![](De-limmunite-penale-des-vols-commis-entre-parents-et-allies-en-droit-rwandais1.png)
FACULTE DE DROIT
B. P. 117 BUTARE
DE L'IMMUNITE PENALE DES VOLS
COMMIS ENTRE PARENTS ET ALLIES
EN DROIT RWANDAIS
Mémoire présenté en vue de
l'obtention du Bachelor's degree en Droit (LL. B)
Par Richard KAYIBANDA
Directeur: Lambert DUSHIMIMANA, (LL. M)
Huye, Août 2008
![](De-limmunite-penale-des-vols-commis-entre-parents-et-allies-en-droit-rwandais2.png)
EPIGRAPHE
« La protection d'une valeur sociale ne
semble pas être l'inquiétude prioritaire lors du prononcé
d'une sanction civile si celle-ci intervient en dehors de toute application
possible du droit pénal »
LOÏC DE GRAEVE
|
![](De-limmunite-penale-des-vols-commis-entre-parents-et-allies-en-droit-rwandais3.png)
A feu notre père Célestin KAYIBANDA,
parti au moment où on avait le plus besoin de vous, A notre humble
et bienveillante mère Bernadette MUKASHARANGABO, En gage d'admiration
et de reconnaissance des sacrifices que vous vous étés
infligés pour nos études; A notre frère Philibert
KAYIBANDA, A nos soeurs : M. Grâce KAYIBANDA U., M. Jacqueline
KAYIBANDA N., M. Christine KAYIBANDA N., M. Francine KAYIBANDA
N.,
Dédions-nous ce
mémoire.
iii REMERCIEMENTS
Le cycle à peine a fini sa carrière ! Ce travail
qui en est le couronnement ne saurait être réalisé n'eut
été le concours de longs et durs efforts de plusieurs personnes.
Alors comment ne pas remercier tous ceux qui, de quelque manière que ce
soit, ont contribué à l'achèvement de ce travail?
Cette occasion nous est offerte pour adresser tout
particulièrement nos remerciements à notre directeur de
mémoire Mr Lambert DUSHIMIMANA qui, malgré ses multiples
tâches, a bien accepté de guider nos pas pendant cet exercice
intellectuel. Son exceptionnelle disponibilité, ses conseils
précieux et remarques si éclairants nous ont été
d'une utilité sans égal. Qu'il nous soit permis de lui exprimer
toute notre profonde gratitude.
L'honneur nous échoît également de
formuler nos remerciements à tout le corps professoral de la
Faculté de droit de l'Université Nationale du Rwanda. Nous ne
saurions passer sous silence les collègues de la toute sympathique
promotion finaliste pour avoir su entretenir une bonne ambiance non seulement
pendant les plus merveilleux, mais aussi les plus durs moments de notre
séjour au campus.
Nous éprouvons le plaisir de remercier tous ceux et
toutes celles qui, d'une manière toute spéciale nous ont
prêté main forte tant matériellement que moralement tout au
long de nos études tout particulièrement notre parrain
Védaste KARANGWA qui, après que notre père ait
trépassé inopinément, a assumé d'ores et
déjà, en plus de la tâche de veiller à notre
éducation spirituelle, les responsabilités incombant à
notre feu père. Merci infiniment !
Nous tenons plus particulièrement à signifier
toute notre reconnaissance à notre famille et à nos amis pour
leur soutien sans faille, leur aide et encouragements. Plus
précisément nous souhaitons remercier notre mère pour son
inconditionnel soutien affectif et moral.
iv SIGLES ET ABREVIATIONS
al. : alinéa
Art. : Article
Bull. crim. : Bulletin des arrêts de la chambre criminelle
de la Cour de cassation
française
C. A. : Cour d'appel
Cass. : Arrêt de la Cour de cassation belge
Cass. crim. : Arrêt de la chambre criminelle de la Cour de
cassation
française
CCL I : Code civil livre premier
C. P. : Code pénal
dir. : ouvrage publié sous la direction de
éd. : édition
http : Hypertext Transfer Protocol
Ibid. : Ibidem « même auteur, même
ouvrage et même page>>
Id. : Idem « même auteur, même ouvrage
; mais page différente>>
JCP : JurisClasseur Périodique (la semaine juridique)
