Genre et lutte contre la pauvreté dans la ville de Lubumbashi. Essai d'analyse des manifestations de l'autonomisation de la femme Lushoise à travers le microcrédit.( Télécharger le fichier original )par Modeste DIKASA ENGONDO Université de Lubumbashi - Diplôme d'études approfondies 2010 |
CHAPITRE III : LES MANIFESTATIONS DE LA PAUVRETE DE LA FEMME LUSHOISE3.1. IntroductionDans ce chapitre, nous allons faire un aperçu général sur la pauvreté, c'est-à-dire nous aborderons les approches conceptuelles ainsi que les méthodes d'analyse de la pauvreté avant de préciser celle que nous utiliserons dans ce mémoire. En effet, s'inscrivant dans le cadre de genre et lutte contre la pauvreté à Lubumbashi, ce travail voudrait montrer que la pauvreté affecte aussi bien les ménages dirigés par des hommes que ceux dépendant économiquement d'une femme, en dépit de la discrimination sociale que subissent, en général, ces dernières en matière de revenus et d'emplois. Ce chapitre montre également qu'au delà de sexe du chef de ménage, traité dans le sous point : « la répartition sexospécifique du travail à Lubumbashi », le manque d'actifs sur le marché du travail est un facteur déterminant de la pauvreté des ménages. Voilà pourquoi le travail des femmes, bien que secondaire pour les uns, constitue l'une des articulations majeures des stratégies de survie, en particulier dans les ménages dont le chef est un homme ; une majeure stratégie de lutte contre la pauvreté. C'est dans ce cadre que nous aborderons la question du travail des femmes et la survie des ménages. 3.2. Cadre d'analyse et de calcul de la pauvretéSi tout le monde prétend avoir une idée de ce qu'est la pauvreté, notons cependant que cette notion fait encore l'objet depuis des années de plusieurs réflexions et de plusieurs approches. Dans ce cadre Mitonga souligne, Si dans le sens le plus large chacun s'accorde à considéré la pauvreté comme un état individuel où le niveau de bien être est insuffisant et socialement inacceptable, il n'en va pas de même en ce qui concerne les modalités de son identification et de sa mesure(1). L'analyse de la pauvreté est un bon moyen pour apprécier l'ampleur de la crise que traverse l'économie mondiale, car elle est un miroir qui nous renvoie l'image des sociétés telles qu'elles sont et non telles qu'elles se prétendent être grace à des discours idéologiques. Jean Jacques GOUGUET dit même qu'on ne triche pas avec la pauvreté, car au delà de tous les discours sur la capacité de nos sociétés modernes à réaliser le bonheur du plus grand nombre, il faut bien se rendre à l'évidence : la pauvreté subsiste au niveau mondial, y compris dans le pays riches qui ont pourtant largement les moyens de l'éliminer(2). Voila pourquoi nous pensons qu'il faut relire le phénomène de la pauvreté en tenant compte des acteurs locaux, c'est-à-dire des ONG et les pauvres eux-mêmes. La réduction de la pauvreté est un objectif majeur, mais l'influence d'un processus de croissance sur la résorption de la pauvreté dépend aussi bien de l'accroissement des revenus que de la distribution des revenus, autrement dit de l'ampleur des inégalités. On distingue généralement deux options méthodologiques de la pauvreté. La première qualifiée d'approche « selon les capacité », privilégie les aspects non monétaires de la pauvreté, qu'elle envisage comme une privation de droits. C'est l'optique retenue par les Nations-Unies dans le rapport mondial sur le développement humain (PNUD 2000). Les individus sont appréhendés comme les détenteurs des droits élémentaires reflétés par leur caractéristiques individuelles, tels que leur niveau de revenu, leur état de santé général, leur niveau d'éducation, etc. Ces droits caractérisent l'espace des capacités individuelles, c'est-à-dire les facultés de chacun à accéder à un certain niveau de bien être mais également à augmenter les champs de possibilités.
