5.3.2 Résultats des interviews
Je vais dans un premier temps présenter les trois
organisations et le rôle de chacun des interviewés et de leurs
services afin de bien comprendre dans quel positionnement ils se trouvent, ce
qui oriente forcément les réponses des interviewés.
Si je reprends les termes de Jean-Jacques Josset, « Le
Télégramme est un quotidien régional indépendant
qui imprime 220000 journaux par jour. ». Je pense qu'il est important de
comprendre avec le Télégramme, par son activité et son
secteur que les systèmes doivent être opérationnels 7 jours
sur 7 et 24 heures sur 24, en effet une journée où le journal
n'est pas édité se matérialise immédiatement par
une perte sèche des revenus de l'entreprise. Jean-Jacques Josset est
l'adjoint au directeur informatique et il encadre une équipe de 10
personnes qui interviennent pour le Télégramme et ses filiales.
Les dix personnes du service ont globalement le même niveau de
compétence, ils interviennent sur toute la chaîne de production du
journal mais ils ont tous un domaine de prédilection où ils
jouent un rôle de référent parmi le système, le
réseau, la téléphonie, les bases de données, la
chaîne graphique, le système d'impression et le système
éditorial.
L'UBO pour Université de Bretagne Occidentale où
Jean-Guy Avelin travaille, est bien sûr l'université de l'ouest
qui délivre des enseignements supérieurs dans des disciplines
diverses, le site de l'université nous l'indique : « Sciences et
Techniques, de Médecine, d'Odontologie, de Lettres et Sciences Sociales,
de Droit, Économie et Gestion, de Sport et Éducation physique,
Parallèlement à ces formations " classiques ", elle propose des
formations professionalisantes en relation avec le contexte économique
de la région ». L'UBO, ce sont 20 000 étudiants utilisateurs
des systèmes mais ce sont aussi les personnels des différents
services administratifs, les enseignants chercheurs, les équipes de
direction. Jean-Guy Avelin est le directeur informatique de l'UBO et il est
à la tête
d'une équipe 27 agents répartis à part
égales dans 3 pôles distincts, l'assistance de proximité,
les systèmes et réseaux et la gestion du SI.
ALEOS|2i est une société de service et de
conseil en informatique auprès des TPE, PME, PMI, collectivités
locales. ALEOS|2i propose des services de responsable informatique externe
dédié pour l'entreprise, selon un rythme définit
conjointement avec le client. Ses prestations dédiées permettent
aux organisations d'accéder à un niveau de service à
coût réduit et apportent une plus grande fiabilité et donc
une meilleure rentabilité de son système d'information. Sa
présence régulière dans les entreprises et son pragmatisme
permettent d'identifier facilement les besoins et donc apporter un conseil et
un accompagnement en cohérence avec ces besoins. Le témoignage de
la société ALEOS|2i diffère des deux autres car cette
entité à une vision externe aux organisations que l'on cible dans
cette étude, c'est aussi pour cela qu'il est intéressant d'avoir
leur avis qui est forcément objectif. Les compétences d'ALEOS|2i
offre une double expertise dans la gestion des systèmes d'informations :
le domaine des infrastructures systèmes, réseaux et
télécom et l'animation et la coordination de projets. ALEOS|2i
apporte du conseil dans le cadre de l'évolution et l'adaptation du
système d'information en fonction de la stratégie de
l'entreprise. Elle accompagne également ses clients dans
l'élaboration de cahier des charges, appel d'offres, conseils au choix
des solutions, accompagnement au changement dans les domaines d'infrastructure
réseau, de matériel, de téléphonie, de logiciels,
de licences, de consommables, d'études et développements
spécifiques et sauvegardes des données. ALEOS|2i est à
même de proposer des solutions de Cloud Computing et d'avoir le regard
des dirigeants ou responsables faces à ce type de solution.
Après cette phase introductrice, je vais présenter
les expériences de chacun face aux solutions de Cloud Computing et de la
perception qu'ils en ont.
Pour messieurs Josset et Avelin, la veille leur a permis
d'appréhender cette nouvelle forme de technologie. Pour la
société ALEOS|2i c'est différent, en tant que
société de maîtrise d'oeuvre, elle propose à ses
clients « de plus en plus de solutions liées au Cloud Computing ".
Vis-à-vis du phénomène médiatique, les remarques
sont proches et chacun indique que le Cloud n'est pas révolutionnaire
mais qu'il modifie le système d'information de manière
conséquente, pour Jean-Guy Avelin : « Pas une révolution en
soi [...] mais tout de même de réelle avancée en
qualité de service ", pour Jean-Jacques Josset : « va changer
radicalement notre manière de penser le système d'information
[...]Le concept est plus nouveau que révolutionnaire. " ou encore pour
ALEOS|2i : « Le Cloud Computing est apparu pour certains comme une
révolution et pour d'autres comme un simple terme Marketing qui ne fait
que rassembler des services et des technologies qui existent depuis longtemps
(ce qui est le cas)".
