique en ensemble fini de thèmes et de sous thèmes
à partir du noyau de sens ». Cette tâche a été
facilitée grâce à l'analyse à mi-chemin qui consiste
à classer les données sur base de convergences et de divergences
tout en tentant de donner quelques interprétations.
Pour ce faire, nous avons observé les recommandants
d'Albarello et le duo Blanchet et Gotman. Albarello (2004 : 79),
écrit à propos d'analyse scientifique ce qui suit :
« le chercheur ne peut se contenter de reproduire les
données qu'il a précédemment recueillies auprès de
sujets, lors d'entretiens qualitatifs. Il importe une fois encore de pouvoir
rompre avec les sens commun, d'opérer les ruptures nécessaires et
d'aller au delà du discours et de l'opinion exprimée pour
interpréter et reconstruire scientifiquement la réalité.
En quelque sorte, il va falloir passer ces multiples avis, opinions et
représentations recueillies auprès des acteurs à travers
des filtres de lecture.
Il s'agit de traiter les données
récoltées. Cette opération s'effectue principalement
grâce à ce qu'il est convenu d'appeler l'analyse de contenu »
A ce propos, Blanchet et Gotman (2001 : 91-98) ajoutent,
« l'objectif de l'analyse du contenu est double : stabiliser le mode
d'extraction du sens et produire de résultats répondant aux
objectifs de la recherche ». Se référant à Bardin,
ils expliquent l'analyse thématique comme celle qui défait la
singularité du discours et découpe transversalement ce qui, d`un
entretien à l'autre, se réfère au même
thème. Elle ignore ainsi la cohérence singulière de
l'entretien, et cherche une cohérence thématique inter -
entretiens. La manipulation thématique consiste ainsi, (...) à
jeter l'ensemble des éléments signifiants dans une sorte de sac
à thèmes qui détruit définitivement l'architecture
cognitive et affective des personnes singulières. L'analyse
thématique est donc cohérente avec la mise en oeuvre de
modèles explicatifs de pratiques ou de représentations, et non
pas de l'action ».
Concrètement, l'analyse a consisté à
traiter les données de l'observation et de l'entretien, une par une
pour en extraire le noyau de sens, en déterminant la catégorie
conceptuelle sous forme de thèmes et de sous - thèmes. Il s'agit
de l'analyse verticale.
Quant à l'analyse horizontale, elle a consisté
à chercher le lien entre les différents thèmes de
l'analyse verticale.
C'est en cela qu'elle est (analyse) transversale : elle
procède au recoupement de toutes les données. En traitant les
données, il faut garantir la fiabilité des résultats, ce
qui nous ressort à ce fait ci - après :
2.1.6.
Considérations éthiques, facilités et difficultés
rencontrées
2.1.6.1. Considérations éthiques
Il sied de remarquer que la recherche de terrain
soulève le problème d'ordre éthique dont il faudra prendre
en compte pour la validité de notre recherche.
Tablant sur ces considérations éthiques, nous
avions fournis d'efforts considérables en recourant à plusieurs
stratégies pour que les acteurs ciblés acceptent, participent
librement et volontairement à notre démarche liée à
l'entretien.
Pour raison de discrétion et d'éthique, nous
avons recouru à l'usage de l'anonymat afin que les acteurs participent
sans crainte aux entretiens réalisés sur base des rendez - vous
fixés d'un commun accord.
2.1.6.2. Facilités dans la recherche
Ayant oeuvré dans les différentes
frontières de la province du Katanga dans le cadre du service de
migration, nous avons été en contact avec les différentes
catégories de douaniers que nous avons rencontrés dans les
différents bureaux ayant constitué notre lieu de stage. Ces
douaniers, familiers à nous ont même facilité notre prise
de contact avec d'autres douaniers nouveaux qui s'exprimaient pour la plupart
en Lingala.
Ainsi, l'entretien a été très enrichi par
cette confiance placée en nous en tant que fonctionnaire de l'Etat
congolais et donc n'échappant pas aux mêmes conditions officielles
de travail. Malgré cette facilité, nous avons aussi
éprouvées certaines difficultés que nous vous
présentons ci- dessous.
2.1.6.3. Difficultés rencontrées dans la
recherche
Certaines difficultés en rapport avec la mise en
oeuvre de techniques de récoltes de données ont
été soulevées ; nous avons aussi montré
comment nous les avons contournées.
Pour raison de commodité, en voici quelques - unes :
Alors que l'Ecole de Criminologie est en train de se faire
connaître dans la ville de Lubumbashi à travers différentes
manifestations (conférences), le directeur de la douane que nous avons
rencontré avec le secrétaire académique de l'école
et la Coopérante belge du centre de formation en criminologie, et
droits humains, le Directeur Bundu Dia Kongo s'exclama :
« Vous voulez passer votre stage à la douane parce
qu'il y a de crimes ? ».
Il a fallu de longues explications pour comprendre notre
démarche et cela en ne révélant pas notre vrai sujet de
projet de mémoire.
Malgré, la familiarité, quelques - uns n'ont pas
respecté le rendez - vous dans le but avons-nous compris de nous
décourager.
Pour contourner cette difficulté, nous avons
ciblé d'autres acteurs qui ont accepté et cela pour respecter un
de principes d'éthique qui consiste à respecter la participation
volontaire. Aussi, les douaniers venant de Kinshasa et la province du Bas-Congo
s'exprimaient dans un lingala difficile. Il a fallu consulter d'autres
douaniers pour la traduction.
N'étant pas douanier, il était difficile de
comprendre la position et la tarification douanières qui demandent des
connaissances approfondies. Ceci révèle donc que nous ne pouvons
pas nous habitué aux pratiques douanières.
Le dispositif méthodologique étant cerné,
qu'en est-il du site de recherche et du cadre réglementaire de l'Office
de Douanes et Accises, OFIDA en sigle.
2.2. SITES
DE RECHERCHE & CADRE REGLEMLENTAIRE DE LA DOUANE.
2.2.1.
SITES DE RECHERCHES
A titre de rappel, notre recherche, dans une perspective de
triangulation de données, s'est réalisée sur trois sites
dont KASUMBALESA en constitue le principal et les deux autres secondaires
(Entrepôt Trade Service et la barrière Kisanga).
2.2.1.1.
Site de KASUMBALESA
kasumbalesa est une cité dirigée par un chef
de cité. Il constitue un poste frontalier où sont affectés
les différents services de l'Etat. La douane qui a été
notre lieu de stage figure en première position en tant que poste
principal d'entrée et de sortie de diverses marchandises de la province
du Katanga.
Il constitue un lieu de transit par excellence des
échanges commerciaux entre Etats. Cette position justifie la
présence des commissionnaires en douane à travers leurs bureaux
de représentation greffés à celui des douanes et de la
Direction Générale de Migration, DGM en sigle. Aussi il y a de
déclarants debout, c'est-à-dire ceux n'ayant pas de bureaux mais
qui louent les cachets des commissionnaires agrées.
A la sortie de Lubumbashi, il y a des entrepôts
construits sur la route, à 8 Km du bureau de la frontière. Cela
que devront s'effectuer l'opération de déchargement de toutes les
marchandises importées. Le service de l'Office Congolais de
Contrôle y a aussi érigé son bureau technique.
Une multitude des containers quittant le Congo pour la
plupart transportant de minerais attendent devant le bar Makutano en attendant
que les formalités de sorties soient remplies à la douane, ceci
compte tenu de la petitesse de la route et le manque de parking
approprié.
Lorsque vous venez de Lubumbashi, il y a deux voies de sortie
de véhicules, l'une pour les trucks, l'autre pour les petits
véhicules. Le bureau du sous-directeur est situé à gauche
de la petite voie de sortie de véhicules. Dans le même
bâtiment fonctionne le service de l'immigration (DGM).
Trois services forment la sous-direction de la douane
kasumbalesa, à savoir :
1°) Le bureau du sous-directeur et son
secrétariat. Il donne accès aussi au bureau du receveur principal
et au bureau de l'informatique et au bureau de la vérification.
La sous-direction de la douane kasumbalesa est située
à la frontière entre la République Démocratique du
Congo et la République de Zambie. Entre elles s'élargit un
espace neutre où l'on trouve une multitude de véhicules
transportant des marchandises destinées à la République
Démocratique du Congo.
Les trucks avec les marchandises destinées à
l'exportation sont garés loin de la frontière du coté
congolais à cause de la petitesse de la route et le manque d'un parking
officiel. L'exportation des minerais figure en première position.
Les commissionnaires en douanes et les déclarants
remplissent les formalités aux services préposés à
la frontière, une fois fixés, c'est alors au vu de document, que
ces camions viennent à la frontière pour leur sortie.
Le bureau du receveur principal est situé à
côté de la voie de petits véhicules, il est
constitué de plusieurs bureaux dont, le bureau d'acceptation, celui de
transfert, un autre de statistiques, ...
2°) Le bureau de vérification est dirigé
par un inspecteur assisté de contrôleur et plusieurs
vérificateurs et vérificateurs assistants,
3°) Le bureau de la brigade est dirigé par un
inspecteur assisté de deux contrôleurs chargé
respectivement de l'import et de l'export. Sans distinction de grade, les
agents de la brigade sont appelés « commandants ».
Les différents bureaux sont collés ensemble
compte tenu de la petitesse du bâtiment abritant à même
temps le service de la douane et celui de la Direction Générale
de Migration.
2.2.1.2.
L'entrepôt TRADE SERVICE
Celui - ci est un entrepôt public
concédé dont le concessionnaire est un homme influant dans la
politique nationale de notre pays, a son bureau technique dans la commune
Kampemba au croisement des avenues shangungu et industrielle, tandis que son
bureau administratif est situé sur l'avenue Moero de la commune de
Lubumbashi.
C'est le premier entrepôt de la ville qui reçoit
beaucoup de containers. Les véhicules parquent le long de deux avenues
ci- haut cités.
Ce bureau de la douane est dirigé par un inspecteur
chef local. Ce bureau technique (entrepôt) est dans la commune kampemba,
tandis que le bureau administratif est situé dans la commune de
Lubumbashi.
2.2.1.3. La barrière
KISANGA
La barrière kisanga est située sur la route qui
mène vers KASUBMALESA après la bifurcation entre celle-ci est
celle allant à KIPUSHI en passant par la Commune Annexe.
C'est à cette barrière qu'il y a le pont bascule
où toutes les marchandises qui entrent ou qui sortent de la ville sont
pesées.
Plusieurs services techniques comme l'office congolais de
contrôle, la police de mines, quelques laboratoires privés, etc. y
ont leurs représentations ou antennes.
A la barrière Kisanga la brigade douanière
vérifie les documents de toutes les marchandises qui entrent ou qui
sortent de Lubumbashi. Elle a le pouvoir d'arrêter les marchandises dont
les documents de transfert ne sont pas fiables ou lorsqu'il y a doute. C'est
alors que la marchandise est escortée par un brigadier jusqu'à
l'entrepôt public de la douane, OFIDA Ville.
Pour nous rendre compte des différents
mécanismes d'affectation au poste stratégique, il est mieux de
fixer le lecteur sur le cadre réglementaire auquel sont soumis les
douaniers.
2.2.2.
Cadre réglementaire de L' OFIDA
Pour mieux saisir les mécanismes autour de
l'affectation du douanier au poste stratégique, mis en oeuvre par les
différents acteurs de la douane, nous avons trouvé mieux de
présenter le cadre réglementaire auquel sont soumis les
douaniers, l'objectif étant de cerner les écarts à ce
cadre.
Il s'agira de cerner la catégorie d'emploi (1),
l'engagement (2), les obligations réciproques (3), l'intérim (4),
le commissionnement en grade (5), la promotion (6), la mutation ainsi que le
détachement (7).
Il faudra signaler que ce cadre réglementaire qui est
lié à l'objet de notre recherche a été
étoffé sur base de la convention collective en vigueur à
l'Office des Douanes et Accises.
En tant que structure, la douane fonctionne selon une
hiérarchie qui détermine les rôles de son personnel par une
description des tâches.
La convention collective de la douane nous a servi de source
pour présenter le fonctionnement de l'OFIDA.
2.2.2.1.
Catégorie d'emploi
Les emplois auxquels sont affectés les agents se
subdivisent en trois catégories : commandement, collaboration et
exécution.
1° Par emplois de commandement, il faut entendre les
postes correspondants aux grades ci-après : directeurs, sous-directeurs,
inspecteurs.
2° Par emplois de collaboration, il faut entendre les
postes correspondants aux grades ci-après : vérificateur,
vérificateur assistant et rédacteur principal.
3° Par emplois d'exécution, il faut entendre les
postes correspondantes aux grades de rédacteur, commis principal, commis
et huissier.
2.2.2.2.
Conditions d'engagement
a)
Engagement sur concours
Tout candidat doit satisfaire aux conditions suivantes :
- Etre de nationalité congolaise,
- Etre de bonne moralité et jouir de ses droits
civiques - Etre âgé de 35 ans au plus, sauf décision
contraire du comité de gestion ou du conseil d'administration.
- Etre reconnu physiquement apte à l'emploi
postulé,
- Etre porteur selon le cas :
· Du diplôme du niveau supérieur,
universitaire ou d'un titre équivalent,
· Du diplôme d'état ou d'un titre
équivalent, Certificat requis pour l'exercice de l'emploi et/ou avoir
éventuellement une expérience suffisante attestée par
l'ancien employeur ;
· Avoir subi, avec succès, l'épreuve
d'admission.
b)
Engagement sur titre
L'engagement sur titre est décidé, selon le cas,
par le Président Délégué Général, le
Comité de Gestion ou le Conseil d'Administration. Aucun engagement sur
titre ne peut se faire au grade de commandement sauf dérogation expresse
du Conseil d'Administration. L'expérience joue aussi un rôle
important lors de recrutement. L'expérience acquise dans
l'administration publique, dans les entreprises publiques ou dans le secteur
privé est à prendre en considération lors de l'engagement,
dans la mesure où elle est profitable à l'office.