Dans une telle perspective, la pauvreté peut alors se mesurer directement par l'estimation des « fonctions de capacités » de chaque individu (Ravalions, 1998)(1). En fait, cette première approche a été aussi développée par Amartya Sen(2) et a amélioré la compréhension du phénomène de pauvreté et celui de vulnérabilité. Selon cette approche, la pauvreté se caractérise par « l'absence des capacités fondamentales pour fonctionner », pour « être et faire ». Cette approche sur les capacités réconcilie les notions de pauvreté absolue et relative, puisque un manque relatif de revenus et de biens peut conduire à un manque absolu des capacités minimales. Le concept de « pauvreté humaine » qui a été introduit par le PNUD dans son Rapport sur le développement humain de 1997, ainsi que le concept de « développement humain soutenable », sont basés sur cette approche des « capacités » d'Amartya sen. Distincte de la « pauvreté de revenu », mais néanmoins liée, la « pauvreté humaine » fait référence à la dénégation des opportunités et des choix pour accéder à une vie tolérable. La pauvreté est vue comme multidimensionnelle. De plus, la pauvreté est un phénomène relatif : même dans un pays riche où la pauvreté monétaire est moins fréquente, la pauvreté monétaire relative peut engendrer une pauvreté absolue dans certaine dimensions du développement humain telles que l'estime de soi ou la capacité à trouver un emploi décent. Les causes de la pauvreté et pas simplement ses symptômes. Un index de pauvreté humain (IPH) a été construit par le PNUD afin de mesurer la privation de développement humain élémentaire, à travers l'absence de capacités, comme une faible espérance de vie, le manque d'éducation de base, le manque d'accès à l'eau potable et aux soins de santé. Malgré les difficultés inhérentes à une telle mesure, le développement de ce nouvel indicateur sur la pauvreté est très utile pour évaluer la situation actuelle et son évolution, mais il est regrettable que l'IPH ne soit sexué.
La seconde approche méthodologique peut être qualifiée d'approche « par l'utilité » (Banque Mondiale 2000). La pauvreté y est considérée essentiellement sous son aspect monétaire et, face à l'impossibilité d'évaluer directement l'utilité des agents, c'est le niveau des dépenses de consommation qui est choisi pour mesurer le bien être individuel. Cette approche suppose en fait implicitement que chaque individu adopte un comportement maximisateur et que les biens consommés sont les arguments principaux de leur fonction de-bien-être (Banque Mondial, 2000). A ce sujet, parlant de l'Aggravation de la pauvreté en République Démocratique du Congo, MPANZU Balomba, souligne que sont considérés comme pauvres dans le pays les ménages qui consacrent plus de 50% du budget de consommation à l'alimentation. Sur cette base, une enquête budgets-ménages effectuée dans les grandes villes en 1995 indique que la pauvreté frappe un peu plus de 80% des populations urbaines en République Démocratique du Congo. Par ailleurs, le PIB par habitant est passé de 96,8 dollars US en 1997 à 68,3 dollars en 2000, soit 0,19 $ par jour et par personne. Ce qui est loin du seuil de 1 $ par jour préconisé au niveau international (Ministère du Plan et de la reconstruction, 2002). Le même rapport du Ministère du Plan et de la Reconstruction affirme que les dépenses de santé sont tombées de 0,8% du PNB en 1990 à 0,02% en 1998 contre une moyenne de 1,8% du PNB pour l'Afrique sub-saharienne. Elles ont représenté 0,3% des dépenses totales en 1998 contre 3,9% en 1990. En conséquence, toutes les maladies jadis éradiquées ont resurgi (trypanosomiase, lèpre, peste, etc.). S'agissant des dépenses de l'éducation, elles se sont maintenues à environ 0,1% du PNB entre 1990 et 1998, contre des moyennes sub-saharienne et des pays en développement se chiffrant respectivement à un peu moins de 5,0% et 3,0% du PNB en 1998. Le taux de scolarisation (tous niveaux confondus) évalué à 39% en 1997 est inférieur à la moyenne des pays en développement (59%) et de l'Afrique sub-saharienne (44%). Malgré l'intervention des ONG's, des confessions religieuses ainsi que la contribution croissante des parents pour soutenir ce secteur, le système éducatif connaît encore d'énorme difficultés (Ministère du Plan et de la reconstruction, 2002). La structure de consommation des