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Impact de la mise sous traitements antirétroviraux sur les comportements sexuels des personnes vivant avec le VIH/SIDA au Cameroun (cohorte Stratall-ANRS 12110)

( Télécharger le fichier original )
par Gilbert Ndziessi
Faculté de Médecine de Marseille - Master 2 Recherche "Ingénierie des Systèmes de Santé" 2009
  

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Master Recherche Ingénierie des Systèmes de Santé

Spécialité : Méthodes d'Analyse des Systèmes de santé
Promotion 2008-2009

Impact de la mise sous traitements antirétroviraux sur les
comportements sexuels des personnes vivant avec le VIH/Sida
au Cameroun (Cohorte Stratall-ANRS 1 2110)

Mémoire réalisé du 9 février au 30 juin 2009

A l'observatoire régional de la santé, INSERM U912
(Sciences Economiques et Sociales, Systèmes de santé, Sociétés)
23, rue Stanislas Torrents, 13006 Marseille

Sous la direction de:
Maria Patrizia CARRIERI
(Ingénieur de Recherches, INSERM)
Soutenu publiquement le 9 juillet 2009
Par Gilbert NDZIESSI

Jury de soutenance

Pr. Roland SAMBUC

Pr. Pascal AUQUIER

Pr. Nicolas Tanti HARDOUIN Mme Maria Patrizia CARRIERI

Dédicaces

Ce mémoire est dédié à mon regretté frère ainé Dominique NDZIESSI

Tu as quitté ce monde prématurément au moment ou toute la famille NDZIESSI avait encore besoin de toi. Ce mémoire représente un des aboutissements de nos projets familiaux mais surtout des encouragements que tu m'as prodigués tout au long de la vie. Merci « Yaya MIMI ». Regrets eternels!

Remerciements

Aux membres du Jury

Vous me faites l'honneur d'accepter de juger ce travail.

Veuillez trouvez ici l'expression de mon profond respect, de ma reconnaissance et de mon admiration pour vos qualités professionnelles et humaines.

Je tiens particulière à remercier madame Maria Patrizia CARRIERI de l'Unité 912 de l'INSERM pour m'avoir honoré en acceptant de diriger ce travail,

Je remercie tous ceux sans qui ce mémoire ne serait pas ce qu'elle est, aussi bien par les discussions que j'ai eues la chance d'avoir avec eux, leurs suggestions ou contributions. Je pense ici en particulier à Fabienne MARCELLIN et Sylvie BOYER,

Merci également à Jérôme, Julien et Camélia pour leur disponibilité et l'aide précieuse quant à l'utilisation des logiciels statistiques,

Merci à monsieur le professeur Jean Paul MOATTI Directeur de l'unité 192 de l'INSERM pour l'intérêt qu'il a manifesté pour notre travail et nos perspectives académiques,

A mes collègues de la promotion

Je vous dis que notre train est arrivé en gare et courage pour la suite de la marche,

J'adresse mes sincères remerciements au personnel enseignant et non enseignant du master 2 Recherche « Méthodes d'Analyse des Systèmes de Santé » pour leur encadrement et soutien tout au long de notre de notre formation à la faculté de médecine de Marseille.

A mon Epouse Adurée Gisèle NDZIESSI

Trouves ici un des fruits de nos ambitions. Avec amour,

A mes enfants, Ulrich ESSA NDZIESSI et Geoffry Stevens Eman NDZIESSI Que ce travail puisse vous servir d'exemple. Je vous aime tous les deux,

A ma mère Angélique ESSA

Pour sa ténacité et sa fièvre de croire toujours que tout est encore possible,...encore possible,

A ma famille, pour son soutien multiforme,

Enfin, je désire saluer avec respect et gratitude l'équipe de l'essai Stratall pour leur travail auprès des patients vivant avec le VIH au Cameroun,

Je ne saurai terminer sans exprimer ma gratitude aux personnes vivant avec le VIH/sida participant à l'essai ANRS au Cameroun.

Liste des abréviations et acronymes

ARV Antirétroviraux

ANRS Agence Nationale française de Recherche sur le Sida et les hépatites virales

CENAME Centrale Nationale d'Approvisionnement en Médicaments et consommables

Médicaux Essentiels

CTA Centre de Traitement Agrée (des PVVS au Cameroun)

ESTHER Ensemble pour une Solidarité Thérapeutique Hospitalière en Réseau

GEE Generalized Estimating Equations

HRSH Homme ayant des rapports sexuels avec les hommes

INSERM Institut Nationale français de la Santé et de la Recherche Médicale

IST Infection Sexuellement Transmissible

OMS Organisation Mondiale de la Santé

ONUSIDA Programme Commun des Nations Unies sur le VIH/Sida

ORS Observatoire Régionale de la Santé

PVVS Personne Vivant avec le VIH/Sida

Sida Syndrome d'Immunodéficience Acquise

UPEC Unité de Prise en Charge (des PVVS au Cameroun)

VIH Virus de l'Immunodéficience Humaine

WHOQOF-HIV Echelle de mesure de la qualité de vie des PVVS élaboré par l'OMS

Listes des figures et tableaux

Contexte général

Figure 1. Prévalence du VIH observée chez les adultes en Afrique en 2007

Tableau 1. Nombre de régimes ARV de première ligne selon la région du monde en 2007

Description de l'échantillon

Tableau 2. Caractéristiques sociodémographiques de l'échantillon des 437 PVVS inclus dans

l'essai Stratall au Cameroun (3 juin 2006 au 26 février 2008)

Tableau 3. Caractéristiques de la vie de couple, activité sexuelle et données médicales des

PVVS à l'inclusion dans l'essai Stratall au Cameroun.