- Vacance et priorité d'engagement
En cas de vacance d'emploi et dans la mesure où les
candidats répondent au profil requis et aux critères d'embauche,
l'office accorde priorité :
- Aux agents licenciés de l'office, par suite de
suppression d'emploi, pour des raisons d'organisation des services ou pour des
raisons économiques, dans la mesure où ils disposent des
aptitudes professionnelles requises pour l'occupation de cette fonction.
- Aux enfants de travailleurs décédés,
pensionnés, reformés ou en activités et aux conjoints
survivants.
La priorité d'embauche est accordée dans le
respect de l'ordre ainsi établi. Toute vacance doit faire l'objet d'une
publicité affichée aux valves et communiqué à la
délégation syndicale. Comme tout emploi exige un contrat, nous
allons en analyser la forme pratique au sein de l' OFIDA.
- Forme de contrat
Tout engagement est constaté par écrit.
Tout contrat de travail doit faire référence aux
dispositions de l'article 187 du code de travail et à la présente
convention collective.
A l'engagement, l'argent est situé à
l'échelon de sa catégorie :
- Période de l'essai
L'engagement définitif d'un agent intervient : pour les
emplois relevant de la catégorie d'exécution, à l'issue
d'une période d'essaie ne dépassant pas un mois. Pour les emplois
de la catégorie de commandement, cette période ne dépasse
pas 6 mois.
A l'expiration de la période d'essai si celui - ci
n'est pas déclaré non concluant, le contrat est
réputé pour une durée indéterminée,
c'est-à-dire, le candidat doit être engagé d'office
conformément au contrat à durée
indéterminée.
Le contrat étant cerné, qu'en est - il des
obligations ?
2.2.2.3.
Les obligations entre les parties
A.
Obligations de l'agent
Le travailleur a l'obligation notamment de :
- Exécuter personnellement son travail, dans les
conditions, au temps et au lieu convenus ;
- Agir conformément aux ordres qui lui sont
donnés par l'employeur ou son préposé, en vue de
l'exécution du contrat ;
- Respecter le règlement établi pour l'office,
l'atelier ou le lieu dans lequel il doit exécuter son travail ;
- S'abstenir de tous ce qui pourrait nuire soit à sa
propre sécurité, soit à celle de ses compagnons ou des
tiers ;
- Respecter les convenances et les bonnes moeurs pendant
l'exécution du contrat et traiter avec équité les
travailleurs placés sous ses ordres ;
- Utiliser en bon père de famille et restituer en bon
état à l'employeur les marchandises, produits, espèces,
et, d'une façon générale, tout ce qui lui a
été confié ;
- Il n'est tenu pour responsable ni des
détériorations ni de l'usure dues à l'usage normal de la
chose, ni de la perte fortuite ;
- Garder les secrets professionnels même après
expiration du contrat ;
- Veiller à la sauvegarde des intérêts de
l'office ;
- Fournir les renseignements nécessaires aux usagers
de la douane. Il est tenu à la plus grande politesse dans ses rapports
avec ses supérieurs, collègues de travail ou inférieurs et
le public.
B.
Obligations de l'employeur
- L'employeur a l'obligation de :
- Assurer aux agents en exercice de leur fonctions et ce
conformément aux dispositions légales et réglementaires,
une protection conséquente contre les intimidations, menaces, vexations,
injures, diffamations, attaques corporelles ainsi que toute arrestation
arbitraire dont ils peuvent faire l'objet ;
- Obtenir, par toute voie de droit, une juste
réparation de tout préjudice subi ;
- Veiller à l'esprit d'entraide dans les services et
éviter tout ce qui pourrait rapporter atteinte à la confiance du
public ou compromettre la dignité de l'office ;
- Eviter tout propos tendant à entretenir ou à
favoriser toute forme de discrimination clanique, tribale, provinciale ou
raciale au sein de l'office.
- S'abstenir de donner des ordres incompatibles aux lois du
pays ainsi qu'aux règlements en vigueur au sein de l'office.
- Les obligations étant cernées, nous trouvons
opportun d'aborder l'affectation dans le cadre de l'intérim.
2.2.2.4.
L'Intérim
- l'intérim est l'affectation d'un agent à un
emploi temporairement vacant égal ou immédiatement
supérieur au sien.
- L'agent, désigné par écrit pour occuper
temporairement un emploi supérieur à celui qu'il occupe,
bénéficie d'une prime d'intérim au prorata des jours
prestés.
- Le montant de cette prime est égal à la
différence entre son salaire de base au moment où il est
chargé de l'intérim et celui de l'emploi qu'il occupe y compris
les autres avantages sociaux liés à la fonction
considérée. Toutefois, si l'agent jouit d'un salaire égal
à celui du poste intérimé, il conserve son salaire
majoré de 10%.
- - La durée de l'intérim ne peut
dépasser 6 mois. Un mois avant l'expiration de ce délai, un
rapport circonstancié de l'intérim doit être
adressé à l'autorité compétente par le service
utilisateur. Si ce rapport est favorable, l'agent est confirmé à
ce poste ; au cas contraire, il est réintégré dans ses
fonctions antérieures. Le poste intérimé est ainsi
déclaré définitivement vacant et la procédure de
commissionnement est actionnée.
- Tout intérim doit être porté à la
connaissance de la division du personnel.
- L'intérim est accordé par le Président
Délégué Général pour les fonctions de
directeur, et par le Directeur Divisionnaire ou Provincial pour les autres
fonctions
- L'intérim nous renvoie au commissionnaire. Cet aspect
est abordé dans les lignes qui suivent.
2.2.2.5.
Commissionnement
Le commissionnement est l'affectation d'un agent à un
emploi immédiatement supérieur définitivement vacant.
Pour être commissionné, l'agent doit avoir
occupé le poste immédiatement inférieur et être
proposé par le service utilisateur, en tenant compte des
capacités intellectuelles et professionnelles de l'agent.
Le commissionnement ne peut pas être avant l'expiration
d'un mois à dater de la survenance des faits ayant occasionné la
vacance définitive du poste à pourvoir.
La durée du commissionnement constitue une
période probatoire pour la promotion de l'agent au grade
immédiatement supérieur. Elle est de :
- 2 mois pour les agents d'exécution et de
collaboration ;
- 3 mois pour les agents de commandement.
Dans les 10 jours francs qui précèdent
l'expiration de la période de commissionnement, un rapport
circonstancié est adressé à l'autorité
compétente par le service utilisateur. En l'absence d'un rapport de
service, passé ce délai, l'agent est confirmé dans ses
nouvelles fonctions.
L'agent qui ne donne pas satisfaction prenant cette
période reçoit une notification écrite de la
décision de l'autorité et est réintégré dans
ses fonctions antérieures. S'il s'estime lésé par cette
décision, il a 5 jours francs pour introduire un recours auprès
de l'autorité qui a pris la décision.
L'agent commissionné bénéficie pendant la
durée du commissionnement, d'une prime de commissionnement qui est
égale à la différence entre le salaire de base dont il
jouit au moment où il est commissionné et celui de base de la
fonction qu'il va exercer, y compris les autres avantages sociaux liés
à la fonction.
Aucun agent ne peut faire l'objet de deux commissionnements au
cours d'une même année. Le commissionnement est
décidé par le Président Délégué
Général.
Si le commissionnement est une promotion particulière,
qu'en est il de la promotion en général au sein de la douane ?
2.2.2.6.
Promotion
La promotion est la nomination de l'agent à un grade
ou à un échelon supérieur. L'on distingue une promotion
verticale d'une promotion horizontale.
2.2.2.6.1.
Promotion verticale
La promotion verticale est la nomination de l'agent à
un grade supérieur au sien.
Elle ne peut avoir pour objet que de pouvoir à la
vacance d'un emploi budgétairement prévu dans le cadre organique,
hormis le cas de production d'un titre scolaire, académique ou
équivalent et sanctionnant des études, effectuées dans
l'intérêt du service au sens du point 3.5 (de la convention
collective de la douane) des modalités d'application et donnant
accès à un grade supérieur.
L'agent y accède :
- soit après une période de commissionnement
- soit sur décision du Président
Délégué Général, du Comité de Gestion
ou de conseil d'administration, selon le cas ;
- soit après obtention d'un titre scolaire ou
académique donnant accès à un grade supérieur dans
les conditions définies ci-dessous
- soit après réussite à un cycle de
formation de perfectionnement professionnel dont la valeur est officiellement
reconnue par l'office et donnant accès au grade supérieur ;
- soit après réussite à un concours
d'aptitude professionnelle pour les grades d'exécution et de
collaboration. Pour être admis à ce concours, l'agent doit avoir
accompli au moins trois ans d'ancienneté dans le grade
immédiatement inférieur au grade de promotion et avoir obtenu
l'appréciation « bon » au cours de trois dernières
années. Ce délai peut être réduit à deux ans
à la condition que l'agent bénéficie d'une cote «
très bon » au cours de deux derniers années. En cas
d'égalité des points au concours d'aptitude professionnelle,
l'agent ayant le meilleur signalement a priorité. Si
l'égalité persiste, l'ancienneté départage les
candidats.
2.2.2.6.2.
Promotion horizontale
La promotion horizontale est la nomination d'un agent à
un échelon supérieur du même grade. Elle s'applique aux
agents exerçant la carrière plane, c'est-à-dire le
régime de la carrière plane s'applique notamment aux fonctions
ci-après :
- Secrétaire de direction ;
- Secrétaire dactylographe ;
- Infirmier ;
- Laborantin, -
Chauffeur,
- Encodeuse -
Sentinelle
- Balayeur -
Mécanicien
- Menuisier -
Opérateur
- Hôtesse -
Charpentier
- Maçon -
Peintre
- Tôlier
Les règles particulières régissant les
échelons sont définies dans les modalités d'application.
2.2.2.7.
Mutation et détachement
2.2.2.7.1.
Mutation
La mutation est l'affectation d'un agent d'une province
douanière à une autre ou d'une localité à une autre
à l'intérieur d'une même province douanière. Elle
peut être décidée pour raison de service, de santé
ou pour convenance personnelle, dans le strict respect de l'article 24 de la
loi n°78-002 du 8 janvier 1978 portant dispositions
générales applicables aux entreprises publiques telle que
modifiée et complétée à ce jour.
2.2.2.7.2.
Détachement
Le détachement est la position de l'agent qui est
autorisé à interrompre provisoirement ses fonctions pour :
2. Exercer un mandat politique ;
3. Exercer une fonction auprès d'un service public ou
une entreprise publique ;
4. Servir sous les drapeaux en cas d'appel ou de rappel sous
les armes ;
5. Exercer un mandat syndical auprès d'une organisation
syndicale reconnue représentative ;
6. OEuvrer auprès des organismes internationaux dont la
République Démocratique du Congo est membre.
Le détachement est prononcé par le
Président Délégué Général à la
demande de l'agent ou de l'organisme utilisateur. Le détachement a une
durée égale à celle du mandat ou des fonctions à
exercer. Il rend définitivement vacant l'emploi occupé par
l'agent.
Cette recherche étant essentiellement qualitative, ce
chapitre nous a permis de mobiliser l'observation participante comme voie
d'accès aux données. Le recueil de données a
été réalisé par l'observation in situ,
l'entretien semi-directif et la consultation des documents administratifs.
L'analyse du contenu sous sa version thématique
à la fois verticale et horizontale nous a permis de traiter les
données. Pour raison de triangulation, nous avons ciblé trois
sites dans la logique de saisir les effets en amont et en aval. Il s'agit des
sites ci-après : la sous-direction de Kasumbalesa, l'entrepôt
public concédé Trade Service et la barrière Kisanga.
L'organisation formelle de l'Office des Douanes et Accises
nous a amené à épingler le cadre réglementaire en
misant sur les aspects ayant trait à notre objet de recherche. La mise
en oeuvre de dispositifs de recueil de données étant
circonscrites, les sites décrits et le cadre règlementaire
cerné ; qu'en est - il résultat de cette recherche ?
La réponse sera donnée fait l'objet du chapitre
qui suit.
CHAPITRE
III : REGARD CRIMINOLOGIQUE SUR LES MECANISMES D'AFFECTATION DU DOUANIER AU
POSTE STRATEGIQUE
Ce chapitre est essentiellement empirique, il cerne quatre
points. Le premier présente les critères non
réglementaires qui président au recrutement, à la
promotion au sein de la douane et les représentations des acteurs des
postes stratégiques, le deuxième montre les différentes
stratégies d'occupation des postes stratégiques, le
troisième cerne les différentes pratiques qui sous-tendent
l'affectation et le maintien au poste stratégique,
Le quatrième, présente les différentes
logiques d'action qui expliquent les mécanismes d'affectation au poste
stratégique.
3.I.
CRITERES NON REGLEMENTAIRES DE RECRUTEMENT, DE PROMOTION ET REPRESENTATIONS DU
POSTE STRATEGIQUE
3.1.1
Critères non réglementaires de recrutement et de promotion
à la douane
La Douane est une entreprise publique, ses pratiques nous
poussent à l'appréhender dans le sens de Degenne et Forsé
(2004 : 37), qui définissent l'entreprise comme : « une
organisation dont l'organigramme, qui définit les liens formels entres
les acteurs, se double d'un réseau de relations informelles (le
sociogramme) ». Dans cette optique, le recrutement et la promotion
à la douane ne recourent pas aux critères légaux
établis par la convention collective, par le droit de travail et autres
textes légaux, ni à la méritocratie pour parler
essentiellement de la promotion.
Ce faisant, il est opportun de jeter un regard sur les
critères subjectifs rencontrés à la douane pendant notre
stage de recherche. De ces critères, nous avons retenu l'intervention
d'un directeur, le stage d'une longue durée et les recommandations.
