A. Historique de l'économie ivoirienne
La Côte d'Ivoire est un pays en voie de
développement francophone située en Afrique de l'ouest avec comme
capital politique Yamoussoukro et pour capitale économique Abidjan. Elle
a une superficie de 322 462 km2 et est limitée au nord par le
Burkina Faso, à l'ouest par le Liberia et la Guinée, à
l'est par le Ghana et enfin au sud par l'océan Atlantique qui en fait un
pays non enclavé. Le pays a obtenu son indépendance en
19603 et depuis a pour monnaie nationale le franc CFA4
(rattaché à l'euro).
Depuis son indépendance, la Côte d'Ivoire a
opté pour une stratégie de développement économique
axée sur l'agriculture et une ouverture sur l'extérieur. Une
stratégie de développement qui a permis, grâce au boom des
cours du café et du cacao, d'asseoir un développement avec une
croissance économique soutenue durant deux décennies (qui
s'étend de 1960 à 1978) et d'ériger la Côte d'Ivoire
au titre de Locomotive de la sous région ouest Africaine5
(elle représente 39% de la masse monétaire et contribue pour 40%
au PIB de l'UEMOA en 1970). Cette période exceptionnelle marquée
par une croissance moyenne annuelle du PIB par tête de 5,7%, est le fruit
du développement extensif de l'agriculture d'exportation portée
par le binôme café-cacao mais aussi par des investissements
publics améliorant les infrastructures locales. Ces programmes
d'investissements ont permis la modernisation du port d'Abidjan6et
l'amélioration des infrastructures routières. Tous ces programmes
ont été suivis par une politique de recrutement des
fonctionnaires et une expansion du secteur tertiaire.
La deuxième période de son développement,
de 1979 à 1993, est marquée par une crise économique dont
la cause principale est l'effondrement des cours du café et du cacao.
Cela a entrainé une croissance annuelle négative au cours de la
décennie 1980 à 1990. Cette période a
dévoilé les insuffisances et les faiblesses de la
stratégie de développement adoptée depuis 1960. En effet,
le binôme Café-cacao influence de manière significative
l'économie ivoirienne en ce qu'il a permis une forte croissance et une
injection d'importants flux financiers dans l'économie. Cela avait
permis à l'État d'accroître ces recettes fiscales
liées aux commerces extérieurs par le biais de taxes, de les
redistribuer dans le circuit économique aux ménages à
majorité des paysans producteurs de café-cacao. En outre, aux
entreprises essentiellement publiques, aux banques d'avoir de forte marge
bénéficiaire et tout cela a permis un accroissement des avoirs
extérieurs donc d'avoir une balance commerciale excédentaire.
3 Le premier président s'appelait Félix
Houphouët-Boigny né le 18 octobre 1905 et est
décédé le 7 décembre 1993.
4 Franc de la Communauté Financière
Africaine regroupant 15 États Africains.
5 Durant cette période, elle était
surnommée le « Japon noir ».
6 Crée officiellement le 10 novembre 1950.
Toutefois, cette dépendance vis-à-vis des
produits d'exportation, en considérant une détérioration
des termes de l'échange, peut s'avérer aussi fort
préjudiciable pour l'économie. Ainsi, dès 1979 la
Côte d'Ivoire, qui s'était lancée durant la période
post indépendance à la mise en oeuvre d'une politique
monétaire et fiscale expansionniste appuyée par les exportations,
va subir de plein fouet la baisse des prix des produits café-cacao, qui
s'est traduit par une dépression sévère. Il en a
résulté un fort endettement extérieur conjugué
à un taux d'échange réel surévalué
créant une perte de compétitivité de l'économie
ivoirienne pour déboucher sur un déficit du compte des
opérations courantes (17% du PNB) et 60% de la valeur des exportations
entre 1979 et 1981. La gestion de cette crise a donc vu la naissance du plan de
politique d'ajustement structurel7 proposé par les institutions de
Bretton-Woods (le Fonds monétaire internationale et la banque
mondiale).
