3.4. Le travail des femmes et la survie des
ménages
Malgré ses immenses ressources naturelles, la
République Démocratique du Congo est l'un des pays les plus
pauvres du Monde. Les populations vivent dans des conditions économiques
et sanitaires déplorables. Près de 80% de la population
congolaise survivent à la limite de la dignité humaine, avec
moins de 1$ par personne par jour, moins de 20% ont accès
régulier à l'électricité(1) . La
pauvreté se manifeste par la malnutrition qui touche entre 30 et 50% des
femmes et des enfants. Au total, 1,6 millions de personnes sont en situation
d'insécurité alimentaire(2) .
Sur le marché du travail, la situation de chômage
ou d'emploi précaire touchait la majorité de la population active
en 2004. La part du travail informel est en constante augmentation et les
salaires sont dérisoires. Aux termes des négociations de
février 2004, un nouveau barème avait été
fixé à 208$ le traitement mensuel du dernier fonctionnaire de
l'Etat et à 2080$ celui du secrétaire général de
l'administration publique. Cependant, cette grille n'est toujours pas
appliquée(3). Un huissier touche 31.000 francs congolais
(environ 34,4$).
L'étude portant sur le comportement des ménages
en temps de crise peut nous aider à comprendre le lien entre la
pauvreté des ménages et le travail des femmes. L'enquete
menée en Tanzanie en 1998, à une époque de crise et de
réforme économique montre que ces deux phénomènes
conjugués ont provoqué une forte baisse des salaires réels
dans le secteur formel et ont incité la population, surtout les
(1) Daniel MUKOKO SAMBA, Conflits armés en RDC. Le
rôle des facteurs économiques et leçons pour la
reconstruction, PNUD, Kinshasa, 2004, P. 11
(2) BAFD/OCDE, Perspectives économiques en Afrique, 2005,
p. 209
(3) idem, p. 245
femmes, à se tourner vers les activités du
secteur informel pour gagner un revenu ou compléter leurs revenus
existants. Cette étude a constaté que 80% des femmes avaient mis
sur pied leur entreprise dans les cinq ans précédent
l'étude, contre 50% des hommes. Cet écart prouve que
l'accroissement de la part des femmes dans le revenu constituait bien une
réponse à la situation de crise. Par ailleurs, le nombre des
travailleurs autonomes vivant en ville a augmenté, passant de 7% dans
les années 1970 à plus de 60% au moment de l'enquete. Souvent, le
capital de démarrage leur était fourni par leur mari. Dans toute
la mesure du possible, les ménages maintenaient leurs liens avec le
secteur formel du marché de l'emploi, mais plutôt pour la
sécurité des revenus ainsi générés que pour
leur montant. Les femmes étaient plus susceptibles que les hommes de
cumuler plusieurs types d'activités, le plus souvent la gestion d'une
petite entreprise et l'agriculture urbaine (généralement
pratiquée dans des lopins situés dans les zones
périphériques).
Dans une étude menée précédemment
par nous-mêmes (DIKASA Engondo) sur « la dépréciation
continue du zaïre monnaie et l'effritement de pouvoir d'achat du
fonctionnaire zaïrois. Cas de l'enseignant de l'université »,
nous avons eu a démontrer que face à une situation de crise due
à l'effritement du pouvoir d'achat à cause des
dépréciations continues de zaïre monnaie une situation de
défense ou de refus de mourir à amener les fonctionnaires et
leurs familles à multiplier les initiatives pour vivre et palier
à l'insuffisance de revenus. Dans cet article, on peut lire : . . .le
salaire du fonctionnaire congolais (ex Zairois) était et est encore,
jusqu'à nouvel ordre, bien en-deçà du cout de la vie et
envenime ses conditions sociales. Le fonctionnaire congolais s'épuise
dans ses travaux et ses diverses initiatives sans pour autant parvenir vraiment
à se prendre en charge. D'où le climat d'angoisse et
d'inquiétude dans lequel il vit au jour le jour quant à
l'obtention du minimum vital avec le pouvoir d'achat
précaire(1) . Pour être beaucoup plus précis sur
la position de la femme du fonctionnaire dans ce combat pour la survie, DIKASA
écrit encore, « - perplexe et impuissant dans le combat pour la
survie qu'il mène chaque jour, le fonctionnaire zaïrois (congolais)
confronté à
(1) DIKASA Engondo, la dépréciation
continue du zaïre monnaie et l?effritement du pouvoir d?achat du
fonctionnaire Zaïrois. Cas de l?enseignant de l?université. Essai
d?analyse des indices de décembre 1995 à mars 1997, In Les
Annales de l?Institut Supáieur de Statistique, N°6, Aout 1999,
p 67.
l'insuffisance de son salaire et l'amenuisement de son pouvoir
d'achat, se voit obligé de combiner plus d'un emploi.
Conséquences directes de ce cumul des fonctions : la
détérioration de la qualité du travail et de sa
santé, l'absentéisme, sinon les retards et les départs du
service avant l'heure et l'éducation des enfants au rabais au sein des
foyers où l'homme et la femme, en détresse, s'adonnent pour la
survie à des activités économiques
désordonnées ; - On assiste à la maximisation des
activités des spéculation où, pour vivre, tout le monde
devient commerçant. Pour la subsistance du foyer, le fonctionnaire
pratique des activités commerciales contrairement aux statuts qui le
régissent. En réalité, l'importance voire même la
recrudescence du secteur informel est essentiellement due à cet
état des choses. »(1)
En tout état de cause, le travail des femmes constitue
de toute évidence un facteur incontournable de la survie et de la
sécurité des ménages pauvres. Il s'avère en outre
indispensable pour que la famille puisse espérer sortir de la
pauvreté. Les femmes des ménages pauvres se consacrent à
toutes sortes d'activités qui génèrent des revenus ou
réduisent les dépenses. Dans certains cas, elles
complètent l'apport masculin ; dans d'autres, elles assument l'essentiel
ou l'intégralité des moyens d'existence du ménage.
Cependant, les liens entre le travail
rémunéré des femmes et la pauvreté ne sont pas
uniformes. Ils dépendent notamment des particularismes
économiques locaux et du degré de patriarcat des structures
sociales. Dans les régions qui pratiquent la réclusion
féminine, le fait qu'une femme occupe un emploi
rémunéré à l'extérieur de son domicile peut
constituer en soi un indice révélateur de la pauvreté qui
sévit dans son ménage. Dans d'autres régions, ce n'est pas
le fait que les femmes travaillent qui témoigne de la pauvreté,
mais plutôt le type de travail qu'elles (mais aussi les hommes)
accomplissent. La pauvreté féminine n'induit pas toujours et
partout aux mêmes types d'activités et d'emplois.
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