ménages indique, selon une enquête urbaine de l`INS en 1985 que la pauvreté frappe indistinctement et à des degrés divers, toutes les classes sociales. Près de 74% de ménages des cadres et plus de 80% de ménages des employés sont pauvres. Toutes les deux catégories sociales frisent l`indigence. Ces proportions, très élevées, caractérisent bien la pauvreté en RDC, qui en fait est un véritable phénomène de masse. Elle frappe tout le territoire national aussi bien le milieu urbain que le milieu rural (DSRP, 2002)(1). Le concept de pauvreté de revenu ne permet pas d'approfondir la relation entre le genre et la pauvreté : les mesures quantitatives basées sur ce concept considèrent le ménage comme une entité homogène, et supposent une répartition équitable entre ses membres. Les promoteurs de la croissance pour lutter contre la pauvreté veulent faire croire que les bénéfices de la croissance se répandent automatiquement sur les ménages les plus pauvres, ce qui est largement démenti par les faits. De même, le concept de pauvreté de revenu laisse supposer que le bénéfice d'un revenu est réparti également entre les membres du ménage. C'est ignoré les conflits, inégalités et relations de pouvoir bien réelles à l'intérieur des ménages. Partout la loi, la tradition ou la religion désigne l'homme comme chef de famille et lui attribue le pouvoir de décision sur l'ensemble des biens et décisions concernant le ménage. Mais, non seulement l'homme dispose le plus souvent de la décision sur l'utilisation des ressources. Il ne les utilise pas de la même manière : des études ont mis en évidence les différences suivant que c'est l'homme ou la femme qui dispose des ressources : contrairement à l'homme, la femme consacre la plus grande part de ses ressources à la santé des enfants et à une meilleure nutrition(2). Le concept de pauvreté de revenu reproduit donc les carences des théories économiques classiques qui assimilent le ménage à une unité indivisible, avec une répartition égalitaire des ressources et des
capacités ; il est inapte à fournir une analyse et une mesure de féminisation de la pauvreté. Le concept de pauvreté de revenu ne permet pas d'approfondir la relation entre le genre et la pauvreté : les mesures quantitatives basées sur ce concept considèrent le ménage comme une entité homogène, et supposent une répartition équitable entre ses membres. Les promoteurs de la croissance pour lutter contre la pauvreté veulent faire croire que les bénéfices de la croissance se répandent automatiquement sur les ménages les plus pauvres, ce qui est largement démenti par les faits. De même, le concept de pauvreté de revenu laisse supposer que le bénéfice d'un revenu est réparti également entre les membres du ménage. C'est ignoré les conflits, inégalités et relations de pouvoir bien réelles à l'intérieur des ménages. Partout la loi, la tradition ou la religion désigne l'homme comme chef de famille et lui attribue le pouvoir de décision sur l'ensemble des biens et décisions concernant le ménage. Mais, non seulement l'homme dispose le plus souvent de la décision sur l'utilisation des ressources. Il ne les utilise pas de la même manière : des études ont mis en évidence les différences suivant que c'est l'homme ou la femme qui dispose des ressources : contrairement à l'homme, la femme consacre la plus grande part de ses ressources à la santé des enfants et à une meilleure nutrition(1). Le concept de pauvreté de revenu reproduit donc les carences des théories économiques classiques qui assimilent le ménage à une unité indivisible, avec une répartition égalitaire des ressources et des capacités, il est inapte à fournir une analyse et une mesure de féminisation de la pauvreté. Le concept de pauvreté humaine permet d'éclairer la relation entre le genre et la pauvreté. Le ménage reste une unité très importante pour l'analyse de la pauvreté, mais il est décomposé pour permettre d'évaluer la pauvreté et le bien être relatif de chacun de ses membres. Cette approche met en évidence les inégalités entre les hommes et les femmes concernant la privation d'éducation de base, l'accès aux soins de santé, l'espérance de vie, ainsi que les contraintes sociales pesant sur les femmes, que ce soit dans le cadre, mais aussi hors du cadre du ménage, les contraintes sur les castes les plus basses, les minorités, etc. A