La troisième période de son développement
débute par la dévaluation du Franc CFA8 (1994) et se
poursuit jusqu'en 1999. La monnaie locale, face aux effets persistant de la
crise des années 80, à été
dépréciée de 100%. Malgré le plan d'ajustement
structurel (PAS), le pays fait toujours face à un endettement
intérieur et extérieur excessif, à un
déséquilibre des finances publiques toujours persistant. Cette
dévaluation a permis de rééquilibrer les comptes publics
et aussi de redonner une certaine compétitivité à
l'économie ivoirienne en relançant les exportations du pays et en
réduisant les importations, favorisant ainsi les producteurs locaux. Il
est à noter que cette dévaluation a été
accompagnée, durant cette période, par la hausse des cours du
café et du cacao et de nouvelles mesures d'accompagnement sous la forme
d'un nouveau programme d'ajustement économique et financier
dénommée « Facilité d'ajustement structurel
avancé ». Ces mesures ont permis la relance économique
marquée par un solde commercial positif, ce qui a permis à
l'économie ivoirienne de souffler un peu et de se reprendre même
si cette phase de relance est partiellement imputable à une conjoncture
plus que favorable.
La quatrième phase est celle marquée encore par
une autre crise mais plutôt politique celle là (1999 à nos
jours). Alors que la conjoncture commençait de nouveau à
être défavorable à cause de la baisse des prix des produits
exportés, des tensions sociales font leurs apparitions ponctuées
par un coup d'état en décembre 19999,
précipitant le pays dans la récession et annihilant tous les
efforts entrepris jusqu'à lors. Le taux de croissance négatif
-2,3% enregistré en 2000 témoigne de cet état de fait qui
voit l'activité économique ralentie, l'aide internationale
arrêtée, les équilibres budgétaires
fragilisés plongeant l'économie sous la barre des 0% de taux de
croissance. La crise politico militaire de 200210 n'a fait
qu'envenimer la situation économique déjà
compliquée, par l'exode massif de nombreuses populations (1,7 millions
de personnes) vers les zones dites sécurisés, l'administration
publique qui ferme dans les zones assiégées, la destruction
d'infrastructures économiques. Tous ces facteurs entrainant une perte de
recettes fiscales pour l'état sur une grande partie du territoire,
accentue l'impact de la récession économique avec un taux de
croissance économique de -6%.
7 Programmes de réformes économiques mis
en place par le FMI et la banque mondiale permettant aux pays touchés
par de grandes difficultés économiques de sortir de la crise.
8 Elle a été à hauteur de 50%
pour l'ensemble des pays de la CEMAC (communauté économique et
monétaire de l'Afrique centrale) et de l'UEMOA (Union économique
et monétaire ouest africaine).
9 Prise du pouvoir par le général Robert
Gueï, en destituant le régime du président Konan
Bédié.
10 Tentative de coup d'État
déjoué qui a coupé le pays en deux.
B. Les canaux de transmission de la crise
économique aux pays en voie de développement : Cas de
l'Afrique subsaharienne
Dans ce contexte, comment la crise économique mondiale
a-t-elle affecté la Côte d'Ivoire? Pour jeter un éclairage
sur cette problématique nous allons examiner de quelles manières
les autres pays de l'Afrique subsaharienne ont été
affectés par la crise.
Selon la littérature, les états africains,
spécifiquement ceux de l'Afrique subsaharienne11
n'étant pas suffisamment intégrés dans le système
financier mondial, ont été relativement protégés
contre les effets directs de la crise sur leurs économies
comparativement aux pays dits développés et aussi aux pays
émergents. Cette particularité (c'est-à-dire leur
degré de résilience) des économies africaines leur a
permis de ne pas subir de forts coups en 2007 lors de « la crise des
Subprimes » et en été 2008 avec la crise bancaire. En effet,
les économies africaines sont généralement
caractérisées par des systèmes financiers avec un secteur
bancaire dominant et des marchés financiers peu
développés, parfois même inexistants. Les emprunts des
institutions financières auprès des banques
étrangères sont contrôlés dans le cadre du
contrôle de change et les banques ne font pas face à des risques
liés aux engagements hors bilan, d'où l'impact limité sur
le secteur bancaire en Afrique comparativement aux pays
développés. Toutefois les effets de la contagion se sont quand
même traduits par des pertes importantes en valeur et des sorties de
capitaux sur les marchés financiers africains. En février 2009,
l'indice composite de la BRVM12 en Côte d'Ivoire a perdu
30,18% de sa valeur. Au cours de la même période l'indice NSE All
share au Nigéria et le JSE All Share index en Afrique du sud ont perdu
respectivement 55% et 25,05% de leurs valeurs de référence datant
de juillet 2008.13
Les effets dits indirects de cette crise qu'ont subie les pays
d'Afrique subsaharienne concernent principalement quatre canaux de transmission
qui sont l'évolution des prix mondiaux et le volume des échanges
commerciaux, les envois de fonds par les travailleurs émigrés,
les investissements directs étrangers et l'aide publique au
développement.