L'appréhension de chacun est bien en phase avec la
partie théorique, pour Jean-Jacques Josset par exemple, « le Cloud
Computing peut être vu comme une fusée à 3 étages.
Le premier étage constitue le socle et correspond à une
architecture matérielle consolidée, le deuxième
étage correspond à la virtualisation et le troisième
étage correspond aux couches logiciels qui permettent de distribuer et
de gérer les services de type Saas, Paas ou Iass via un portail " ou
encore ALEOS|2i : « Il convient de distinguer plusieurs « types " de
Cloud : Cloud Public : services accessibles à un large public et
appartenant à un fournisseur de « Cloud services " Cloud Prive :
Infrastructure dédiée à l'entreprise et accessible via des
réseaux sécurisés Cloud Hybride :
Utilisation à la fois des Clouds privés et publics,
plusieurs entités partagent des ressources du Cloud ".
Chacun d'eux y a vu aussi les opportunités que
l'adoption du Cloud Computing apporte. La notion de réduction des
coûts est unanime, en posant la question des avantages du Cloud
Computing, Jean-Guy Avelin résume : <Les coûts, 40€ par an
et par utilisateur pour Google Apps business et gratuit pour Google Apps
Education », l'exemple donnée ici est clairement économique
et surtout le Cloud permet de s'affranchir des contraintes technologiques :
< L'affranchissement en termes de situation géographique et
l'abstraction de l'architecture matérielle. L'industrialisation,
l'automatisation et la transparence d'accès pour les utilisateurs au
catalogue des services de l'entreprise " pour Jean-Jacques Josset, < La
souplesse [...] la sécurisation des environnements, la simplicité
de mise en oeuvre [...], un geste pour l'environnement " pour ALEOS|2i.
Mais le Cloud représente aussi des risques bien
assimilés par les acteurs interrogés qui ne sont pas du tout pour
une externalisation complète du SI vers le nuage'. La perte
de maîtrise de ses données et de leurs confidentialités, la
dépendance au réseau et son coût associé ainsi que
les problèmes de disponibilités sont évoqués : <
Le Cloud repose sur internet !!! Et parfois on peut se poser des questions sur
la fiabilité et la sécurité de ces liens. ", < La
sécurité des données n'est pas garantie (exemple sur
internet d'un virus qui a pu s'infiltrer dans une architecture Cloud - On ne
pollue plus une entreprise mais plusieurs) ", < Savoir si celles-ci sont
stockées de manière confidentielle ». A la question de
l'externalisation du SI de télégramme, dont on imagine la
criticité par rapport à la disponibilité des
systèmes, Jean-Jacques Josset imagine davantage une < solution
hybride avec la partie métier sur un Cloud privé et le reste sur
du Cloud public ".
Concernant les choix de chacun pour des solutions de Cloud,
l'UBO a fait le choix de la suite applicative de Google pour la gestion des
agendas et de la messagerie notamment ; le Télégramme a lui
adopté cette technologie pour certains services administratifs (gestion
de la paye, gestion des services DRH) et pour une application internet de
collecte des résultats hippiques, une réflexion est menée
pour une externalisation des services collaboratifs (email, bureautiques,
partage documentaire, agenda etc...) ; ALEOS|2i propose des services de type
sauvegarde en ligne ou environnement collaboratif. On voit bien ici, par les
solutions adoptées en mode Cloud qu'il ne s'agit pas de l'ensemble du SI
et que cela ne concerne pas les applications maîtresses de
l'organisation.
Après cette présentation et leurs domaines de
connaissance du Cloud ainsi que la perception qu'ils en ont, les questions ont
davantage été orientées sur l'impact que le Cloud peut
avoir sur leur organisation et les membres des équipes informatiques,
sujet qui intéresse davantage la problématique soulevée
ici. Dans un premier temps, je m'intéresse à la perception
ressentie par les utilisateurs, même si ce ne sont pas ces membres des
organisations que je vise, leur perception des fonctionnalités et des
services rendus impactent les équipes informatiques. Ensuite, je
m'attacherai davantage aux questions pointant les informaticiens.
Comme l'indique Jean-Guy Avelin qui installe Google Apps pour
l'UBO, les applications de ce grand acteur du WEB sont déjà bien
connues du grand public, leurs appréhensions dans un mode professionnel
est facilité et Google fournit les briques nécessaires à
l'intégration de ses outils dans la globalité su système
d'information, c'est ce que relève aussi ALEOS|2i qui pense que ce point
est
important : « A partir du moment où les services
externalisés dans le Cloud sont bien intégrés dans le
système d'information actuel, il n'y a pas de crainte à avoir
concernant l'accueil reçu par les utilisateurs. Cette intégration
passe par le fait d'accéder à l'application simplement, sans
manipulation particulière, intégré dans l'annuaire
centralisé de la société», Google offre par exemple
la fonctionnalité SSO8 à ses clients.