3.1.1.1.
L'intervention personnelle d'un directeur
Actuellement la douane n'engage pas facilement. Autrement dit,
il n'ya plus offre d'emploi. La plupart de douaniers sont ceux qui ont
étudié pendant trois ans à l'Ecole Nationale des Finances
en sigle E.N.F. basée à Kinshasa.
Ce passage à cette école reste la voie
légale pour être engagé à la douane en
priorité par apport aux autres candidats provenant des autres
institutions universitaires. Cependant, lorsque l'on a de relation
particulière avec les personnalités comme le Directeur Provincial
ou celui de la Direction Générale basée à Kinshasa,
celui - ci peut s'investir dans le dossier pour faciliter l'engagement et ou la
promotion.
A ce propos, Monsieur Sandoa, un vérificateur
préposé à la brigade de la barrière Kisanga nous
relate ce qui suit à la question de savoir ce qu'il a fait pour que son
dossier d'engagement soit décanté :
« Vous me demandez cette question, il y a un
directeur malheureusement décédé, il y a trois mois, qui
s'était investi dans notre dossier. Nous étions à sept
sous son parrainage, il avait arraché notre engagement et nos
affectations ici même à Lubumbashi ».
Le douanier Sungura reporte ce qui suit :
« Aujourd'hui chaque chef amène son
frère pour un stage permanent à la douane. Entre-temps il
mène les démarches d'engagement à Kinshasa. Il donne
beaucoup d'argents à cet effet. Ce fut mon cas, aujourd'hui j'aide aussi
ma famille et la sienne ».
Ces deux extraits montrent que pour être engagé
à la douane et être affecté à un poste
stratégique, on peut recouvrir à un haut cadre de la Direction
Générale plutôt que d'étudier à l'Ecole
Nationale des Finances en sigle E.N.F.
1.1.2. Le
stage
Pour être engagé à la douane, beaucoup
commencent par le stage de plusieurs mois voir des années selon
l'influence ou le statut du haut cadre de la douane qui parraine le dossier.
Tout part du stage, une activité formelle. Mais sa durée
dépasse les normes requises. La continuité de cette
activité scolaire dépend des influences de celui qui patronne le
dossier du candidat. Ce stage se change en engagement qui reste à
être formalisé.
3.1.1.3.
Les recommandations
Le partage du pouvoir politique entre les différentes
composantes du gouvernement de transition a fait que chacune de ces composantes
cherche à positionner ses membres effectifs qui pourront financer les
activités du Parti par les cotisations. Les recommandations sont
à appréhender à deux niveaux :
- Au niveau Provincial pour dire que les recommandations en
province passent obligatoirement par un stage. Ainsi le Directeur Provincial
dans son rapport mensuel et/ou annuel, à la rubrique
réservée à l'administration du personnel, il fait mention
du nombre de stagiaires permanents, c'est-à-dire, ceux à
l'attente de l'engagement.
- Au niveau national, la recommandation est adressée
directement au président délégué
général de la douane ou au comité de gestion de la douane.
Ceci lorsqu'il s'agit d'un enfant d'une autorité politico-administrative
bien connue et dont la position actuelle convainc les membres du comité
de gestion qu'il faut agir vite avec une logique non apparente de sauvegarder
aussi son poste ou que dans les prochaines nominations qu'il ne perde pas son
poste, ou enfin qu'il soit nommé quelque part.
Ainsi, on passe directement à l'engagement du
recommandé sans passer par le stage par souci aussi de sécuriser
le poste de celui qui doit recommander.
A ce propos le douanier Sungura s'exprime en ces mots :
« Il faut avoir un parapluie. Tu connais toi -
même le Congo, il y a d'autres qui vont à Kinshasa pour le suivi,
mais leurs dossiers sont toujours rejetés quand ils n'ont pas de
parrains forts à la douane ou en dehors de celle - ci pour une
recommandation ».
En dehors de ces critères exploités ci- haut, il
y a d'autres critères et non les moindres qui entrent aussi en ligne de
compte. C'est notamment, les affinités tribales, claniques et
provinciales, la remise de l'argent (qualifiée de corruption), les
relations et les connaissances informelles tant à la douane qu'en dehors
de celle - ci.
Ce que nous venons d'évoquer au regard du recrutement
vaut aussi pour les affectations.
Les critères non réglementaires de recrutement
étant cernés, qu'en est - il de la perception des postes
stratégiques par les acteurs ?
3.1.2.
Représentation des acteurs du poste stratégique
Dans l'entendement général, le poste
stratégique est celui où l'on peut avoir beaucoup d'argent dans
un temps record. Dans le jargon douanier, l'argent signifie « cretch
» ainsi donc le poste stratégique est lié à la
facilité d'avoir de « cretch». Les postes stratégiques
sont aussi appelés postes juteux.
Pour le douanier, le rendement du travail est d'abord pour
soi, lorsqu'il est affecté à un poste où l'on trouve
facilement de l'agent.
Le douanier dans ses tâches quotidiennes utilise le Code
Minier promulgué en 2002, lors des exportations de substances
minérales par les personnes physiques et/ou morales. Le douanier tire
les ficelles de son côté, profitant du Code Minier et de
l'ignorance des usagers.
Chuyi un contrôleur de la douane perçoit la
notion de poste stratégique en ces termes :
« Le poste stratégique est lié à
la connaissance et la maîtrise du travail. Connaître le travail,
c'est connaître comme trouver de l'argent, c'est-à-dire, c'est
savoir prendre pendant que la déclaration (les marchandises passent) ou
un autre document important passe dans votre bureaux ».
Selon l'empirie, le douanier perçoit un poste
stratégique comme celui où il peut avoir de l'argent assez vite,
assez facilement et une somme d'argent assez importante.
A cet effet, le contrôleur Matadi nous dit ce qui suit :
« le poste stratégique, c'est un poste ou l'on
est affecté pour trouver facilement de l'argent et dans un temps record.
C'est comme le poste de Kasumbalesa qui est notre voie d'entrée et
de sortie de la marchandise pour la Province du Katanga »
Le douanier, étant acteur stratège, mobilise la
largesse de la loi pour tirer son propre profit. A ce propos Numbi Kabange
(2007 : 6-7), précise ce qui suit au regard de l'ignorance de la loi :
« Le Code Minier qui s'est voulu incitateur et attractif
des investissements dans notre pays ne l'est pas aussi sans difficultés
dans son application qu'on ne le croirait. L'auteur révèle
notamment : l'interprétation du concept à vocation strictement
minier. Ce concept est d'une importance capitale dans la mesure où il
conditionne l'accessibilité aux avantages du code. La
considération de la date à partir de laquelle l'exploitation est
sensée être effective. La connaissance de cette date de
commencement effectif de l'exploitation permet de déterminer quel taux
d'imposition appliqué pour le paiement des droits de douane ».
Par ailleurs, les postes non-stratégiques sont ceux
où on gagne difficilement l'argent. Il s'agit de postes à
caractère bureaucratique qui exigent la tête bien faite. Ces
bureaux sont souvent occupés par les temporaires (stagiaires)
plutôt que les mécanisés. C'est comme le
secrétariat. Ce bureau n'intéresse pas les engagés.
A titre illustratif, un douanier Monsieur Kabwa nous dit ce
qui suit :
« La direction provinciale ne nous intéresse
pas pour y travailler parce qu'il n'est pas un bureau stratégique.
D'ailleurs le secrétariat provincial n'a qu'un seul agent ».
Cet extrait montre comment le douanier ne
préfère pas travailler dans le bureau administratif qui n'est pas
stratégique.
Ainsi, les temporaires qui occupent de tels bureaux, les
désertent une fois engagés. Il sied de souligner que ceux qui ont
été formés à l'Ecole Nationale de Finances ont de
difficultés de prester dans l'administration par manque des
connaissances préalables dans ce domaine. C'est dans ce contexte qu'ils
font tout pour être affectés au service de vérification,
recettes et à la brigade douanière où ils se
« retrouvent » facilement par rapport à leur
formation.
Il ressort des données empiriques que l'inspection de
contentieux représente aussi pour beaucoup d'acteurs un poste non
stratégique puisqu'elle exige des compétences
particulières. En plus, le contentieux en douane est un
phénomène rare. Seul le rapport adressé au chef, permet
à celui-ci de décider de l'opportunité de poursuite d'une
infraction. Plusieurs situations-problèmes qui se manifestent en
matière douanière sont réglées par l'arrangement ou
la négociation entre le douanier et les usagers. Beaucoup de
problèmes se règlent au niveau du contrôleur et du
vérificateur.
Ce qui est intéressant dans cette inspection, c'est le
gain occasionnel d'une grande somme d'argent permettant aux acteurs de se
sécuriser. C'est dans cette optique que la notion de poste
stratégique devient poreuse puisque ce qui est perçu comme
stratégique pour les uns, ne l'est pas forcément pour les autres.
Un douanier affecté dans cette inspection rapporte ce qui suit :
« Cette inspection est pour moi un poste
stratégique dans ce sens qu'il m'assure la sécurité
financière et un standing de vie acceptable. Les dossiers y sont rares,
mais dès que mous recevons un dossier, il nous rapporte de millions des
dollars »
Dans le cadre de cette étude, nous nous
intéressons aux postes stratégiques liés à la
logique de gain facile, régulier et dans un temps record. Dans ce sens,
l'inspection du contentieux est considérée dans cette
étude comme un poste non stratégique pour le douanier. Ce poste
est en effet, un garage et beaucoup d'acteurs évitent d'y être
affectés.
Selon les douaniers interviewés, ciblent les postes
ci-après comme stratégiques :
1°) La frontière douanière de Kasumbalesa
qui occupe la première position en termes de mobilisation individuelle
des ressources financières. (1(*))
2°) La barrière de Kisanga, porte d'entrée
et de sortie des marchandises dans la ville de Lubumbashi. (2(*))
3°) Le poste frontalier de Kalemie, qui par sa position
géographique, sert de porte d'entrée et de sortie entre la
province du Katanga et les pays de l'Est tels que la Tanzanie, le Rwanda et le
Burundi y compris la Zambie qui est un pays austral. Si le poste de Kasumbalesa
est une voie routière, celui de Kalemie est lacustre et alimente les
provinces de deux Kasaï et le Maniema en bien importés.
4°) L'entrepôt public concède « Trade
Service » ayant constitué un de bureau de notre stage, est un poste
stratégique dans la mesure où les influences politiques du
concessionnaire bénéficient largement aux opérateurs
économiques. Ainsi ces opérateurs économiques souhaitent y
dédouaner leurs marchandises parce qu'ils se sentent plus
sécurisés par la position de ce concessionnaire et là il
y a des opportunités d'arrangement, bénéfique à la
fois aux commerçants et aux douaniers qui y sont affectés.
Le douanier Sungura nous dit à ce propos :
« Kama mvula ina nyesha njoo pa kujikoyoleya »,
Traduction : c'est quand on est mouillé par la pluie, qu'il faut
piser dans ses habits, car personne ne découvrira que vous avez
pisé. On dira que vous êtes mouillé.
Logiquement, c'est le moment de faire le cretch, profitant des
arrangements qui font ici sous la couverture du politicien propriétaire
de cet entrepôt. C'est pourquoi au regard des camions qui inondent cet
entrepôt parqués sur deux avenues du quartier industriel, on peut
dire qu'il y a un appât (service) qui les attirent.
Cet entrepôt constitue donc un poste stratégique
où chaque douanier cherche à être affecté.
5°) L'aéroport international de Lubumbashi. Cet
aéroport réceptionne plusieurs marchandises communément
appelées « divers » qui arrivent par cargo en provenance de
l'Asie ou de l'Europe et dont les importateurs sont les
« Grands » de la ville de Lubumbashi ; les Chinois
amènent les téléphones dans les sacs qui sont taxés
au taux négocié ou par le parrainage d'un douanier qui prend les
sacs du chinois pour les faire sortir de l'aéroport.
Les entreprises de communication y font passer leurs
matériels destinés au montage des antennes dans les villages de
la province.
Après avoir présenté les modalités
non réglementaires de recrutement et de promotion, ainsi que les
représentations des postes stratégiques par les acteurs, il y a
lieu dans les lignes qui suivent de cerner les stratégies mises en place
par les douaniers pour occuper les postes stratégiques.
3.2.
STRATEGIES D'OCCUPATION DE POSTES STRATEGIQUES
Dans le cadre de cette étude, pour occuper un poste
stratégique, les douaniers mobilisent les relations contractées
au niveau interne ou externe de l'Office de Douane et Accises en sigle OFIDA.
3.2.1.
Les relations stratégiques internes
Ce sont les relations qui se réalisent au sein de la
douane. C'est le cas par exemple, d'un agent bien apprécié par
son chef et qui l'adopte. C'est le cas aussi d'encadrement des épouses,
des enfants dont les maris ou parents sont décédés ou
encore retraités. Comme on le constate, ces relations sont bâties
sur les réseaux affinitaires au bénéfice de soutien des
uns aux autres. Lemieux (1999 :57), dit :
« Même si les réseaux de soutien supposent
généralement des affinités entre les participants le
propre de ces réseaux ne réside pas principalement dans
l'attribution des ressources relationnelles ou statutaires d'un acteur à
l'autre. Il s'agit plutôt de transmettre des ressources
matérielles ou informationnelles, portées par des ressources
relationnelles, au bénéfice de personnes qui en ont besoin. C'est
la propagation de ces ressources, en direction des personnes à soutenir,
qui caractérise les réseaux de soutien ».
Au sein des relations stratégiques internes, on peut
aussi identifier le cas d'un
« bon élève » et d'un
« héritage du poste ».
