2.3. Aperçu sur la répartition sectorielle
des IDE
L'analyse sectorielle des IDE pour l'année 2006
témoigne d'une forte concentration des flux d'investissements sur un
petit nombre de secteurs. Les cinq premiers secteurs en valeur
représentent 65% des montants annoncés en 2006 pour 51% du nombre
de projets (Tableau 5)
Tableau5 : Forte concentration des IDE
sur quelques secteurs en 2006
Source : Observatoire ANIMA-MIPO 2006
*Top 5 (dans l'ordre) : banque -assurance, BTP
-transport, tourisme, télécoms, énergie.
*Top 12 : idem + logiciels, composants
électroniques, machines, ciment- verre minéraux, agroalimentaire,
chimie, distribution.
La concentration des IDE sur quelques secteurs s'accentue
d'année en année. En 2007, les 5 premiers secteurs
représentaient 76% des montants annoncés pour 53% seulement du
nombre du projet. (Abdelkrim/Henry, 2009).
Cette hausse se confirme en 2008, les dits premiers secteurs
atteignent 80% du total des montants annoncés avec 54% du nombre des
projets. (Tableau 6)
Tableau6 : La concentration des flux
en 2008
Source : MIPO 2008
En effet, sur la période 2003- 2008, le stock des projets
des IDE est nettement dominé par les secteurs BTP-services,
infrastructures de transport, d'énergie et de tourisme. (Graphique3)
Graphique3 : Montants d'IDE par secteur
en millions d'euros
Source : ANIMA- MIPO 2003-2008
BTP et énergie ont fait une fois de plus le plus gros
investissement direct étranger dans la zone Med en 2008, sont parmi les
filières les exposées avec les télécoms, les
services financiers et les matériaux de construction. Parmi les secteurs
qui montent, figurent les services aux entreprises, les logiciels,
l'aéronautique et la chimie.
A noter que la Turquie attire l'essentiel des investissements
dans la grande distribution (90% du montant et 17 projets sur 25 en 2008).
(Abdelkrim/Henry, 2009).
En termes d'emploi, à l'inverse de filières
très gourmandes en capital mais pauvres en retombés locales
`énergie par exemple', il existe des secteurs qui présentent un
potentiel de création d'emplois important relativement au capital
investi `activité manufacturière ou de services'. (Graphique
4).
Graphique 4 : Potentiel de
création d'emplois selon le secteur
Source : ANIMA-MIPO 2003-2008
-La décision d'investir dans le secteur
BTP-transport ; dans les pays Med ; repose essentiellement sur
l'existence d'une plateforme logistique incontournable. En dépit de la
crise, ce secteur est en plein révolution. Les activités de
transport logistique sont indispensables au développement du reste de
l'économie, pour cela tous les pays Med ont attiré ; en 2008 ;
des projets d'IDE importants.
L'ouverture du transport aérien à l'initiative
privée en Syrie permet ainsi au Koweitien Al Aqeelah de lancer Pearl of
Syria (Loloa), compagnie aérienne privée créée en
JV avec les syriens Sham Holding et Syrian Air. En matière
d'infrastructures, les projets portuaires dominent (ports de transbordement ou
de desserte terrestre). Les 2 principaux projets sont ceux de l'émirati
DP World, qui a pris 90% de la société de gestion du port de
Sokhna en Egypte, et prévoit d'investir un milliard d'euros sur 3ans
pour le développer, tandis que son compatriote Al Maabar a
remporté le contrat BOT de 5 milliards de dollars concernant l'extension
du port d'Aqaba en Jordanie. Au Maroc, le développement des terminaux 3
et 4 du port de Tanger pour prés de 7 milliards de dirhams d'ici 2012 a
été attribué à des consortia emmenés
respectivement par PSA Singapore Terminals et le danois A.P. Moller-Maersk.
(Abdelkrim/Henry, 2009).
-Toujours plus de projet, des projets toujours plus importants,
le secteur touristique est en plein expansion, il joui d'une
belle moisson d'investissements étrangers.