Tableau 4. Connaissances et croyances vis-à-vis du VIH/Sida et des antirétroviraux parmi les

patients VIH positif à l'inclusion dans l'essai Stratall au Cameroun, 2006-2008

Tableau 5: Caractéristiques sociodémographiques, comportementales et médicales des 242

PVVS ayant eu au moins une fois des rapports sexuels au cours du suivi, essai Stratall, Cameroun. Données à l'inclusion (période du 3 juin 2006 au 26 février 2008)

Consommation d'alcool et qualité de vie

Tableau 6: Consommation d'alcool chez les PVVS 12 mois après initiation du traitement ARV,

essai Stratall.

Tableau 7: Résultats de la comparaison des scores moyens du WHOQOL-HIV bref OMS

(échelle à 6 domaines) entre l'inclusion et le 12e mois du traitement par ARV chez des PVVS au Cameroun, essai Stratall (n=437).

Régression logistique

Tableau 8: Déterminants des comportements sexuels à risque (rapports sexuels non protégés

avec un partenaire stable sérodiscordant, de statut inconnu ou avec partenaire occasionnel) chez les PVVS avant initiation de la thérapie par ARV, analyse par régression logistique (N=129)

Generalized Estimating Equations (GEE)

Tableau 9. Déterminants des comportements sexuels à risque dans les 3 mois précédent les

visites chez des patients camerounais infectés par le VIH et ayant repris l'activité sexuelle sous ARV au cours de 12 mois de suivi : Analyse univariée basées sur un modèle GEE logistique (cohorte STRATALL, 113 patients, 267 visites)

Tableau 10. Facteurs associés aux comportements sexuels à risques dans les 3 mois précédent les

visites chez des patients camerounais infectés par le VIH et ayant repris l'activité sexuelle sous ARV au cours de 12 mois de suivi: Analyse multivariée basée sur un modèle GEE logistique (cohorte STRATALL, 113 patients, 267 visites)

Tableau 11. Déterminants des comportements sexuel à risques dans les 3 mois précédent les

visites chez des patients camerounais infectés par le VIH: Analyse univariée basée sur un modèle GEE logistique (cohorte Stratall, 242 patients, 396 visites)

Tableau 12. Facteurs associés aux comportements sexuels à risque dans les 3 mois précédent les

visites chez des patients camerounais infectés par le VIH: Analyse multivariée basée sur un modèle GEE logistique (cohorte STRATALL, 242 patients, 396 visites)

SOMMAIRE

Introduction 1

Première partie: Contexte general 2

1.1-Epidémiologie du VIH/Sida 2

1.2-L'accès aux antirétroviraux en Afrique 2

1.3- ARV et comportements sexuels à risque parmi les PVVS: Etat des lieux 4

1.3.1-Dans les pays développés 5

1.3.2-En Afrique subsaharienne 7

1.4-Organisation de l'accès aux ARV au Cameroun 9

1.5-Présentation de l'essai STRATALL 10

1.5.1-Contexte général et objectifs 10

1.5.2-Recueil des données 10

1.5.3-Descriptif général des données 11

Deuxième partie: Etude de l'impact des ARV sur les comportements

sexuels it risque 12

I-Problématique 12

II-Hypothèses de recherche 12

III-Objectifs de l'étude 13

3.1-Objectif général 13

3.2-Objectifs spécifiques 13

IV. Méthodologie 13

4.1-Description des données 13

4.2-Régression logistique 13

4.3-Analyse de l'évolution des comportements sexuels et de la qualité de vie 14

4.4-Analyse sur données répétées: Generalized Estimating Equations (GEE) 15

4.5-Informatisation des données 15

V-Résultats 16

A-Description de l'échantillon 16

1-Taille de l'échantillon 16

2-Caractéristiques sociodémographiques 16

3-Caractéristiques de la vie de couple, activité sexuelle et données médicales 17

4-Connaissances et croyances vis-à-vis du VIH/Sida et des ARV 17

5-Description de l'échantillon des 242 PVVS sexuellement actifs 18

B-Evolution des comportements sexuels, de la consommation d'alcool et de la qualité de vie 20

1-Comportements sexuels 20

2-Consommation d'alcool 20

3-Qualité de vie 20

C-Régression logistique 21

1-Déterminants des comportements sexuels à risques chez les PVVS sans HAART (n=129) 21

D-Analyse sur données répétées: Generalized Estimating Equations (GEE) 23

1-Déterminants des comportements sexuels à risque sous ARV (n=113) 23

2-Lien entre ARV et comportements sexuels à risque (N=242) 25

VI-Discussion 28

6-1. Activités sexuelles chez les PVVS 28

6.2. Evolution des comportements sexuels, sociaux et qualité de vie 28

6.3. Facteurs associés aux comportements sexuels à risques avant ARV 28

6.4. Facteurs associés aux comportements sexuels à risque sous ARV 29

6.5. Lien ARV et comportements sexuels à risque 29

Conclusions 32

Validité interne des résultats 32

Conclusions en termes de santé publique 32

Perspectives de recherche 32

Bibliographie 34

Annexes 36

Annexe 1 : Questionnaire de l'essai Stratall (inclusion) 37

Annexe 2 : Document OMS sur le calcul de la qualité de vie des PVVS 55

Annexe 3 : Carte du Cameroun 64

Introduction

Le VIH/Sida figure parmi les principales causes de décès dans le monde. L'ONUSIDA a estimé à 33 millions le nombre de personnes vivant avec le VIH/Sida (PVVS) en 2007 dans le monde, et à 2 millions le nombre de décès liés à cette infection. Le nombre de nouvelles infections au cours de cette année était de 2,7 millions, dont 1,9 millions en Afrique subsaharienne. L'accès aux traitements antirétroviraux (ARV) des PVVS dans ce continent reste très faible en raison d'obstacles majeurs que sont le nombre limité de médecins (par exemple un médecin pour 10083 habitants au Cameroun) et leur répartition géographique et institutionnelle déséquilibrée en faveur des grandes villes et des hôpitaux centraux. Par ailleurs, l'impossibilité des gouvernements à augmenter significativement le nombre de médecins ne permet pas de rendre davantage disponible les services de prise en charge médicale des PVVS, surtout en milieu rural. Devant ces difficultés, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a proposé une approche de prise en charge «allégée» pour favoriser l'accès aux ARV à grande échelle dans les pays à ressources limitées.