3.2.1.1. « Un
élève appliqué » ou « un bon élève
»
Il s'agit d'un agent qui s'est tissé de bonnes
relations avec son (ses) chef(s) le long de son travail. Celui - ci respecte
les consignes tant formelles qu'informelles de son chef. Celui - ci fait de bon
rapport à son chef. Ce dernier, une fois associé ou revêtu
d'un pouvoir d'affecter les agents, il place ce bon élève au
poste stratégique afin que celui-ci lui envoie
régulièrement de l'argent, les biens matériels ou
transmettre les informations.
- Concernant les informations, le chef place ses agents qui
ont pour mission de lui informer sur tout ce qui se passe au poste. Ceci lui
permet de vérifier le rapport officiel lui transmit par le chef local du
bureau douanier concerné.
- Un douanier à Kasumbalesa nous dit ce qui suit :
« Douane ya Kasumbalesa ekoma service ya
sécurité. ata soki chef aza absent na Kasumbalesa, mais makombo
nyoso aza au courant. Aza miso bipanyi nyozo », Traduction : la
douane de Kasumbalesa est devenue un service de sécurité.
Même si le chef est absent de Kasumbalesa, mais il est au courant de tout
ce qui se passe. Il a des yeux partout.
Cet extrait d'entretien montre comment le douanier affecte
certains agents au poste stratégique comme antenne privée qui lui
fourni des informations en vue de les recouper avec les informations
officielles. Le but est d'assurer un contrôle sur tous les dossiers qui
transitent à ce poste.
- la remise d'argent : un bon élève n'est pas
toujours dans le cadre de cette étude celui qui réalise de bon
service à la douane. C'est ce lui qui sait conjuguer le verbe manger et
savoir le conjuguer à la première personne du pluriel (nous
mangeons). Cette métaphore traduit l'idée selon laquelle, un bon
élève à la douane, est le douanier qui partage avec son
chef ou ses chefs. C'est ce que les autres ont appelé « rapport
» dans le cadre de la police. Lupitshi Wa Numbi (2006 : 48, Bolaa Ewala
(2008 :62...). A la douane cette stratégie est nommée «
feed-back » ou « opération retour ». Le
chef ayant lancé ou le recommandant ayant lancé
l'opération pour l'obtention de l'affectation au poste
stratégique attend de cet agent le rapport tel que décrit dans
les pages précédentes.
- Il sied de constater que dans la société
traditionnelle lorsqu'on parle du chef, on voit sa puissance et sa richesse.
C'est lui qui donnait d'abord le premier. Il recevait tout le monde et savait
partager. Ensuite les sujets lui amenaient aussi, en terme de contre don les
produits de la chasse, de la pêche, de la cueillette et de l'agriculture.
Mais à la douane c'est le contraire, le chef attend à recevoir le
« feed-back » de la part de ses subalternes. Comme c'est
lui qui nomme et affecte, il profite de sa position pour capitaliser à
travers le poste occupé. L'initiative peut venir du chef et dans ce cas,
il donne de consignes à l'agent affecté. Cette initiative peut
partir de l'agent qui cherche à gagner la confiance du chef avec vision
d'être promu ou affecté au poste plus stratégique que celui
occupé actuellement. Sans cela, on aboutit à l'affectation au
poste dit « garage ». Le poste garage veut dire un poste où
l'on ne voit pas la déclaration passée ou tout autre document de
la douane ayant trait à la marchandise. C'est le lieu de
méditation pour l'agent qui s'est pas bien appliqué ou n'a pas
respecté les consignes du chef.
Un douanier Simba nous relate ce qui suit :
« Je suis affecté comme contrôleur du
personnel pour manger du papier, écrire les lettres de congés,
les enterrements des agents ; ici pour avoir l'argent, c'est impossible je
manque même du carburant. Le standing de vie à changer. Il y a de
petites choses aux quelles on ne croyait plus revenir, par exemple, le
paiement de frais d'études de mes enfants... »
En parlant de l'initiative du chef, si l'agent affecté
respecte les consignes, cela renforce la confiance du chef dans l'agent, avec
pour conséquence positive d'affecter ou de promouvoir l'agent à
un poste plus stratégique.
En parlant de l'initiative de l'agent qui aborde
lui-même le chef par une remise quelconque, il s'en dégage une
relation d'interdépendance qui fragilise le pouvoir du chef.
- La remise de biens matériels, dans les relations du
chef et du bon élève, il s'en dégage aussi la remise de
biens matériels en termes de don.
Un douanier nous dit à propos ce qui suit :
« tata po ozala receveur principal Kasumbalesa, il
faut obanda kotinda bongo, jeeps na makayabo na bakonzi »,
Traduction : pour être receveur principal à Kasumbalesa il
faut toujours envoyer de l'argent, les véhicules jeeps et les poissons
salés aux autorités.
Cette pratique est aussi appelée « rapport »
qui peut se confondre avec le « feed-back » dans la mesure
où toutes les deux pratiques recourent aux mêmes acteurs,
situés à des positions sociales différentes. Le feed-back
concerne le douanier qui fait « rapport » à son
parrain douanier ou des informations au recommandant qui est hors la douane. Ce
« feed-back » autant que le « rapport »
est la remise de l'argent au parrain. Le parrain attend effectivement ce
rapport comme s'il était stimulé par son fiel, entendez ici
l'agent pour qui, il est intervenu pour avoir l'affectation au poste
stratégique. Le parrain, dans ce cas, est considéré comme
le stimulus, par la recommandation faite pour l'agent est que l'agent est le
corps devant réagir au stimulus par le rapport.
Dans le cas contraire, surtout lorsque l'agent ne
réagissait pas au stimulus, il sera placé dans les conditions
où il n'aura pas un sous. Il devient un corps inerte. C'est ce que nous
avons essayé d'épingler dans ce présent travail en terme
de phénomène « garage ».
Terminons cette partie avec ce paragraphe de Lemieux (1999
:67), «Nous avons dit des réseaux de soutien qu'ils avaient pour
finalité spécifique d'apporter de l'aide matérielle,
informationnelle ou relationnelle à des personnes qui en ont besoin.
L'échange dans les réseaux de soutien peut être restreint,
la personne aidée rétribuant directement la personne aidante
».
Après avoir explicité les relations internes par
la thématique de « l'élève
appliqué », il nous revient de cerner les relations internes
que nous regorgeons dans la thématique de « l'héritage
du poste ».
3.2.1.2..
L'Héritage du poste
Comme nous l'avons dit dans l'introduction de cette partie du
travail, l'héritage de poste est sous - tendu que les relations en guise
de reconnaissance, de compassion du chef envers le défunt ou
retraitée douanier dont l'épouse ou l'enfant a été
engagé à la douane conformément à la convention
collective.
Cette reconnaissance ou compassion du chef se
matérialise par le placement de l'épouse ou de l'enfant
engagé au poste stratégique, parfois en remplacement au poste
occupé par le défunt ou le retraité.
A titre illustratif, le vérificateur Moba à
Kasumbalesa s'exprime en ces termes :
« J'ai dix ans à Kasumbalesa je peux vous dire
pourquoi ? Mon feu papa était inspecteur chef local ici à
Kasumbalesa après qu'il ait fait la ronde de toutes les provinces.
Croyez - vous que ces douaniers avec lesquels il avait travaillé peuvent
abandonner la famille de leur collègue ? Et surtout que tous retrouvent
son nom par mon nom. Beaucoup d'entre eux à la première
arrivée au Katanga, ils demandent si je suis réellement fils de
celui -la qu'ils ont connu dans une ou l'autre province du pays. Un d'eux m'a
demandé de m'occuper de la famille correctement. C'est pourquoi, il me
place non seulement à Kasumbalesa mais aussi il vient donner l'argent
à ma mère chaque moi ».
A ce propos, Degenne et Forsé (2004 :39), parlant de
relations affinitaires, ils écrivent ceci : « De facto, on admet
aujourd'hui que les solidarités peuvent se faire et se défaire,
que les liens entre affins peuvent se succéder, qu'on peut, pour
reprendre le vocabulaire mythologique, substituer un « jumeau »
à un autre ».
Les stratégies liées aux relations internes
étant cernées, il est opportun d'analyser celles dites externes
ou extra professionnelles.
3.2.2.
RELATIONS EXTERNES
Ce sont de relations naturelles, amicales
clanico-régionales, politiques, etc. que le douanier entretient hors de
l'organisation douanière. Les relations constituent une stratégie
à laquelle recourt le douanier pour occuper un poste stratégique.
Ces relations sont multiformes. Elles sont naturelles, amicales,
ethno-régionales, idéologiques ou politiques.
3.2.2.1.
Les relations naturelles
Par ces relations, il faut entendre celles liées aux
systèmes de parenté au sens large du mot et surtout les replacer
dans le contexte africain. Il s'agit de relations qui sont liées au
sang. Il s'agit des relations qui unissent les membres de la famille large.
C'est par exemple, les oncles, les tantes, les cousins, les nièces, les
membres de la belle famille, etc.
Comme dit précédemment, chaque cadre de la
douane a tendance à caser les siens et les placer au poste
stratégique. Le cas du douanier Simba est frappant :
« Mon grand frère était Administrateur
Délégué Général de la douane congolaise.
J'en ai profité pour me positionner et avoir de biens. J'ai
chômé pendant trois ans après mes études en
sociologie. Mais quand mon frère a été nommé,
directement il m'a engagé avec quelques autres membres de la grande
famille. Il est connu pour ça à la douane. Aujourd'hui il y a
cinq ans, il n'est plus mais presque nous tous, nous avons une bonne position.
Après ma formation (stage), j'ai été affecté aux
produits pétroliers, puis à Kasumbalesa, j'ai fait l'essentiel
pour ma famille et moi - même. Les maisons, les véhicules,
l'épargne. Je suis bien. Avant son départ de la douane, il
m'avait promu et quelques - uns de mes neveux au grade de contrôleur
».
Cet extrait illustre comment les relations familiales sont
aussi utilisées comme stratégie d'affectation et d'occupation de
poste stratégique. Ces relations informelles sont puissantes et influent
sur celles dites réglementaires. Elles constituent, par ailleurs, des
ressources qu'un douanier peut mobiliser, exploiter pour occuper un poste un
poste stratégique.
3.2.2.2.
Les relations amicales
Il s'agit des affinités amicales qui sont
exploitées aussi pour être affecté à un poste
stratégique. Il a été constaté actuellement que
dès qu'un individu occupe un poste de responsabilité, il fait
tout pour caser ses amis, ses collègues,... en vue de former une
équipe très forte pour s'entraider en cas de problème.
C'est ce que nous rencontrons dans les mutualités reconnues dans la
ville, comme les anciens de Don Bosco, les anciens de Saint Boniface, les
anciens de Lycée Lubusha, ...
Il en est de même à la douane. Certains ont
trouvé de l'emploi, et/ou de l'affectation aux postes
stratégiques grâce aux affinités amicales. Tel est le cas
de Mme Kivu qui nous relate ce qui suit à propos de sa promotion :
« Mon grand-frère est proche de
l'Administrateur Délégué Général actuel. Il
fallait promouvoir les femmes à la douane dans le cadre de genre
c'est-à-dire tenir compte de la représentativité de la
femme au sein de la douane Katanga. Mon grand frère vient d'arracher ma
promotion au grade d'inspecteur. Nous sommes actuellement trois femmes chef
d'un bureau local de la douane, ce qui n'a jamais existé ».
L'amitié est aussi utilisée comme
stratégie pour avoir de l'emploi et pour être affecté au
poste stratégique.
3.2.2.3.
Les relations ethnico - régionales
A ce point, il s'agit de relations qui vont
au-délà du système de parenté et des
affinités amicales. Il s'agit de relations qui existent par
l'appartenance à un même clan, à une même ethnie,
à une même région (province).
Ainsi, l'on constate qu'il y a des associations
socio-culturelles dans la ville de Lubumbashi qui sont formées sur base
de l'appartenance à une même l'ethnie, clan, région. C'est
le cas de Balubakat (regroupant les Baluba du Katanga), Divar (regroupant les
Lunda du Katanga), Sempya (regroupant les Bemba), Asorema (Association de
Ressortissants de Maniema), Coreband Comite des Ressortissant du Bandundu),
Muha (Mutuelle Havu regroupant les Bahavu du territoire de Kalehe et du
territoire d' Id'jwi), etc. Autant que ces différentes associations sont
utilisées pour soutenir la candidature d'un de leurs membres pour un
mandat quelconque, autant, elles sont utilisées pour le douanier pour
être promu et placé à un poste stratégique.
Voici ce que nous dit Simba, un vérificateur de la
douane à ce propos :
« On a procédé aux promotions de sous
- directeurs à la douane au Katanga pour le bureau de Kasumbalesa,
Kalemie, Lubumbashi -Ville ceux qui ont été promus sont de
Candidats de leurs associations soutenus par un de leur membre politicien
à Kinshasa ou au Katanga ».
Lemieux (1999 :46), parlant des réseaux
d'affinité, dit ceci : « par réseaux d'affinité, nous
entendons ceux qui relient les amis et des proches qui, sans être
apparenté, ont entre eux des relations positives dans l'ordre de
l'appartenance »
3.2.2.4.
Les relations idéologiques ou politiques
Il s'agit de relations avec les autorités politiques,
militaires ou membres du gouvernement qui peuvent par leur statut recommander
le douanier pour être affecté à un poste
stratégique.
Le système de transition en République
Démocratique du Congo mis en place par la Communauté
Internationale pour mettre fin à dix ans de guerre en est une preuve
palpable.
Au partage du pouvoir dans toutes les institutions, chaque
composante tenait à positionner les siens pour diverses raisons comme
pour avoir de l'information, avoir de l'argent pour le Parti, etc.
