2.5. Rôle socio économique du
microcrédit
Les réussites de la microfinance et des
microcrédits sont importantes. La microfiannce a démontré
que les pauvres sont aussi des clients viables et fiables. Lors du sommet de
2004, le G8 a adopté les Principes clés de la microfinance
mis en place par le CGAP (voir les Principes Clés de la
Microfinance). Ces principes portent entre autres sur la mise en place et
l'accès des services financiers pour tous, la lutte contre la
pauvreté, le taux d'intérêt, la divulgation de
l'information, etc. Ces principes ont contribué à faire de la
microfinance un outil de développement social et économique.
La microfinance est un outil majeur de développement
socio économique. En effet, le crédit est utilisé pour des
activités nécessaires au développement et à la
lutte contre la pauvreté de l'individu et de sa communauté: payer
les frais de scolarité des enfants, les frais de santé,
l'acquisition d'un terrain pour construire sa maison, etc. La microfinance
crée plusieurs possibilités pour la personne d'améliorer
son bien-être et son savoir-faire. Cela s'aligne avec la théorie
du «Développement comme Liberté» de l'économiste
et gagnant d'un prix Nobel Amartya Sen. Cette théorie de Sen explore
cinq types de libertés instrumentales: les facilités
économiques, les libertés politiques, les dispositions sociales,
les garanties de transparence et la sécurité protectrice.
Toujours d'après Amartya Sen, ces cinq libertés sont
interconnectées, ce qui fait en sorte que l'amélioration d'un
aspect affectera positivement les autres. Il les définit ainsi: «
Par libertés politiques, au sens le plus général, incluant
donc les droits civiques, tout l'éventail des droits politiques que l'on
associe au fonctionnement démocratique ... Par
facilités économiques, j'entends les
opportunités, offertes aux individus, d'utiliser les ressources
économiques à des fins de consommation, de production ou
d'échanges. L'accès au financement exerce une influence
prépondérante sur les facilités que les agents
économiques sont capables de s'assurer. Cela vaut aussi bien pour les
grandes entreprises (employant des centaines de milliers de salariés)
que pour les sociétés unipersonnelles fonctionnant au moyen de
microcrédits ... Par opportunités sociales, j'entends les
dispositions prises par une société en faveur de
l'éducation, de la santé ou d'autres postes et qui accroissent la
liberté substantielle qu'ont les personnes de vivre mieux. La notion de
garanties de transparence prend en compte l'exigence de nonduplicité,
présupposée dans les relations sociales. Ces garanties jouent un
rôle instrumental dans la prévention de la corruption, de
l'irresponsabilité financière et des ententes illicites. La
sécurité protectrice doit servir à fournir aux couches de
populations vulnérables un filet de protection sociale, afin qu'elles ne
se trouvent en aucun cas, réduites à la misère, voire,
dans des situations extrêmes, à la famine ou à la mort.
»(1).
La microfinance est un élément de
facilité économique, de par l'interconnexion entre les cinq
libertés, elle affectera positivement les autres, et ainsi amène
le développement. De plus, elle s'insère pleinement dans
l'approche des capacités développée par Audas:
«The major constituents of the capacity approach are functions
and capabilities. Functions are the being and doing of a person whereas a
person's capability is the various combinations of functionings that a person
can achieve. »(2) C'est à dire selon
Audas, les fonctions représentent les opportunités et les limites
des capacités d'un individu. En donnant la possibilité aux
consommateurs d'apprendre sur le fonctionnement du système financier et
d'avoir accès aux services financiers, les Institutions de Microfinance
améliorent les fonctions de la personne, ce qui aboutira à
l'augmentation de ses capacités. Donc, cette amélioration de la
capacité individuelle contribue largement à son
développement.
(1) Sen, Amartya, un nouveau modèle économique.
Développement, Justice, Liberté, Paris, Editions Odile Jacob,
1999, p.59-61
(2) Audas, michelle Lynn, Evaluating microfinance. Economic
developpement redefined reevaluated, New Brunswick, The University of New
brunswick, 2002, p.19
Afin de comprendre comment les Institutions de microfinance
ont une connaissance intime des conditions locales qui leurs permettent
d'absorber une grande quantité de petites économies et de lutter
contre la pauvreté par une approche participative, qui soutend
d'ailleurs le rôle socio-économique du microcrédit, nous
présentons ici les principes de base de la microfinance.