Les rapports sexuels non protégés parmi les PVVS recevant des ARV sont un sujet de préoccupation majeure en santé publique en raison du risque de transmission du VIH et surtout des souches de virus devenues résistantes aux traitements. Nonobstant des études contradictoires, une méta-analyse réalisée en 2004 dans les pays du Nord conclut que la fréquence des comportements sexuels à risque n'est pas plus élevée chez les PVVS recevant des ARV, et ce même lorsque la charge virale plasmatique est indétectable. En revanche, l'impact de la thérapie antirétrovirale sur les comportements sexuels à risque chez les PVVS en Afrique est à ce jour peu documentée. Le nombre élevé de nouvelles infections à VIH en Afrique subsaharienne montre la persistance de la chaîne de transmission de ce virus. Dans ce contexte, nous nous proposons à travers cette étude de déterminer si le traitement ARV, en améliorant la qualité de vie des PVVS, favoriserait un relâchement dans l'adoption de comportements sexuels à risque dans le contexte d'un accès au traitement ARV à grande échelle en Afrique subsaharienne.

Ce document décrit les résultats d'une étude épidémiologique réalisée dans le cadre du mémoire de fin de cycle de Master 2 Recherche en «Ingénierie des Systèmes de Santé» à l'Observatoire Régional de la Santé (ORS) Provence-Alpes-Côte d'Azur, au sein de l'Unité 912 de l'INSERM. Il comporte deux parties principales: la première décrit le contexte général de l'étude, et la seconde l'étude de l'impact des traitements ARV sur les comportements sexuels à risque chez les personnes infectées par le VIH au Cameroun. Cette deuxième partie comporte les points suivants : exposé de la problématique, hypothèse de recherche, objectifs de l'étude, méthodologie de recherche, résultats obtenus et discussion des résultats. Ce document se termine par une conclusion en trois phases (validité interne des résultats, conclusions en termes de santé publique et perspectives de recherche) suivi de la bibliographie et des annexes.

Premiere partie: Contexte general

1.1-Epidémiologie du VIH/Sida

Le VIH/Sida figure parmi les principales causes de décès dans le monde. Selon l'ONUSIDA [1], en 2007, 33 millions [30,3 - 36,1 millions] de personnes vivaient avec le VIH/Sida (PVVS). Le nombre de personnes infectées au cours de cette année était de 2,7 millions [2,2-3,2 millions], et 2 millions [1,8 - 2,3 millions] de décès dus au Sida ont été enregistrés. L'Afrique subsaharienne reste la région la plus sévèrement touchée. Selon les estimations de la source sus citée, il y a eu 1,9 millions [1,6-2,1 millions] de nouvelles infections dans cette région en 2007, ce qui porte à 22 millions [20,5-23,6 millions] le nombre de personnes vivant avec le VIH/Sida, soit près des deux tiers (67%) du total mondial. Trois quarts (75%) des décès dus au sida s'y sont produits en 2007. Enfin, plus de 60% des PVVS sont des femmes et 90% des enfants infectés de moins de 15 ans et décédés d'une maladie liée au sida vivent en Afrique subsaharienne.

Figure 1. Prévalence du VIH observée chez les adultes en Afrique en 2007 (Source: ONUSIDA, 2008)

1.2-L'accès aux antirétroviraux en Afrique

Les premiers programmes africains structurés d'accès aux antirétroviraux (ARV) n'ont vu le jour qu'en 1998 dans de rares pays comme le Sénégal, la Côte d'Ivoire et l'Ouganda. Ces programmes ont montré l'efficacité du traitement ARV en Afrique, avec des résultats comparables à ceux obtenus dans les pays du Nord en termes de survie, d'efficacité virologique, immunologique et clinique, d'observance, d'émergence des résistances et de toxicité [2, 3]. Les résultats de ces projets pilotes ont répondu aux objections d'ordre biomédical quant à l'utilisation des ARV en Afrique (efficacité sur les souches non B du VIH-1, effets indésirables et leur gestion, observance). Cependant, de très nombreux autres obstacles s'opposaient à la large diffusion de ces traitements tels que le coût des médicaments bien sûr mais aussi celui du suivi biologique, ou le manque d'infrastructures médicales et de personnel médical formé.

Progressivement, en dépit de ces contraintes, l'accès au traitement s'est étendu à bien d'autres pays africains dans le cadre soit de programmes gouvernementaux soit d'initiatives privées (dont celles des ONG). Toutefois, la plupart du temps, cet accès est resté limité aux capitales ou aux grandes villes. La prise en charge recommandée y est le plus souvent très proche de celle des pays du Nord, reposant sur un suivi effectué par des médecins avec des bilans biologiques complets pour évaluer l'efficacité et la tolérance du traitement.