J.O.R.F. : Journal Officiel de la République
française
J.O.R.R. : Journal Officiel de la République du Rwanda
L.G.D.J. : Librairie générale de droit et de
jurisprudence
Litec : Librairie technique
op. cit. : opere citato «ouvrage déjà
cité >>
p. : page
pp. : pages
PUF : Presses Universitaires de France
ss. : suivants
supra : plus haut
T. : Tome
T.G.I. : Tribunal de Grande Instance
UNR : Université Nationale du Rwanda
Vol. : Volume
Voy. : Voyez
www : World Wide Web
v TABLE DES MATIERES
EPIGRAPHE i
DEDICACE ii
REMERCIEMENTS iii
SIGLES ET ABREVIATIONS iv
TABLE DES MATIERES v
INTRODUCTION GENERALE 1
I. Présentation du sujet 1
II. Position du problème 2
II. Intérêt du sujet 3
III. Objectifs de la recherche 3
IV. Méthodologie de la recherche 4
VI. Délimitation et subdivision du travail
4
CHAPITRE PREMIER: CONSIDERATIONS GENERALES SUR
L'IMMUNITE
POUR VOLS COMMIS AU SEIN DE LA FAMILLE 5
Section première: Définition, nature
juridique et caractère de l'immunité familiale 5
§1. Définition 5
§2. La nature juridique 7
A. L'immunité familiale et le fait justificatif 7
B. L'immunité familiale et l'excuse 8
C. L'immunité familiale et la cause de non-
imputabilité 10
D. L'immunité d'un genre spéciale (sui generis)
11
§3. Caractère de l'immunité 12
A. Le caractère réel 12
B. Le caractère personnel 13
Section II. Le fondement de l'immunité
14
§1. Le patrimoine familial 14
§2. Maintien de la paix familiale 15
Section III. Effets de l'immunité 17
§1. Effet pénal 17
A. Obstacle aux poursuites 17
B. La portée de l'obstacle 19
§2. Effet civil 20
vi
A. L'action en réparation 20
B. L'action en revendication 21
C. L'action en recel de succession 21 CHAPITRE II.
DOMAINE D'APPLICATION ET REPERCUSSIONS DE
L'IMMUNITE PENALE POUR VOLS COMMIS AU SEIN DE LA FAMILLE
23
Section première : Domaine de l'immunité
quant aux personnes 23
§1. Les personnes jouissant de l'immunité 23
A. Vols commis par les époux au préjudice de leurs
conjoints 24
B. Vols commis par ascendants au préjudice des
descendants et vice versa 26
C. Les vols commis entre alliés au même
degré 28
§2. La non extension de l'immunité aux coauteurs et
complices 29
A. Les tiers coauteurs ou receleurs 29
B. Les complices des bénéficiaires de
l'immunité 30
1. Accord de l'immunité au tiers complice
30
2. Refus du bénéfice de l'immunité
au tiers complice 31
§3. La preuve de l'existence du lien familial 33
A. La charge de la preuve 33
B. Les règles régissant la preuve 33
Section II. Domaine d'application de l'immunité
quant aux infractions 35
§1. Les vols 36
A. Vols simples 36
1. Les conditions préalables 36
2. Les éléments proprement constitutifs
38
B. Vols aggravés 39
1. Circonstances aggravantes constitutives d'infractions
40
2. Circonstances aggravantes non constitutives
d'infractions 41
C. Vols constitutifs de circonstances aggravantes d'autres
infractions 41
§2. Les extorsions, abus de confiance et escroqueries 43
Section III. Domaine d'application de l'immunité
quant aux objets sur lesquels porte
l'infraction 44
§1. La propriété familiale 44
A. Choses appartenant en totalité à un parent ou
allié 44
B. Choses appartenant en partie à un parent ou
allié 45
C. Les choses saisies ou déposées entre les mains
d'un parent ou allié 46
vii
§2. Atteinte juridique à la chose 48
Section IV. Les répercussions de l'immunité
familiale 49
§1. Incitation aux actes immoraux et anti-sociaux 49
§2. Fragilisation du droit de propriété 50
§3. Difficulté de preuve en cas d'action civile en
réparation 52
CONCLUSION GENERALE 53
BIBLIOGRAPHIE GENERALE 55
1 INTRODUCTION GENERALE
I. Présentation du sujet
«Toute personne a droit à la
propriété privée, individuelle ou collective. La
propriété privée, individuelle ou collective est
inviolable. Il ne peut y être porté atteinte que pour cause
d'utilité publique, dans les cas et de la manière établis
par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnisation
»1.
Ce principe consacré par la Constitution de la
République du Rwanda répond aux aspirations de tout homme qui
veut parvenir au plein épanouissement de son être par la garantie
et la sécurité de ses biens.
Néanmoins, le nombre de ceux qui refusent à
vivre du fruit de leur travail honnête s'accroît de temps en temps.
L'un des moyens auxquels ressortent ces derniers est le vol qui est
défini par le Code pénal de façon général
comme la soustraction frauduleuse de la chose d'autrui2 . Le pire
est que cette pratique abominable est constatée même entre les
personnes liées par des liens familiaux telle la parenté et
l'alliance. D'où le législateur est intervenu pour venir en aide
aux victimes et à la société en général en
incriminant cette pratique qu'est le vol.
Cependant la lecture de l'art. 397 al.1 du Code pénal
qui dispose « Ne donneront lieu qu'à des réparations
civiles, les vols et extorsions commis par des époux au préjudice
de leurs conjoints, par un veuf ou une veuve, quant aux choses qui avaient
appartenu à l'époux décédé, par des
descendants au préjudice de leurs ascendants, par des ascendants au
préjudice de leurs descendants, ou par des alliés au même
degré », instaure une immunité pour les vols commis entre
parents et alliés.
1 Art. 29 de la Constitution de la République
du Rwanda du 4 Juin 2003 telle que révisée à ce jour,
J.O.R.R., no spécial du 04/06/2003.
2 Art. 396 du Code pénal du Rwanda
institué par le Décret-loi n° 21/77 du 18 Août 1977, in
J.O. n° 13 bis 1978 tel que confirmé par la Loi
no 01/82 du 26 Janvier 1982, J.O., 1982, p. 227.
En effet, le législateur rwandais a instauré
cette immunité dans l'intérêt de l'ordre et de
l'équilibre des familles3. Ce qui est aussi de l'avis de
certains auteurs étrangers qui affirment que l'immunité
accordée aux infractions contre les propriétés commises au
préjudice de certains parents et alliés procède des
considérations de convenances sociales et de ce qu'une intervention
judiciaire aggraverait les conflits de famille4. C'est dans le souci
de faire une étude approfondie sur cette immunité, ses
répercussions éventuelles et son opportunité que nous nous
sommes décidé d'effectuer ce travail que nous intitulons
« DE L'IMMUNITE PENALE DES VOLS COMMIS ENTRE PARENTS ET ALLIES
EN DROIT RWANDAIS ».