Dans ce cadre, nous pouvons illustrer quelques cas
vécus sur terrain pendant notre stage de recherche. Parlant de la
fraude, un commandant de la douane préposé à Kisanga,
Monsieur Sandoa rapporte ce qui suit :
« Ma dossiers ya chef wa kasumbalesa inapita, angalia
na weye alakini congo hiyi mpaka uko na parapluie nani ata mugusa, iko wa
famille présidentielle. Ule bwana attention naye aneweza ku kubambisha
ao anakutoshesha kazi, ni antenne ya sécurité ya
présidence, ni ancien militaire iko wa PPRD (parti du peuple pour la
démocratie et la reconstruction ». Traduction : (Les dossiers
du sous-directeur de la douane Kasumbalesa dépassent les limites, jette
aussi un coup d'oeil sur les papiers de la marchandise. Mais au Congo pour
occuper un poste stratégique il faut avoir un parapluie, un parrain
donc. Qui peut l'arrêter ? Il est de la famille présidentielle. Ce
Monsieur, il faut faire attention avec lui, il peut te faire arrêter ou
te faire révoquer. Lui c'est une antenne de la sécurité
présidentielle. C'est un ancien militaire, membre du Parti du Peuple
pour la Reconstruction et la Démocratie, P.P.R.D. en sigle.
Cet extrait montre que pour occuper un poste
stratégique, certains acteurs sont soutenus au niveau de la
présidence comme institution. Ils deviennent l'oeil et l'oreille de
cette institution et par conséquent ils deviennent intouchables.
C'est ici où nous puisons la pensée de Queloz
et Al. (2000 : 118-119), lorsqu'ils explicitent le « trafic de postes de
travail » attribués par copinage en ces termes :
« Ces pratiques peuvent avoir simplement pour but de
favoriser un proche (parents, amis...) mais aussi celui, plus
stratégique à long terme, de placer à des postes clefs des
personnes de confiance, afin de garder les rênes de responsabilité
et du pouvoir »
Cette pratique ne date pas d'aujourd'hui, certains acteurs
ayant occupé de postes stratégiques ont été vus
positionnés par le Mouvement Populaire de la Révolution (MPR),
Parti Etat. C'est le même système qui continue à
présent malgré le multipartisme.
Le contrôleur Simba, un autre douanier à
Kasumbalesa dit ce qui suit :
« Tu vois le politicien Kouakoua revenir aux
affaires. Il a semé. La plupart des gens qu'il avait positionnés
aux services d'impôts, à la douane et à l'Office Congolaise
de Contrôle ont bénéficiés de grades et sont devenus
hauts cadres dans ces différents services. Nous avions fait sa campagne
dans notre club des amis de Kouakoua. Chacun a donné quelque chose,
l'argent, véhicule, cartes unités de communication, etc. pour
faire sa compagne de député national pour la ville de Lubumbashi
; il vient de créer un parti politique. Nous nous organisons pour payer
les loyers du siège du parti et les manifestations, il a investi.
»
Ainsi, le positionnement des individus n'est pas un fruit
hasardeux mais tributaire de connexion au système de connivence,
d'arrangement et de soutien dans les affaires volontaires. Les mêmes
auteurs Queloz, Borghi et Cesoni (2000 :209) précisent :
« La corruption réside plutôt dans
l'importance des relation et des réseaux... si on n'est pas dans les
bons réseaux, on est systématiquement écarté ou
même cassé. ».
Ainsi, nous référant à Degenne et
Forsé (2004 :70), « les relations du douanier et ses partenaires ne
pouvaient se comprendre que dans un cercle social au sens de Perter Blau (1984)
qui utilise ce terme pour désigner tous les groupes résultant de
l'interaction des individus, les cercles devant de ce fait être
considérées comme le cadre pertinent d'analyse de la production
des comportements. »
Au niveau de la douane, l'affectation au poste
stratégique est liée à des critères
extra-professionnels à travers les relations très complexes ou
multi complexes. Bayart (2006 : 271) aboutit au même constat en parlant
de la façon d'accéder au pouvoir au Nigeria :
«... Il se servait également des liens familiaux,
des classes d'âge, des camaraderies d'école et excellait dans les
relations rituelles de plaisanteries qui associent traditionnellement les
ressortissants de diverses communautés de la région... »
Ainsi, retenons - nous que les relations du douanier sont
complexes car provenant du plusieurs origines comme la famille, le clan, le
village, la province, les églises, les partis politiques, les
coopératives, les associations socio - culturelles, les clubs sportifs,
l'appartenance au même syndicat, les anciens élèves de...,
et les anciens étudiants de... et plusieurs corporations regroupant les
disciplines scientifiques ou des métiers : c'est le cas de juristes,
les économistes, les médecins, les ingénieurs, etc.
Pour conclure la partie de cette section, il y a lieu de
retenir que si certaines douaniers occupent les postes stratégiques par
l'héritage du métier, la remise de l'argent, ou en se faisant un
bon élève c'est-à-dire en tissant de bonnes relations avec
son chef hiérarchique ; d'autres par contre, mobilisent ou
instrumentalisent les relations amicales, naturelles (biologiques), clanico -
ethnico - régionales, idéologiques et/ou politiques. Une fois le
poste occupé les douaniers mobilisent certaines stratégies
pratiques pour se maintenir au poste.
3.3. Les
différentes pratiques qui sous - tendent l'affectation et le maintien au
poste stratégique
Sur base des données de terrain, nous avons
repéré des pratiques utilisées aussi comme
stratégique pour se maintenir au poste. Une fois, le poste
occupé, le douanier, dans ses tâches quotidiennes, découvre
de pratiques utiles à son maintien au poste, grâce à
l'interaction avec ses partenaires.
3.3.1.
Instrumentalisation de la loi
Avant d'entrer dans le vif de ce point de notre dissertation,
Musatula (2007 : 44) rappelle ceci :
« l'histoire de la douane en République
Démocratique du Congo s'étale sur trois points forts à
savoir : le temps précolonial, le temps colonial et le temps post
colonial. »
Parlant de l'inefficacité de la législation
douanière, le même auteur (2007 :47-48) écrit : « la
législation douanière, quant à elle, à
l'époque très lourde, devrait être assouplie. Dans le souci
de coordonner et de réviser tous les droits et taxes douaniers, ainsi
que la taxe de consommation récemment créée, un
décret sera signé le 29 janvier 1949 et complété
pour l'ordonnance n°33/09 du 06 janvier 1950 portant mesure
d'exécution du décret précité.
Dès lors, les deux instruments juridiques cités
ci-haut gouvernèrent l'activité douanière du Congo
Belge...jusqu'à ce jour. »
Au regard de ce qui précède, force est de
constater que le droit douanier n'a pas évolué jusqu'à ce
jour alors que la société est dynamique, aussi l'évolution
de l'économie et de la technologie offrent des nouvelles données
dans le travail du douanier, enfin c'est un droit définit par et pour
les intérêts de la métropole en méconnaissance de
praticiens et ou des bénéficiaires.
Rouland (1999 :88) aborde la question de l'acculturation
juridique et se réfère à Montesquieu : « elles (les
lois) doivent être tellement propres au peuple pour lequel elles sont
faites que c'est un grand hasard si celles d'une nation peuvent convenir
à une autre ».
Nous appréhendons ce concept d'instrumentalisation de
la loi au sens que lui attribue Freitag cité par Kaminski (2006 : 33) :
« Un deuxième concept d'instrumentalisation
dénotant la disparition, dans les déterminants de la production
de la société, de la référence à des normes
communes. L'auteur pense que nous sommes entrés dans une
société dont « le fonctionnement ne se réfère
plus lui -même à la reconnaissance des normes communes (...) mais
(opère) seulement sur base d'une gestion directe de la
réalité, à caractère pragmatique, circonstanciel.
L'instrumentalisation est la transformation des objets, que ces objets soient
humains ou non en « matière première ».
Par conséquent, dans l'exercice de ses tâches
quotidiennes, le douanier découvre les différentes marges que la
loi lui offre en termes d'opportunité pour avoir de l'argent ou «
cretch ». L'exploitation de la loi constitue donc une ressource pour se
faire de « crecth » au vu de différents documents
accompagnants la marchandise devant sortir ou entrer en République
Démocratique du Congo par la Province du Katanga.
Cette opportunité ouvre un cadre de négociation
avec le commissionnaire ou le déclarant, représentant le client.
A ce propos, Mazwan (2007 : 26), écrit ce qui suit :
« Le douanier applique la loi à la tête de
l'opérateur économique importateur selon que celui - ci est
« coopérant »ou non. Ce « deux poids deux mesures »
créent une inégalité de traitement des usagers
vis-à-vis de la douane »
Rouland (1990 :37), l'exprime aussi en ces mots :
« La plupart des sociétés traditionnelles
raisonnent par rapport à des comportements concrets et non en faisant
référence à des corpus de règles. Par ailleurs,
même dans les sociétés centralisées ou occidentales,
l'analyse normative souffre de graves déficientes »
Différentes pratiques émergent de ces
manoeuvres des acteurs de mobiliser la loi douanière pour avoir de
l'argent et accéder à la promotion. Ces pratiques en tant
qu'action ou manière de faire peuvent être individuelles ou
collectives. C'est que nous nommons instrumentalisation de la loi aux fins de
capitalisation.
3.3.1.1.1.
Le Trop peu perçu (TPP)
Nous nous référons à la description faite
par Musatula (2006 : 88-89), pour comprendre cette pratique et son corollaire
qui est le « cretch ». Cette description rencontre celle des acteurs
interviewés dans les différents sites de recherche.
« Le T.P.P. est une abréviation voulant dire
« Trop peu perçu ». Elle découle d'une pratique
légale du contrôle douanier. En tant que pratique légale,
le T.P.P. consiste en un redressement fiscal effectué par les acteurs
(agent du fisc), qui normalement a pour finalité la
récupération pour le compte de trésor public du montant de
manque à gagner des droits et taxes constatés lors du
déroulement du contrôle douanier. Ce montant de manque à
gagner est appelé « trop peu perçu », comme pour
l'opposer à son éventuel contraire qui est le « trop
perçu » (une somme payée en trop au trésor public)
La pratique du « TPP » devient problématique
lorsqu'elle est détournée de son objectif, c'est-à-dire,
il ne s'agit pas de récupérer pour le compte du trésor
public, le montant des droits et taxes constatés à titre de
manque à gagner, mais de s'en approprier directement par l'acteur ou les
acteurs qui en ont fait la découverte »
A ce sujet, le receveur Luhozi dit ce qui suit :
« Lorsque je contre vérifie, je
découvre le manque à gagner dû au trésor public,
j'en fais mon affaire avec le client. C'est-à-dire ceci : dans la
pratique nous nous arrangeons sinon on peut quitter la douane sans rien. Nous
ne sommes pas de prêtres à la douane ».
Musatula (2006 :89) reprend un extrait du discours
d'entretien avec Madame Sécheresse, une commerçante, en ces
termes :
« Personnellement je ne vois pas du tout le mauvais
côté de cette pratique, elle permet à tout le monde de se
retrouver, que ça soit l'Etat, les douaniers, les déclarants ou
nous les commerçants ; voir même la population, tous nous nous
retrouvons dans le T.P.P. n'est - ce pas qu'en vous affectant dans un (poste
juteux), avec mauvais salaire, sans infrastructure adéquate, ni fonds de
fonctionnement, l'Etat vous autorise implicitement de recourir à
l'article 15. C'est ça le T.P.P. »
Eu égard à ce qui précède, il y a
lieu de dire que le « T.P.P. » est une pratique légale mais
détourné pour l'intérêt particulier des acteurs
(douaniers, déclarants en douane et/ou les clients). Le « T.P.P.
» est la conséquence de la technicité du douanier qui
découvre ce que le juridique qualifierait d'infraction à
l'endroit du déclarant ou du client qui tente d'évader les
paiements exacts de l'impôt, droits et taxes de l'Etat.
L'on peut aussi dire que le bon climat entre les acteurs peut
faciliter ,la création du « T.P.P. » pour servir leurs
intérêts personnels.
Par ailleurs, le partage du cretch obéit à une
logique de hiérarchisation. Il se fait selon les grades. Les douaniers
se partagent horizontalement le cretch sur terrain et verticalement ils donnent
un « rapport » ou « opération
retour » ou « feed-back » à leurs chefs
hiérarchiques.
En dehors de T.T.P. comme pratique de capitalisation du
cretch, nous devons aussi enregistrer les exonérations.
3.3.1.2.
Les exonérations
Les exonérations sont de faveur que l'Etat accorde
à des personnes physiques ou morales pour ne pas payer l'impôt
(les droits et taxes des marchandises à l'Etat). Dans la pratique, ces
exonérations ne répondent plus aux buts ayant motivés
l'autorité publique à les accorder.
Les bénéficiaires dressent la liste des biens
à importer annuellement. Cette liste doit être quantifiée
et doit avoir une valeur estimative. A chaque importation, le receveur doit
apurer la liste et à la distribution, le douanier doit être sur
terrain pour confirmer la raison pour laquelle ces biens ont été
importés.
Cependant comme le montre cet extrait du vérificateur
Kapuku, il se glisse une pratique de capitalisation :
« Les Organisations Non Gouvernementales, les
Associations Sans But Lucratif, les sociétés minières vont
au delà de leurs listes. Nous nous arrangeons avec eux pour avoir notre
part. Aussi pour construire, nous faisons passer les ciments à leurs
noms, les Jeeps que tu vois avec les douaniers passent par eux ».
Encore une fois, le douanier se sert de la catégorie
officielle pour capitaliser derrière elle.
3.3.1.3.
Tarif douanier et position tarifaire
3.3.1.3.1.
Tarif douanier
Celui-ci est un document qui reprend toutes les marchandises
qui font l'objet du commerce international.
Il s'agit d'un langage du commerce international pour
faciliter la prise en charge des marchandises par les douaniers.
Le tarif congolais est divisé en 21 sections et chaque
section est divisée en chapitres et chaque chapitre comprend de
positions et chaque position en sous - positions. Le tarif douanier est une
loi, car il est voté par le parlement. Il renseigne le taux à
appliquer sur la marchandise. Il s'agit d'appliquer à la valeur de la
marchandise une quotité définie par le tarif douanier.
