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Du contentieux constitutionnel en République Démocratique du Congo. Contribution à  l'étude des fondements et des modalités d'exercice de la justice constitutionnelle

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par Dieudonné KALUBA DIBWA
Université de Kinshasa - Doctorat en droit 2010
  

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§8. La répression des infractions politiques dans le chef du Chef de l'Etat
et du Premier ministre

Il est de plus en plus admis que le régime pénal des plus autorités du pays soit fixé dans la Constitution. C'est une tradition en République démocratique du Congo même si Auguste Mampuya Kanunk'a Tshiabo s'inquiète que le constituant congolais du 18 février 2006 ait exercé un oeil plus qu'averti sur le Chef de l'Etat considéré ainsi comme un malpropre.967(*) Il y a, là, la part du poids de l'histoire récente et la part du droit comparé qui poussent ainsi le constituant à plus de vigilance.

L'instant du remord étant évanoui, il importe de s'interroger autour de quatre questions essentielles qui sont autant des clefs pour une intelligence complète du régime pénal constitutionnel du chef de l'Etat et du Premier Ministre.

C'est le lieu de signifier que par cet arsenal pénal constitutionnel, le constituant congolais a fait l'économie des textes même si cette matière pourrait très bien relever du législateur même ordinaire.

L'on peut comprendre sa réticence à confier telle matière au législateur dans le contexte de la transition d'après Sun City. En effet, il ne serait pas dans les priorités du Chef de l'Etat ni dans celles du premier Ministre de réglementer leur régime pénal et carcéral. Qui ferait ceci serait imbu d'une forte dose de suicide.

Par ailleurs, il est aussi compréhensible que sorti des sentiers ardus de la dictature, le constituant congolais ait eu à coeur de tout régir de la vie et de la mort du chef de l'Etat aboutissant à maints égards à une personnalisation du texte fondamental dont la survie dépendra de l'épreuve du temps et surtout de la pratique institutionnelle que le porteur du costume de la fonction présidentielle pourra instaurer. Du fait de la fonction, certaines personnes jouissent des immunités.

Le terme « immunité » peut, de manière générale, être défini comme le droit de bénéficier d'une dérogation à la loi commune. Elle pourra être qualifiée de constitutionnelle, lorsqu'elle trouvera son fondement dans la Constitution.

Les immunités constitutionnelles revêtent, en principe, deux formes. Il peut s'agir d'immunités de fond, par exemple au profit des parlementaires pour les opinions ou les votes émis par eux dans l'exercice de leurs fonctions ou au profit du Chef de l'État pour les actes accomplis dans l'exercice de ses fonctions.

Il peut s'agir aussi d'immunités de procédure, qui peuvent elles-mêmes se présenter sous différentes formes (privilèges de juridiction, garanties procédurales particulières, etc.).

Les immunités prévues par la Constitution concernent en général, trois catégories d'organes : le Chef de l'État, les membres du Gouvernement et les membres du Parlement. L'approche de droit comparé permet ici de réfléchir sur le point de savoir si le particularisme inhérent au régime des immunités et la part de dérogation aux règles de droit commun qu'il comporte, conservent aujourd'hui des justifications suffisamment solides.

Il conviendra également de s'interroger sur la compatibilité des régimes des immunités constitutionnelles avec les droits fondamentaux garantis par les textes constitutionnels, afin de vérifier que le régime des immunités ne soit pas une source d'impunité, allant à l'encontre du principe de l'égalité de tous devant la loi.

La répression mérite d'être évaluée pour ses fonctions : catharsis, elle l'est sans doute; facteur de dissuasion pour l'avenir, elle l'est probablement, encore que la haine lève les inhibitions qui pourraient résulter d'une sage peur du juge. Or, loin des terres yougoslaves, à propos desquelles a été créé le TPIY, et de Rome où a été adoptée la Convention portant statut de la Cour Pénale Internationale, d'autres pratiques se sont développées.

Celles de l'Amérique latine ont tout d'abord été regardées avec suspicion: un peuple a-t-il le droit de pardonner à ses bourreaux ? La pratique de l'Afrique du Sud, celle de la Commission Vérité et Réconciliation, a recueilli plus de respect. L'idée que le tissu social puisse être reconstruit à partir d'une élucidation du passé, articulée avec une certaine sanction, mais ne débouchant pas nécessairement sur la répression est de plus en plus avancée en post-conflit.

La restauration de l'Etat de droit dans des sociétés ayant connu de violents conflits (armés ou non armés) pose de sérieuses difficultés liées à l'incapacité - fréquente - du système pénal interne de faire face aux poursuites nécessaires. Les violations massives des droits fondamentaux de l'individu et les crimes commis durant ces périodes troublées restent souvent impunies, laissant les victimes insatisfaites et semant les germes d'un futur conflit.