II. Position du problème
Comme il ressort de la littérature
précédente, le législateur a instauré une
immunité pour des vols commis entre parents et alliés en
considération des raisons de convenances familiales et de la
communauté d'intérêt qui existent entre les membres d'une
même famille. Loin de contester le bien-fondé des buts
visés par le législateur rwandais, force nous est d'analyser les
dispositions du code pénal relatives à cette immunité et
d'examiner l'opportunité de cette dernière. Ainsi toute une
série de questions y relatives méritent d'être
posées.
Cette immunité s'étend elle à la
parenté naturelle et adoptive? Survit-elle à la séparation
de corps ou au divorce?
Le bénéfice de l'immunité s'applique-t-il
aux vols commis par des enfants ou descendants au préjudice des
alliés de leurs ascendants et vice versa?
Qu'en est-il des vols commis avec des circonstances aggravantes
?
Quel est le sort de l'action civile intentée à
raison de l'un de ces vols ? Est-ce que cette immunité ne risque-t-elle
pas de rendre difficile l'établissement de la preuve du préjudice
subi ?
D'autre part, l'opportunité de l'immunité
introduite par le législateur soulève aussi la question de savoir
si les buts visés par le législateur rwandais ne peuvent pas
être atteints par un autre procédé que l'octroi de
l'immunité. L'assurance de l'impunité ne risque-t-elle pas
d'inciter aux actes qui ne tiennent nullement compte de la protection à
accorder à la famille ?
3 R. KINT, Droit pénal spécial,
Manuel de droit rwandais, Butare, UNR, 1993, p. 126.
4 H. BEKAERT, Théorie
générale de l'excuse en droit pénal, Bruxelles, Ets
Emile Bruylant, 1957, p. 27.
Par exemple, dans l'état actuel des textes, si le mari
prend les biens de son épouse pour aller les vendre à son insu,
cette dernière ne peut pas bénéficier de la protection de
la loi pénale. Ne faudrait-il pas laisser à la famille la
possibilité de juger elle-même de l'opportunité des
poursuites ?
Ceci est indispensable surtout que selon la législation
en vigueur les époux peuvent, par exemple, opter pour le régime
de la séparation des biens. Ici il y a alors une nette séparation
des biens de façon que chacun des époux a ses biens qu'il ne faut
pas laisser à la merci de l'autre.
Est-ce que cette disposition du code pénal ne rend pas
fragile le principe de l'inviolabilité de la propriété
individuelle ou collective consacré par la constitution?
Autant de questions constitueront le moteur de notre
recherche.
II. Intérêt du sujet
L'intérêt de notre travail n'est pas moins
réel. En effet, le public rwandais a besoin d'être
éclairé sur l'immunité dont il est question dans les
lignes précédentes et que le législateur n'a
énoncé que sommairement.
Ensuite il faut que ceux qui tiennent les rênes de
l'appareil judiciaire soient mieux éclairés sur les dispositions
relatives à cette immunité en vue d'une meilleure administration
de la justice. En outre, ce travail va attirer l'attention du
législateur sur l'opportunité d'intervenir et
éventuellement retoucher le code pénal quant aux dispositions
relatives à l'immunité entre parents et alliés afin
d'éviter que les intérêts que le législateur a voulu
protéger soient compromis par une sorte d'impunité.
Enfin, il va sans dire que ce travail constitue une
contribution d'une importance indubitable à la doctrine rwandaise qui
est rare bien qu'attendu tant par les praticiens que les théoriciens du
droit pénal rwandais.
III. Objectifs de la recherche
En outre, ce travail a pour objectif d'attirer l'attention du
législateur sur la nécessité d'intervenir afin
d'améliorer le système des immunités familiales.
IV. Méthodologie de la recherche
La première démarche suivie pour réaliser
notre travail a été l'analyse juridique des textes légaux
qui se rapportent à notre matière.
Nous avons ensuite analysé la doctrine aussi bien
rwandaise qu'étrangère en rapport avec notre sujet qui nous a
permis d'émettre des considérations à propos de notre
sujet de recherche.
La jurisprudence étrangère nous a été
d'une grande utilité étant donné la rareté ou
même l'absence de la jurisprudence nationale.
VI. Délimitation et subdivision du
travail
Sans prétendre tout épuiser, notre étude
ne s'est limitée qu'aux immunités pénales pour les vols
commis entre parents et alliés. En effet, nous n'avons abordé
nullement toute autre sorte d'immunité car elles procèdent des
considérations distinctes selon les intérêts
protégés. Cependant, comme le législateur a prévue
la même immunité pour d'autres infractions proches du vol en
renvoyant à l'article qui parle de l'immunité pour vol, nous
n'avons pas passé sous silence ces autres infractions5.
Notre travail est subdivisé en deux chapitres.
Après l'introduction générale, le premier chapitre est
consacré aux considérations générales sur
l'immunité pour vols commis au sein de la famille. Ensuite, le
deuxième chapitre traite le domaine d'application de cette
immunité pénale. Enfin une brève conclusion et les
recommandations coiffent notre travail.
5 Voy. les art. 397 et 404-405(extorsions),
424-426(abus de confiance) et 428-430(escroqueries) du Code pénal du
Rwanda institué par le Décret-loi n° 21/77 du 18 Août 1977,
J.O. n° 13 bis 1978 tel que confirmé par la Loi no 01/82
du 26 Janvier 1982, J.O., 1982, p. 227.
