2.1.4.2. Pratique toscane
Dès 1995, la Toscane adopte une
Délibération de la Junte Régionale destinée
à l'application de la Directive sur la Charte des services sanitaires
publics et, plus spécifiquement, à la mise en vigueur d'un projet
de règles liées à la protection des usagers-patients.
Celles-ci visent à renforcer les aspects qualitatifs de
l'activité sanitaire et les mesures de protection requises par le
Décret national No 502. En 2004 et 2006, des ajustements
législatifs tentent de «débureaucratiser» la
procédure de plainte en instaurant la possibilité de rencontre
entre le plaignant et les personnes mises en cause en vue d'une conciliation.
Le dispositif ne prévoyant pas de système « Dommage et
intérêts », le but de ces rencontres est bien de traiter le
conflit à sa source et de reconstruire le rapport de confiance entre le
patient et le soignant :
84 Médiateur régional :
greffé sur l'organisation administrative régionale-rôle de
défenseur des droits civiques, chargé d'enquêtes et de
recommandations à l'égard des institutions
«La médiation de la CMC ne peut avoir pour but
de produire une mesure contraignante, mais bien de réaliser les
conditions d'une satisfaction réciproque des parties. Cette occasion de
redonner la parole aux sujets concernés permet d'ouvrir des canaux de
communication brisés, de rétablir des liens sociaux compromis, de
partager à nouveau un même langage ou d'en créer un
nouveau»85.
Les plaintes des usagers-patients font l'objet d'une étude
par un Observatoire régional de la Charte des services sanitaires
publics. Celles-ci se répartissent en huit catégories : «les
aspects relationnels, l'humanisation, les informations, les temps d'attente,
les aspects hôteliers et de confort, la structure et la logistique, les
aspects bureaucratiques et administratifs et les aspects
technicoprofessionnels». La relative stabilité du nombre de
plaintes enregistrées et traitées en majorité par le BRP
dans trois établissements hospitaliers entre 1999 et 2005 - moyenne
annuelle de 2'800 plaintes - relève une variation significative entre
les diverses catégories : diminution au niveau des aspects
bureaucratiques, administratifs et technico-professionnels
(14,5%), augmentation au niveau des aspects relationnels (19%) et des temps
d'attente (31,5%)86. Le nombre de dossiers traités par les
CMC entre 2003 et 2005 ant plus que doublé en trois ans (77 à 159
plaintes). Manuel Bellonzi explique cette variation brutale par la mise en
oeuvre successive de plusieurs commissions dans l'ensemble du réseau
régional. A fin 2005, quatorze hôpitaux - des seize institutions
que compte le panel hospitalier toscan - sont dotés d'une CMS.
Le modèle toscan reflète cette recherche de
régulation sociale visant à quitter la logique juridique du
règlement des conflits pour garantir la protection du citoyen-patient. A
la lumière des statistiques qui mettent en exergue une augmentation du
contentieux liée aux rapports soignant-soigné, l'auteur entrevoit
des perspectives de développement de la médiation sanitaire
toscane du fait d'un besoin évident d'approches amiables rapides et peu
coûteuses pour résoudre les conflits d'ordre relationnels :
«Si l'on pense à toutes les hypothèses
de conflit qui concernent la dynamique relationnelle entre médecins et
patients, on comprendra aisément qu'il n'est pas possible de trouver un
juge habilité à trancher de telles
controverses»87.
85 M. Bellonzi, «Médiation et
santé», actes du colooque CEMAJ-IDS, 1er juin 2007, Ed
Weblaw Berne, Schulthess Zürich-Bâle, 2008, p.11
86 Ibidem , p. 15 : Chiffres 2005 sur un
total de 2819 plaintes
87 Ibidem, p. 18
Si la mission intéressante du BRP rappelle le
rôle d'alarme du PALS anglais - organe de première ligne qui
désamorce les prémices de tension, le BRP résolvant plus
de 90% des plaintes - la médiation toscane des CMC relève d'une
approche substantialiste décrite par Jacques Faget88 à
savoir le règlement du conflit, l'établissement de la
communication, la construction d'un monde commun et une confusion entre les
concepts de médiation et de conciliation. Il faut savoir que les CMC
toscanes se composent de sept membres devant lesquels les parties sont
censées communiquer et restaurer des liens brisés. L'on peut
aisément imaginer la pression de masse exercée sur les parties au
moment de la séance. Rien ne laisse penser à un processus dans
lequel le tiers, impartial et neutre, tente d'amener les parties à
trouver elles-mêmes des solutions. D'autre part, le médiateur
régional assure une fonction administrative d'Ombudsman dont le
rôle est de défendre les intérêts citoyens. Son
approche ne peut être considérée dans sa dimension
normative. La constance du nombre de dossiers enregistrés et la
surenchère d'insatisfaction provenant des aspects relationnels -
corrélés à une culture du combat qui juridicise les
rapports sociaux89 et à une culture religieuse catholique peu
encline aux rapports transversaux - ne nous permettent pas de penser que la
médiation puisse se profiler aussi facilement dans les «niches
institutionnelles» toscanes, voire italiennes à l'instar des
exemples précédents. De ce fait, la culture de la
médiation peine à prendre racine dans tous les champs sociaux
italiens confondus.
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