En raisonnant en termes de montant réel investi en
2006, c'est l'Egypte (2174 millions d'euros) qui arrive en tête, suivie
par le Maroc (2099 millions d'euros), tandis que les autres pays sont assez
loin derrière (la Turquie : 688 millions d'euros, Syrie : 584 millions
d'euros, Tunisie : 505 millions d'euros, Jordanie : 459 millions d'euros)
(De Saint-Laurent, Henry, 2007).
Concernant le nombre de projet, le trio de tête est
formé du Maroc avec 33 projets, devançant nettement l'Egypte `14'
et la Jordanie `8'. L'Algérie, la Tunisie et la Turquie font jeu
égal avec 5 projets chacun. La Lybie attire ; en 2006 ; 3 projets dont
un figure dans le top 13 des plus gros investissements du secteur.
Alors qu'en termes de provenance, l'union européenne et
les pays de Golfe font quasiment jeu égal avec respectivement 34 et 30
projets sur l'ensemble de 75 projets.
-Le secteur énergie constitue la
principale destination des IDE européens, pèse 31% des montants
annoncées sur 2003-08 et 11% du nombre du projet.
Au Maroc, de nouvelles concessions ont été
accordés aux investisseurs étrangers dans la région du
Sahara occidental.
En valeur, c'est l'Egypte qui creuse l'écart avec plus
de 2343 millions d'euros pour 2006, principalement dans de grands projets
gaziers ( nouveaux trains de liquéfaction du gaz...).En deuxième
position vient la Turquie, avec environ 1,5 milliard d'euros, dont 850 millions
pour le seul rachat par l'Autrichien OMV de 34% du capital du réseau
turc de stations services Petrol Olfisi. En troisième position, se
trouve la Syrie, avec prés de 1 milliard, avec des investissements
à tous les stades. (Henry/ De Saint-Laurent, 2007).
Classé parmi les filières qui souffre le plus de
la crise, son budget moyen par IDE, recule alors pour atteindre 149 millions
d'euro en 2008 (soit une baisse annuelle de quasiment 50%).
(Abdelkrim/Henry, 2009).
Malgré la volatilité extrême des cours de
l'énergie et la modération de la demande mondiale due au
ralentissement économique, les opérateurs parient sur un rebond
rapide des cours ce qui permettra de maintenir l'investissement étranger
; une ressource vital pour accroitre les réserves et les
capacités des pays Med bien dotés en hydrocarbures.
-Le secteur opérateurs télécoms
et internet se concentre sur un nombre réduit
d'opérations de forts moyens financiers. Tous les pays Med, sans
exception, voient leurs secteurs de télécoms profiter de cet
intérêt soutenu.
Ainsi, Palestine a pu vendre une licence de
téléphonie mobile avec a la clé la création d'un
nouvel opérateur, pour 357 millions d'euros. L'Egypte vend une licence
télécom à Etisalat (Emirats Arabes Unis) pour 2338
millions d'euros, de même la Tunisie cède 35% du capital de son
opérateur public pour 1784 millions d'euros. (Henry/ De
Saint-Laurent, 2007).
Maroc-Telecom s'est engagé à investir 663
millions d'euros, tandis que la Jordanie décide de vendre son
opérateur GSM Umniah à Batelco (Bahreïn) pour un montant de
334 millions d'euros.
L'Egypte augmente de 7, 91% ses parts dans Djezzy, sa filiale
algérienne, pour 321 millions d'euros. (Henry/ De Saint-Laurent,
2007).
-La banque et les autres services financiers
ont fait l'objet de beaucoup d'attention de la part des opérateurs
étrangers ces dernières années. Des projets assez
variés reflétant la diversité des situations du milieu
bancaire dans les pays Med.
Les trois plus gros montants concernent la Turquie `prise de
participations pour près de 7milliards d'euros)', tandis que les deux
suivants visent l'Egypte avec la naissance de la plus importante banque
privée du pays par le biais de la cession de la banque d'Alexandrie
à San Paolo IMI , ainsi que l'immixtion croissante des grands financiers
du Golfe au Machrek illustré par l'entrée de l'émirati
Abraaj au capital d'une grande banque d'affaires locale. (Henry/ De
Saint-Laurent, 2007).
