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Les forces armées camerounaises face aux enjeux militaires dans le golfe de Guinée: le cas du conflit de Bakassi

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par Ernest Claude MESSINGA
Université de Yaoundé II-SOA - Master en science politique 2007
  

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2- LA PROBLÉMATIQUE

La frontière camerouno-nigériane longue de 1690 Km est la source de tous les malentendus et de toutes les ruptures de confiance entre ces Etats. Mal matérialisée et non délimitée par endroits, elle est fréquemment le théâtre et l'enjeu d'incidents d'une gravité certaine (Mouelle Kombi 1996 : 104). Le Cameroun et le Nigeria partagent quatre décennies de conflit (1961-2002) (Onana Mfege 2004 : 79-89).

D'abord l'affaire Northern Cameroon (1961-1963) qui a trait aux plébiscites des 11 et 12 février 1961 relatif à l'accession à l'indépendance du Cameroun britannique et dont l'issue a entraîné le rattachement du Northern Cameroon au Nigeria.

La question du Lac Tchad viendra opposer une fois de plus les deux pays frontaliers et riverains du lac. Le dessèchement progressif de celui-ci va entraîner un important exode des populations nigérianes qui viendront s'installer sur le territoire camerounais gorgé d'eau. Le Cameroun a dû admettre cette immigration en vertu des accords avec le Nigeria sur la libre circulation des personnes et des biens ; et le droit d'établissement.

Le 16 mai 1981, à la suite d'un accrochage entre les éléments de la marine nigériane et une patrouille de l'armée camerounaise soldé par un bilan de cinq (05) tués coté nigérian et de nombreux blessés de part et d'autre, le Nigeria va exiger des excuses officielles, la punition des militaires coupables et l'indemnisation des familles de victimes sous peine de représailles. Le Cameroun, pour normaliser la situation, va s'exécuter.

Ces relations se détériorent de plus belle dès le début des années 90, lorsque le Nigeria manifeste sa prétention à la souveraineté sur certaines localités

d'accueil de ses ressortissants devenus parfois plus nombreux et représentatifs que les autochtones. Cette prétention sera manifestée par l'occupation de la presqu'île de Bakassi par les forces armées nigérianes, défiant ainsi les autorités camerounaises.

En effet, le Nigeria dénonçait partout le processus frontalier depuis la période allemande jusqu'à l'accord de Maroua, d'après le rapport Bassey E. Ate qui a certainement persuadé le gouvernement nigérian d'ordonner le marquage de Bakassi dès 1990 (Onana Mfege 2004 : 89). Ce rapport propose trois options pour la démarcation définitive de la frontière.

- La première option consiste en l'occupation unilatérale de la

presqu'île pour mener le Cameroun dans de sérieuses négociations aux fins de l'établissement d'une frontière mutuellement acceptable.

- La deuxième option préconise la présentation d'une offre d'achat

de Bakassi au Cameroun.

- La troisième option porte sur l'institution d'une administration

conjointe chargée de la sécurité, de l'exploitation des ressources, des domaines, de l'immigration et de la mise en place des services communs.

Finalement, c'est la première solution qui est retenue par le Général Sani Abacha et ce, pour deux raisons à savoir : profiter de la période de transition politique bruyante que traversait le Cameroun après les élections d'octobre 1992 et faire oublier aux Nigérians sa gestion impopulaire en les rassemblant autour de la question frontalière (Onana Mfege 2004 : 89-90).

Les forces armées camerounaises comme toutes autres dans le monde, ayant pour mission générale en cas d'attaque extérieure de se défendre contre les forces ennemies, vont engager une offensive dans le but de protéger le territoire national. C'est le début d'un véritable conflit territorial à plusieurs motivations :

- La motivation sécuritaire qui concerne les mouvements des

forces navales et les navires commerciaux nigérians, camerounais

et étrangers dans la zone maritime attenante, mais aussi la prospection du pétrole off-shore.

- La motivation économique a trait à l'enjeu minier et halieutique.

La zone regorge d'immenses réserves de pétrole et de nombreuses espèces de poissons et crustacés. Le Nigeria y tire la plus grande partie de sa production pétrolière et voudrait par conséquent élargir son champ d'exploitation (Onana Mfege 2004 : 84).

De fait, l'État nigérian va faire peser sur la bordure camerounaise des menaces militaires à visée annexionniste pour Yaoundé (Ango Ela 1987 : 67). Cette agressivité militaire « potentielle » se traduit par une impressionnante infrastructure de quadrillage de la zone frontalière et de la surveillance efficace de la frontière (Ango Ela 1987 : 67). Les forces armées nigérianes baptisées « Opération Harmony IV » vont tenir les localités de Kombo A Bedimo, Inokoï (Bakassi point), Diamond, Akoa (Archibong), sous-préfecture d'Idabato I et II, Kombo Awase, Kombo A Janea, Kombo A Munja I et II, Guidi-Guidi, Uzama en disposant 2300 hommes en poste avancé, 3000 en appui stationnés à Ikang et 4000 éléments de réserve sur la base arrière de Calabar (Onana Mfege 2004 : 91). Elles avaient pour mission d'occuper de bout en bout la presqu'île de Bakassi dans le but d'amener le gouvernement camerounais sur la table de négociation pour une redéfinition de la frontière camerouno-nigériane. Mais le gouvernement de Yaoundé va mobiliser en guise représailles ses forces armées, environ 5000 hommes dont la moitié sera présente sur le terrain (Onana Mfege 2004 : 91). Ces forces armées camerounaises baptisées « Opération Delta » auront pour mission de maintenir les forces nigérianes dans leurs positions, les empêcher d'avancer à l'intérieur des eaux camerounaises en attendant le dénouement diplomatique suite à la saisine de la Cour Internationale de Justice (CIJ) en février 1994 par leur hiérarchie politique. Ces forces armées camerounaises ont-elles été à la hauteur de la mission qui était la leur ? Ou encore pouvaient-elles rétablir la souveraineté camerounaise sur la presqu'île de Bakassi sans l'intervention de la CIJ ?

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