3.3.1.3.2.
La position tarifaire
La position tarifaire est la position de la marchandise dans
le tarif au regard de différents chapitres de ce tarif.
Pour clore ces deux sous - points relatifs à
l'instrumentalisation de la loi, il est judicieux de dire que les acteurs se
retrouvent en changeant la position de la marchandise que le juridique
qualifie de « glissement tarifaire.»
A ce propos, un douanier déclare ceci :
« Comment allons-nous vivre si on ne fait pas
ça mon frère. Tu es aussi congolais non, nous changeons la
position tarifaire de la marchandise c'est vrai. Tout ça c'est pour nous
retrouver. Nous avons aussi droit à la vie comme les politiciens. Nous
passons donc d'un taux élevé à un taux faible pour que la
marchandise paie moins et le reste nous nous partageons »
Par rapport au tarif douanier et à la position
tarifaire, il se développe diverses pratiques de capitalisation du
douanier. C'est notamment la fausse dénomination qui implique la
sous-évaluation de la marchandise. Ce sont : le per diem, le
paiement par relevé et les enlèvements d'urgence, l'airways ou
non arrivée, la frappe douanière, le phénomène
laboratoire.
La fausse dénomination est la conséquence
directe du changement de la position tarifaire de la marchandise. C'est donc un
glissement tarifaire.
En effet, elle est appréhendée comme «
pratique douanière » qui consiste à placer la marchandise
à une position affectée d'une quotité inférieure
à celle de la position normale (quantité supérieure ou
maximale).
Cette pratique a pour conséquence, la
sous-évaluation de la marchandise.
Dans la législation douanière de la
République Démocratique du Congo, l'impôt douanier se
calcule à partir de la valeur. Il s'agit donc d'appliquer à la
valeur de la marchandise une quotité définie par le tarif
douanier. La sous- évaluation est une pratique douanière qui
consiste donc à diminuer la valeur de la marchandise.
Ce faisant, lorsqu'on diminue la valeur on qualifie la
marchandise autrement. Simba, Receveur d'un des bureaux de la douane nous dit
ce qui suit :
« Il n'y a pas longtemps on a eu de missionnaires
venus de Kinshasa pour le dossier du sel importé. La Direction
Générale de la Douane a constaté qu'il y a beaucoup de
déclarations du sel au Katanga. Le sucre est devenu le sel. Tous les
bureaux avaient accepté cette nouvelle qualification du sucre. La
mission, arrivée en Namibie où l'on produit le sel dont il
était question dans les documents douaniers, a constaté que la
province du Katanga à elle seule avait importé beaucoup du sel
que la quantité produite par la compagnie Namibienne alors que cette
dernière approvisionne beaucoup de pays. »
Au regard de cet extrait, l'on comprend que la valeur en
douane du sel est inférieure à celle du sucre et les acteurs
intervenant dans le travail du dédouanement avaient consenti pour dire
que le sucre devenait sel en vue de se partager l'écart de la valeur en
douane de la falsification du sucre.
3.3.1.4.
Le Per diem
C'est une pratique observée dans le travail quotidien
du douanier à la quête de l'argent ou « cretch »
En effet, le per diem à la douane Katanga est la somme
d'argent que l'importateur ou exportateur remet au bureau de la douane ou
à l'agent désigné pour assister au chargement ou au
déchargement de la marchandise. Cette somme varie selon les grades que
ça soit pour les agents désignés ou dans le bureau de la
douane.
La législation douanière prévoit le
paiement de ce per diem lorsque le client fait travailler le douanier aux
heures, allant au delà des heures normales du travail. A ce moment, on
parle de travaux extra ordinaires. (T.E)
A la question de savoir si le per diem est un droit, une
corruption ou un don ? le vérificateur Nkuku nous dit ce qui suit :
« Le per diem est dans le sang tant du douanier que
ses partenaires c'est-à-dire, que nous tous nous l'avons accepté
pour bien fonctionner sinon sans per diem le douanier ne fait pas le travail.
Le client l'accepte parce que le douanier peut le bloquer et par
conséquent, il part perdant car, c'est sur le temps que le
commerçant travaille, nous nous fondons sur l'adage anglais qui dit ceci
: « time is momey » (le temps c'est de l'argent), pour le
coincer ».
Après avoir cerné le Per diem, il est opportun
d'analyser les pratiques de capitalisation liée au payement par
relevé et les enlèvements d'urgence.
3.3.1.5.
Le paiement par relevé et les enlèvements d'urgence
Selon la législation douanière,
- le paiement par relevé s'effectue moyennant une
garantie, c'est-à-dire une somme d'argent consigné à la
banque et à chaque importation, le receveur apure dans le registre
qu'il dispose.
- les enlèvements d'urgence, eux, concernent beaucoup
les marchandises périssables ou ceux présentant un danger comme
les poissons frais, les viandes, le carburant, les explosifs etc. Selon la
procédure, le paiement doit intervenir trois jours après.
Ce sont les conditions particulières dont la
régularisation se fait à Kinshasa à la division douane. Le
vérificateur Sandoa dit :
« Les marchandises de grands commerçants de la
ville sont devenus de marchandises périssables, les piles, et les
diverses marchandises. Le chef de Kinshasa (Bakonzi) nous donne des ordres pour
qu'on libère la marchandise vite et le paiement entre eux. »
Cet extrait montre qu'autant un agent de la douane
situé a un niveau de l'organigramme de la douane, recourt à
quelque pratiques pour avoir de « cretch» dans la logique de
capitalisation de poste ; autant le cadre supérieur de la douane recourt
à ces deux pratiques en donnant injections aux exécutent pour
laisser passer la marchandise de ces grands commerçants de la ville de
Lubumbashi à son compte.
C'est ici où nous rejoignons l'approche
théorique de réseau pour montrer comment les acteurs douaniers se
connectent aux différents réseaux avec les opérateurs
économiques, les commissionnaires en douane, des politiciens, etc.
C'est dans ce contexte que ces acteurs recouvrent à la
pratique non réglementaire dénommé « frappe » il
s'agit de « frapper l'Etat » pour que les auteurs puissent se
retrouver c'est-à-dire gagner le « cretch ».
3.3.1.6.
La frappe douanière
Lors de notre étude sur terrain, nous avons
repéré deux pratiques qui cadrent avec la frappe. C'est la
pratique « d'airways « ou « non
arrivée » et le phénomène laboratoire. La
motivation de ces pratiques est d'éviter le paiement des droits et taxes
dus à l'Etat congolais.
3.3.1.6.1.
L'Airways ou non arrivée
Ce phénomène tire son origine en se
référant à la ligne aérienne et par
conséquent assimilé à l'avion. Normalement toutes les
marchandises provenant de l'étranger doivent être
déchargées dans l'entrepôt où le client
(importateur) après toutes les formalités auprès des
services de l'Etat récupère ses marchandises
Cette pratique qui commence à Kasumbalesa pour se
clôturer chez le client il est facilité au moment de la sortie des
trucks pour lesquels le déclarant a fini les formalités afin de
se rendre à Lubumbashi dans un des entrepôts de la ville
A la sortie de ces trucks, le douanier préposé
à ce poste facilite aussi la sortie d'autres trucks n'ayant pas rempli
les formalité exigé pour aller directement chez le client avec
la complicité des autres douaniers tant de la ville que de Kasumbalesa
qui font la couverture de déchargement comme si ces trucks venaient de
l'entrepôt.
Le « non arrivée » est corollaire de
l'Airways dans ce sens que toutes les marchandises provenant de la
frontière doivent obligatoirement transiter par l'entrepôt public
ou concédé avant d'aller chez le client. D'où le
« non arrivée » par rapport à
l'entrepôt, lieu légal de transit de toute marchandise avant
d'aller chez l'importateur.
Parlant des pratiques qui visent le contournement ou
l'évitement du contrôle douanier Musatula (2006 :96), aborde
à ce sujet cite l'inspecteur Chaleur de la douane qui dit ceci à
ce propos : « tu as commis l'erreur en laissant ton transporteur arriver
jusqu'à l'entrepôt de douane avec ces containers des marchandises,
tu aurais dû l'intercepter en mi-chemin et le conduire directement dans
vos dépôts de déchargement [...] maintenant là, nous
ne saurions rien faire, comme la marchandise sera déchargée et
dénombrée en entrepôt, tout le monde sait voir qu'il s'agit
de cartons des piles et non des ouvrages en plastiques. [...] prochainement il
faut me contacter avant [...] »
Les propos ci-haut de l'inspecteur Chaleur englobent presque
toutes les pratiques abordées dans les précédentes pages.
3.3.1.6.2.
Le phénomène laboratoire1(*)
Ce phénomène constitue une stratégie de
capitalisation de poste en vue d'avoir beaucoup de « cretch » par les
acteurs.
Il consiste à la falsification des documents ou le
trafic de faux documents par l'importateur ou son commissionnaire en douane qui
s'arrange soit avec la compagnie ayant fourni la marchandise ou le service de
douane des pays où transite la marchandise. Ce phénomène
s'opère en réseau et cadre avec ce que nous avons analysé
concernant la position tarifaire notamment les sous - évaluations et la
fausse dénomination.
Nous tenons à préciser que nous nous sommes
limités à présenter l'essentiel de cette pratique.
3.3.2.
Instrumentalisation de la loi au regard de la promotion et de l'engagement
Sans pour autant entrer dans le détail de cette partie,
nous prenons juste la loi dans son aspect relatif aux promotions et aux
engagements à la douane.
3.3.2.1.
« Privatisation de la douane », douane yetu
Il y a lieu de dire que la convention collective a force
d'une loi d'autant plus que c'est un accord conclu légalement entre les
parties (l'employeur et la délégation syndicale). C'est pourquoi,
dans les engagements à la douane, la priorité aux membres de la
famille douane (les enfants, les veufs des douaniers, etc....)
Le contrôleur Simaba interrogé à ce sujet,
dit ceci :
« Douane ni yetu, angalia pouvoir ku Amérique
ni mpaka ma famille ya ba marehemu président a oba président ba
zamani, angalia mu Gabon, mu Togo, hapa kwetu Congo, njoo pale watoto wetu wa
na pashwa na siye ku tugombola », Traduction : la douane nous
appartient, regarde le pouvoir aux états - unis d'Amérique, ce
sont toujours les familles des défunts présidents ou des anciens
présidents de la République, qui gouvernent, regarde au Gabon, au
Togo, ici chez nous. C'est pourquoi, nous aussi nos enfants doivent nous
remplacer ».
Cet extrait affirme l'héritage du travail à la
douane par les proches du douanier vivant ou décédé. C'est
par ce remplacement légal au regard de la convention collective que les
responsables de la douane trouvent une brèche afin d'engager les leurs.
3.3.2.2.
« légitimation de la parité »
Au nom de la parité prévue par une disposition
constitutionnelle, les promotions de femmes n'obéissent pas aux
critères objectifs prévus par la convention collective de la
douane. A ce sujet, le receveur Luhozi dresse ce constat :
« Le patron de la douane a au nom de la
parité distribuer de grades à ses copines et aux femmes membres
de sa famille (biologique ou politique, etc.), aux femmes des ses connaissances
sans que les heureuses bénéficiaires ne remplissent les
critères pour être promue ».
Cet extrait montre comment les acteurs sont des
stratèges et mobilisent la loi pour placer les leurs ou leurs
connaissances. C'est dans ce contexte que le recrutement et la promotion se
réalisent au sein de la douane.
3.4. Les
logiques liées à l'affectation et au maintien au poste
stratégique
Après l'analyse transversale, nous avons cerné
trois catégories des logiques, à savoir :
1° La logique du parrain
2° La logique du parrainé
3° Enfin, la logique qui cadre avec la
légitimation des pratiques
3.4.1. La
logique du parrainage
3.4.1.1.
Intérêt du parrain
L'intérêt du parrainage est beaucoup guidé
par la capitalisation de l'argent ou de la relation pour les jours à
venir selon l'adage « personne ne connaît demain ». Le parrain
pourrait être comparé à un : « homme politique qui
veut asseoir son pouvoir en général et/ou son enrichissement
personnel ». (Borghi et al., 1995 :95).
3.4.1.2.
Positionnement des siens
Ceci correspond à la « privatisation de la douane
» ou « douane yetu » c'est ce que nous avons stigmatisé
à travers cette étude en parlant de l'héritage du travail
à la douane. C'est dans cette logique que les enfants douaniers
constituent en quelque sorte une stratégie de classe qui tente de
cimenter l'organisation de la douane par une bourgeoisie bureaucratique dont a
besoin le parrain pour atteindre un objectif quelconque comme la
facilité dans le dédouanement ou se constituer un
électorat.
Pour ce faire, les mutuels recommandant leurs frères
pour occuper un poste stratégique ont chacun un objectif à la
fois égoïste et partagé. C'est-à-dire que le
recommandé tente d'abord de satisfaire ses besoins et/ou
récupérer le montant perdu (pot de vin) dans la sensibilisation
des membres pour être d'abord accepter par l'association et enfin pour
être promu ou placé au poste stratégique de la douane
Katanga. Objectif altruiste ou partagé parce que de par la fonction
assumée, il peut placer les autres membres de l'association par les
engagements, soit proposé leur promotion en grade dans le but de
pérenniser la position de leur association au sein de la douane.
3.4.1.3.
Logique de contrôle
Dans le cadre de son travail, le chef qui place un douanier
(agent) au poste stratégique est motivé doublement. Le
bénéficiaire de l'affectation pourra,
- donner le rapport en terme de « cretch »,
- livrer certaines informations dont a grandement besoin le
parrain pour bien faire son travail. Ici l'agent devient une antenne du chef
au poste où il est affecté. C'est ce qu'on appelle à la
douane « ba petit ya confiance, petit mukonfia», Traduction :
petit de confiance. C'est comme ça que fonctionne le poste frontalier de
Kasumbalesa, le plus envié par les agents de la douane.