L'accès au traitement reste néanmoins encore très limité en 2004: seulement 8 % du total des patients africains ayant une indication immédiate de traitement recevaient des ARV (310.000 sur 4 millions) cette année. L'OMS et l'ONUSIDA plaident pour une extension rapide de cet accès et visaient un objectif de 3 millions de personnes traitées à la fin de l'année 2005 [4]. Si les résultats obtenus étaient encourageants ( la couverture par la thérapie antirétrovirale était passée de 7% en 2003 à 20% en 2005), le nombre de 3 millions de personnes sous ARV n'avait pas été atteint à cette date [5]. A la fin de l'année 2006, l'OMS estimait en Afrique subsaharienne à 4,8 millions et 1,3 millions respectivement le nombre de PVVS ayant besoin des ARV et le nombre de PVVS recevant la thérapie ARV soit un taux de couverture de 28% [6].

Si certains obstacles initiaux à l'accès aux ARV en Afrique ont progressivement été levés, d'autres persistent surtout dans la perspective de l'extension de l'accès au traitement. En particulier, le nombre limité de médecins (par exemple, un médecin pour 10.083 habitants au Cameroun), leur répartition géographique et institutionnelle déséquilibrée en faveur des grandes villes et hôpitaux centraux, et l'impossibilité des gouvernements à augmenter significativement le nombre de médecins ne permet pas de rendre davantage disponible des services de prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH, surtout en milieu rural. Sans parler de la mesure de la charge virale limitée, au mieux, aux grands centres urbains et les possibilités de tests de résistances aux ARV quasi-inexistantes, la disponibilité d'examens plus simples tels que la mesure des lymphocytes T CD4 ou même d'examens de biochimie demeure problématique. Même lorsqu'ils sont disponibles, le coût de ces bilans dissuade le plus souvent les patients de les effectuer.

Paradoxalement, la disponibilité des régimes thérapeutiques en Afrique demeure la plus faible au monde alors que cette région du monde concentre plus de 90% des besoins en ARV. A titre d'illustration, en 2007, l'Europe occidentale disposait de 47 régimes thérapeutiques de première ligne pour 760.000 patients contre 3 régimes en Afrique subsaharienne pour 22,5 millions patients comme le montre le tableau suivant.

Tableau

1. Nombre de régimes ARV de première ligne selon la région du monde en 2007

 

Région

Nombres d'enfants et adultes VIH+

2001

Nombres d'enfants
et adultes VIH+
2007

Nombre de régimes
de 1ere lignes pour
traiter 90% de
patients

Afrique subsaharienne

20.900.000

22.500.000

3

Moyen-Orient et Afrique du Nord

300.000

380.000

 

Asie du sud et du Sud-est

3.500.000

4.000.000

3

Asie de l'Est

420.000

800.000

3

Océanie

26.000

75.000

 

Amérique latine

1.300.000

1.600.000

11

Europe occidentale et centrale

620.000

760.000

47

Source: synthèse faite à partir des rapports et données ONUSIDA

Compte tenu de l'ampleur des besoins, des contraintes, des disparités criardes en matière d'accès aux ARV dans les pays à ressources limitées et en particulier en Afrique subsaharienne, une «approche allégée» de prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH a été proposée par l'OMS [7] afin de faciliter l'accès aux ARV d'un plus grand nombre de PVVS dans ce continent. La stratégie d'allègement du suivi des patients permet de ne pas avoir à mettre en place des infrastructures coûteuses. Le suivi thérapeutique n'est en effet pas réalisé sur la base d'analyses de marqueurs biologiques ou immunologiques, mais à partir de constatations cliniques. En outre, l'implication de personnel paramédical dans le suivi clinique des patients, en alternance avec le médecin, permet de mettre en place une prise en charge moins intensive en personnel médical.

En pratique, l'approche «allégée» qui représente un enjeu majeur pour le «passage à l'échelle» est encore peu répandue en Afrique subsaharienne.

1.3- ARV et comportements sexuels à risque parmi les PVVS: Etat des lieux

Le concept de comportement sexuel à risque chez les PVVS, par rapport à la transmission sexuelle du VIH, est utilisé dans ce travail pour décrire notamment des situations où une personne qui a habituellement un comportement sexuel à moindre risque commence à se livrer à des activités sexuelles à haut risque, soit parce qu'elle pense qu'elle n'est plus à risque de transmettre le virus ou que, même si elle s'infecte, les conséquences néfastes seront minimes.

Les comportements sexuels à risque, parmi les personnes recevant les traitements antirétroviraux (ARV) sont
un sujet de préoccupation majeure en raison du risque de transmission du VIH. La littérature publiée sur
l'impact des ARV sur les comportements sexuels est abondante et concerne souvent les pays développés et

surtout les pratiques sexuelles des hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes (HRSH). De façon générale, les données disponibles dans la littérature ne fournissent pas de réponse absolue à la question de l'association entre ARV et comportements sexuels à risque chez les PVVS. D'une part, il y a en effet des études qui ont trouvé une association entre les ARV et les comportements sexuels à risque, et d'autre part des études qui n'ont pas démontré cette association.

Généralement, le lien entre les ARV et les comportements sexuels à risque était identifié soit par l'observation d'une augmentation de nouveaux cas d'infections sexuellement transmissibles (IST) chez les patients prenant des ARV (augmentation supposée être due à des pratiques sexuelles à risque), soit par une fréquence élevée des pratiques sexuelles à risque chez les patients prenant des ARV.

Nous allons présenter, dans un premier temps, les études réalisées dans les pays développés et dans un second temps les études réalisées en Afrique subsaharienne.

1.3.1-Dans les pays développés

Dans les pays développés, une méta-analyse qui a étudié en 2004 si le fait d'être sous thérapie ARV était associé à un risque accru de se livrer à des rapports sexuels non protégés chez les PVVS a conclu que dans les pays du nord les ARV favorisent des comportements sexuels à moindres risques [8].