CHAPITRE PREMIER: CONSIDERATIONS GENERALES SUR L'IMMUNITE
POUR VOLS COMMIS AU SEIN DE LA FAMILLE
Le code pénal du Rwanda en son article 397 al.1
prévoit que le lien familial constitue une cause d'impunité en
cas de vol ou d'extorsion commis entre parents et alliés. Dès
lors les auteurs de ces infractions échappent à la
répression pénale lorsque ces dernières ont
été commises dans le cadre de la famille.
Dans le présent chapitre il sera, de prime abord,
question d'examiner successivement ce que l'on attend par cette immunité
familiale, sa nature juridique ainsi que son caractère (première
section). Nous traiterons ensuite les effets de cette immunité
(deuxième section) et enfin le fondement de cette immunité
(troisième section).
Section première: Définition, nature
juridique et caractère de l'immunitéfamiliale
L'immunité pour vols commis au sein de la famille n'est
pas une notion familière ; d'où il s'avère
nécessaire de la définir. De surcroît, la nature juridique
de cette cause d'impunité est sujette à controverses. C'est alors
avec raison qu'il convient de l'analyser en la comparant à des notions
voisines pour en cerner exactement la nature. Enfin, il faut en préciser
le caractère.
§1. Définition
Selon R. GUILLIEN et J. VINCENT l'immunité est une
exception prévue par la loi, interdisant la condamnation d'une personne
qui se trouve dans une situation bien déterminée6. Les
immunités peuvent être considérées comme des causes
d'exemption de la peine car les personnes qui en bénéficient
peuvent avoir commis une faute, mais les tribunaux n'ont pas le pouvoir
d'apprécier ce point, car la poursuite doit être abandonnée
dès que l'on aperçoit qu'elle viserait une personne
bénéficiant de l'immunité7.
6 R. GUILLIEN et J. VINCENT, Lexique des termes
juridiques, 14è éd., Paris, Dalloz, 2003, p.
306.
7 G. STEFANI, G. LEVASSEUR et B. BOULOC, Droit
pénal général, 17ème éd.,
Paris, Dalloz, 2000, p. 498.
J. P. DOUCET quant à lui, définit l'immunité
comme une sorte de passe-droit, de faveur qui place telle ou telle personne
à l'abri de poursuites pénales quant à tel ou tel type
d'infraction8.
Le même auteur précise que l'immunité
familiale implique que l'existence de liens familiaux, dont le
législateur doit tenir compte du fait que la cohésion des
familles forme l'assise de la société, fait échec à
l'application de certaines règles de droit criminel. L'immunité
familiale se manifeste sous trois cas généraux : exception
à l'obligation de dénoncer les infractions, exception à
l'obligation de témoigner sous serment et l'interdiction de poursuites
pour atteinte patrimoniale dans le cadre de la famille. Néanmoins, c'est
cette dernière forme qui va retenir notre attention.
D'après R. GUILLIEN et J. VINCENT l'immunité de
l'art. 311-129 du Code pénal français (art. 397 al.1
du code pénal rwandais) est la règle selon laquelle des
poursuites pénales ne sont pas possibles en matière de
soustraction frauduleuse, entre époux, ascendants et
descendants. Il faut noter que le code pénal
rwandais ajoute également les alliés au même
degré10. Ainsi, à notre humble avis, l'immunité
de l'art. 397 al.1 du code pénal rwandais doit être définie
comme la règle selon laquelle des poursuites pénales ne sont pas
possibles en matière de vols entre époux, ascendants et
descendants et entre alliés au même degré. Cette
règle est établie pour éviter les procès
répressifs entre proches parents et n'empêche pas des poursuites
sur le plan civil et commercial11.
Après avoir défini l'immunité dont
jouissent les auteurs des vols commis dans le cadre de la famille, il importe
de voir quelle est la qualification qui doit être donnée à
la disposition qui exempte de peine l'ascendant, le descendant, le conjoint ou
l'allié de la personne volée. Est-ce un fait justificatif ?
Est-ce une excuse ? Est-ce une cause de non imputabilité ?
8 J. P. DOUCET, Dictionnaire de droit
criminel, en ligne sur «
http://
ledroitcriminel.free.fr/dictionnaire lettre i/lettre i
i.htm», consulté le 31 Mars 2008.
9 Code pénal français tel que
consolidé le 29 mai 2008, en ligne sur «
http://www.codes-et-lois.fr/code.penal»,
consulté le 10 juin 2008.
10 Art. 396 al.1 du Code pénal du Rwanda
institué par le Décret-loi n° 21/77 du 18 Août 1977,
J.O. n° 13 bis 1978 tel que confirmé par la Loi
no 01/82 du 26 Janvier 1982, J.O., 1982, p. 227.
11 R. GUILLIEN et J. VINCENT, Lexique des termes
juridiques, Paris, Dalloz, 1970, p. 223.
7 §2. La nature juridique
La nature juridique de l'immunité pour vols au sein de
la famille est controversée. Diverses opinions qui ont été
défendues par la doctrine belge et française peuvent toutes
être consultées étant donné qu'on trouve dans le
Code pénal belge (art.462)12 et le Code pénal
français (art.311-12) les dispositions semblables à celles du
Code pénal rwandais. Ainsi l'immunité sera comparée
successivement au fait justificatif, à une excuse et à une cause
de non imputabilité pour pouvoir enfin dégager sa nature
juridique exacte.
A. L'immunité famiiale et le fait justificatif
On pourrait penser que l'article 397 du Code pénal
prévoit un fait justificatif. Mais ceci n'est pas vrai. En effet, les
faits justificatifs sont des circonstances matérielles ou juridiques
dont la réalisation enlève la responsabilité pénale
et découlent de la volonté expresse ou tacite du
législateur13. Cette cause d'irresponsabilité
s'attache à l'acte qui est, exceptionnellement, considéré
comme licite14.