Que le système judiciaire soit corrompu ou impuissant, il apparaît de plus en plus nécessaire de se tourner vers de nouvelles formes de justice qui ne soient pas uniquement rétributives mais également réhabilitatrices ou «restauratrices ».

La justice transitionnelle vise à apporter une réponse à ces nouveaux défis à travers la création de Commissions Vérité et Réconciliation. Initiées vers le milieu des années 1970 en Afrique, puis développées dans les années 1980 en Amérique Latine, ces Commissions Vérité et Réconciliation ont connu un développement remarquable dans les années 1990 et concernent aujourd'hui, avec plus d'une trentaine d'expériences, tous les continents de la planète. L'on peut noter avec plus ou moins de bonheur que le recours à la justice transitionnelle est une tentative heureuse du peuple à se rendre justice en tenant compte des impératifs catégoriques de paix et de réconciliation nationale.

Ce phénomène a dépassé le stade expérimental pour faire place à un nouveau champ du droit de transition lequel est en phase d'émergence. L'autre axe de recherche vise donc à analyser ce phénomène nouveau dans une perspective comparative et internationale en cherchant notamment à comprendre l'articulation entre justice pénale nationale et internationale et justice transitionnelle.

Ce champ d'étude a fait l'objet de recherches dans les milieux juridiques anglophones mais reste pratiquement inexploré dans le monde juridique francophone. Le but de la recherche vise non seulement à faire connaître l'existence de cette nouvelle forme de justice mais également à rechercher les axes fondamentaux communs aux différentes expériences mises en place.

Ce sujet n'est pas strictement juridique et fait appel à une approche multidisciplinaire impliquant notamment des sociologues, anthropologues, politistes, philosophes...La structuration juridique de cette forme de justice reste toutefois fondamentale pour assurer son succès et éviter que ne se reproduisent les erreurs passées. La recherche se veut donc à la fois théorique et pratique. Elle implique une réflexion sur le sens de la justice en période de transition. Elle implique également et impliquera encore des recherches de terrain. Cette tendance doctrinale devra mobiliser nos meilleures énergies intellectuelles pour tenter un essai de systématisation théorique susceptible d'engendrer ou d'asseoir la théorie africaine de la justice.

Pour comprendre à fond ce régime, voyons à présent la première question qui est celle relative à la nature des infractions visées.

A. Problème de la nature des infractions visées

La lecture des infractions portées par la Constitution à charge du Président de la République et du premier Ministre donne à voir que deux catégories d'infractions sont prévues par la loi fondamentale pour l'occasion transformée en norme de comportement répressif.

En effet, il y a, d'une part, les infractions purement politiques, les infractions de droit commun d'autre part ainsi que les infractions que l'on nommerait mixtes dans la mesure où reliées aux autorités politiques elles s'agrégeraient pour ainsi dire une nature politique par accession.

Procédons par l'énumération avant d'en trouver la justification.

Avec Raphael Nyabirungu Mwene Songa retenons qu'est politique l'infraction dont l'auteur ou le but recherché est politique.968(*)

Ainsi donc, serait politique par nature une infraction comme l'attentat à la vie du chef de l'Etat car le but recherché est manifestement politique : le renversement des institutions politiques. En effet, l'on ne tue pas un chef de l'Etat pour prendre sa femme ou sa voiture. Le but recherché est donc un critère d'une simplicité quasi biblique ; cependant, lors de la commission de tels actes il est toujours possible que le ou les infracteurs soient des politiques ou de simples sujets. Le critère de l'auteur de l'infraction proposée par une certaine doctrine969(*) n'emporte qu'une approbation mitigée de notre part.

Toutefois au-delà de ces infractions politiques par nature, il existe le catalogue impressionnant des incriminations prévues et punies par le livre second du code pénal congolais. Il y faut y ajouter les autres infractions portées par des lois complémentaires et particulières. Elles recouvrent la qualification générique des infractions de droit commun. Il est possible aussi que les infractions militaires soient en cette occurrence à mettre sous la catégorie d'infractions de droit commun. En effet, vis-à-vis des infractions politiques, les infractions militaires rentrent dans la catégorie de droit commun.

