4.4. La modélisation de l'autonomisation de la
femme lushoise
Dans les rapports du conseil consultatif de 1985 et 1986,
l'autonomie se présente comme une stratégie pertinente
proposée par les mouvements de femmes du Tiers Monde à la place
d'une intégration reposant sur l'égalité. De plus
l'autonomie est
considérée comme une nécessaire exigence
pour réussir une intégration complète(1).
L'autonomie qui fait appel aux idées d'autorité, de
liberté, d'égalité des chances pour tous, doit alors se
comprendre dans le cadre de la lutte contre la pauvreté et
l'inégalité au niveau des classes, du genre et des races. En
définissant l'autonomie comme le contrôle sur sa propre vie et son
propre corps, il y a lieu de dégager quatre domaines d'application :
- Du point de vue physique : l'autonomie sous entend le
contrôle total de sa sexualité et de sa fécondité
;
- Du point de vue économique : elle évoque
l'égalité d'accès et le contrôle sur les moyens de
production ;
- Du point de vue politique : le droit de déterminer ses
choix politiques et la création d'une base de pouvoir librement choisir
;
- Du point de vue socioculturel : elle se réfère au
droit d'avoir sa propre identité, le sens de sa valeur et le respect de
soi.
Ces quatre éléments ne peuvent s'envisager ou
s'appliquer séparément, comme dans bien des modèles de
développement, car la signification de ces quatre éléments
s'enrichit justement dans leurs interrelations.
L'autonomie peut s'utiliser comme un outil d'analyse
permettant de comprendre cette relation complexe et ces éléments
constituent un cadre d'analyse dans lequel on peut situer la position des
femmes. D'un coté ce cadre est suffisamment ouvert pour tenir compte des
grandes diversités entre pays, classes, cultures et catégories
des femmes, alors que de l'autre coté il offre une base de comparaison
et d'action rendant l'amélioration possible. Chaque angle d'approche,
physique, économique, politique et socioculturel fournit des
données, certaines étant mesurables et quantifiables alors que
d'autres sont d'ordre qualitatif. Pour nous, l'analyse fournit par l'angle
économique servira d'indicateur pour évaluer le degré
d'autonomie de la femme Lushoise.
(1) Rapport Consultatif n°86, 1986, p. 58
Le livre blanc, un monde de différences, utilise
également le concept d'autonomie dans un sens stratégique et ce,
de deux façons : - un sens idéal enraciné dans une vision
de la société. Il est donc considéré comme un
objectif à long terme ou comme un moyen pour changer la
société dans son ensemble : « la coopération au
développement fondée sur le principe d'autonomie des femmes
signifie que l'on adopte un schéma de partage des pouvoirs dans toutes
ses manifestations ». Le deuxième sens, stratégique, est
plus opérationnel et agit notamment comme une pierre de touche
permettant de choisir les actions à entreprendre à partir de
l'analyse(1). Donc, le fait que le concept d'autonomie oscille entre
l'analyse et les stratégies à court et long terme est, à
notre avis, un avantage important dans l'évaluation non seulement du
Genre mais aussi du microcrédit dans la lutte contre la pauvreté
à Lubumbashi.
Certaines personnes s'inquiètent de l'écart
existant très souvent entre la pratique et l'application des politiques
en faveur de la femme voire du développement. Elles ont raison, car
c'est à l'usage que l'on peut juger de la qualité d'une chose. Il
y a beaucoup à faire pour que soit structurellement appliqué le
programme de développement en faveur de la femme afin de respecter les
exigences opérationnelles d'autonomie. Il faudra mettre en oeuvre des
mesures méthodiques et fonctionnelles importantes pour combler
l'écart entre la politique et la mise en oeuvre et parvenir ainsi
à une véritable réalisation opérationnelle de la
politique d'autonomie de la femme lushoise à travers le
microcrédit.
Voici alors les cinq axes dans lesquels nous envisageons
l'autonomisation de la femme lushoise :
1. Le renforcement de la position économique des
femmes du point de vue du contrôle de leurs revenus et de leurs moyens de
production sans augmentation substantielle de la charge de travail ;
2. Le renforcement de la position politique et
organisationnelle des femmes dans la participation ou le contrôle des
aménagements organisationnels et indépendants
(1) Jan PRONK, Op Cit, p.89
dans la structure du projet. De même pour l'organisation
dans le district, la zone ou le village, ainsi qu'au niveau régional et
national ;
3. L'autonomie de la femme doit viser le renforcement de
l'image que la femme se fait d'elle-même, ou que les autres (les hommes)
ont d'elle, et combattre les principaux préjugés à
l'encontre de la femme.
4. Le renforcement de l'autonomie physique des femmes,
c'est-à-dire que les femmes gagneront en maîtrise de leur propre
corps, contrôleront leur fécondité, leur sexualité
et l'on reconnaîtra ou portera attention à leur problème de
santé
5. Le renforcement de l'expertise des femmes dans la gestion
de micro- entreprises.
Toutefois, quelle que soit la nature des activités
entreprises par les femmes dans le cadre de l'autonomisation, la femme lushoise
doit être attentive aux pièges potentiels et se distancer si
possible - de l'attrait de projets trop ambitieux qui absorberaient les
énergies et qui à la longue se révéleraient
indéfendables, - de la tentation à recourir à tout moment
aux subventions financières qui signifieraient une entorse aux principes
de renforcement de sa position économique eu égard au
contrôle des revenus, - et des promesses de technologies aux apparences
trompeuses qui le dépouilleraient de son patrimoine culturel.
A mesure que la femme lushoise développera davantage
ses capacités et son pouvoir latent, toute la société et
partant les hommes en viendront à la considérer comme capable de
participer au développement intégral de la communauté et
de lutter contre la pauvreté.
L'évaluation de ce modèle d'autonomisation de la
femme lushoise doit montrer que la situation des femmes à Lubumbashi a
été renforcée sur au moins un des cinq critères
cités ci-haut, sans que les autres soient affaiblis.
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