la question de savoir si les femmes sont plus pauvres que les hommes, l'approche selon la perspective de la pauvreté humaine et des capacités : d'une part permet de répondre, d'autre part montre que les femmes sont effectivement plus pauvres dans la plupart des sociétés, et dans la plupart des dimensions constituées par les différentes capacités comme l'éducation et la santé. Les femmes et les filles, on l'a dit, sont très souvent pénalisées dans l'allocation des ressources à l'intérieur des ménages à cause du système patriarcal, hérité de la tradition Judéo- chrétienne. Il est plus difficile pour elles de transformer leurs capacités en revenus ou bien-être. Dans toutes les cultures et quel que soit le niveau de développement, les femmes assument le travail non rémunéré de reproduction et de soins. Partout, leur temps total d'activités payées et non payées est plus important que celui des hommes(1). En moyenne, les femmes travaillent plus. Malgré de grandes difficultés d'accès aux crédits et à la formation, elles travaillent le plus souvent dans le secteur informel, ces activités leur permettent de combiner leur travail payé et celui non payé de reproduction. Le secteur informel signifie aussi absence de protection sociale, d'assurance maladie et de droit à la retraite. Les normes sociales peuvent les empêcher de prendre un travail payé, ou les contraindre à une mobilité réduite, les conséquences des guerres font que les femmes et les enfants constituent la grande majorité dont des réfugiés. Enfin les violences envers les femmes sont une réalité dont on mesure de plus en plus l'ampleur à l'échelle mondiale : le problème de la violence constitue un handicap très lourd à l'autonomie et à la dignité des femmes. Pour toutes ces raisons, les femmes voient leurs capacités restreintes, et elles sont à la fois plus pauvres et plus vulnérables à la pauvreté chronique. La nouvelle conceptualisation de la pauvreté basée sur les capacités permet donc de mettre en évidence pourquoi et en quoi les femmes sont plus pauvres. Etant multidimensionnelle, cette approche de la pauvreté est essentiellement une méthode qualitative et montre comment les méthodes strictement quantitatives reproduisent les liens sexistes ( cfr. la répartition des ressources dans le ménage). L'analyse quantitative, toujours nécessaire, doit être menée dans le cadre de cette approche qualitative, et en référence avec ses différentes dimensions. Ainsi l'examen des statistiques qui existent permet d'appréhender la situation comparée des hommes et des femmes concernant différents aspects de la pauvreté. Même si elles sont encore insuffisantes, des données sexuées existent dans beaucoup de pays, elles concernent les capacités reconnues indispensables pour vaincre la pauvreté, comme l'alphabétisation, l'accès à la scolarisation (primaire, secondaire, supérieur), les salaires (à défaut de statistiques exactes sur les revenus), l'espérance de vie, la santé, la mortalité maternelle, l'anémie des femmes enceintes, la malnutrition des enfants de moins de 5 ans, ~ Ces données sont éloquentes : les filles représentent les 2/3 de l'ensemble des enfants non scolarisés dans le monde, et les femmes 70% des adultes analphabètes (Cependant, dans certains pays d'Europe et d'Amérique du Sud, la scolarisation des filles est équivalente à celle des garçons dans l'enseignement primaire et secondaire même plus forte dans l'enseignement supérieur). Les salaires des femmes varient suivant les pays entre 44 et 84% de ceux des hommes. 80 à 90% des familles sont des ménages avec des femmes seules et des enfants (familles monoparentales). L'espérance de vie est la seule dimension où les femmes bénéficient normalement d'un avantage analysé comme biologique et estimé à environ 5 ans. Mais dans la plupart des pays, l'avantage réel est inférieur à 5 ans, ce qui traduit le fait que les femmes n'ont pas accès aux soins au même titre que les hommes. Dans certaines sociétés, l'espérance de vie des femmes est même inférieure à celles des hommes(1): - à cause d'une forte mortalité due à la maternité - à chaque minute une femme meurt en accouches par manque de soins ; - à cause de la malnutrition et du manque de soins accordés aux filles et aux femmes, - à cause de l'infanticide des filles, - et de la progression du Sida qui touche de plus en plus les