Les Principes Clés de la Microfinance
l. Les pauvres ont besoin de toute une gamme de
services financiers et non pas seulement de prêts. Les pauvres
ont comme tout le monde, besoin d'une gamme de services financiers pratiques,
souples et d'un prix raisonnable. Selon la situation dans laquelle ils se
trouvent, les pauvres peuvent avoir besoin non seulement de crédit, mais
aussi d'instruments d'épargne, de service de transfert de fonds et
d'assurance.
2. La microfinance est un instrument puissant de
lutte contre la pauvreté. L'accès à des services
financiers viables permet aux pauvres d'accroître leurs revenus, de se
doter d'actifs et de se protéger dans une certaine mesure des chocs
extérieurs. La microfinance permet aux ménages pauvres de ne plus
avoir à lutter au quotidien pour simplement survivre mais de faire des
plans pour l'avenir et d'intervenir afin d'améliorer leur nutrition,
leurs conditions de vie et la santé et l'éducation de leurs
enfants.
3. La microfinance est le moyen de mettre des
systèmes financiers au service des pauvres. Les pauvres
constituent la vaste majorité de la population dans la plupart des pays
en développement. Or un nombre considérable d'entre eux n'ont
toujours pas accès à des services financiers de base. Dans
beaucoup de pays, la microfinance continue d'être
considérée comme un secteur marginal et relever essentiellement
des activités de développement des bailleurs de fonds, des
pouvoirs publics, et d'investissements soucieux des intérêts de la
collectivité. Pour qu'elle puisse réaliser pleinement son
potentiel en desservant un grand nombre de pauvres, il faudrait que la
microfinance devienne une partie intégrante du secteur financier.
4. Il est nécessaire d'assurer la
viabilité financière des opérations pour pouvoir couvrir
un grand nombre de pauvres. La plupart des pauvres ne sont pas en
mesure d'avoir accès à des services financiers en raison de
l'absence d'intermédiaires financiers solides offrant des services de
détail. La mise en place d'institutions financièrement viables
n'est pas une fin en soi. C'est la seule façon d'accroître
l'envergure et l'impact des opérations de manière à porter
leur volume à un niveau supérieur à ce que peuvent offrir
les bailleurs de fonds. La viabilité s'étend de la
capacité d'une entité fournissant des microfinancements à
couvrir l'intégralité de ses coüts. Elle permet d'assurer la
poursuite des opérations de l'entité en question et de la
fourniture de services financiers aux pauvres. La viabilité
financière passe par la réduction des coüts de transaction.
L'offre de meilleurs produits et services répondant aux besoins des
clients, et l'adoption de nouveaux moyens de servir les pauvres qui n'ont pas
accès aux services bancaires.
5. La microfinance implique la mise en place
d'institutions financières locales permanentes. Pour
créer des systèmes financiers destinés aux pauvres, il
faut mettre en place des intermédiaires financiers intérieurs
solides en mesure de fournir en permanence des services financiers à
ceux-ci. Ces institutions doivent pouvoir mobiliser et réinjecter
l'épargne intérieure dans l'économie, accorder des
crédits et fournir toute une gamme de services. La mesure dont elles
dépendent des financements des bailleurs de fonds et de pouvoirs publics
y compris les banques de développement financées au niveau des
Etats diminuera progressivement à mesure qu'elles et les marchés
des capitaux privés se développeront.
6. Le microcrédit n'est pas toujours la
solution. L'octroi de microcrédits n'est pas
nécessairement une solution adéquate pour tout le monde ou dans
toutes les situations. Les indigents et ceux qui souffrent de la faim qui n'ont
ni revenus ni moyens de rembourser un emprunt doivent recevoir d'autres formes
de soutien avant de pouvoir emprunter. Souvent, il vaut mieux faire de petits
dons améliorer les infrastructures, mettre en place des programmes
d'emploi et de formation et fournir d'autres services non financiers pour
lutter contre la pauvreté. Dans toute la mesure
du possible, ces services non financiers doivent aller de pair
avec la constitution d'une épargne.
