2) LES BASES POLITIQUES ET JURIDIQUES
Le concept de défense populaire est l'émanation
de la politique déclaratoire des autorités politiques
camerounaises et fait également l'objet de textes juridiques.
a) LE DISCOURS POLITIQUE
L'accession à l'indépendance du Cameroun s'est
faite de manière chaotique et plus particulièrement pendant la
première moitié des années 1960. La lutte contre la
guérilla empêchait toute réflexion stratégique de
défense de l'unité nationale et la préservation de la paix
civile intérieure.
Une fois que la rébellion a été
réduite, et que les Forces ont regagné les casernes, les
autorités politiques pouvaient désormais réfléchir
à la défense globale du pays. Il fallait prioritairement axer son
effort sur la construction de l'unité nationale et la
préservation de la paix civile intérieure.
Il faut également noter que la guerre du Biafra a
favorisé le développement de cette pensée
stratégique dans la mesure où, pour la première fois,
l'intégrité du territoire national était en danger ; les
troupes du Colonel Ojukwu, chef de la sécession biafraise,
mèneront des incursions au Cameroun à la recherche d'une base
arrière.
Bien qu'énoncé de façon différente
depuis l'indépendance du pays, le concept camerounais de défense
a véritablement été défini lors de
Les F.A.C. face aux nouvelles formes de menaces
à la sécurité : d'une Armée « de garde »
vers une Armée « d'avant-garde » 1960-2010
l'important discours prononcé le 15 août 1970
devant les élèves officiers de la promotion du
10ème anniversaire de l'indépendance par le
Président Ahmadou Ahidjo (Owono 1985 : 9). Il déclare, en effet,
que : « Notre défense doit être nationale,
c'est-à-dire, l'affaire de tous, l'affaire du peuple tout entier. Les
menaces auxquelles nous pouvons être emmenés à faire face
exigent des moyens que seule la défense populaire peut fournir. Les
Armées ne suffisent pas pour sauver une nation, tandis que qu'une nation
de défense par le peuple est invincible ». Cette conception
traduit bien un choix, même si elle n'est pas originale en soi puisque
d'autres, parmi lesquels les idéologues et les stratèges chinois,
l'avaient déjà énoncé auparavant : le choix est
celui d'une défense de l'Etat assurée par l'ensemble des
citoyens, à quelque niveau qu'ils se trouvent. Il s'agit de «
créer pour l'envahisseur, un éventuel guêpier,
inévitable, inexorable, le mettant ici et là en état
d'infériorité à exploiter par nos Forces Armées,
relativement critique par le nombre, mais de la meilleure qualité, pour
l'attaque, mobiles, agressives et déterminées » (Ela
Ela 2000 :148). Une telle manoeuvre aurait l'avantage d'empêcher toute
conquête territoriale décisive ou permettre un gage territorial
sans égal avec les dommages subis par l'ennemi.
Sadou Daoudou, alors Ministre des Forces Armées,
déclarait : « le Cameroun entend maintenir les relations de
paix avec toutes les nations du monde, et de bon voisinage avec tous les pays
qui l'entourent... Mais comme... il ne suffit pas de vouloir la paix pour
l'obtenir, il est du devoir de tout Etat de se doter des Forces Armées
bien équipées et bien entrainées... Toutefois, en raison
de ses faibles ressources, le Cameroun ne disposera pas avant longtemps des
Forces capables d'être dissuasives par leurs effectifs et leurs
équipements. Ses Forces régulières ne pourront jamais,
d'ailleurs, dépasser un seuil au-delà duquel leur poids sur les
ressources du pays constituerait une gêne ou un frein à son
développement. C'est pourquoi sa défense ne doit pas être
l'apanage des seuls militaires, mais
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à la sécurité : d'une Armée « de garde »
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l'affaire de tous... Elle doit être populaire... Il
est nécessaire que tous les citoyens, hommes et femmes, comprennent que
la défense du pays est leur affaire et qu'ils doivent y participer
activement » (Ela Ela 2000 :149).
Cette vision stratégique est observée de
manière continue par le successeur d'Ahidjo, Monsieur Paul Biya.
Celui-ci déclare, en effet, que la défense populaire est
« la symbiose entre les Forces Armées et la Nation, (...) et
représente la résistance morale et civique de la nation
»35. Par ailleurs, lors de la célébration du
40ème anniversaire des Forces Armées camerounaises,
les 29, 30 et 31 mars 2000, le Président Paul BIYA déclarait que
« En effet, notre Armée, véritable ciment de notre
unité nationale, a toujours été, et demeure le rempart de
nos institutions et de notre souveraineté » (Ela Ela 2000 :
149).
Figure N° 5: Le
Chef Supérieur des Armées, le Chef de l'Etat, son
Excellence Paul BIYA couronné par les
élèves officier de l'EMIA à leur sortie.
35 Paul BIYA, Messages du Renouveau, Tome I, «
Triomphe de la promotion Vigilance de l'EMIA », in Frères d'armes
n°69, Juillet-Août 1974, p.24.
Les F.A.C. face aux nouvelles formes de menaces
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Sources : Magazine des
Forces Armées camerounaises, Honneur et Fidélité,
Numéro Spécial du 20 Mai 2010, Page 1.
Propos qui consacrent le caractère populaire de la
défense camerounaise et qui place l'Armée comme entité
fédératrice de la République.
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