femmes. Néanmoins, au vu des données disponibles, et avec les réserves qui ont été présentées, on comprend les sources de l'évaluation usuelle de 70% pour la féminisation de la pauvreté : elle reprend les statistiques concernant la non scolarisation des filles, l'analphabétisme des femmes, leur manque d'accès aux ressources et aux soins, leur handicap vis-à-vis des salaires, leur prépondérance dans les ménages monoparentaux frappés par la pauvreté. Compte tenu de ces diverses dimensions, l'évaluation de 70% représente un ordre de grandeur cohérent. Si l'on peut placer un mot sur l'évolution de la pauvreté et la part des femmes dans la pauvreté, disons que globalement à l'échelle mondiale, la pauvreté a à peine évolué au cours de la dernière décennie : 1,28 milliard de personnes vivant avec moins de 1 dollar par jour en 1990, on est passé à 1,15 milliard en 1999(1). Où sont les bienfaits annoncés de la mondialisation financière et du libre échange ? Si la situation s'est améliorée en Asie de l'Est, ou est restée à peu près stable en Amérique latine et Caraïbes (sauf dans la dernière année où elle s'est dégradée en Argentine), elle a subi une forte régression en Afrique et en Europe centrale et orientale. La question de la dette et les plans d'ajustement structurels imposés à ces pays ont pesé lourd dans l'aggravation de leur situation à travers les restrictions des dépenses publiques de santé, d'éducation et de protection sociale. L'impact de ces politiques a particulièrement touché les femmes : lorsque l'éducation est devenue payante, on a observé dans de nombreux pays un recul de la scolarisation des petites filles qui est considérée comme moins importante que celle des garçons. L'aggravation des conditions de vie des femmes dans des régions comme l'Afrique et l'Europe de l'Est, directement liée à la mondialisation libérale, est une des causes du développement de la traite des femmes et de leur prostitution. Les inégalités entre les hommes et les femmes dans la vie économique et le manque de participation des femmes aux décisions constituent une des causes de la pauvreté chronique de tous les membres d'un ménage. La pauvreté (1) Chiffres PNUD, 2002 mondiale ne reculera que si on associe étroitement la lutte contre les inégalités de genre à la lutte contre la mondialisation libérale. L'objectif d'égalité entre les sexes est une condition préalable à l'élimination de la pauvreté mondiale. L'analyse sur la pauvreté recouvre deux dimensions essentielles. D'une part, elle suggère que l'on identifie le bien-être des individus ou des ménages afin de déterminer qui est pauvre. D'autre part, elle se rapporte à la façon d'appréhender et d'évaluer l'importance relative de la pauvreté au sein d'une population donnée. A cet égard, dans les pays en développement, la méthode des coûts des besoins de base est généralement utilisée pour déterminer un niveau de vie de référence, appelé seuil de pauvreté. Par ailleurs, l'identification du bien- être des ménages implique que l'on ait recours à des outils d'analyse permettant d'effectuer des ajustements liés à leur taille et à leur composition. En pratique le seuil minimal en deçà duquel un individu peut être identifié comme pauvre ou non pauvre est signifié par un panier pondéré des biens, valorisé selon le système des prix en vigueur, et qualifié selon des lignes de pauvreté. La ligne de pauvreté peut être absolue lorsqu'elle repose sur des critères universels tels que le besoin nutritionnel minimum des individus, ou relative lorsqu'elle tient compte des régularités de distribution au sein de la société considérée, comme par exemple seuil de deux tiers de la consommation moyenne par tête ajustée des ménages. Parfois, un deuxième seuil correspondant à une ligne dite « d'extrême pauvreté », est fixé au tiers de cette consommation moyenne par tête ajustée. (Jean- Marc Montaud, CDE). Les données individuelles exhaustives sur des populations sont rares, c'est pourquoi des indices composites de « pauvreté » ou de défaveur sociale » ont été construits à partir des différentes unités géographiques. Leur intérêt a été largement démontré comme mesure de pauvreté / précarité, ainsi que pour leur relation avec les phénomènes de santé ou encore avec la mortalité, les plus utilisés étant les indices développés par Carstairs (Carstairs, 2000) et