Le vérificateur Sandoa répond à la
question de savoir à quand il est en contact avec son parrain
(recommandant) :
« Mon directeur me pose trois types de questions ;
l'une relative au «cretch » en terme de rapport, l'autre en rapport
avec les gros poissons miniers (grandes sociétés minières)
qui exportent journalièrement, enfin, l'autre relative aux gros
poissons importateurs (les sociétés pétrolières,
les grandes sociétés minières, les grands
commerçants de la ville, etc.) des biens. Tout ça c'est pour lui
donner la situation des camions entrés ou sorties de la
République Démocratique du Congo au compte de grands hommes
d'affaires ».
Cet extrait montre que le chef a besoin des informations dans
le cadre professionnel à travers son antenne (agent) affecté
à Kasumbalesa.
3.4.2.
Logique du parrainé ou Fiel
3.4.2.1.
Logique de sa propre sécurité
Nous tenons à préciser que chaque acteur
concerné dans la présente dissertation n'est pas un automate
dirigé pour les intérêts d'autrui.
La sécurité du douanier ayant été
circonscrite dans les précédents pages, nous disons que l'agir
quotidien de celui - ci est motivé d'abord par l'intérêt
personnel et, en second lieu par celui de parrain.
Cette sécurité se résume à
l'acquisition des moyens financiers et matériels.
En faisant un bon rapport (financier, administratif à
son chef ou recommandant), le douanier sécurise son poste ou
prétend occuper un autre poste plus stratégique que celui -
occupé présentement.
Schématiquement :
Cours de grands
Affectation
PS
POSTE STRATEGIQUE
P
Parrain
R + (Rapport)
Affectation (stimulus)
BE
Parrainé
PS
Poste stratégique
R-(rapport)
ME
Affectation
p'p
Poste pardon
R+
Poste garage
P'g
Affectation
Parrainé - parrain
EE
EXPLICATION
P : parrain ou le recommandant
ps : parrainé au poste stratégique
p'g : poste garage, mauvais élève (ME)
R+ : Bon rapport, bon élève (BE),
Celui-ci reste au poste occupé ou promu en grade ou en fonction (PS)
R- : mauvais rapport, pas de rapport. Mauvais
élève, poste garage
A : affectation ou stimulus
EE : Excellent Elève
p'p : Poste pardon. Le mauvais élève ayant
demandé pardon au parrain.
Ce dernier lui accorde les dernières chances ou les
relations externes du parrainé ont pesé sur le parrain pour une
nouvelle affectation.
PS : Poste plus stratégique que celui occupé.
Excellent élève au poste stratégique. Hier
parrainé, il devient aussi parrain. Il est entré dans la cour de
grands (circuit). Pérennisation de la bourgeoisie bureaucratique par
l'excellent élève (EE)
Les deux flèches à l'extérieur indiquent
que l'élève excellent devient aussi parrain par son entrée
dans la cour de grands.
3.4.2.2.
Logique de recherche de parapluie
Le douanier ayant acquis beaucoup de biens, devient un homme
important dans la société auprès de qui on peut recourir
pour résoudre certains problèmes de la vie. Il devient sponsor de
clubs de sport, il parraine les mariages, etc. Tout ceci au regard de ce statut
d'un homme riche qui lui confère la capacité d'entrer dans le
milieu des hommes ayant une certaine influence dans la société
Lushoise en particulier et congolaise en général. Les musiciens
le sollicitent pour le chanter dans leurs albums moyennant paiement. C'est ce
que les kinois appellent « kobwaka mabanga ».
C'est ce que l'on appelle l'entrée dans le cercle
d'hommes forts ou la cour de grands. C'est-à-dire les hommes influents
dans la société et auprès desquels on peut recourir en cas
de problème. C'est donc de protecteurs capables de taire ou de jouer
dans à la non-application d'une décision tant politique
qu'administrative.
A la question relative aux révocations de hauts cadres
à la douane, Madame Etoile, douanière réagit comme suit :
« On a révoqué les faibles, les gens
sans soutien, sans parapluie tu comprends. Les grands frappeurs mangent avec
les grands de la cour (pouvoir), ils sont là sans inquiétude. Qui
ne connaît pas leurs dégâts. Ce sont les fous du chef, ils
faut les respecter, car ils sont forts »
Dans le cadre des partisans congolais, Bayart (2006 :
285), dit :
« Dans les organisations politiques, l'administration
etc. on pratique la lutte de l'influence soit pour accéder ou se
maintenir à des postes de responsabilités soit pour instaurer et
consolider son pouvoir personnel »,
C'est pourquoi, au regard du rapport financier, celui - ci (le
douanier) utilise dans son jargon le phénomène « leisa
mpunda po mpunda a leisa yo » développé comme
stratégie à la fois pour se maintenir au poste stratégique
(juteux) et se faire protéger contre les éventuelles menaces de
sa hiérarchie ou de tout détenant d'un pouvoir quelconque, qui
peut nuire le douanier.
3.4.3.
Logique de légitimation des pratiques
Nous avons parlé dans les pages
précédentes des pratiques qui sont liées à la
recherche d'une affectation au poste stratégique avec comme corollaire
de se sécuriser. Nkambo Bulamatari, un douanier, dit ce qui suit :
« Biso na douane to yibaka te, tozuaka ndambo
totikeli leta ndambo soki tolie te mosala ekotambola te, Traduction : nous
à la douane nous ne volons pas, nous prenons peu d'argent et nous
laissons peu à l'Etat. Si nous ne mangeons pas, le travail ne pourra pas
évoluer.
Paraphrasant Mazwan (2007 : 92), un douanier dit ceci : «
l'Etat doit prendre ses responsabilités en mettant les gens à
l'abri des besoins élémentaires. [...] Comment voulez-vous que
les gens se comportent lorsque l'ascenseur monte avec les recettes et descend
vide ? Qu'est-ce que l'Etat fait avec les recettes que la douane réalise
? (...) C'est la duplicité de l'Etat qui d'un côté exige la
maximisation des recettes et de l'autre ne fait rien pour améliorer les
conditions sociales de la population » ; « Notre Etat n'a rien
à nous demander parce qu'il ne nous a rien donné. C'est lui qui
favorise la fraude parce qu'il ne prend pas ses responsabilités. Il est
lui-même fraudeur parce qu'il nous demande ce qu'il n'est pas capable de
nous donner ». Cet extrait montre que le douanier est conscient des ses
actes sous la permission implicite de l'Etat.
3.4.3.
Logique de réciprocité
Cette logique met en exergue la présence de deux
parties. Dans le cadre de cette dissertation, il s'agit d'une part du
douanier appelé employé et de l'Etat congolais, appelé
employeur, d'autre part. Par conséquent, chacun a des obligations
vis-à-vis de l'autre.
Les actions du douanier visent sa sécurité que
devait assumer son employeur.
Abordant le trop peut perçu (TPP), Musatula (2006 :89)
reprend les paroles de Monsieur Toro qui déclare ce qui suit : « le
T.P.P. ne constitue pas pour moi un vol moins encore un détournement,
car l'Etat a déjà eu sa part. Le constat que je fais avec ma
propre intelligence et technicité me permet de [REAJUSTER] NON [SIDA]
c'est-à-dire salaire insuffisant difficilement acquis. »
Comme d'aucuns peuvent le constater, le douanier trouve l'Etat
congolais irresponsable, car ne remplissant pas son obligation de lui donner
un salaire décent et régulier.
La logique de réciprocité se traduit par la
pratique de feed-back ou la remise. L'octroi d'un poste stratégique est
pourvu d'intérêts réciproques. Pour le parrainé, il
bénéficie à la fois la couverture protectrice du parrain
et la promotion ou l'affectation au poste stratégique. Pour le parrain,
il profite s'il est au sein de la douane, non pas seulement le Cretch par la
remise, mais également un homme de confiance qui peut lui faire un bon
rapport. En d'autres termes, le parrainé constitue les yeux et les
oreilles du parrain dans le cadre du contrôle informel ou non
réglementaire.
Cette logique de réciprocité se traduit aussi
par le phénomène : « leisa punda, mpe punda a leisa ya
», Traduction : nourri le cheval pour que celui-ci vous nourrisse.
Le cheval ici c'est le parrain qu'il faut nourrir pour que
celui -ci vous « nourrisse » davantage, nous
défendre en cas de problème. Il veille aussi à la
promotion et à l'affectation de son parrainé au poste
stratégique.
3.4.3.2.
Logique de substitution à l'institution
La logique d'institutionnalité est une logique
liée à l'instrumentation de la douane. A cet effet, il ressort de
l'empirie que les acteurs douaniers instrumentalisent la douane en la
privatisant par une bourgeoisie bureautique.
Ils ont les objectifs souvent différents de celles de
l'institution. Cette logique d'institutionnalité est le fait que l'Etat
n'assure pas un salaire au douanier. Ce dernier s'institue à l'Etat pour
se payer lui-même sur base des pratiques de capitalisation
évoquées dans cette étude. C'est dans cette optique les
acteurs disent que la douane c'est « nous ». Elle est la «
nôtre »
Le douanier s'institue et s'érige en une force. Par la
grève, il contraint l'Etat à trouver solution à ses
préoccupations. A ce propos, le contrôleur Simba dit ceci :
« Nous sommes entrés en grève pour
trois jours, réclamant notre bonus. Le gouvernement a autorisé
notre A.D.G. de chercher l'argent sinon le gouvernement sera bloqué et
les autres pays vont agir car, les transporteurs étrangers vont saisir
leurs Ambassades à Kinshasa du préjudice leurs causé par
notre pays qui laisse les douaniers entrés en grève. »
Aussi, bien que légal, l'héritage du travail
limite les chances aux autres jeunes congolais d'être embauchés
dans cette régie financière, car la priorité est
réservée aux enfants, femmes des douaniers et d'autres
parrainés. Ceci explique l'absence de l'offre d'emploi qui jadis
s'organisait par le test d'embauche.
Que faut-il retenir de ce chapitre ?
Ce chapitre a présenté des critères non
réglementaires au regard du recrutement, de l'affectation et de la
promotion à la douane ainsi que les manières dont les acteurs
perçoivent les postes stratégiques. Il a aussi consisté
à analyser les différents mécanismes mis en place par les
acteurs dans le cadre d'occupation des postes stratégiques.
A ces mécanismes se rattachent aussi les
différentes pratiques de capitalisation des postes pour avoir de
l'argent (cretch), utile dans l'occupation et le maintien aux dits postes. S'y
ajoute également l'instrumentalisation de la loi dans les engagements,
les affectations et les promotions à la douane.
Enfin, à travers l'analyse transversale, il a
été dégagé trois catégories de logiques
à savoir : la logique du parrain ou recommandant, la logique du
parrainé (fiel ou recommandé) et la logique de
légitimation des pratiques.
CONCLUSION
GENERALE
L'objet de cette recherche est l'examen de différents
mécanismes non réglementaires présidant à
l'affectation du douanier à un poste stratégique. Notre fil
conducteur retenu pour cette étude se présente comme suit :
« que fait un douanier pour occuper un poste stratégique ».
Cette étude se fonde sur l'approche organisationnelle
et la grille de l'acteur stratégique retenu dans la perspective de
Crozier et de Friedberg (1977). L'articulation de ces deux outils réside
dans le fait que l'organisation est un construit et pose le problème
d'adaptation qui fait que les acteurs, ayant une marge de liberté
interprètent les normes en les adaptant, les remodelant et en
créant d'autres.
C'est en se comportant en acteurs stratégiques que les
douaniers tirent les ficelles de leur côté visant les
intérêts qui sont souvent à l'encontre de l'organisation
Douane. Aussi, recourent - ils aux différentes relations dont ils
disposent en termes de réseaux ou circuits.
Quant au dispositif méthodologique, nous avons
mobilisé l'observation directe sous sa forme dite in situ,
l'interview semi-directif, et la consultation des documents officiels. Quant au
traitement des données, nous avons recouru à l'analyse
thématique.
Les résultats de la présente étude
peuvent s'articuler autour de quatre points essentiels :
- l'investissement d'un directeur de la douane, la
recommandation d'un homme influant au sein de la société
congolaise ou les affinités tribales, claniques, régionales
auxquelles se greffent la remise de l'argent sont les paramètres qui
président au recrutement, à la promotion au sein de la douane
ainsi qu'aux représentations des postes stratégiques par les
acteurs.
Pour les acteurs de terrain, les postes stratégiques
sont ceux liés à la logique de gain facile, vite et
régulier. Concrètement, il s'agit des postes frontaliers de
Kasumbalesa, de la barrière Kisanga, de l'aéroport international
de Lubumbashi, le poste frontalier de Kalemie et enfin le poste de receveur
tant dans les différents entrepôts publics ou
concédés que dans tous les postes frontaliers.
L'antipode des postes stratégiques ce sont des postes
garages. Ces derniers sont ceux qui n'offrent pas des opportunités de
capitaliser de par leurs tâches. C'est là où la
déclaration de la marchandise ne passe pas. Il s'agit, à titre
d'exemple, le bureau contentieux, l'inspection du personnel, etc.
Les acteurs mobilisent différentes stratégies
mises pour occuper les postes stratégiques.
Ce sont les relations stratégiques internes et les
relations externes dont les relations naturelles (relations liées au
sang), les relations amicales, les relations
éthnico-clanico-régionales (mutuelles), les relations
idéologiques ou politiques (l'appartenance aux mêmes partis
politiques).