Au-delà de cette summa divisio, il existe ce que l'on nommerait volontiers les infractions mixtes. Il s'agit, en effet, de celles que commettrait un auteur non politique dans le champ politique. Il est entendu que le comptable public qui aide le premier Ministre ou le Chef de l'Etat à faire des faux en écritures destinées à justifier des malversations financières faisant l'objet d'une motion de censure à l'Assemblée nationale, non seulement commet un faux en écritures publiques de droit commun mais il reste susceptible d'être poursuivi comme coauteur de l'infraction politique d'atteinte à la probité.

La question de la nature politique semble avoir quitté les rivages de la doctrine pour être définitivement réglé par le constituant. En effet, serait politique l'infraction qualifiée telle par le constituant au regard des dispositions de l'article 164 de la Constitution.

Ainsi donc, sont politiques les infractions de haute trahison, d'outrage au parlement, d'atteinte à l'honneur ou à la probité et les délits d'initié. Les infractions de droit commun commises à l'occasion ou dans l'exercice de leurs fonctions empruntent cependant la nature politique par accession et rendent leurs auteurs justiciables devant la Cour constitutionnelle.970(*)

La question qui demeure est que s'agissant des infractions de droit commun qui serait commises par le chef de l'Etat ou le premier Ministre, il faudra non seulement les assimiler à des infractions politiques dans la mesure où elles concernent des institutions ou des autorités les plus élevées de l'Etat mais surtout se soumettre à la mise en accusation prévue par l'article 166 de la Constitution.

Par son vote renforcé, et la forme de la décision qui est une résolution du parlement siégeant en congrès, la disposition relative à ce mécanisme de poursuites et de mise en accusation risque d'être longtemps lettre morte. En effet, ces mécanismes constitutionnels sont ceux qui exigent une culture politique non partisane pour leur exécution. Comment d'ailleurs les mettre en mouvement dans un cadre procédural où la poursuite éventuelle du président de la République est nécessairement perçue comme une trahison sinon une tentative de coup d'Etat par le clan opposé à ce dernier ? A cet égard, le droit constitutionnel pénal congolais risque fort bien de demeurer un droit de décoration et rejoindre ainsi les institutions de mimétisme institutionnel qui constituent des fausses fenêtres dont parle J.-V. Djelo Empenge Osako.

Faute d'étudier les infractions de droit commun qui font l'objet des développements savants de brillants pénalistes,971(*) il est utile d'aborder ici les seules infractions politiques érigées par le constituant de 2006.

B. Les éléments constitutifs des infractions constitutionnelles prévues

Ici, l'on va tenter de procéder à la manière de pénalistes pour ressortir les éléments matériels avant les éléments intentionnels, l'élément légal étant le texte constitutionnel.

Ainsi, le constituant incrimine les comportements constitutifs de haute trahison. Il y a haute trahison lorsque le Président de la République a violé intentionnellement la Constitution ou lorsque lui ou le premier Ministre sont reconnus auteurs, coauteurs ou complices de violations graves et caractérisées des droits de l'homme, de cession d'une partie du territoire national.

En systématisant, l'on remarque sans peine que les éléments matériels sont constitués dans la violation intentionnelle de la Constitution, la violation grave et caractérisée des droits de l'homme et la cession d'une partie du territoire national. Chacun de ces trois éléments matériels appelle un commentaire de notre part.

Si la violation de la Constitution est une affaire de constat par le juge constitutionnel éventuellement saisi en interprétation, ou statuant comme juge répressif et se trouvant là devant une question préalable de savoir s'il y a violation intentionnelle de la Constitution, cette question sera toujours une question de fait laissée à la seule appréciation souveraine du juge constitutionnel.

En effet, à partir de quel élément peut-on inférer qu'une violation est devenue intentionnelle ? Le juge scrutera les intentions, à notre avis, en recourant au contexte de la violation et aux antécédents politiques du pays.

L'écriture constitutionnelle semble inférer que seul le Président de la République demeure responsable de la réalisation de la haute trahison par cette modalité de violation intentionnelle de la Constitution, le premier ministre ne pouvant être poursuivi que comme auteur, coauteur ou complice de violations graves et caractérisées de droits de l'homme et de cession d'une partie du territoire national.

Là aussi, les violations graves et caractérisées des droits de l'homme sont d'une vacuité inadmissible dans un texte incriminateur. Les violations de droits de l'homme deviennent-elles graves et caractérisées lorsqu'elles constituent des crimes relevant du statut de Rome de la Cour pénale internationale c'est-à-dire les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et le génocide ?

Aliis verbis, qu'est-ce qu'une violation grave et caractérisée de droits de l'homme ? C'est finalement une question de fait que devra résoudre le juge constitutionnel répressif. En revanche, la répétition et l'ampleur seraient des critères plus ou moins fiables pour indiquer au juge les caractères grave et caractérisé de la violation incriminée. Par ailleurs, la constitution prévoyant la cession d'une partie du territoire national972(*), il faut entendre donc par cet élément constitutif la seule cession frauduleuse du territoire national.