Townsend (Townsend, 1987). Les mesures territoriales de la pauvreté ou de la précarité peuvent être construites, soit à partir des méthodes additives (somme pondérée des variables) (carstairs, 2000 Townsend, 1991), soit par une approche multidimensionnelle de données (analyse en composante principale), comme par exemple l'indice de « défavorisation » développé par Pampalon et al. (Pampalon2000). Certains de ces indices sont utilisés comme outil pour la planification des accès aux soins et pour des phénomènes de santé (Pampalon ,2000 ; Laurent, 2000). La pauvreté est un phénomène complexe à appréhender, nécessitant ainsi différentes approches. Il est cependant devenu classique de distinguer trois principales écoles de pensées sur la mesure de la pauvreté : l'école Welfarist, l'école des besoins de base et l'école des capacités. Ces trois écoles semblent être au moins d'accord sur le points suivant (Asselin et dauphin, 2000) : est considéré comme pauvre, toute personne qui n'atteint pas un minimum de satisfaction raisonnable ». Ce qui le distingue, cependant, c'est la nature et le niveau de ce minimum de satisfaction. Voyons brièvement l'argumentaire de chacune de ces trois approches. a) I 'éFRlI-IJIZ I-lI.tJ(frt Selon welfarist la « chose » en question est bien être économique. Le concept du bien-être est approché à celui de l'utilité. Il est définit comme le degré de satisfaction atteint par l'individu par rapport au bien-être, ainsi que les décisions relatives à l'action publique qui sont fondées uniquement sur les préférences des individus. Le classement de ces préférences pour les biens est présenté par une fonction d'utilité dont la valeur est censée résumer statistiquement le bien-être d'une personne. Ainsi considérées, les utilités forment alors la base des préférences sociales y compris des comparaisons de pauvreté. La théorie du bien-être sert de référence à l'analyse de la pauvreté monétaire. Du fait de l'impossibilité de mesurer les utilités, elle s'appuie sur l'utilisation du revenu(ou de la consommation) comme mesure du bien-être. En d'autres termes, si les individus partagent les mêmes préférences et donc ont la même fonction d'utilité non observable et s'ils font face au même système de prix, le classement par revenu sera le même que le classement par utilités à travers un des pré-ordres identiques (S. Marniesse, 1999). L'école Welfarist souligne l'importance d'un accroissement des revenus, à travers une augmentation de productivité et de l'emploi comme stratégie de lutte contre la pauvreté. b) IJ,FRl-IJG-s besoins de base Pour l'approche des besoins de base, la « chose manquante » dans la vie des pauvres est un sous-ensemble de biens et services spécifiquement identifiés et perçus comme universels, communs aux hommes de différentes cultures et civilisations. Cette pauvreté des « conditions de vie » ou « pauvreté d'existence », traduit une situation de manque dans le domaine relatif à l'alimentation, à la santé, à l'éducation, au logement, etc. Cette approche de la pauvreté réclame d'une vision humaniste qui dépasse l'économie pour en appeler à la morale et à un développement de l'homme dans toutes ses dimensions (Destremau et Salama,2002). Un des principaux problèmes auxquels est confrontée cette approche, est la détermination de ces besoins essentiels qui peuvent varier d'un individu à l'autre selon l'age et le sexe. Cette approche privilégie les politiques orientées vers la satisfaction des besoins essentiels dans la lutte contre la pauvreté. b) L'école des capacités Pour cette école, la chose qui manque n'est ni l'utilité ni la satisfaction des besoins de base, mais des habilités ou capacités humaines. Cette approche qui découle des travaux de Sen, prix Nobel d'économie en 1988 (prix Nobel des pauvres selon la presse britannique), se démarque en termes des besoins fondamentaux et s'inscrit dans le champ d'une réflexion sur la justice sociale, l'égalité et les inégalités. Les trois principales composantes de cette approche sont « les commodités », les « fonctionnements » et les « capabilités ». Les commodités correspondent à l'ensemble des biens et services et possèdent la caractéristique de rendre possibles les « fonctionnements ». Ces derniers prennent en compte les accomplissements des individus, c'est-à-dire ce qu'ils « sont » et ce qu'ils « font » avec leurs ressources. La «capabilité» corresponde à l'ensemble des opportunités qui se présentent à une personne et parmi lesquelles elle peut choisir : ce sont les diverses combinaisons de fonctionnement qu'une personne peut réaliser. Ainsi, cette approche permet d'aborder la pauvreté en la considérant comme le résultat d'une incapacité à saisir les opportunités qui se présentent en raison d'un manque de capacité résultant d'une santé déficiente, d'une éducation insuffisante, de déséquilibres nutritionnels, etc. La stratégie de lutte contre la pauvreté étudiée dans ce travail porterait évidemment ici sur le renforcement des capacités humaines de la femme lushoise. On utilise, pour évaluer la pauvreté, l'indice de pauvreté qui rapporte le nombre de pauvres à l'ensemble de la population, et l'indice volumétrique de pauvreté, qui se mesure par le transfert de ressources qu'il faudrait opérer pour la même, disparaitre la pauvreté. forme d'une capacité monétaire de consommation. Il s'agit de déterminer quel est le niveau monétaire de consommation qui puisse être considéré comme minimale ou, plus exactement, quelle est la limite du pouvoir d'achat qui permet de satisfaire les besoins élémentaires de l'homme. L'étude de Ravallion (1998) fait le point sur la notion de la pauvreté absolue, au sens étroit en fonction des besoins nutritionnels. Pour chaque individu, les capacités d'activité sont fonction de la consommation alimentaire et de caractéristiques de l'individu (age, emploi...), étant entendu que les emplois requièrent plus au moins d'énergie selon qu'il s'agit de taches physiques ou de bureau. Le seuil de la pauvreté est défini comme la consommation qui permet de maintenir un état de santé correct et d'exécuter les taches professionnelles. Les travaux empiriques s'accordent sur la nature de la relation suivante : la consommation des calories est une fonction croissante non linaire (concave) de la dépense alimentaire. On peut estimer au moyen d'une régression cette relation ou, plus simplement considérer des ensembles homogènes de ménage (même activité, même système de prix) et les classer selon la dépense alimentaire et la consommation de calories par adulte. En fonction d'une consommation minimale donnée des calories, on en déduit la valeur monétaire de la consommation qui garantit la satisfaction des besoins nutritionnels de base. Comme les enquêtes sur les budgets indiquent à la fois la consommation alimentaire et la consommation totale on connait en même temps la dépense totale correspondant au seuil de pauvreté. Pour appliquer cette définition de seuil de pauvreté, il faut estimer empiriquement la relation entre dépense alimentaire(ou dépense totale) et consommation de calories. Si l'on fixe un seuil minimal de calorie (2450 calories par adulte, par exemple chiffre retenu selon la norme OSM) et dès lors, connaissant la relation entre dépense alimentaire et consommation de calories, on en déduit le montant de dépense alimentaire de calories « food-energy initake » est connue depuis longtemps (avec Dandekar et Rath, 1971) et a été appliquée à de nombreux pays singulièrement en Afrique. Plusieurs avantages justifient cette méthode. D'abord, d'après les nutritionnistes, toute personne qui consomme un certain nombre de calories par jour est quasiment assurée que ses besoins en protéines, vitamines et autres nutritifs figurent parmi les données assez fiables que l'on collecte dans les enquetes sur budgets des familles. La méthode de détermination du seuil de pauvreté appliquée dans cette analyse part toujours du principe du besoin minimum de consommation énergétique dont la norme a été fixée par l'OMS à 2450 kcal/j/tête. Le calcul du seuil de pauvreté se fonde sur, d'une part, la norme de l'OMS, qui fixe à 2450 Kilocalories le besoin énergétique journal d'un individu d'age adulte bien portant et d'autre part, la consommation en équivalent riz( 3500 Kilocalories par Kg) qui peut lui apporter une telle énergie. La valeur monétaire de la consommation minimale nécessaire est majorée de sa moitié pour tenir compte de l'ensemble des consommations non alimentaires. Ainsi la dépense minimale (Dm) annuelle par tête qui est le niveau du seuil de pauvreté est obtenu par la formule : Dm= 1,5X(2450/3500) X P X 7 jours] X 52 semaines (Où P est le prix annuel moyen du kg de riz). Cette formule peut aussi s'écrire comme ci-dessous : Seuil=1,5( Quelle que soit la méthode d'estimation du seuil, celui-ci est à son tour utilisé dans la construction d'un ensemble d'indicateurs de mesure de pauvreté, suivant la formule générale (Foster-Greer-Thorbecke [1984]) : Où : S est le seuil de pauvreté