11 L'Afrique au sud du Sahara ou l'Afrique « Noir
», sont donc exclus les pays au Nord du Sahara (Maghreb,
Égypte).
12 BRVM : Bourse régionale des valeurs
mobilières, NSE : Nigeria Stock Exchange, JSE : Johannesburg Stock
Exchange.
13 Banque Africaine de Développement (BAD),
Département des statistiques, 2009
Canaux de transmission de la crise
Importations Investissements
PIB
Consommation Revenus Exportations
PE/PL
PCI
PC
Emplois
Avec :
PWX : Prix international des exportations
EXDO : Demande mondiale de biens
exportés
PWM : Prix international des importations
IDE : Investissement direct étranger
PC : Prix des biens composites
PCI : Prix des biens de consommation
intermédiaire
PE : Prix reçu par les producteurs pour
leur vente sur le marché étranger PL : Prix
reçu par les producteurs pour leur vente sur le marché domestique
PIB : Produit intérieur brut
1. Les cours des matières premières et
les échanges commerciaux.
Avec l'intensification de la crise économique dans les
pays développés et la Chine, on a enregistré une
accélération de la chute des cours des matières
premières, principaux produits d'exportation dans les pays d'Afrique
subsaharienne. Cela a eu un effet négatif à la fois sur les
réserves de changes, la capacité de financement de l'État
et les investissements dans les secteurs dits porteurs dans ces
économies (industrie extractive par exemple). Par ailleurs, toujours vu
sous l'angle commercial, on observe aussi une baisse de la demande mondiale de
produits africains d'exportation sur les trois principaux marchés
d'exportation (Europe, États-Unis, Chine). Les pays dits
développés, faisant face à un important ralentissement de
leurs économies, vont donc revoir à la baisse leur demande de
matières premières, de biens manufacturés et de services.
La croissance réelle des exportations est passée de 8,7% en 2007
à 4,3% en 2008 jusqu'à atteindre -11,7% en 2009, et celle des
importations de 14% en 2007 à 13% en 2008 sur le continent Africain.
D'une manière
globale, le taux de croissance du volume des échanges
internationaux mondiaux, il est passé de 7,1% en 2007 à 2,7% en
2008 ensuite pour atteindre -12,3% en 2009 selon le FMI14, Ceci a
donc provoqué une dégradation de la balance commerciale du fait
que, les recettes générées par les exportations de
matières premières, étant un socle dans la croissance des
pays africains, vont enregistrer une baisse à cause de cette chute des
prix combinés à une baisse du volume des exportations. En
Côte d'Ivoire, les recettes d'exportations sont passées de 10,4
milliards de dollars à 7,7 milliards de dollars en 2009 selon
l'OMC15 . La croissance mondiale étant à la baisse
suivant celles des pays industrialisés et émergents (Inde et
Chine), les principaux demandeurs de matières premières, la
demande mondiale baisse. Concomitamment la dégradation des anticipations
sur les marchés à terme pousse les prix des matières
premières à la baisse. Le prix du baril de pétrole en est
un exemple, il est passé de 125,73 US$ au début de la crise
à 43,48 US$ au début du mois de janvier 2009. Cette baisse
pourrait s'avérer bénéfique économiquement parlant
pour les pays importateurs de pétrole qui verraient le coût de
leurs importations de pétrole baisser significativement. Au Burkina
Faso, le rythme de la croissance des exportations a été ralenti,
passant de 6,9% en 2007 à 3,5% en 2008 en raison de la chute de la
production de coton et de la baisse des exportations de fibres de coton. Le
solde de la balance des paiements en a subi le fort coût passant de 160
millions de F CFA en 2007 à 12 Millions de F CFA en 2008, accroissant
aussi le déficit du compte courant de 3,8%.
Par ailleurs, un aperçu de l'évolution des cours
des différents produits exportés durant cette période
traduit bien l'impact négatif de la crise économique. Par
exemple, pour les produits non pétroliers l'évolution de l'indice
des prix montre une forte baisse de juillet 2008 à mars 2009 où
il passe de 168,79 à 108,72 soit une chute globale de -35,59%. Mais pris
de manière globale, l'indice des prix de toutes les marchandises faisant
l'objet d'exportations est passé de 218,99 à 96,48 soit une
variation négative de -55,9% entre juillet 2008 et février de
l'année suivante, pour ensuite croître à partir de mars
2009 dans un contexte d'après crise énergétique et
alimentaire (voir graphique 1). Toujours de juillet 2008 à
février 2009, on a observé, comparée aux autres produits,
une importante chute des cours des produits pétroliers dont l'indice des
prix est passé de 248,43 à 78,27 selon le FMI, soit une variation
de -68,5% avant de se redresser à nouveau à partir de mars 2009
tout comme l'ensemble des marchandises.