Malgré les résultats de cette méta-analyse, il existe des études qui ont mis en évidence un lien entre le traitement par ARV et les comportements sexuels à risques chez les PVVS. Par exemple, dans une étude transversale réalisée en 1998 [9] portant sur un échantillon de 379 HRSH aux États-Unis, 18% des hommes déclaraient avoir des rapports sexuels sans risque moins souvent depuis que des traitements ARV efficaces étaient devenus disponibles. Par ailleurs, en Australie, une étude transversale réalisée à Sydney et à Melbourne en 1998 [10] sur un échantillon de 4.090 gays a montré une relation significative entre la pratique des relations anales non protégées avec des partenaires occasionnels et le fait d'être d'accord que «une personne séropositive qui est sous une combinaison de thérapie a peu de chances de transmettre le VIH».

A Chicago, dans une étude réalisée sur un échantillon de 548 HRSH (219 VIH négatif et 329 VIH positif), la pratique des rapports sexuels anaux non protégés était associée à la diminution de l'inquiétude au sujet de la transmission du VIH sous ARV. En effet, parmi les sujets VIH négatif, les rapports anaux non protégés étaient significativement plus souvent rapportés par les hommes déclarant que les ARV avaient amoindri leurs inquiétudes quant à contracter le VIH et, chez les hommes VIH positif, les rapports anaux non protégés étaient significativement plus souvent rapportés par les hommes déclarant que les ARV avaient réduit leurs inquiétudes quant à la transmission du VIH à leurs partenaires [11]. Une autre étude américaine réalisée à San Francisco [12], sur un échantillon représentatif de HRSH, avait constaté qu'avec l'augmentation de l'usage des ARV parmi les HRSH vivant avec le Sida (4% en 1995 versus 45% en 1999), le pourcentage de HRSH ayant des rapports sexuels anaux sans protection ainsi que le multipartenariat sexuel avaient considérablement augmenté (24% en 1996 versus 45% en 1999).

Une étude de cohorte réalisée à Amsterdam aux Pays-Bas sur un échantillon 1500 HRSH avait observé qu'après 1996, année où les ARV étaient devenus disponibles, le nombre des PVVS qui avaient des rapports sexuels non protégés avait augmenté comparativement à la période allant de 1992 à1996. Cela a été illustré par une importante augmentation du nombre de cas de gonococcie ano-génitale [13].

Une étude réalisée en Alabama aux Etats-Unis d'Amérique (USA) sur un échantillon de HRSH avait trouvé une association significative entre l'utilisation des ARV inhibiteurs de la protéase et la pratique des rapports sexuels non protégés [14]. Une étude réalisée à Philadelphie aux USA sur une cohorte de 220 PVVS des deux sexes avait quant à elle mise en évidence une forte association entre l'optimisme quant à l'efficacité du traitement et les pratiques sexuelles à haut risque, et ce indépendamment du sexe [15.]

Une étude réalisée à San Francisco qui avait utilisé les données du programme de surveillance des IST avait conclu que depuis que les ARV étaient devenus disponibles, l'incidence des IST dans la population des PVVS sous ARV était passée de 0,66% en 1995à 1,32% en 1998 [16].

Nous avons relevé dans la littérature une autre série d'études qui ne montrent aucune association entre les ARV et les pratiques sexuelles à risque chez les PVVS. Il s'agit par exemple d'une étude transversale réalisée à Londres sur un échantillon de 420 HRSH sexuellement actifs. Vingt deux pour cent des hommes avaient eu des relations anales non protégées avec au moins un partenaire occasionnel au cours du mois précédent l'étude. Le nombre moyen de partenaires sexuels et la fréquence des IST étaient moins élevés chez les personnes qui étaient sous ARV par rapport aux personnes qui ne l'étaient pas [17]. Une étude transversale auprès de 248 HRSH réalisée à San Francisco (USA) a montré que les ARV n'étaient pas associés aux pratiques sexuelles à risque [18].

Dans une étude réalisée sur un échantillon de 316 patients infectés par le VIH (hommes et femmes), tous noirs américains, dont 133 étaient sous ARV, aucune association entre le traitement et les pratiques sexuelles à risque n'a été trouvée [19].

En France, dans une étude longitudinale portant sur un échantillon de 188 PVVS sexuellement actifs injecteurs de drogues (dont 34 sous ARV), la proportion de PVVS rapportant au moins une fois des rapports sexuels non protégés dans les six derniers mois était significativement moins élevée chez les patients sous ARV que chez les patients non traités (respectivement: 47,1% versus 23,5%, P=0,008. La prise de risque sexuel était significativement plus faible dans le groupe sous ARV comparé au groupe sans ARV (OR 0,4 ; IC95% 0,17-0,95). Les facteurs associés aux comportements sexuels à risque étaient les suivants: être de sexe féminin, déclarer des pratiques d'injection à moindres risques, consommer de l'alcool, et enfin, avoir des relations sexuelles avec un partenaire stable [20]. En 2004, en France, une étude chez les PVVS injecteurs de drogues portant sur un échantillon de 192 patients traités par ARV qui avaient rapporté des partenaires sexuels occasionnels au moins une fois pendant la période de suivi avait obtenu que 134 patients (70%) avaient déclaré au moins une fois des rapports sexuels à risque avec des partenaires occasionnels [21].

1.3.2-En Afrique subsaharienne

Si de façon générale, les ARV «protègent» de la prise de risque sexuel dans les pays du Nord, quelle est la situation dans les pays du Sud?

Les ARV sont disponibles dans les pays développés depuis 1996, alors qu'ils ne sont disponibles en Afrique récemment. On supposait qu'en Afrique, les ARV pouvaient avoir un effet de type «risque moral» chez les bénéficiaires ( c'est-à-dire pratiquer des rapports sexuels non protégés sachant que la transmission du VIH est faible sous ARV) et favoriser ainsi la propagation du VIH et surtout des souches virales parfois devenues résistantes aux ARV [22].