Le seuil de pauvreté représente le niveau de consommation au-dessous duquel nous considérons que les individus sont pauvres. Le seuil est exprimé sous la forme d'une capacité monétaire de consommation. Pour cette raison toutes les consommations des individus ont été valorisées ; il s'agit de déterminer le niveau monétaire de consommation qui puisse être considéré comme minimal ou, plus exactement, quelle est la limite du pouvoir d'achat qui permet de satisfaire les besoins élémentaires de l'homme. Une telle définition, pour absolue qu'elle puisse paraître, se révèle relative à l'usage. Il est en effet possible de déterminer avec assez de précision pour un individu donné, ses besoins nutritionnels tirés sous forme de calories consommées quotidiennement et des divers nutriments essentiels tirés de son alimentation. La conversion de ces besoins sous forme monétaire s'avère plus délicate. Quant à déterminer l'équivalent monétaire de l'apport minimal d'éducation ou de santé nécessaire à chaque être humain, cela nous amènerait à poser de savantes équations qui devraient intégrer des composantes culturelles, les apports de l'Etat, les consommations, les capacités individuelles et beaucoup d'autres variables encore. Tableau: indicateur et mesure de la pauvreté
Source: Foster-Greer-Thorbecke (1984), A class of decomposable poverty measures. Econometrica, Vol 52. Pp 761-766 L'indice Sen (M-F Jarret, F-R Mathieu (1998) est un indicateur composite de ces Po (Po et P1) plus l»indice Ginl de distribution des bas revenus (G) ; Sen = Po (P1 + G(1-P1))=Po(P1+G-P1G) On a donc choisi de s'appuyer sur un critère objectif pour déterminer le seuil de pauvreté. Pour cela on a déterminé le niveau de dépense au-dessus duquel la population ne satisfait pas ses besoins alimentaires, soit 2450 kcal. Pour satisfaire ces besoins alimentaires, MITONGA a choisi du riz comme aliment pour constituer les 2450 Kcal requises pour une consommation journalière. Il a justifié ce choix par une double préoccupation : refléter et tenir compte des données d'indices de prix à sa disposition. Au-delà de toutes ces considérations théoriques, force nous est de retenir ici que, la pauvreté est une notion toute relative et assez complexe. Alors que dans l`Union Européenne, on définit comme pauvre, toute personne dont le revenu est inférieur à la moitié du revenu moyen de l`ensemble de la population du pays considéré, beaucoup d`organisations internationales de développement se basent sur la notion de pauvreté absolue, laquelle définit le pauvre comme étant toute personne dont le revenu journalier ne dépasse pas un dollar américain. Se basant sur les déclarations des pauvres, la Banque Mondiale (2000) propose la définition synthétique suivante : « la pauvreté est un profond dénuement, un manque aigu de bien-être. Etre pauvre, c`est avoir faim, ne pas avoir un toit, ne pas avoir des vêtements décents, être malade et ne pas pouvoir se faire soigner ; c`est être illettré et sans instruction. Les personnes démunies sont particulièrement exposées à des événements extérieurs qui échappent à leur contrôle : maltraitées par les institutions et la société, n`ont les moyens de se faire entendre, ni d`exercer une influence quelconque » En nous basant sur un des quatre niveaux de pauvreté définis par l`OCDE, nous pouvons nous résumer en considérant comme pauvre une personne privée de certains cinq capitaux suivants: Le capital naturel (l`eau, la terre, les ressources environnementales), le capital social (les liens de solidarités entre membres d`un groupe social, l`accès aux institutions, ...), le capital humain (les connaissances, l`aptitude au travail, la santé,...), le capital physique (le patrimoine, l`accès aux infrastructures de base, les moyens de productions,...) et le capital financier (l`épargne, l`accès au crédit, assurances). C`est donc de ces pauvres, des femmes de Lubumbashi, que la microfinance tente de s`occuper dans le but les faire sortir de la situation précaire dans laquelle ils se trouvent. |
|