En second lieu, il y a l'infraction politique d'atteinte à l'honneur ou à la probité. Cette infraction se réalise en deux temps : primo, lorsqu'il y a comportement contraire aux bonnes moeurs ; secundo, lorsque les autorités publiques visées sont reconnues responsables de malversations, de corruption ou d'enrichissement illicite.

Ces deux éléments constitutifs posent problème tant l'énoncé incriminateur est trop général. En effet, le comportement personnel du chef de l'Etat ou du premier Ministre doit être contraire aux bonnes moeurs. La notion de bonnes moeurs est d'une relativité qui est à la fois contextuelle, historique et géographique. L'incrimination n'étant pas précise dans son énoncé, elle pose en effet le problème précis de sa rationalité praxéologique. Telle disposition perd en efficacité normative tant elle ne règle pas de manière claire les questions de son contenu.

La seconde modalité de commission de cette infraction pose problème également car elle postule en effet que les auteurs présumés doivent avoir été au préalables convaincus de malversations, de corruption ou d'enrichissement illicite pour être ensuite poursuivis et jugés pour atteinte à l'honneur.

Telle formulation fait double emploi : un chef de l'Etat ou un premier Ministre convaincus des infractions visées à l'alinéa 2 de l'article 165 ne peut plus être chef de l'Etat car aux termes de l'article 167 alinéa 1er, il aura été déchu de ses fonctions empêchant ainsi la réalisation de cette infraction qui exige que son auteur soit chef de l'Etat ou premier Ministre.973(*)

En troisième lieu, il y a l'infraction de délit d'initié qui exige les éléments constitutifs suivants : être Président de la République ou premier Ministre, effectuer des opérations sur valeurs immobilières ou sur marchandises à l'égard desquelles l'on possède des informations privilégiées et tirer profit avant la divulgation desdites informations au public.

Il en est de même de l'achat des actions ou de la vente des actions fondés sur des renseignements qui ne seraient jamais divulgués aux actionnaires. Ces éléments constitutifs n'appellent guère de commentaire particulier sauf à remarquer qu'il s'agit de la mise en oeuvre de la disposition de l'article 96 de la Constitution qui établit une incompatibilité des fonctions absolue dans le chef du Président de la République974(*) alors que pour le premier Ministre, une incompatibilité plus ou moins relative est établie à l'égard de toutes les fonctions à l'exception des activités agricoles, artisanales, culturelles, d'enseignement et de recherche. 975(*)

Le constituant ne semble pas permettre que le Chef de l'Etat surtout ait une quelconque activité professionnelle, même pas une ferme puisqu'elle constituerait une activité agricole permise uniquement aux membres du gouvernement.

En quatrième lieu, il y a enfin l'infraction d'outrage au Parlement. Elle vise les éléments constitutifs suivants : être premier Ministre, recevoir des questions posées par l'une ou l'autre chambre du Parlement relativement à l'activité gouvermentale et ne pas répondre dans un délai de trente jours. C'est sans commentaire l'infraction la plus caractéristique du droit constitutionnel congolais car elle vise à obliger le premier ministre à répondre aux questions des autres représentants de la Nation.

Curieuse chose, s'il en fut ; car, le premier Ministre étant l'émanation de la majorité parlementaire, celle-ci aura du mal à livrer son élu aux gémonies d'une minorité politique en proie à des fortes frustrations pour n'avoir pas reçu de réponse dans le délai.

Les éléments intentionnels ainsi que l'on l'a vu sont de l'ordre du dol spécial. En effet, l'infracteur doit avoir eu conscience qu'il commet une interdiction comportementale prévue par la constitution et avoir choisi de le faire quand même. Ce catalogue d'infractions pose aussi le problème pénal de la sanction comminée contre les auteurs des faits punissables.

C. Problématique de la sanction pénale

Le constituant ayant choisi de poser des normes comme législateur pénal, il eut fallu aller jusqu'au bout de sa logique en portant des sanctions pénales à chaque incrimination. Il semble qu'il n'a porté que la seule sanction de déchéance des fonctions comme peine accessoire à la condamnation. A défaut des règles plus spéciales, l'on est autorisé à penser que les autres normes de droit pénal ordinaire jouent ici aussi en faveur des prévenus de la Cour constitutionnelle. L'on peut observer déjà que contrairement à l'usage établi les infractions qui sont portées par la loi fondamentale seront comminées des peines prévues par une loi organique.

