2.2 Contraintes économiques liées aux in
formalités
Selon une enquête nationale réalisée en
1995, il ressortait que les informalités économiques touchent a
41% les activités de production a 35,2% celui du commerce a 23% celui
des services102. Toujours selon la même enquête, il
s'avére que 59,34% des personnes exercant dans ce domaine
économique n'ont aucun niveau d'instruction, 20,35% ont
fréquenté l'école coranique et seulement 0,03% ont un
niveau de second cycle. Le nombre d'établissements informels
identifiables a quintuplé en dix ans en passant de 135.000 en 1987 a
667.935 en 1995, en raison d'un certain nombre de conjonctures
économiques ralentissant ou réduisant le rythme de
création d'emplois, de la croissance démographique galopante
(3,3%/an), le tout aggravé par un trés bas niveau d'instruction
et de scolarisation.
La part des informalités dans la constitution du PI13,
malgré les difficultés évidentes de mesurer son apport
réel dans l'économie nationale, est en sensible évolution
par rapport aux secteurs rural et celui dit moderne, a en croire
l'enquête de la Direction des Statistiques et des Comptes Nationaux.
Concomitamment, cette évolution marque aussi la trts grande
capacité du secteur informel a créer des emplois sur l'ensemble
de l'étendue du territoire national avec quelques disparités
entre les régions. Dans l'ensemble, il est estimé que le nombre
de personnes touchant un revenu dans les différents domaines relevant de
ce secteur est passé de 104.228 en 1987 a 247.297 en
1995103.
102 C.Maldonado/J.Gasarian, « Secteur
informel : Fonctions macro-économiques et politiques gouvernementales :
Le cas du Niger », Document de recherche S-INF-1-20, OIT, 1998.
103 Direction des Statistiques et des Comptes
Nationaux/Niger
C'est dire que les informalités économiques
jouent un role trts important en matiére non seulement de
création d'emploi, mais également dans la satisfaction des
besoins des consommateurs par des services de proximité, même les
plus risqués comme la vente a la criée des produits
pharmaceutiques d'origine trts douteuse. Cependant, ces informalités qui
échappent pratiquement au contrOle de l'administration douaniére
et fiscale sont considérées par une certaine opinion comme un
obstacle a l'émergence d'un secteur privé dynamique et vecteur de
la croissance économique. Pour les experts de l'OIT, o ce secteur
pose un nombre important de problemes resultant de son caractere informel. ll
contribue peu au budget de l'Etat car il échappe aux charges fiscales,
bien que dans un grand nombre de cas les opérateurs du secteur soient
obliges de contribuer au budget municipal.»104
Les informalités économiques pouvons-nous dire
sont trts défavorables au développement des collectivités
territoriales au Niger. A cet égard, il faut signaler que les
principales villes de l'intérieur du pays comme Maradi, Tahoua et
Zinder, leur proximité avec le grand voisin du Nigeria, fait que leurs
activités économiques échappent pratiquement aux services
fiscaux. En ce qui concerne, Maradi( Capitale économique) et
Zinder(premiére Capitale du Niger), leurs prélévements
fiscaux par tete d'habitant, sous forme de taxe ou de patente et licence, sont
relativement faibles par rapport aux autres villes. Ainsi, a la
différence d'Agadez(zone miniére) qui accuse 1.430Fcfa/hbts en
termes de revenus du foncier et 9.932Fcfa/hbts au titre des patentes et
licences, Maradi et Zinder accusent, elles, 128 Fcfa/hbts au titre des taxes et
464 Fcfa/hbt au titre de patentes et licences. Les activités
économiques de ces deux villes sont fondées sur la fraude et la
contrebande des produits manufacturés dont l'importation, non seulement
est facilité par la perméabilité de la frontiére,
mais aussi par des pratiques de corruption.
