II- DEFINITION DE LA POLITIQUE DE DEFENSE DU
CAMEROUN
La politique de défense d'un Etat se traduit en Afrique
comme étant l'expression de sa volonté d'être souverain,
s'affirmer, d'agir et de réagir, de vivre et survivre. Elle
définit les objectifs et la ligne de conduite des gouvernants en toutes
circonstances. Ainsi, dans le Livre Blanc sur la défense de la France,
il est noté que « L'objectif premier - Des principes de
33 Le Chef de l'Etat, article 8 alinéas 2 de la
loi constitutionnelle du 18 Janvier 1996.
Les F.A.C. face aux nouvelles formes de menaces
à la sécurité : d'une Armée « de garde »
vers une Armée « d'avant-garde » 1960-2010
la politique de défense - est d'assurer
l'indépendance du pays et la défense des intérêts
vitaux de la Nation (...). A cette fin, il convient de disposer de
capacités autonomes, qui nous permettent à tout moment de nous
joindre à nos alliés, et de préparer activement une
capacité future (...) ».
Dans un environnement international caractérisé
par la multiplicité des menaces, dans une situation de crise mondiale
aggravant des tensions, le Cameroun doit disposer une politique de
défense lui permettant d'assurer sa sécurité, de conserver
son indépendance dans la liberté et de respecter ses engagements
internationaux.
Le Cameroun semble avoir opté, à ce titre, pour
un certain type de comportement (style national) face aux agressions
conventionnelles. Ces comportements reposent sur les doctrines de
sécurité prenant en compte des réactions circonstancielles
aux diverses menaces tant intérieures qu'extérieures (Owona 1985
: 3). Les options fondamentales du pays, une lecture géopolitique de son
environnement avec les vulnérabilités conséquentes,
permettent de saisir la dynamique de la pensée stratégique des
dirigeants du Cameroun.
Le concept de défense du Cameroun résulte de
l'analyse comparée de ces divers paramètres. C'est l'expression
de l'évolution politique sousrégionale et mondiale. Ainsi, parce
qu'aujourd'hui la guerre est totale, c'està-dire, militaire, humaine,
économique, etc. ; parce qu'il nécessaire de sensibiliser et de
motiver l'ensemble de la nation qui, en formant un bloc, doit constituer un
bastion de résistance, à cause d'une incidence financière
lourde, les autorités politiques camerounaises ont opté pour le
concept dit de « Défense populaire ». La politique de
défense est avant tout nationale dans ce sens qu'elle prend appui sur
les contraintes et les réalités propres au Cameroun et refuse, en
principe, tout mimétisme aveugle avec l'étranger. La
défense populaire est un concept à buts et principes globalisant
qui fait appel à toutes les forces vives de la nation (Ela Ela 2000 :
146).
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1) UNE POLITIQUE DE DEFENSE BASÉE SUR LA DEFENSE
POPULAIRE
Le concept de « Défense populaire » renvoie
à l'énonciation d'un principe et se traduit par un choix
stratégique spécifique.
a) LE PRINCIPE
Le principe est celui de la République en armes, dont
toutes les Forces vives, ressources et énergies sont engagées
dans la défense. En reprenant Jean Jaurès dans Armée
Nouvelle (1910), le peuple organisé constitue la nation
armée, c'est-à-dire, une véritable Armée populaire
face au péril national. La nation armée signifie
nécessairement la nation juste, elle assure la défense et, en
même temps oeuvre pour la paix et le désarmement. Cependant,
l'esprit corporatif de l'Armée conduit au militarisme ; l'Armée
permanente est une Armée de caste et de caserne, une
société « à part ». Il faut donc rapprocher la
Nation et l'Armée, arracher cette dernière à la
réaction, ne pas en faire un instrument de maintien de l'ordre ni
d'expédition. La démocratie doit transformer l'Armée en
réalisant l'amalgame des troupes de ligne et des milices urbaines. Le
régime républicain implique également que les questions
militaires ne soient pas « top secret », et que l'opinion soit
informée.
Sans verser dans le « tout militaire », il
apparaît que la défense populaire vue du Cameroun est l'expression
de la « capacité de la nation à mobiliser toutes les
énergies susceptibles d'assurer la sécurité du pays et la
sauvegarde de nos conquêtes dans la voie du progrès » (Biya
1983 : 177- 178). Elle est la combinaison des efforts et des actions
menées concurremment par les Forces régulières et la
population, armée ou non. C'est également la participation de
tout un peuple à l'effort de défense en
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vue de s'opposer par tous les moyens à l'invasion du
sanctuaire national comme le prévoit le préambule de la loi
constitutionnelle de 199634 .
Plus prosaïquement et de manière
schématique, la défense populaire est la réaction du
paysan, de l'ingénieur, de l'instituteur, du commerçant, du
marabout ou du pasteur qui, sans trop maugréer, donne sa vie ou celle
des ses enfants pour défendre son champ, son laboratoire, son
école, son négoce, son minaret ou son clocher. C'est la
réaction du citoyen qui, en y mettant toute son ardeur, est prêt
à se faire tuer pour défendre, contre tout agresseur ou un
envahisseur, sa patrie en danger (Ela Ela 2000 : 146-147).
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