S'agissant différentes pratiques qui sous - tendent
l'affectation et le maintien au poste stratégique, ce travail analyse
celles qui cadrent avec l'instrumentalisation de la loi au regard de la
capitalisation, notamment le Trop peu perçu (le T.P.P), les
exonérations, le tarif douanier et la position tarifaire (fausse
dénomination de la marchandise, la sous - évaluation de la valeur
de la marchandise, le per diem) et de la même l'instrumentalisation de la
loi au regard de la promotion et de l'engagement. Dans ce cadre, nous avons
observé la pratique de la privatisation de la douane (douane yetu) et
celle dite de légitimation de la parité qui consiste pour un chef
d'engager et de promouvoir ses concubines, amis et frères au nom de la
parité.
Une autre pratique de capitalisation est intitulée la
frappe douanière qui se réalise par la pratique « d'Airways
» ou « non arrivée » ainsi que par le
phénomène laboratoire. Il ressort de cette étude que ces
différentes pratiques sont mobilisées par les acteurs pour
l'affectation et le maintien au poste stratégique. Une fois promu en
grade selon qu'on a été un « excellent
élève », on accède au poste stratégique
supérieur et rentable.
Si la promotion n'obéit pas à cette logique
d'accéder au poste stratégique correspondant au nouveau grade ou
celui proposé, le douanier bénéficiaire de la promotion la
rejette, selon l'expression courant utilisée dans le milieu de la douane
et empruntée aux Forces Armées de la République
Démocratique du Congo (FARDC) : « fonction eleki grade »,
Traduction : mieux vaut une « bonne fonction »
c'est-à-dire rentable qu'un grade supérieur.
Par ailleurs, cette étude cerne les logiques
liées à l'affectation et au maintien à un poste
stratégique. Trois types de logique se dégagent dans cette
étude : Le premier cadre avec le parrainage. Celui - ci se fonde sur
l'intérêt matériel et financier du parrain. Le parrain se
constitue une ressource financière par le rapport, le feed-back ou
opération retour attendu du fiel ou du parrainé. Il se fonde
également sur le positionnement des siens ainsi que l'instauration d'un
système de contrôle informel lorsque le parrain est un douanier
à travers ce « petit mukonfia », « mutu na
ngayi », Traduction : petit de confiance, ma personne.
Le deuxième concerne le parrainé ou fiel ou le
recommandé. Nous avons enregistré pour celui - ci la logique de
sa propre sécurité (avoir beaucoup d'argent, acquisition de
beaucoup de biens, un bon standing de vie, etc. Cette logique permet la
quête du parapluie, d'un protectorat.
En troisième lieu, la logique de légitimation
des pratiques s'appuie sur le principe de réciprocité (leisa
mpunda po mpunda aleisa yo), et l'instrumentalisation de la douane. A travers
cette dernière, les acteurs s'instituent et se substituent à
l'Etat pour ce prendre en charge « l'Etat asitulipe, tuko na kabula naye
recette », Traduction : l'Etat ne nous paye pas, nous nous partageons
les recettes.
Loin de généraliser notre étude à
l'ensemble de services de l'administration congolaise, les résultats
ainsi dégagés peuvent aider à comprendre la toile de fond
du disfonctionnement et de l'effondrement de l'administration avec comme
conséquence d'envisager dans le cadre de la politique criminelle, les
reformes au sein de l'administration et des entreprises du portefeuille de
l'Etat.
Voilà au moins d'une manière condensée
l'essentiel de résultats de cette étude qui souffrent des limites
à la fois méthodologique et celles liées à l'oeuvre
humaine.
BIBLIOGRAPHIE
I. OUVRAGES
1. QUIVY, R. & VAN CAMPENHOUDT, L. (1995),
Méthodes de recherche en sciences sociales, Paris, Dunod.
2. CROZIER, M. et FRIEDBERG, E. (1977), L'acteur et le
système, Paris, Seuil.
3. MUCHELLI, A. (dir) (2004), Dictionnaire des
méthodes qualitatives en Sciences Humaines, 2e éd. Paris,
Armand Colin.
4. ANKOUNI, A. et ANSERT, P. (1999), Dictionnaire de
sociologie, Paris Seuil.
5. ALBARELLO, L. (2004), Apprendre à chercher,
l'acteur social et la recherche scientifique, Bruxelles De Boeck.
6. BLANCHET, A. et GOTMAN, A. (2003), L'enquête et
ses méthodes : l'entretien, Paris, Claire Hennaut.
7. DREYFUS, S. et VULLIERME, L.N. (2000), La thèse de
doctorat et le mémoire Etude méthodologique, Paris, 3e
éd CUJAS.
8. QUELOZ, N. BORGHI, M., CESONI, M. (2000) : Processus
de corruption en Suisse Vol I, Fribourg.
9. ROULAND, N. (1990) : L'anthropologie juridique,
Paris, PUF.
10. BORGHI, M., P. BISCH, M. (1995) : la corruption,
l'envers des droits de l'homme, Suisse, Fribourg.
11. NKUKU KHONDE C, et REMON M. (2006) :
Stratégies de survie à Lubumbashi (RD Congo), enquêtes
sur 14.000 ménages urbains, Paris, l'Harmattan.
12. DEGENNE, A. et FORSE M. (2004) : Les réseaux
sociaux, Paris, 2è éd. Armand Colin.
13. LEMIEUX, V. (1999) : Les réseaux d'acteurs
sociaux, Paris, PUF.
14. BAYARD, J.F. (2006) : L'Etat en Afrique, la politique
du ventre, Paris Fayard.
15. DIBWE DIA MWEBU (2002) : « Processus
d'informalisation et trajectoires sociales /le cas de la ville de Lubumbashi
», in DE VILLERS ,G (dir), Manières de vivre. Economie de la
« débrouille »dans les villes du Congo/Zaïre, Paris,
l'Harmattan.
16. KABANGE NUMBI, Y. (2007) : Le régime douanier du
code minier (analyse critique et difficultés rencontrées dans
l'application), Lubumbashi, Salama.
II. COURS
1. ADAM, C. (2008), Criminologie psychologique, L2 ECOCRIM,
UNILU, Lubumbashi.
2. KAMNISKI, D. (2005), Méthodologie de la recherche en
criminologie, L1 ECOCRIM, UNILU Lubumbashi
3. KAMINSKI, D. (2006), Théories contemporaines en
criminologie (1ère partie) contrôle social et réaction
sociale, L2 ECOCRIM, UNILU, Lubumbashi.
4. LIWERANT, S. (2008) : Anthropologie du Droit, ECOCRIM
L1 UNILU.
III. MEMOIRE
1. 1. MUSATULA MUKAMBU, F. (2007), le contrôle douanier
dans la ville de Lubumbashi. Entre quête de sécurité et
privatisation de la douane, ECOCRIM, UNILU.
2. MAZWAN KELUNGA, H. (2007), Le phénomène
laboratoire dans le processus dédouanement des marchandises
importées. Une modalité de la « quête de
sécurité» pour les acteurs, Ecocrim UNILU
3. LUPITSHI WA NUMBI, N. (2006), Les pratiques non
réglementaires dans les réseaux automobiles des transports en
commun de Lubumbashi, ECOCRIM UNILU.
4. KIENGE KIENGE INTUDI, R. (2005), Le contrôle
policier de la « délinquance »des jeunes de Kinshasa. Une
approche ethnographique en criminologie, IIIe partie, UCL, Bruxelles.
5. NGOIE MWENZE, H. (2009), La co-production de la
sécurité à l'épreuve de l'observation. Polices
publiques et privées dans les usines Gécamines de Shituru
à Likasi (Katanga/RDC).
TABLE DES MATIERES
TABLE DES MATIERES
I
EPIGRAPHE
V
DEDICACE
VII
REMERCIEMENTS
VIII
CHAPITRE I. : CADRE THEORIQUE
1
1.1 Objet de recherche
1
1.1.1. Construction de l'objet d'étude.
1
I.2. Etat de la question
7
1.3. Visées de la recherche
10
1.5. Champ d'analyse
11
1.6 PROBLEMATIQUE & QUESTION DE RECHERCHE
13
13
2.2. Questions de recherche
16
1.1.2 MISE EN CONTEXTE DE L'OBJET D'ETUDE
17
1.1.2.1du point de vue politique
18
..1.1.2.2 du pointde vue économique
19
1.1.2.3du point de vue socio-culturel
20
CHAP II : DISPOSITIFS METHODOLOGIQUES, SITE DE
RECHERCHE ET CADRE REGLEMENTAIRE DE L'OFIDA
22
I. Dispositifs méthodologiques de recueil et
de traitement des données.
22
1. Le choix Méthodologique
22
1.1. L'échantillonnage
23
1.2. Choix de techniques de recueil des
données
25
1.3 L'Immersion sur terrain et gestion de la
position du chercheur
26
1.3.1 L'immersion sur terrain
26
1.3.2. Gestion de la position du chercheur
27
1.4. Mise en oeuvre de techniques de recueil des
données
28
1.4.2 L'entretien
30
1.5. Analyse des données
33
1.6. Considérations éthiques,
facilités et difficultés rencontrées
34
II. SITES DE RECHERCHE & CADRE REGLEMLENTAIRE DE
LA DOUANE.
36
2.1. SITES DE RECHERCHES
36
2.1.1. Site de KASUMBALESA
36
2.1.2. L'entrepôt TRADE SERVICE
38
2.1.3. La barrière KISANGA
38
2.2. CADRE REGLEMENTAIRE
39
2.2.1. Catégorie d'emploi
40
2.2.2. Engagement
40
2.2.2.1. Les conditions
40
a) Engagement sur concours
40
b) Engagement sur titre
41
2.2.2.2. Expérience acquise
41
2.2.2.3. Vacance et priorité d'engagement
41
2.2.2.2.4. Forme de contrat
42
2.2.3. Les obligations entre les parties
42
2.2.3.1. Obligations de l'agent
42
2.2.3.2. Obligations de l'employeur
43
2.2.4. Intérim
44
2.2.5. Commissionnement
44
2.2.6. Promotion
46
2.2.6.1. Promotion verticale
46
2.2.6.2. Promotion horizontale
47
2.2.7. Mutation et détachement
48
2.2.7.1. Mutation
48
2.2.7.2. Détachement
48
CHAP III : REGARD CRIMINOLOGIQUE SUR LES MECANISMES
D'AFFECTATION DU DOUANIER AU POSTE STRATEGIQUE
50
I. CRITERES NON REGLEMENTAIRES DE RECRUTEMENT ET DE
PERCEPTION DE POSTES STRATEGIQUES
50
1.1 Critères non réglementaires de
recrutement et de promotion à la douane
50
1.1.1. L'investissement d'un Directeur
51
1.1.2. Le stage
51
1.1.3. Les recommandations
52
1.2. Perception du poste stratégique
53
II. STRATEGIE D'OCCUPATION DE POSTE STRATEGIQUE
57
II.1. Les relations stratégiques
internes
57
II.2 « un élève
appliqué » ou « un bon élève »
58
II.3. L'Héritage du poste
61
2.2. RELATIONS EXTERNES
62
2.2.1. Les relations naturelles
63
2.2.2. Les relations amicales
64
2.2.3. Les relations ethnico - régionales
64
2.2.4.Les relations idéologiques ou
politiques
65
III. Les différentes pratiques qui sous -
tendent l'affectation et le maintien au poste stratégique
68
3.1. Instrumentalisation de la loi
68
3.1.1. Instrumentalisation de la loi au regard de la
capitalisation
70
3.1.1.1. Le Trop peu perçu (TPP)
70
3.1.1.2. Les Exonérations
72
3.1.1.3. Tarif douanier et position tarifaire
72
3.1.1.3.1. Tarif douanier
72
3.1.1.3.2. La position tarifaire
73
3.1.1.3.1. La Fausse Dénomination
73
3.1.1.3.4. La Sous - évaluation
74
3.1.1.3.5. Le Perdiem
74
3.1.1.3.4. Le paiement par relevé et les
enlèvements d'urgence
75
3.1.1.4. La frappe douanière
76
3.1.1.4.1. L'Airways ou non arrivée
77
3.1.1.4.2. Le phénomène laboratoire
78
3.1.2. Instrumentalisation de la loi au regard de la
promotion et de l'engagement
78
3.1.2.1. « privatisation de la douane »,
douane yetu
78
3.1.2.2. « légitimation de la
parité »
79
IV. Les logiques liées à l'affectation
et au maintien au poste stratégique
80
4.1. La logique du parrainage
80
4.1.1. Intérêt du parrain
80
4.1.2. Positionnement des siens
80
4.1.3. Logique de contrôle
81
4.2. Logique du parrainé ou Fiel
81
4.2.1. Logique de sa propre
sécurité
81
4.2.2. Logique de recherche de parapluie
83
4.2.3. Logique de légitimation des
pratiques
84
4.2.3.1. Logique de réciprocité
84
4.2.3.2. Logique d'institutionnalité
85
CONCLUSION GENERALE
87
BIBLIOGRAPHIE
92
* 1 CRETCH : Argent
* (1) Convention collective de
l'office de douanes et accises 3ème édition 1597
* 1 Quelques mois d'affection
à ce poste, permettent au douanier nouvellement recruté de se
positionner sur le plan économique. En d'autres termes, il peut
s'assurer facilement et dans un temps record la sécurité
alimentaire, vestimentaire, transport personnel, le logement, la
scolarité des enfants, le loisir...
* 2 La capitalisation
financière à la barrière Kisanga est facile et se
déroule d'une manière régulière. A cet effet, la
position géographique de ce poste, en amont du poste de Kasumbalesa
concernant la sortie des marchandises et en aval concernant leurs
entrées, est un facteur facilitateur de gain rapide et dans un temps
record.
* 1 Pour connaître les
étapes et le processus du phénomène laboratoire, nous
renvoyons le lecteur à l'étude de Mazwan (2006 :62-77)
intitulé, Le phénomène laboratoire dans le processus
dédouanement des marchandises importées. Une modalité
de la « quête de sécurité»
|