On retrouve également les deux grandes compagnies
d'assurance françaises, AXA au Maroc filialise à 100% son clone
local et Groupama en Turquie. En Algérie et au Maroc, la
Société Générale et BNP Paribas cherchent à
étendre leurs réseaux d'agences.
-Les industries de matériaux (verre, ciment,
bois, papier), un secteur qui progresse de manière
significative après une année 2005 déjà
réussie (27 projets, contre à peine plus d'une dizaine les deux
années précédentes), il atteint 37 projets en
2006. (Henry/ De Saint-Laurent, 2007).
Les principaux destinataires sont l'Egypte, la Syrie, la Turquie
et l'Algérie.
Le ciment et le plâtre représentent la grande part
des projets, et devraient continuer à attirer des capitaux
étrangers tant que les besoins de la région sont grands.
Dés 2008, les grands du secteur ont
préféré tailler dans leurs programmes d'investissement
nouveaux, voire suspendre certains projets annoncés dans l'euphorie du
boom de 2007.
-Les activités du secteur des logiciels et
autres prestations informatiques sont inégalement
répartis au sein de la zone Med, les IDE correspondants ne suffisent pas
à corriger les écarts existants. Israël champion de la
région, a attiré 21 projets en 2006 sur l'ensemble de 37 projets
destinés à la région. (Henry/ De Saint-Laurent,
2007). Israël (comme depuis peu la Turquie, à moindre
échelle) attirent plutôt des investisseurs américains,
alors que le Maroc, l'Egypte et la Tunisie captent des projets d'origine
européenne (France en tête).
-Le seul véritable pôle
automobile intégré dans la région est la
Turquie. En 2008, elle attire le plus gros des projets (18 sur 36). Le Maghreb
cumule cependant 13, contre 5 pour l'Egypte. (Abdelkrim/Henry,
2009)
L'Europe domine le marché méditerranéen
(Allemagne en tête), mais le monde émergent poursuit son
installation en Méditerranée : le fabricant brésilien
d'autocars MARCOPOLO et le groupe AvtoVaz - Lada en Egypte, des projets
d'assemblage chinois en Algérie).
Le Maroc bénéficie du grand projet : l'installation
de l'usine géante Renault à Tanger-Med
Malgré le retrait du principal allié de Renault
; le groupe japonais Nissan, le projet verra le jour en 2012, avec une
capacité de 170.000 voitures par an, et à terme la
capacité atteindra les 400.000 voitures annuelles. Renault Tanger-Med
permettra la création de 6000 emplois directs et près de 30.000
emplois indirects. (Le matin, 2009)
-Les industries lourdes (métallurgie,
chimie-plasturgie-engrais) paraissent aujourd'hui incertaines.
Malgré tout, la métallurgie a attiré en 2008, une
quinzaine de projets contre 5 en moyenne entre 2003-2006. Aussi, la chimie
capte environ 30 projets par an depuis 2005, surtout destinés à
la Turquie et l'Egypte. Le secteur des engrais reste attractif.
(Abdelkrim/Henry, 2009).
-La grande distribution poursuit son expansion
dans la région, malgré quelques ratés. La Turquie et le
Maroc attire grand nombre de projet.
A titre d'exemple, St Martin Property, filiale de Kuwait
Investissement Authority, a acheté les murs du centre commercial Cevahir
à Istanbul pour la coquette somme de 750 millions d'USD. Au Maroc les
enseignes étrangères multiplient leurs implantations, beaucoup
sont françaises comme Carrefour et Bricorama.
D'autres investisseurs venus du Golfe s'installent au Maghreb
tels que Nesk Trading d'Arabie saoudite et Zaid Ali des Emirats.
Le groupe saoudien Anwal achète 90% du capital de la
chaine des magasins d'Omar Effendi en Egypte.
-L'agro-alimentaire pèse peu dans les
projets et les montants, or ; en 2006 ; il dépasse 2352 millions d'euros
contre seulement 620 millions d'euros en 2005. (Henry/ De
Saint-Laurent, 2007).