Dès lors le fait justificatif tout comme l'immunité
familiale est prévu par le législateur et de tous les deux
résulte que l'auteur de l'acte n'encourt pas la sanction
pénale.
Cependant, la disposition susdite ne fait pas
référence à un fait justificatif. En présence d'un
fait justificatif il n'y a absolument aucune infraction et la faute civile est
même exclue15alors qu'en cas d'immunité l'infraction
est simplement réputée non commise16et l'acte ne perd
pas son caractère délictueux17. L'infraction est
légalement constituée ; il est seulement prévu que
l'auteur ne pourra pas être puni et ne sera tenu qu'aux
réparations civiles18.
12 Code pénal belge du 08 Juin 1867, en ligne
sur «
http://
www.juridat.be./cgi_loi/loi_F.pl?cn=1867060801. »,
consulté le 01/05/2008.
13 * R. GUILLIEN et J. VINCENT, op. cit., p. 268.
*En droit pénal rwandais les faits justificatifs sont la
légitime défense (Art. 337-338 C.P.) et l'état de
nécessité qui n'est pas expressément prévue par le
code pénal ; mais qui résulte de la jurisprudence et la doctrine
comme il en est le cas pour l'article 327 du Code pénal.
14 J. PRADEL, Principes de droit criminel,
Paris, Editions Cujas, 1999, p. 142.
15 Encyclopédie Dalloz, Répertoire
de droit pénal et procédure pénale, « Vol
», par M. P. LUCAS DE LEYSSAC, no264.
16 Cass. crim. 8 juin 1821, DP 21. 1. 169, in
Encyclopédie Dalloz, Répertoire de droit pénal et
procédure pénale, « Vol », par M. P. LUCAS DE
LEYSSAC, no264.
17 R. KINT, op. cit, p. 123.
18 Ibid.
C'est ainsi qu'en cas d'immunité, les faits peuvent
servir de base à une participation punissable19 alors que le
fait justificatif quant à lui agit sur l'existence même de
l'infraction de façon qu'il ne bénéficie pas seulement
à l'auteur de l'acte mais aussi à ses complices et
co-auteurs20. Donc, contrairement à l'immunité
familiale qui bénéficient aux seuls parents, époux et
alliés le fait justificatif constitue une cause objective
d'irresponsabilité et opère in rem21 ;
c'est-à-dire pour tous les individus pris dans la même
situation22.
B. L'immunité famiiale et
l'excuse
Pour les pénalistes belges comme GOEDSEELS, F. TULKENS
et M.Van de KERCHOVE, l'article 462 du code pénal belge (qui correspond
à l'art. 397 du code pénal rwandais) prévoit une cause
d'excuse absolutoire ou péremptoire23.
En effet, l'excuse (du latin excusare : ex-causa qui
signifie mettre "hors de cause ") désigne une cause de non
responsabilité qui est fondée sur un état psychologique de
l'auteur d'une infraction24. Selon R. GUILLIEN et J. VINCENT, les
excuses sont des circonstances ou qualités strictement
déterminées par la loi, qui obligent le juge à
atténuer ou à ne pas prononcer la peine selon qu'il s'agit
respectivement d'excuses atténuantes ou absolutoires25.
19 Voy. Art. 397al.2 du Code pénal du Rwanda
institué par le Décret-loi n° 21/77 du 18 Août 1977,
J.O. n° 13 bis 1978 tel que confirmé par la Loi
no 01/82 du 26 Janvier 1982, J.O., 1982, p. 227.
20 L. DUSHIMIMANA, Droit pénal
général, notes de cours, Butare, UNR, Faculté de
droit, 2006, p. 61 (inédites) ;
R. BERNARDINI, Droit pénal général,
Introduction au droit criminel, Théorie générale de la
responsabilité, Paris, Gualino Editeur, 2003, p. 515 et C. SHEMA
GAKUBA, L'ordre de la loi et le commandement de l'autorité dans la
législation et la jurisprudence rwandaises, Mémoire, Butare,
UNR, 2000, p. 19 (non publié).
21 J. PRADEL, Droit pénal
général, Paris, Editions Cujas, 2000, p. 286.
22 J. C. SOYER, Droit pénal et
procédure pénale, 16è éd., Paris,
L.G.D.J., 2002, p. 104.
23 J. M. C. X. GOEDSEELS, Commentaire du code
pénal belge, T. II, 2è éd., Bruxelles, Ets
Emile Bruylant, 1948, pp. 244-245, n o 2756 et
ss. et F. TULKENS et M.Van de KERCHOVE,
Introduction au droit pénal, Bruxelles, Ed. Story Scientia,
1998, p. 444.
24 J.FORTIN et L.VIAU, Traité de droit
pénal général, Montréal, Editions
Thémis Inc., 1982, p. 195.
25 R. GUILLIEN et J. VINCENT, op. cit., p.
260 ; F. TULKENS et M.Van de KERCHOVE,
op. cit., p. 442 et C. HANNEAU et J. VERHAEGEN,
Droit pénal général, 2è
éd., Bruxelles, Ets Emile Bruylant , 1995, p. 388.
Ainsi les excuses absolutoires empêchent le
prononcé d'une peine mais laissent subsister le caractère
infractionnel de l'événement accompli si la loi excuse l'individu
pour des raisons d'utilité publique26. Le coupable n'est donc
pas acquitté mais il est absous27.