Malgré ces inquiétudes, peu d'études ont été réalisées en Afrique subsaharienne. Certes, la littérature sur la thématique est abondante dans les pays développés mais les résultats obtenus ont une pertinence limitée en Afrique où la transmission du VIH a lieu principalement lors de rapports hétérosexuels.

La quasi-totalité des études réalisées montre une fréquence élevée des comportements sexuels à risque parmi les PVVS. La fréquence de ces comportements apparaît toutefois moins élevée après l'initiation des ARV et ces derniers ne sont pas souvent associés à la pratique des rapports sexuels à risque. Par exemple, en Côte d'Ivoire, dans une étude transversale réalisée en 2003 sur un échantillon de 711 personnes (164 PVVS sous ARV et 547 PVVS sans ARV), la moitié des sujets (n=334) étaient sexuellement actifs pendant les 6 mois précédent l'étude dont 43,7% avaient déclaré avoir eu au moins un rapport sexuel non protégé. Selon les conclusions de cette étude, les facteurs associés aux pratiques sexuelles à risque étaient: le fait de ne pas recevoir de traitement antirétroviral, un diagnostic de séropositivité récent (< 9 mois), le fait de ne pas connaître le statut sérologique du partenaire sexuel principal, une consommation élevée d'alcool et l'absence de participation aux dépenses du ménage [23].En Afrique du Sud, une étude portant sur un échantillon de 149 PVVS (44 hommes et 105 femmes) âgées de 18 à 55 ans avait obtenu que, sur un total de 101 sujets (68%) sexuellement actifs au cours des 6 derniers mois, un peu plus de la moitié n'avait pas utilisé le préservatif lors du dernier rapport sexuel. Les facteurs associés à la pratique des rapports sexuels non protégés étaient les suivants: un dépistage récent de l'infection à VIH, le fait de ne pas connaître le statut VIH du partenaire et la consommation de l'alcool avant les rapports sexuels [24].

En Ouganda, dans une étude transversale portant sur un échantillon de 723 PVVS, 48% des sujets étaient sexuellement actifs dans les 6 mois précédent l'étude. La pratique de rapports sexuels protégés avec le partenaire stable était plus fréquente dans le groupe ARV que dans le groupe sans ARV (OR 2, IC 95 % 1,07-2,30) [25]. Une étude prospective de cohorte, réalisée dans les régions rurales de l'Ouganda entre mai 2003 et décembre 2004, publiée en 2006, sur un échantillon de 926 adultes infectés par le VIH, a conclu que six mois après l'initiation du traitement ARV, la fréquence des comportements sexuels à risque était réduite de 70% (rapport de risque ajusté 0,3; IC95% 0.2-0.7, p = 0,002) et la mise sous ARV était associée à cette réduction [26]. Les résultats d'une étude transversale, réalisée au KwaZulu-Natal, en Afrique du Sud, qui étudiait les facteurs prédictifs de rapports sexuels non protégés chez 152 patients VIH positif a montré que 50% des sujets étaient sexuellement actifs dont 30% avaient signalé des rapports sexuels non protégés. La

consommation d'alcool, l'expérience des rapports sexuels forcés, les rapports sexuels avec partenaire séropositif ou avec partenaire occasionnel étaient associés à la pratique des rapports sexuels non protégés [27]. Dans une autre étude sud africaine réalisée au Cap sur un échantillon de 924 personnes séropositives (520 sous ARV et 404 en attente de traitement ARV), la moitié des PVVS (43,2%) déclarait ne pas utiliser de préservatifs lors de leur dernier rapport sexuel. La perception ambivalente de la relation entre les ARV et la transmission du VIH, la non divulgation du statut VIH positif au partenaire étaient des facteurs associés aux rapports sexuels non protégés [28].

Deux études réalisées à Mombassa au Kenya ont signalé des taux plus élevés de prise de risque sexuel chez les PVVS avant la mise sous ARV qu'après. Dans une étude portant sur un échantillon de 234 adultes (83 hommes et 149 femmes) dont l'âge moyen était de 37 ans, 47,5% des PVVS étaient sexuellement actifs dans les 12 mois précédent l'étude. Après 12 mois de traitement ARV, la proportion des sujets signalant des rapports sexuels non protégés était passée de 53,3% à 28,0%. Les facteurs associés à la pratique de rapports sexuels non protégés chez les patients sous ARV étaient les suivants: la non-divulgation du statut VIH aux partenaires, ne pas être marié ou vivant en concubinage, le vécu de la stigmatisation, la dépression et un indice de masse corporelle <18.5 [29]. Une autre étude comparait les comportements sexuels à risque de 179 personnes vivant avec le VIH/Sida et recevant un traitement ARV avec ceux de 143 PVVS sans ARV et recevant une thérapie préventive avec le cotrimoxazole/isoniazide. Dans cette étude, 45% des participants se sont déclarés sexuellement actifs au cours des six derniers mois. Les participants recevant la thérapie préventive étaient significativement plus susceptibles de signaler un nombre de partenaires supérieur ou égal à 2 (13% vs 1%, P = 0,006) ainsi que des symptômes d'IST [30].