Enfin de comptes, le législateur organise devra comminer des peines à chacun des comportements incriminés par le constituant. Le régime pénitentiaire devrait être également fixé par la même loi pou faire économie de temps et de texte. La condamnation du Président de la République ou celle du premier Ministre peut donner lieu à la condamnation des personnes qui seraient coauteurs ou complices avec ces hauts dirigeants du pays. Cette condamnation pose une autre problématique qu'il faut étudier ici.

D. Le privilège de juridiction et le double degré de juridiction : violation de l'article 61 de la Constitution ?

Le privilège de juridiction, de tous temps, a été l'apanage des plus hautes autorités du pays. Il a été dit et ressassé que ce privilège n'en était pas un tant le principe demeure l'égalité des citoyens devant la justice. Il a été également avancé que ledit privilège était établi pour protéger le juge contre les influences dont il pourrait être l'objet de la part des justiciables les plus fortunés ou ceux occupant les premières places dans la Cité. L'argumentation a fait des émules et même le constituant semble s'être rangé de ce coté-là.

La question surgit brusquement lorsque l'on sait que les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d'aucun recours alors que l'article 61 de la Constitution range le droit de recours parmi les droits indérogeables des citoyens. Il se pose la question théorique des deux normes constitutionnelles contradictoires.

En d'autres termes, il se posera la question de la constitutionnalité de la loi organique sur la Cour constitutionnelle lorsque celle-ci reprenant la disposition constitutionnelle affirmera écarter le droit de recours contre les arrêts de cette haute juridiction. Par le biais de la théorie de la loi-écran, la Cour pourrait très bien décréter l'inconstitutionnalité de cette disposition légale. Elle aura donc le choix entre privilégier l'article 61 de la Constitution si elle est progressiste en matière des droits de l'homme ou plus conservatrice, s'accrocher à l'article 168 de manière viscérale.

La seconde hypothèse semble plus réaliste car elle vise à asseoir l'autorité de la Cour constitutionnelle qu'elle ne saurait raisonnablement saper elle-même. Au demeurant, telle est la logique d'ensemble du système de justice constitutionnelle instauré dans le pays et qui est dans le modèle européen que l'on a vu plus loin.

Le problème ainsi posé se posera chaque fois qu'un justiciable ordinaire suivra le Chef de l'Etat ou le Premier ministre devant la Cour constitutionnelle par le mécanisme de la participation criminelle. Ce pauvre justiciable sera condamné de manière irrémédiable sans une seule possibilité de recours pourtant reconnu à tous les autres citoyens. Loin d'être une question de constitutionnalité, c'est l'égalité des citoyens devant la justice qui est rompue et qui entraîne une incohérence systémique.

Il n'est pas exclu de lege ferenda d'observer qu'il est possible d'organiser à l'intérieur de la Cour constitutionnelle une chambre d'appel pour concilier l'article 61 et les dispositions de l'article 168 susmentionné.

Telle formule est en marche devant la justice pénale internationale.976(*) Ainsi, si les arrêts de la Cour constitutionnelle ne sont pas susceptibles de recours devant une autre instance, ils demeurent néanmoins réformables par elle-même.

La formule consisterait à introduire des recours devant la Cour siégeant in plenum alors qu'au premier degré, elle siégerait en formation restreinte. Il s'agit d'une anomalie qu'il faut extirper du système de justice politique de la République démocratique du Congo comme celle qui concerne les arrêts de la haute Cour militaire congolaise.

* 967 Lire MAMPUYA KANUNK'a-TSHIABO (A.), Espoirs et déception de la quête constitutionnelle congolaise. Clés pour comprendre le processus constitutionnel du Congo-Kinshasa, Kinshasa, Nancy, AMA.Ed-BNC, 2005.

* 968 NYABIRUNGU MWENE SONGA, Traité de droit pénal zaïrois, Kinshasa, éditions DES, 1989, pp.186-188.

* 969 Idem, p.187.

* 970 Lire article 164 de la Constitution.

* 971 NYABIRUNGU mwene SONGA, op.cit, 375 pp. ; LUKILA BOLONGO, Droit pénal spécial, op.cit, 555 pp. 

* 972 Lire l'article 214, alinéa 2 de la Constitution du 18 février 2006.

* 973 Article 167 de la Constitution du 18 février 2006.

* 974 Article 96 de la Constitution.

* 975 Article 97 de la Constitution.

* 976 Lire notamment le traité de Rome sur la Cour pénale internationale, Codes Larcier RDC, tome 2, Matières pénales, Bruxelles, Larcier, 2002.

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