La fiscalisation du secteur dit o informel » est l'un des
défis majeurs qui se posent a l'administration fiscale africaine en
général et nigérienne en particulier, pour une meilleure
mobilisation des ressources internes de l'Etat. Majoritairement
analphabétes, les acteurs du secteur informel sont trts peu ou pas
informées sur les procédures a suivre pour entreprendre une
quelconque activité commerciale ni sur les obligations fiscales
auxquelles sont astreints des citoyens entreprenants. Pour beaucoup de nos
concitoyens, l'activité commerciale est un accident de parcours,
résultant de l'exode rural pour échapper aux crises alimentaires
dues a des périodes de sécheresse que connaissent
réguliérement les pays du Sahel, dont le Niger. Les pratiques en
matiére d'informalités économiques ne sont donc pas
forcément des
104 C. Maldonado et J. Gasarian, op.cit.,
p.14
stratégies délibérées et savamment
orchestrées pour échapper aux contraintes du systeme fiscal.
L'illustration de ce phénoméne peut se trouver
dans le marché paralléle de change monétaire qui
caractérise les transactions financiéres et économiques
entre le Niger et le Nigeria. Le marché de change monétaire est
un des pivots des activités économiques liant le Niger et son
grand voisin du sud, car « le taux de change entre le franc CFA et la
naira détermine en effet, pour une large part, les termes de
l'échange entre les deux pays : une sous-évaluation de la naira
encouragera les exportations nigérianes(par conséquent les
importations nigériennes) tandis qu'une surévaluation de la naira
se traduira par un exces d'importations nigérianes(donc d'exportations
nigériennes) »105. Au centre de ces échanges
commerciaux se trouvent naturellement les o Cambistes » qui assurent
l'approvisionnement du marché local en naira avec des taux de change
sans commune mesure avec le taux officiel tel qu'il est pratiqué dans
les banques centrales et qui ne couvrent que les échanges officiels
entre les Etats.
Les activités des cambistes sont tacitement reconnues
par les autorités bien que légalement, ils n'aient pas le droit
d'exercer. Mais l'importance de leur role sur le marché est plus que
nécessaire au regard de la forte demande des populations
frontaliéres en moyens de paiement nécessaire aux échanges
économiques entre les deux pays. Au total, pour l'ensemble des
opérations de change tout le long de la frontiére avec le Nigeria
et principalement au niveau des grands centres comme Diffa, Zinder, Maradi et
Birni N'konni, c'est une quinzaine de personnes qui controle le
marché106. ils sont relayés sur les autres places de
change par d'autres catégories de monnayeurs(ambulants) avec des
surfaces financiéres assez réduites, car o la
stratégie commerciale des grossistes consiste a étoffer leur
réseau de dépendants et d'augmenter leurs points de vente au
détail et d'accroftre le volume des affaires qu'ils traitent : la notion
de richesse en hommes (arzikin mutane) [...] se retrouve dans le monde
des cambistes »107.
Ainsi, les activités paralléles de change
monétaire qui pourvoient a hauteur de 56% du volume des importations des
commercants nigériens en naira est un créneau assez porteur pour
les cambistes. Cependant, le mode opératoire qui est régi par un
certain nombre de réseaux relationnels ayant des ramifications dans les
principales villes du Nigeria comme
105 Emmanuel GREGOIRE, Pascal LABAZEE, Le Role
des circuits informels de change dans les opérations commerciales entre
le Niger et le Nigeria, Notes de recherches n°96-55,
UREF/AUPELF(Agence Francophone pour l'enseignement supérieur et la
recherche), P.1
106 Emmanuel GREGOIRE, Pascal LABAZEE, op.cit, p.4
107 ibid. p.4
Kano et Sokoto, est totalement indépendant du circuit
bancaire et échappe a tout controle de l'administration fiscale. Bien
que ces opérateurs financiers s'acquittent dans certains cas de la
patente, il n'en demeure pas moins que leurs transactions ne font l'objet
d'aucune comptabilité rigoureuse devant permettre de déterminer
une base d'imposition adéquate. La nature de leurs activités les
amene, par un systeme de crédit alloué aux opérateurs
économiques, a participer a des activités commerciales dans le
domaine des matériaux de construction, du bétail, du
marché des céréales, etc..
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