Le graphique qui suit montre l'évolution des cours des
trois grands groupes principaux de produits d'exportation en Afrique :
14 IMF, World Economic Outlook 2009 and World Economic
Outlook 2010 (Update)
15 Rapport de la commission de l'union africaine,
« la crise financière mondiale : son impact sur l'Afrique, les
mesures à prendre et la voie à suivre », 13 mai 2009.
Graphique 1 : Evolution mensuelle des indices
généraux des prix des trois grands groupes de produits
exportés par l'Afrique.
Source : FMI (2010a).
De par l'historique de la Côte d'ivoire et en analysant
sa structure économique, qui témoigne d'un pays assez
extravertie, nous pouvons déjà présumer d'une incidence
négative sur les variables macroéconomiques des effets «
commerce » de la crise économique.
Graphique 2 : Taux de croissance des volumes
d'échanges commerciaux internationaux de 2006 à
2011.
Source : FMI
2. Les flux de capitaux privés.
En ce qui concerne les flux de capitaux privés qui
regroupent les investissements directs étrangers et les transferts de
fonds des migrants, ils subiront aussi les effets de la crise.
De prime abord, les investissements directs étrangers
(IDE), premier des canaux de transmission en ce qui concerne les flux de
capitaux privés, témoignant des impacts négatifs de la
crise économique sur les pays d'Afrique subsahariennes, sont aussi en
baisse. On en veut pour preuve que de 2007 à 2008, on a noté un
taux de croissance des IDE de l'ordre de + 30,7%, contribuant ainsi au
financement des déficits de compte courant. Par contre l'entrée
de capitaux privés a radicalement baissé pour enregistrer un taux
de croissance négatif de -39,1% en 2009 selon les données du FMI
(voir Graphique 3)
Graphique 3 : Variation en % des flux des IDE
dans le monde de 2007 à 2009.
Source : FMI.
En outre, les transferts de fonds des migrants,
deuxième des canaux de transmissions concernant les flux de capitaux
privés, sont devenus ces dernières années une importante
source de financement externe pour les pays africains et sont fortement
affectés par le ralentissement économique dans les pays
développés. Les envois de fonds à destination de l'Afrique
Subsaharienne sont passés de 4,6 milliards de dollars en 2000 à
20 milliards de dollars en 2008. Ces transferts de fonds, pour certains pays
africains, dépassent même l'aide publique au développement,
constituant une source importante de financement (au Liberia et au Lesotho par
exemple, cela représente 10% du produit intérieur brut). Le
montant total de ces transferts pour l'Afrique s'est élevé
à 38 milliards de dollars en 2007. On est donc en droit de penser qu'une
baisse du volume des transferts à un impact direct sur le revenu des
ménages et donc de leur budget de consommation car ils sont souvent
utilisés principalement pour couvrir les besoins primaires (nourriture,
santé et éducation). Selon la banque mondiale, de 2008 à
2009, on a observé, au niveau de l'Afrique subsaharienne, une variation
négative (-2,9%) des envois de fonds (Voir graphique 4).
Graphique 4 : Variation en % des flux des
transferts de fonds internationaux reçus de 2006 à
2009.
Source : Banque Mondiale
3. L'aide publique au développement
(APD).
Le quatrième et dernier canal de transmission de la
crise à l'Afrique est celui de l'aide publique au développement.
Cette aide est une composante importante de source de revenu pour les
états leur permettant de financer leurs programmes économiques.
Dans certains pays, elle représente près de 30% des recettes
publiques du budget. Le montant de l'APD reçu par les pays en voie de
développement est passé de 40 à 87 milliards de dollars de
2002 à 2008 depuis l'adoption du consensus de Monterrey en 2002. L'APD
représente 5,8% du revenu national brut dans les pays de l'Afrique
subsaharienne et 13,9% des importations de biens et services.
Graphique 5 : L'évolution de l'aide
publique au développement reçu de 2001 à 2008 en
Afrique (en millions de dollars US).
Source : OCDE
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