En Afrique subsaharienne, dans la littérature disponible, seule une étude longitudinale réalisée sur une courte période de 6 mois en 2005 sur un échantillon de 600 PVVS (300 sous ARV et 300 sans ARV) dans une unité de soins ambulatoires et de conseils en Côte d'Ivoire montrait que le traitement ARV était associé à la pratique des rapports sexuels non protégés chez les PVVS [31]. En effet, dans les 6 mois précédent l'étude, la proportion des PVVS déclarant avoir eu au moins un rapport sexuel non protégé était significativement plus élevée dans le groupe de PVVS sans ARV que dans le groupe avec ARV (27% versus 20,4%.). Après six mois de suivi, il a été observé une augmentation significative de la fréquence de rapports sexuels non protégés chez les PVVS sous ARV (20,4% versus 30,1%) alors qu'aucune différence significative n'a été observée dans le groupe de PVVS sans ARV (27,0% versus 28,8%) mais aussi entre les deux groupes (P=0,48). Dans cette étude, l'âge (<40 ans) et la consommation d'alcool étaient des facteurs associés à des pratiques sexuelles à risque.

1.4-Organisation de l'accès aux ARV au Cameroun

Au Cameroun, entre 1997 et 2000, l'introduction des ARV s'est faite de manière progressive, en fonction des moyens financiers des patients. A partir de 2000, de profonds changements sont intervenus allant vers une organisation au niveau national de la distribution des ARV, une rationalisation des prescriptions et une diminution du coût des traitements. En avril 2001, des négociations menées par le gouvernement camerounais avec l'industrie pharmaceutique (programme ACCESS) ont permis à la Centrale Nationale d'Approvisionnement en Médicaments et Consommables Médicaux Essentiels (CENAME) d'obtenir des trithérapies pour un montant allant de 76 à 114 Euros par mois, selon les schémas thérapeutiques. Enfin, en août 2001, le Ministère de la Santé Publique recommande l'utilisation des génériques, avec entre autres la Triomune® comprenant d4T (stavudine), 3TC (lamivudine) et névirapine (4,5 euros par mois à partir du 1er octobre 2004). Le Comité National de Lutte contre le Sida a par ailleurs organisé depuis juin 2000 plusieurs ateliers nationaux de consensus sur le suivi biologique des PVVS, les critères de mise sous ARV et les modalités de fonctionnement des centres de dispensation des ARV. De nombreuses formations nationales impliquant des médecins prescripteurs, aussi bien que des paramédicaux et volontaires d'association ont été organisées.

Le Cameroun bénéficie du soutien de la Banque Mondiale, du Fonds Mondial pour le Sida, la Tuberculose et le Paludisme, ainsi que de partenariats hospitaliers dans le cadre du programme «Ensemble pour une Solidarité Thérapeutique Hospitalière en Réseau» (ESTHER) initié par le Ministère de la Santé français.

Dans la période de 2004 à 2005, 21 Centres de Traitement Agréés (CTA) ont été ouverts par le Ministère de la Santé Publique pour la dispensation des ARV répartis dans les chefs-lieux des 10 provinces du pays. Le bilan biologique de mise sous traitement et de suivi est très proche de celui des pays riches incluant notamment la mesure de la charge virale VIH et des lymphocytes T CD4 tous les 6 mois (approche de référence). Outre le coût de ces examens (58 euros pour la charge virale et 19 euros pour les lymphocytes T CD4), leur accessibilité reste problématique surtout pour la charge virale qui ne peut en effet être réalisée qu'à Yaoundé, la capitale du pays (tous les CTA viennent d'être équipés pour le comptage des lymphocytes T CD4). Au total, 9000 personnes bénéficiaient d'un traitement ARV de 2004 représentant 11 % seulement des personnes éligibles. Face à cette situation, le Ministère de la Santé Publique a opté pour une décentralisation de la prise en charge vers les hôpitaux de district en utilisant les critères simplifiés de l'OMS pour la mise sous traitement et le suivi des patients. Depuis, plus d'une centaine d'unités de prise en charge (UPEC) assurent la prise en charge des PVVS au sein des hôpitaux de district. Dans ce contexte, le Ministère de la Santé Publique camerounais a demandé, en 2004, à l'Agence Nationale française de Recherche sur le VIH/Sida et les hépatites (ANRS) d'accompagner son programme d'accès à grande échelle aux ARV. L'ANRS a répondu par la mise en place d'un programme de recherche opérationnel et d'un essai clinique dénommé STRATALL.

1.5-Présentation de l'essai STRATALL

1.5.1-Contexte général et objectifs

L'essai STRATALL de l'ANRS (ANRS12110), mené en partenariat avec le programme ESTHER, a pour but d'évaluer l'efficacité une approche de prise en charge des PVVS «allégée», recommandée par l'OMS, par rapport à l'approche de référence, utilisée dans les pays du Nord. Il s'agit d'un essai comparatif d'intervention, randomisé, sans insu sur l'intervention, de non infériorité, mené dans 9 hôpitaux de district de la province du Centre au Cameroun (Mbalmayo, Mfou, Nanga-Eboko, Obala, Sa'a, Monatélé, Bafia, Ndikiniméki, Ayos). L'approche «allégée» ne devant pas apporter de meilleurs résultats que l'approche de référence, un essai de non infériorité permettra de déterminer si cette approche est équivalente à l'approche de «référence» (et donc si elle peut être recommandée en l'état) ou si elle lui est inférieure (et donc si elle doit être modifiée).

L'objectif principal de cet essai ANRS est de comparer le gain en lymphocytes T CD4 chez des patients recevant un traitement ARV selon l'approche «allégée» et chez ceux traités avec l'approche de référence.

La sélection des patients a été faite par randomisation et les patients reçoivent les ARV recommandés et disponibles dans le programme national. Seuls les patients répondant aux critères d'inclusion fixés par l'ANRS participent à l'étude. L'inclusion des patients a eu lieu entre juin 2006 et avril 2008. L'étude prendra fin en avril 2010. Les patients sont suivis pendant 24 mois. La fréquence des consultations systématiques est bimensuelle pendant le premier mois (J15 et M1) puis trimestrielle (M3, M6, M9, M12, M15, M18, M21 et M24). Au cours de ces visites de suivi, des prélèvements sont effectués pour la mesure de la charge virale et du taux de lymphocytes T CD4.