Il faut par ailleurs distinguer les excuses des circonstances
atténuantes. Les premières sont rigoureusement
légales28 et s'imposent au juge car elles limitent ou
suppriment la peine en vertu de la loi alors que les dernières sont
rigoureusement judiciaires dans ce sens que leur admission et
l'appréciation des faits qui les constituent appartiennent au
juge29.
On déduit de ce qui précède que l'excuse
est légale et obligatoire et que son effet s'attache à la peine
qui est supprimée ou diminuée selon qu'il s'agit respectivement
de l'excuse absolutoire ou atténuante30. Il en est de
même pour l'immunité qui, comme vu supra, doit être
prévue par la loi et qui, à notre humble avis, est aussi
obligatoire puisque une fois prouvée le juge doit la respecter.
Cependant, pour les auteurs français comme M. L. RASSAT et
M. P. LUCAS DE LEYSSAC, l'immunité dont il est question n'est pas une
excuse absolutoire puisque l'immunité peut être invoquée
à tous les stades de la poursuite sans qu'il soit nécessaire
d'être allé jusque devant la juridiction de
jugement31alors que l'absolution ne peut être accordée
que par les juridictions32. Dès lors l'excuse n'empêche
pas le développement de l'action publique33.
Néanmoins, à cet argument on peut objecter que d'après la
pratique judiciaire rwandaise, l'excuse absolutoire peut être
constatée par l'Officier du Ministère Public et classer le
dossier sans suite34.
26 R. BERNARDINI, op. cit., p. 515 ; voy.
Aussi art.181 du Code pénal du Rwanda
institué par le Décret-loi n° 21/77 du 18
Août 1977, J.O. n° 13 bis 1978 tel que confirmé par
la Loi no 01/82 du 26 Janvier 1982, J.O., 1982, p. 227.
27 R. KINT , op. cit., p. 123 ; G. STEFANI et
G. LEVASSEUR, Droit pénal général et procédure
pénale, T.II, 2 è éd., Paris, Dalloz,
1966, p. 349.
28 Art.74 du Code pénal du Rwanda
institué par le Décret-loi n° 21/77 du 18 Août 1977,
J.O. n° 13 bis 1978 tel que confirmé par la Loi
no 01/82 du 26 Janvier 1982, J.O., 1982, p. 227.
29 H. BEKAERT , op. cit., p. 52.
30 F. TULKENS et M.Van de KERCHOVE, op. cit.,
p.443 et L. DUSHIMIMANA, op. cit., p. 80.
31 M. L. RASSAT, Droit pénal
spécial, infractions des et contre les particuliers,
2è éd., Paris, Dalloz, 1999, p. 192.
32 Garçon cité par R. KINT, op.
cit., p. 123 ; G. STEFANI et G. LEVASSEUR, op. cit., p. 350.
33 Encyclopédie Dalloz, Répertoire
de Droit Pénal et procédure pénale, « Vol
», par M. P. LUCAS DE LEYSSAC, no264.
34 Art. 43 al.1, 4o de la Loi no
13/2004 portant Code de procédure pénale telle que
modifiée à ce jour, J.O.R.R., no spécial
du 30 Juillet 2004.
Pourtant, nous nous inclinons au point de vue selon lequel
l'immunité n'est pas une excuse absolutoire étant donné
qu'il ressort des travaux préparatoires que le législateur a
opté pour le système de l'immunité sui
generis35. De surcroît, il sied de souligner que l'action
civile devra être portée devant une juridiction civile puisque
l'immunité oblige la juridiction répressive à
déclarer la poursuite pénale irrecevable36.
C. L'immunité famiiale et la cause de non-
imputabiité
L'immunité familiale de l'art. 397 al. 1 C. P. n'est
pas à confondre avec une cause de non-imputabilité.
L'imputabilité (du latin imputare qui signifie "mettre au
compte de"37) est un rapport de causalité entre l'infraction
et telle personne ; c'est-à-dire permettant de vérifier que le
résultat obtenu ou voulu est bien l'oeuvre de cette
personne38. L'imputabilité pénale
repose sur l'existence chez l'agent d'une volonté libre
et une intelligence lucide ; d'oül'auteur du délit n'est
imputable que s'il a agi en étant conscient de ce qu'il
faisait39et en
dehors de toute contrainte40. Ainsi l'infraction
disparaît lorsque l'un des deux aspects (conscient ou volontaire) de
l'acte est absent41. C'est précisément dans ce cas que
l'on parle de cause de non-imputabilité.
Les causes de non-imputabilité comme la démence,
la contrainte ainsi que l'ordre de la loi et le commandement de
l'autorité (art.70 C.P.)42constituent des causes subjectives
d'irresponsabilité qui se bornent à interdire d'imputer à
l'agent un fait qui en lui-même reste délictueux43. Ces
causes subjectives démontrent que l'individu poursuivi n'est pas apte
à répondre de ses actes et font disparaître
l'élément psychologique de l'infraction44. Ainsi elles
agissent in personam ; c'est-à-dire pour le seul individu
auquel elles s'appliquent45.
35 Exposé des motifs du Code pénal
rapporté par R. KINT, op. cit., p. 126.
36 R. KINT, op. cit., p. 124; voy. aussi
l'article 138 al. 3 de la loi no 13/2004 portant Code de
procédure pénale telle que modifiée à ce jour,
J.O.R.R., no spécial du 30 Juillet 2004.
37 E. DASKALAKIS, Réflexions sur la
responsabilité pénale, Paris, P.U.F., 1975, p. 13.
38 R. BERNARDINI, op. cit., p. 376.
39 M. ADDAD et M. BENEZECH,
L'irresponsabilité pénale des handicapés mentaux en
droit français et anglosaxon, Paris, Litec, 1978, p. 23.