En Egypte, un projet agroalimentaire dédié
à l'export est mi en place par le Japon, il concerne divers produits
tels que les produits laitiers, les huiles végétales, le tabac,
les softs drinks, les boissons alcoolisés, le maraichage et le sucre.
Les groupes multinationaux continuent à investir dans
la région Med : le fabricant francoespagnol de cigarettes Altadis est
derrière 3 projets au Maroc, Heineken en Tunisie ou Nestlé en
Syrie. Celle ci bénéficie des investissements de l'émirati
Akhras Group construisant une nouvelle raffinerie et de l'américain
Cargill associé au brésilien Cristalsev construisant avec des
partenaires locaux une autre raffinerie de sucre.
-Le textile-habillement
méditerranéen est aujourd'hui au milieu du gué, sa
compétitivité - prix est trop faible pour concurrencer les
industriels asiatiques.
En 2008, les importations européennes de textile -
habillement ont baissé de 4,5%. Les fournisseurs qui marquent des points
sont la Chine et le Vietnam mais aussi l'Egypte avec plus de 7%. Tandis que les
ventes du Maroc à l'Europe reculent de 3,8%, celle de la Turquie
plongent de 11%. En Tunisie, les exportations de produits d'habillement ont
reculé de 28,6 % en volume et de 7,3% en dinars.
(Abdelkrim/Henry, 2009)
Les pays émergent commencent à percevoir les
pays Med comme plateforme de production vers l'Europe. On cite le projet Birla
cellulose porté par un industriel indien qui investit 130 millions
d'euros à Alexandrie pour créer une usine de fibranne viscose
destiné à l'Europe ou la co-entreprise chino-égyptienne
qui inaugure une usine de tissus.
Les autres secteurs sont inégalement répartis
sur les pays de la région Med, la plupart d'opérations sont
concentrées sur Israël et la Turquie. Le secteur des composants
électroniques peut par exemple semblé faire bonne figure, mais
reste très dépendant des IDE massifs et successifs d'INTEL dans
ses centres de R&D et ses sites de production israéliens.
Or, malgré l'effet positif de l'IDE sur quelques
variables moteurs de la croissance, sa contribution n'est pas pour autant
significatif, et les avantages qu'il procure ne se répartissent pas de
manière équitable entre les pays de la zone Med et entre les
secteurs économiques. Aussi, ces avantages ne se manifestent pas de
manière automatique, cela veut dire qu'il incombe aux pays hôtes
de mettre en place un arsenal de conditions et lois et renforcer leur politique
d'ouverture pour faciliter et favoriser l'entrée des IDE.
Adoptée lors de la conférence
euro-méditerranéenne de novembre 1995, la Déclaration de
Barcelone prévoit à l'horizon 2012 l'instauration d'une vaste
zone de libre-échange entre l'Union Européenne et douze pays qui
bordent les rives Sud et Est de la Méditerranée. Objectif, faire
de ce nouvel espace économique l'un des marchés les plus
dynamiques de la planète. (Apothéloz, De Saint Laurent,
2004). On assiste depuis à une croissance importante en moyenne
de 2% par an. (Plan Bleu, 2009).
Convaincus des effets bénéfiques de l'IDE sur
leurs économies, les pays Med s'inscrivent désormais dans une
guerre de « surenchères » à coups d'incitations
fiscales et commerciales afin d'attirer les flux d'IDE sur leurs
territoires.
Reste à savoir si cet accroissement est-il lié
à l'entrée des IDE ? Et par quels canaux se manifestent l'impact
des IDE sur la croissance économique des pays de la région Med
?
Ce chapitre tente de répondre à ces questions
tout d'abord à travers une synthèse de littérature
consacrée au lien des flux d'IDE entrant et la croissance
économique des pays d'accueil en termes de l'emploi, du revenu, du
capital humain, de la technologie, et la politique commerciale, ensuite,
l'analyse reposera sur des estimations économétriques sur
données en panel, en construisant un modèle intégrant
l'IDE dans les nouvelles approches empiriques de la croissance. L'estimation en
panel de ce modèle, permettra, de restituer les mécanismes et les
effets.
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