Cet essai s'intègre à un programme de recherche associant également des évaluations de l'impact social, comportemental et économique de la mise en place du programme national d'accès au traitement.

1.5.2-Recueil des données

Les données de l'essai Stratall ont été recueillies auprès des patients sur la base d'un questionnaire administré en face à face à l'inclusion (J0), au 3e mois (M3), au 6e mois (M6), au 12e mois (M12) et au 24e mois (M24). L'essai est en cours au Cameroun depuis 2006 et se terminera en avril 2010. Le questionnaire utilisé par Stratall a été adapté de celui utilisé par l'INSERM dans le cadre d'une étude portant sur l'accès au traitement antirétroviral et les comportements sexuels chez les patients infectés par le VIH en Côte d'Ivoire [23]. Ce questionnaire comportait 6 modules qui permettaient d'obtenir les informations sur les caractéristiques socio-démographiques et économiques, la consommation de soins, la consommation de substances, les comportements sexuels, la santé perçue-qualité de vie et l'observance thérapeutique. Pour les besoins de notre étude, seules les données sur les caractéristiques socio-démographiques, cliniques liées au VIH, comportementales, et psychosociales ont été exploitées.

1.5.3-Descriptif général des données

L'essai Stratall inclut des camerounais vivant avec le VIH et mis sous ARV dans 9 hôpitaux du district sanitaire du centre du pays, inclus dans l'étude par randomisation. Deux bras ont été ainsi constitués: le bras «approche allégée» et le bras «approche de référence». La base des données individuelle crée dans le cadre de l'essai Stratall, présente des informations relatives à 447 PVVS inclus entre juin 2006 et avril 2008.

Les critères d'inclusion des patients pour cette étude sont les suivants:

- Etre Homme ou femme, âgé(e) d'au moins 18 ans

- Habiter dans le district sanitaire de l'hôpital de suivi

- Etre infecté par le VIH-1 (groupe M)

- Répondre aux critères de mise sous ARV dans les hôpitaux de district tels que définis par le protocole camerounais et recommandés par l'OMS ( annexe 3)

o Stade III ou IV (classification OMS) quel que soit le taux de lymphocytes totaux o Stade II (OMS) et taux de lymphocytes totaux = 1200/mm3

- Patient acceptant d'être suivi mensuellement et traité pendant au moins 24 mois, selon les modalités du protocole

- Consentement éclairé signé

Les critères de non inclusion sont les suivants:

- Infection à VIH-1 groupe O ou N, ou VIH-2

- Primo-infection à VIH-1

- Tuberculose pulmonaire en cours de traitement et taux de lymphocytes totaux >1200/mm3

- Cancer évolutif ou lymphome malin (à l'exception du sarcome de Kaposi cutanéo-muqueux) - Maladie psychiatrique évolutive

- Insuffisance hépato-cellulaire

- Antécédent de traitement antirétroviral

- Traitement par corticostéroïde de longue durée, traitement immuno-modulateur, ou autre thérapeutique expérimentale

- Grossesse

- Non respect prévisible du protocole

Deuxieme partie: Etude de l'impact des ARV sur les comportements sexuels a risque

I-Problématique

Les ARV entraînent une baisse de la mortalité et de la morbidité chez les PVVS [1]. Mais, l'une des conséquences inattendues des ARV est qu'ils peuvent accroître les comportements sexuels à risque. Les études portant sur l'impact des comportements sexuels chez les PVVS sous thérapie ARV sont contradictoires. D'une part, des études ont mise en évidence que les ARV étaient liés aux comportements sexuels à risque parmi les PVVS [8, 9, 10, 11, 12, 13, 14,15] et d'autre part le contraire [16, 17, 18,19]. Ces études ont toutes concerné les pays riches où les rapports hétérosexuels représentent le mode dominant de transmission du VIH.

De façon générale, l'impact des ARV sur les comportements sexuels dans les pays du Sud est peu documenté. Peu d'études ont concerné le continent Africain nonobstant le passage en cours à grande échelle de l'accès aux ARV. Les quelques données disponibles sur ce contient sont contradictoires. D'une part, les ARV ne sont pas associés aux comportements sexuels à risque comme démontré dans la quasi-totalité des études disponibles, toutes transversales, réalisées en Côte d'Ivoire [23 ], en Afrique du sud [24], en Ouganda [25], en Afrique du sud [27, 28 ], au Kenya [29,30]. Dans une étude longitudinale réalisée en Ouganda, les patients VIH positif recevant les ARV ne présentaient pas de risque accru des rapports sexuels non protégés [26]. Une autre étude longitudinale réalisée en Côte d'Ivoire avait conclu que la mise sous ARV était liée à la prise de risques sexuels chez les bénéficiaires [31].

A notre connaissance, les études portant sur l'impact des ARV sur les comportements sexuels à risque menées jusqu'à ce jour sur le continent africain concernent soit des comparaisons entre PVVS sous ARV et PVVS sans ARV (études transversales), soit des comparaisons de PVVS sous ARV avant et après initiation du traitement. Aucune étude longitudinale n'a été à ce jour menée pour étudier l'impact des ARV sur les comportements sexuels à risque dans le contexte de l'accès aux ARV à grande échelle en Afrique subsaharienne.

Sur la base des données collectées dans le cadre de l'essai Stratall, nous nous proposons de déterminer si la mise sous ARV favorise ou non les comportements sexuels à risque chez les PVVS dans le contexte du programme national d'accès aux ARV au Cameroun.

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