40 R. GUILLIEN et J. VINCENT, op. cit., p.
294.
41 F. TULKENS et M.Van de KERCHOVE, op. cit.,
p. 320.
42 Certains auteurs placent aussi l'erreur sur le
droit parmi les causes de non-
imputabilité, voir J. C. SOYER, op. cit., p. 105
et B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, Droit pénal général et
procédure pénale, 16è éd., Paris,
Sirey, 2006, p. 114.
43 J. PRADEL, op. cit., p. 286.
44 R. BERNARDINI, op. cit.,p. 601.
45 J. C. SOYER, op. cit., p. 104 et J.
PRADEL, op. cit., p. 286.
Autrement dit, la responsabilité demeure pour les
complices ou co-auteurs qui ne sont pas concernés par cette cause
d'irresponsabilité46.
En effet, les causes de non-imputabilité sont
prévues par la loi, comme il en est le cas pour l'immunité pour
vol au sein de la famille. En outre, comme l'immunité, les causes de
non- imputabilité opèrent in personam. Néanmoins,
l'immunité n'est pas une cause de nonimputabilité, car celle-ci
ne fait tomber que l'élément moral et intentionnel et ne s'oppose
pas au développement des poursuites47. Ceci parce que
l'auteur n'a pas agi avec conscience et volonté contrairement à
l'immunité. Mais quelle est la nature exacte de l'immunité de
l'art. 397 al.1 du C.P. ?
D. L'immunité d'un genre spéciale
(sui generis)
Comme nous venons de le voir, l'immunité pour vols dans
le cadre de la famille souligne son originalité dans ce sens qu'elle ne
constitue pas un fait justificatif, une excuse ou une cause de
non-imputabilité48. Pour les auteurs comme GARCON, GOYET et
VOUIN, l'art. 380(actuellement 311-12) du Code pénal français,
auquel correspond l'art. 397 du code pénal rwandais, crée une
immunité d'un genre spécial qui est fondé sur des raisons
de convenance et de décence49. Charles RAYMOND confirme qu'il
s'agit, en droit français et belge, d'une immunité d'un
caractère tout spécial, une exception péremptoire qui
oblige les tribunaux correctionnels et les juridictions d'instruction à
déclarer la poursuite criminelle non recevable50. En effet,
il convient de souligner que même l'exposé des motifs du code
pénal rwandais emploie le terme immunité51.
D'ailleurs, le code pénal rwandais s'est inspiré de ces deux
systèmes (français et belge)52. Ainsi, nous nous
rallions à la position selon laquelle l'impunité de l'art. 397
C.P. est une immunité sui generis parce que non seulement le
législateur l'a prévu lui-même ; mais aussi parce qu'elle
ne cadre pas avec une autre cause d'irresponsabilité ou excuse.
46 R. BERNARDINI, op. cit., p. 515; E.
DASKALAKIS, op. cit., p.109; C. SHEMA GAKUBA, op. cit., p. 19
et B. BOULOC et H. MATSOPOULOU, op. cit., p. 109.
47 Encyclopédie Dalloz, Répertoire
de Droit Pénal et procédure pénale, << Vol
», par M. P. LUCAS DE LEYSSAC, no264.
48 Voy. aussi Encyclopédie Dalloz,
Répertoire de Droit Pénal et procédure
pénale, << Vol », par M. P. LUCAS DE LEYSSAC,
no264 et M. L. RASSAT, op. cit., p. 192.
49 Voy. R. KINT, op. cit., p. 123.
50 C. RAYMOND, Introduction à
l'étude du vol en droit belge et en droit français,
Bruxelles, Ets Emile
Bruylant, 1961, p. 163 ; voy. aussi H. BEKAERT, op. cit.,
p. 90.
51 Exposé des motifs du code pénal
rapporté par R. KINT, op. cit., p. 123.
52 Voy. R. KINT, op. cit., p. 126.
Apres avoir précisé la nature juridique de cette
immunité, il serait incomplet de passer sans dire un mot sur son
caractère. C'est ce à quoi nous allons nous consacrer dans le
paragraphe suivant.
§3. Caractère de
l'immunité
Des doutes ont surgi à propos du caractère
réel ou personnel de l'immunité familiale pour vols commis au
sein de la famille. Il s'avère ainsi nécessaire d'en
préciser le caractère. En effet, il apparaît essentiel de
connaître précisément les motifs du législateur si
l'on entend déterminer le caractère de cette immunité.
A. Le caractère réel
L'immunité pour vols dans le cercle de la famille
serait d'un caractère réel si elle était fondée sur
l'idée qu'il y a entre parents et alliés une sorte de
propriété collective qui ne repose précisément sur
aucune tête, mais qui a un gérant. Or, on admet, aujourd'hui, que
la notion de famille ne comporte plus tous les éléments de
copropriété de la famille romaine53. Cependant, pour
le législateur rwandais, l'immunité pour vols commis entre
parents et alliés a été instaurée aussi bien pour
des raisons de la protection à accorder à la famille que par le
fait que, au sein de la famille, si l'on ne peut parler d'une réelle
copropriété, chaque membre de la famille éprouve le
sentiment d'une sorte de droit sur les biens des autres54.
A notre avis, cet argument n'est plus convaincant dans ce sens
qu'avec la législation actuelle relative au patrimoine de la famille il
peut y avoir, entre époux qui, avec des enfants constituent la famille
nucléaire, un régime matrimonial où il y a une nette
séparation des biens des époux55.