Pour les équipes informatiques, l'accueil face à
l'adoption de solutions de type Cloud Computing semble lui bien plus
réservé. Jean-Guy a noté « Inquiétude et
questionnement notamment des équipes systèmes et réseau ",
ALEOS|2i le constate aussi « Dans le cadre de l'externalisation d'un
service existant, il est évident que ce type de projet risque fort
d'être mal perçu ", idem pour le Télégramme «
Non si l'on parle de Cloud privé. Si maintenant l'on tend vers du Cloud
public, ça fait peur à l'équipe informatique qui voit
là une nouvelle menace d'externalisation des services et des
compétences en place sur le site de Morlaix [...] que faire des
compétences systèmes et réseau : on limite donc les
équipes, on n'embauche plus ces profils, on convertit ? ". Encore une
fois, les avis sont unanimes et il apparaît que ce type de questionnement
émis par les équipes informatiques, soulevé dans la partie
théorique, se confirme bien pour certains types de métiers face
au Cloud public, le Cloud privé restant du domaine interne à
l'organisation. Et on ne peut cacher que des doutes ont été
émis concernant la faculté qu'auront les organisations à
conserver tous les membres de leurs équipes en cas d'adoption majeur du
Cloud, Jean-Guy Avelin indique « pas d'embauches en systèmes et
réseaux à venir bien sûr ", côté
Télégramme idem avec déjà une proposition de
reclassement : « Si le déploiement du Cloud se poursuit en
s'intensifiant, faudrait-il éventuellement reconvertir certains membres
de l'équipe pour éviter des licenciements ? ». Toutefois ce
n'est catégorique et valable pour l'ensemble des personnels
impactés car « une partie de l'infrastructure doit quand même
être présente en entreprise comme le réseau local, les
connexions inter-sites, l'accès sécurisé internet pour
l'accès à ces applications externalisées sur le Cloud
Computing " indiquent Alain Le-Sant et Olivier Lecourt.
Face à cette situation, il semble bien que
l'alternative est de se tourner davantage vers le coeur de métier de
l'entreprise, les équipes doivent davantage s'impliquer dans les
services rendus aux directions métiers qui sont bien les clients des
équipes informatiques. Bien évidemment, ces phases de changements
de l'organisation des DSI doivent s'accompagner, un projet de gestion de
changement doit être mené en parallèle aux projets de mise
en place du Cloud. Jean-Jacques Josset m'a d'ailleurs indiqué que ce
questionnaire lui a servi de base à une réunion globale autour du
Cloud Computing afin d'échanger et d'être complètement
transparent sur les effets de l'arrivée de cette nouvelle technologie,
ce type de point interne est complètement de l'investissement en terme
de gestion du changement, il en a ressorti des points importants qui indiquent
bien que le métier se place davantage au centre des
préoccupations de son équipe : « Ce qui rassure les membres
de l'équipe [...] c'est qu'ils ont tous acquis des compétences
orientées métiers ". Idem, côté UBO, Jean-Guy Avelin
m'a illustré un cas concret, un membre de son équipe était
davantage partisan de développer un nouveau portail en interne
permettant d'échanger des messages et de partager les calendriers,
Jean-Guy Avelin lui a démontré, qu'outre le gain
économique, son collaborateur ne
8 SSO, définition issue du site
Wikipédia : méthode permettant à un utilisateur de ne
procéder qu'à une seule authentification pour accéder
à plusieurs applications informatiques (ou sites web
sécurisés)
s'essoufflerait pas dans la mise en place d'un projet long et
coûteux et qu'il serait plus utile aux côtés des
utilisateurs pour les accompagner et les former sur des applicatifs
déjà opérationnels et tout à fait fonctionnels,
Google Apps en l'occurrence.
La limitation de certaines compétences, l'orientation
vers le métier mais aussi de nouvelles compétences ou le
renforcement de certaines sont nécessaires pour la bonne mise en oeuvre
des projets de Cloud Computing. Pour le déploiement de Google Apps, Mr
Avelin a ainsi fait appel à des compétences nouvelles : un avocat
spécialisé pour les aspects contractuels par exemple, le RSSI
(responsable de la sécurité des systèmes d'information) a
été impliqué les règles mises en place par Google
(le RSSI a dû signer une clause de confidentialité pour
informations Google qui lui ont été communiquées) ; des
profils de gestionnaires se sont assurer de la possible
réversibilité et certains ont pris des contacts avec la CNIL pour
les aspects de protection des données grâce à l'application
du Safe Harbor9. Le recentrage des services informatiques vers les
besoins métiers va aussi amener les équipes à plus de
suivis et d'accompagnement des utilisateurs. Le temps libéré pour
le suivi et le règlement de problèmes internes permettra de mener
des projets à plus de valeur ajoutée et stratégiques pour
l'entreprise.
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