7. Le plafonnement des taux d'intérêt
peut nuire à l'accès des pauvres aux services
financiers. Il est beaucoup plus onéreux un grand nombre de
petit prêts qu'un petit nombre de prêts de montant
élevé. A moins que les fournisseurs de microfinancement ne
puissent demander de taux d'intérêt nettement supérieurs
aux taux moyens des prêts bancaires, ils ne seront pas en mesure de
couvrir leurs coûts de sorte que leur croissance et leur
visibilité soient tributaires d'une offre très limitée et
incertaine de financements à des taux bonifiés. Lorsque les
pouvoirs publics réglementent le taux d'intérêt, ils fixent
généralement ces derniers à des niveaux trop bas pour que
les opérations de microfinancement puissent être viables.
Toutefois, il importe aussi que les fournisseurs de microfinancement ne
répercutent pas les coûts que pourraient entraîner des
inefficacités dans leurs opérations sur leurs clients en fixant
leurs prix (taux d'intérêt et autres commissions) à des
niveaux nettement supérieurs à ce qu'ils devraient être.
8. Les pouvoirs publics doivent faciliter la
prestation de services financiers mais non les fournir directement.
Les autorités nationales jouent un rôle important en menant une
action favorable au développement des services financiers tout en
protégeant l'épargne des pauvres. Les mesures les plus favorables
au microfinancement qu'un gouvernement peut prendre consistent à assurer
la stabilité macroéconomique, à ne pas plafonner les taux
d'intérêt et à éviter d'introduire sur le
marché les distorsions qu'engendrerait la poursuite de programme de
prêts bonifiés non viables et sources d'arriérés
considérables. Les autorités peuvent aussi appuyer les services
financiers destinés aux pauvres en améliorant le climat des
affaires en luttant contre la corruption et en améliorant l'accès
aux marchés et à l'infrastructure. Dans certains cas en l'absence
d'autres financements, l'Etat peut avoir de bonnes raisons de financer des
institutions de microfinancement indépendantes et solides lorsqu'il
n'existe pas d'autres financements.
9. Les financements bonifiés des bailleurs de
fonds doivent compléter les capitaux du secteur privé, ils ne
doivent pas les remplacer. Il importe que les bailleurs de fonds
utilisent, pendant un temps des instruments appropriés de don, de
prêt et de participation pour renforcer les capacités
institutionnelles des prestataires de services financiers. Développent
l'infrastructure nécessaire (agence de notation, agence
d'évaluation du crédit, capacités d'audit etc..), et
appuient des services et produits innovants. Dans certains cas, il leur faudra
peut-être fournir plus longtemps des financements bonifiés pour
pouvoir atteindre des groupes de population qui sont difficiles à
toucher parce qu'ils vivent dans des régions faiblement peuplées
ou pour d'autres raisons. Pour que leur appui financier soit efficace, les
bailleurs de fonds doivent chercher à intégrer les services
financiers axés sur les pauvres dans les opérations des
marchés financiers locaux, faire appel à des compétences
spécialisées pour la conception et la mise en oeuvre des projets
: exiger que les institutions financières et les autres partenaires
respectent des normes de performance minimales pour continuer à
bénéficier d'un appui ; et planifier dès le début
leur stratégie de désengagement.
10. Le manque des capacités institutionnelles
et humaines constitue le principal obstacle. La microfinance est un
domaine spécialisé qui astreint les services bancaires à
des objectifs sociaux. Un renforcement des capacités est
nécessaire à tous les niveaux, des institutions
financières aux instances de réglementation et de contrôle
aux systèmes d'information, jusqu'aux organismes de développement
de l'Etat et aux bailleurs de fonds. La majeure partie des investissements,
publics et privés, effectués à ce titre devrait viser le
renforcement des capacités.
11. L'importance de la transparence des
activités financières et des services d'information. Il
est indispensable de disposer d'informations exactes, comparables et
présentées selon un format standard sur les résultats
financiers et la performance sociale des institutions financières qui
fournissent des services aux pauvres. Les organes de contrôle et de
réglementation des banques. Les bailleurs de fonds, les investisseurs
et, surtout, les pauvres, qui sont les clients des services de
microfinancement, doivent avoir accès à ces
informations pour bien évaluer les risques et les avantages de leurs
opérations.
Source: CGAP. 2004. Les principes clés de la
microfinance. Washington
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