2.4. Approche méthodologique de la
microfinance
En microfinance, la méthodologie de crédit
repose plus sur le profil de l`emprunteur (l`évaluation des
crédits est centrée sur la volonté et la capacité
des clients à rembourser), que sur les actifs pouvant être saisis
en cas de non-remboursement.
Même si certaines institutions de microfinance prennent
des garanties matérielles en dépôt, ces dernières
constituent rarement le fondement de leurs décisions d`octroi de
crédit.
Les méthodologies de crédit peuvent être
classées en deux grands groupes (Nsabimana, 2005)(1) : les
modèles de crédits individuels et les modèles de
crédit de groupe.
Les modèles de crédits individuels recourent,
lorsque c`est possible, à des garanties matérielles, comme le
nantissement des actifs, terrains et constructions, etc. Cependant, la
légalité et la pratique de ce type de mesures de garanties sont
souvent remises en cause. Dans la pratique, la plus part des institutions de
microfinance adoptent des techniques de sélection fondées sur une
évaluation sur base du profil individuel.
Les modèles de crédit de groupe recourent
à des groupes solidaires, constitués généralement
de quatre à six membres, qui sont voisins, ou qui exercent des
métiers dans le même quartier ou dans le même secteur
d`activité. Le système de sélection mutuelle qui est
à l`origine de la constitution de tels groupes renforce la confiance de
l`institution envers le groupe.
Dans la méthodologie de crédit aux groupes, et
plus particulièrement dans le cas de groupes de grande taille, les
agents de crédit ont tendance à mener une analyse minimale des
caractéristiques individuelles du client ou de son activité.
Cette analyse est plutôt implicitement déléguée aux
autres membres du groupe, qui ont une connaissance les uns des autres plus
complète que celle des agents de crédit.
(1) NSABIMANA A., « Microfinance : outil de lutte
contre la pauvreté ? », L`Africain n° 218, 2005
Cautionnement solidaire
Le cautionnement solidaire est le type de garantie qui a
été développée par l`expérience de la
Grameen Bank, lorsque M. Yunnus, dans le début des années 70,
octroya un crédit à 2 personnes d`un groupe de 5, puis aux deux
suivantes, puis à la dernière. Les 5 membres de ce groupe de
caution solidaire étant solidairement responsables du remboursement du
crédit. Cette expérience a montré les conditions de
fonctionnement et les avantages de ces groupes solidaires : la sélection
des emprunteurs, la discussion sur l`objet du crédit (rendant plus
sûr le succès de l`activité de finance), la facilité
dans la gestion et le remboursement. Les ressorts sociaux mis en jeu par le
cautionnement solidaire sont davantage la pression sociale ou le sens de
l`honneur qu`une véritable solidarité.
Depuis lors, le principe de cautionnement solidaire a
été largement utilisé et adapté aux situations
locales sous formes variées. Il n`est, aujourd`hui, pas rare de trouver
des IMF qui associent l`épargne individuelle préalable, le
crédit individuel et le cautionnement solidaire.
Limites de la caution
solidaire
La caution solidaire traite en égaux chacun des membres
du groupe (même montant d`où même responsabilités
dans les remboursements). Pourtant, lorsque les membres ont reçu
plusieurs prêts, leurs opportunités et volonté d`investir
peuvent être différenciées, et certains peuvent rechercher
des prêts dont les montants plus élevés ne sont plus
compatibles avec une responsabilité commune dans le remboursement. Le
principe de la caution solidaire peut donc limiter l`accès à des
prêts de montants élevés ce qui peut être
préjudiciable pour les clients (pas de réponse à leurs
besoins) et à l`institution (pas d`économies d`échelle,
mauvaise fidélisation des bons clients).
En l`absence de garanties matérielles, l`incitation
à rembourser pour les membres du groupe solidaire repose sur la promesse
d`accès à un prêt futur (généralement d`un
montant plus élevé que le précédent). Or ce
système ne peut fonctionner que s`il n`y a pas de système
financier concurrent sur la zone qui puisse aussi offrir un service identique
(risque de concurrence) ou différencié (risque de contradictions
dû aux règles différentes) aux mêmes clients (Lapenu
C. et al, 2002)(1).
Malgré les critiques et les difficultés
soulignées ci-dessus, l`analyse approfondie des alternatives possibles
montrent souvent que la caution solidaire reste un outil nécessaire au
regard des objectifs et des publics-cibles des Institutions de microfinance
(IMF) qui l`utilisent, mais il demande une gestion rigoureuse, et souvent des
mesures complémentaires de gestion et de garanties.
La caution solidaire, ne peut être supprimée car
elle n`a pas d`alternative crédible par rapport aux contraintes des
populations ciblées ; par ailleurs, son principe n`est
généralement pas mis en cause par les emprunteurs. Ce qui est
important c`est son contexte d`insertion au sein des groupes (qualité de
la gestion interne), et la mise en oeuvre de moyens pour la renforcer ou la
sanctionner.
Lien commun
Le lien commun est celui qui unit les
bénéficiaires-clients au sein d`une IMF. Il est le ciment de la
cohésion du groupe et renforce le caractère identitaire et
participatif de ceux-ci à l`institution. Le lien commun peut être
de nature géographique ou territoriale (exemple : les membres de l`IMF
appartiennent à tel village, communauté rurale, quartier, zone,
région,...) ou professionnel ou sectoriel (exemple : les artisans, les
pêcheurs, les agriculteurs, les maraîchers,...). Il peut
également s`appuyer sur un genre exclusif (exemple : les femmes d`un
quartier donné). Un « lien commun » fort facilite la
constitution des groupes de « caution femmes d`un quartier donné).
Un « lien commun
(1) LAPENU C., CERISE, FOURNIER Y., ICHANJU P.,
Potentialités et limites de la caution solidaire, Fiche
d`approfondissement du séminaire de Dakar n° 8, 2002
» fort facilite la constitution des groupes de «
caution solidaire ». Toutefois, une trop grande
homogénéité des membres d`une IMF, en particulier dans le
type d`activité économique, peut présenter un risque
systémique accru pour l`institution en cas de mauvaise (ou absence de)
récolte par exemple ou d`autres types de calamités. Une
couverture géographique suffisante pour assurer la diversité des
risques et des activités sera à cet égard
recherchée (Tollenaere, 2002)(1).
|