1-3- Coût de l'autonomie de la politique
budgétaire : les apports de la théorie des jeux
Dans cette partie, la coordination des problèmes
s'étudie à travers l'analyse de la coopération entre les
décideurs qui ont chacun leurs stratégies. En effet, comme dans
le jeu de Taouil 2001, on définit une stratégie par un ensemble
de choix d'action. Une stratégie est dite dominante si elle procure au
joueur un gain supérieur à ceux de toutes ses autres
stratégies quelque soit le profil de stratégies retenues par les
autres joueurs. On distingue une stratégie strictement dominante qui
assure un gain strictement supérieur à celui de toute autre
stratégie et une stratégie faiblement dominante qui procure un
gain au moins égal à celui de toute autre stratégie. Une
stratégie dominée pour un joueur est une stratégie qui lui
donne toujours un gain inférieur à celui d'au moins une des
autres stratégies à sa disposition (quelque soit les
stratégies des autres joueurs). La coopération s'impose lorsque
les décisions prises unilatéralement deviennent sous optimales
pour l'ensemble des acteurs concernés du fait de
l'interdépendance. L'analyse économique se basera sur la
théorie des jeux pour formaliser les choix. Ainsi, il s'agit d'expliquer
comment les décideurs publics devraient agir pour atteindre des
objectifs mutuellement compatibles.
En effet, si les joueurs décident de s'entendre il y a
coopération. Dans le cas contraire on dira qu'il y a non
coopération. Dans cette optique, pour que la coordination soit efficace,
il faut que tous les joueurs soient actifs dans le jeu. Ce pendant, du fait de
la fragilité des accords, il existe toujours une tentation de tricher.
La coordination peut donc engendrer deux risques : le comportement de passager
clandestin s'il cherche à profiter des efforts de la coordination des
autres sans qu'il s'engage lui-même ; l'aléa moral lorsqu'un Etat
possède des moyens de ne pas tout révélé à
ses partenaires, dans l'optique d'obtenir des avantages de l'asymétrie
d'information en dissimulant la réalité. Il est donc
nécessaire de mettre en place des règles et des procédures
de surveillance multilatérales crédibles
(monitoring). A cet effet, l'introduction des
mécanismes de sanction accroît la crédibilité des
règles. Ainsi, la décision est entre une coordination active ou
discrétionnaire dans laquelle les gouvernements de l'union se concertent
pour réagir et une coordination passive où les gouvernements se
soumettent à des règles communes fixées à
l'avance.
Dans cette situation, le problème des coûts
liés à la pratique de la coordination peut mener vers deux
situations opposées à savoir : préférer l'absence
de coordination en acceptant une solution sous optimale tout en
préservant l'indépendance ou basculer vers une politique unique
en renonçant à l'autonomie des décisions. Ainsi, à
partir du dilemme du prisonnier, on examinera l'interaction entre les
gouvernements et la banque centrale des Etats de l'Afrique de l'Ouest
(BCEAO)
A cet effet, on désignera la BCEAO par le joueur A dont
les stratégies de jeu sont :
A1 : politique accommodante de la BCEAO qui baisse ses taux
d'intérêt ;
A2 : politique restrictive menée par la BCEAO avec
remontée de ses taux d'intérêt Et les gouvernements par le
joueur B et leurs stratégies par:
B1 : respecter l'équilibre budgétaire à
moyen terme pour les gouvernements (PSC)
B2 : non respect du PSC par un ou des gouvernements
Avec PSC = pacte de stabilité et de croissance
On considère ainsi donc le tableau du dilemme du
prisonnier ci-dessous :
Tableau n°2 : Le dilemme de prisonnier
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B1
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B2*
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A1
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(4 ;
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4)
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(2 ;
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5)
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A2*
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(5 ;
|
2)
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(3 ;
|
3)*
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On suppose qu'il peut avoir conflit d'objectif entre la BCEAO
et les gouvernements (stabilité des pris versus niveau d'emploi
élevé) qui ne peut être permanent du fait que les deux
institutions ont pour objectif commun, à moyen et long terme, la
stabilité des prix et la stabilité macroéconomique. Chacun
des joueurs à une stratégie dominante. La BCEAO donne la
priorité à la stabilité monétaire et les
gouvernements privilégient la stratégie de plein emploi. Ainsi,
la recherche des intérêts individuels par les Etats membres
conduit à un optimum « Pareto -déficiente » qui ne
coïncide pas avec l'optimum collectif. En conséquence, les joueurs
ont donc intérêt à ne pas poursuivre une stratégie
dominante (solution commune).
En effet, si les Etats respectent le PSC, l'économie de
l'UEMOA bénéficie d'une politique accommodante pour la BCEAO qui,
si la stabilité des prix est respectée, peut baisser ses taux
pour favoriser la croissance et l'emploi (équilibre (A1, B1)). Par
contre, si les Etats membres ne respectent pas simultanément le PSC,
chacun retire les bénéfices de sa politique de relance nationale
et les externalités positives de la politique de l'autre pays. Mais
l'équilibre de Nash (A2, B2) est moindre parce que la BCEAO
réagit en augmentant ses taux et mène donc une politique
restrictive.
Toutefois, si un pays ne respecte pas seul la discipline du
PSC tandis que l'autre respect le PSC l'issue est différent. Dans cette
situation, les gains seront plus importants pour le pays qui triche tandis que
les gains seront moins importants pour les pays qui limitent leur
déficit et respectent le PSC. Ainsi, le pays qui respecte est
trompé car il respecte le PSC dans l'optique de profiter des bonnes
conditions monétaires de l'espace. Mais, l'autre triche et creuse le
déficit.
L'équilibre en stratégies dominantes conduit
alors à considérer que la zone doit être normalement non
coordonnée. En conséquence, l'équilibre de Nash est sous
optimal: les Etats membres entre eux et la BCEAO ont une stratégie
dominante à la non coopération (déficits/hausse des taux),
et l'UEMOA ne peut atteindre l'équilibre du PSC, pourtant optimal pour
les deux Etats membres. Les gouvernements et la BCEAO peuvent donc
coopérer ou bien l'un des deux peut contraindre l'autre. D'où la
nécessité d'avoir un système de contraintes
supplémentaires pour instituer un régime. Dans cette optique, un
système de contrôle et de sanctions pour faire respecter les
engagements réciproques est donc souhaitable.
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