Le caractère réel de l'immunité peut, en
outre, être recherché dans le fait qu'elle bénéficie
à tous les coparticipants. Mais, ici également le
caractère réel ne peut être retenu dans la mesure
où, comme vu supra, l'immunité dont il est question ne
bénéficie qu'aux
53 H. BEKAERT, op. cit., p. 29.
54 Exposé des motifs du Code pénal
rapporté par R. KINT, op. cit., p. 126.
55 Art.11 de la Loi no 22/99 du 12/11/1999
complétant le livre premier du code civil et instituant la
cinquième partie relative aux régimes matrimoniaux, successions
et libéralités, J.O.R.R., no 22 du
15/11/1999.
seuls parents et alliés au même degré sans
que les complices, les co-auteurs et receleurs puissent y
prétendre56.
Faut-il, maintenant, affirmer que l'immunité a un
caractère personnel?
B. Le caractère personnel
L'immunité familiale pour vols serait personnelle si
elle était fondée sur ce que, dans un intérêt de
dignité de la famille et presque de moralité sociale, la loi
défend que pour un intérêt pécuniaire les membres
d'une même famille, proches les uns des autres, puissent se faire
infliger mutuellement des peines dont les peines criminelles57.
Cependant, comme vu supra, la notion de famille ne comporte plus tous
les éléments de copropriété de la famille ;
d'où l'on est porté à dire que l'immunité pour vols
entre parents et alliés au même degré a un caractère
personnel58. D'ailleurs la punissabilité des coparticipants
et des receleurs ne laisse aucun doute sur le caractère personnel de
l'immunité59. Le caractère personnel de cette
dernière peut même résulter de la qualité
inhérente à la personne du délinquant tel le lien
familial60comme il en est le cas pour l'art. 397 al.1 du Code
pénal rwandais. De ce caractère résulte qu'elle ne
bénéficie qu'aux seules personnes que la loi détermine.
Dès lors, pour en finir avec le caractère de
l'immunité, nous saluons l'idée des auteurs qui affirment que
l'immunité familiale en matière de vol a un caractère
personnel.
Le droit pénal s'interdit d'entrer dans le lieu
domestique et les relations denses de la famille. Mais pourquoi donc ? Il
convient maintenant de voir qu'est-ce qui est à la base de cette
impunité au regard de la loi pénale sans toutefois exclure la
responsabilité civile.
.
56 Art. 397 al.2 du Code pénal du Rwanda
institué par le Décret-loi n° 21/77 du 18 Août 1977, in
J.O. n° 13 bis 1978 tel que confirmé par la loi
no 01/82 du 26 Janvier 1982, J.O., 1982, p. 227 ; voy.
aussi M. L. RASSAT, op. cit., p. 197; Encyclopédie Dalloz,
Répertoire de Droit Pénal et
procédure pénale, « Vol », par
M. P. LUCAS DE LEYSSAC, no 323 et 324 et R. KINT, op. cit.,
p. 125. 57H. BEKAERT, op. cit., p. 29.
58 Il faut préciser que les
raisons avancées par le législateur rwandais peuvent pousser
à retenir les deux caractères ; mais celle qui justifierait le
caractère réel n'est plus d'actualité dans la
législation en vigueur comme vu supra.
59H. BEKAERT, op. cit., pp. 30 et 41.
60 Id., pp. 43-44; J. M. C. X. GOEDSEELS,
op. cit., p. 247, n o 2765 et F. TULKENS et M.Van de
KERCHOVE, op. cit., p. 444.
14 Section II. Le fondement de
l'immunité
Deux raisons majeures sont avancées pour
détourner le regard sur le vol à l'intérieur de la famille
: le fondement de l'immunité dont bénéficient les auteurs
des vols et autres infractions contre les biens au sein de la famille peut
être recherché soit dans le fait que le patrimoine de la famille
constitue une sorte de copropriété de tous les membres de la
famille ou dans le fait que le législateur veut sauvegarder la paix
familiale.
§1. Le patrimoine familial
De prime abord, l'immunité pour vols au sein de la
famille est fondée, pour d'aucuns, sur l'idée qu'il y a entre
parents et alliés une sorte de propriété collective qui ne
repose précisément sur aucune tête, mais qui a un
gérant61. Pour M. L. RASSAT la justification de
l'immunité se trouve dans le fait que la communauté de vie fait
peser, au moins dans l'esprit des intéressés, une incertitude sur
la propriété des biens en sorte que l'agent peut ne pas se rendre
compte qu'il prend le bien d'autrui62.
Ainsi le législateur obéit, en instituant
l'immunité, à ces considérations d'une sorte de
copropriété familiale. Même si les limites du droit de
propriété, entre les personnes dont la parenté et
l'alliance est source d'excuse, sont nettement tracées, il peut exister
entre elles une espèce de droit à la propriété les
uns des autres, qui bien qu'il ne soit pas ouvert, exerce une influence
évidente sur la soustraction63. Egalement aux yeux du
législateur rwandais, même si l'on ne peut parler d'une
réelle copropriété, chaque membre de la famille
éprouve le sentiment d'une sorte de droit sur les biens des autres,
sentiment qui exerce certainement une influence sur la
soustraction64.
Cependant, pour certains auteurs comme J. S. G. NYPELS et J.
SERVAIS, cette considération ne peut être un motif
déterminant. Pour eux, s'il en était ainsi, il faudrait,
a
fortiori, ne pas punir comme voleur le
cohéritier qui soustrait de l'argent d'une succession non encore
partagée ou le coassocié qui soustrait, avant le partage, de
l'avoir social étant donné que le cohéritier et le
coassocié ont des droit certains, existant actuellement, tandis que le
droit des conjoints, des descendants n'est qu'éventuel et peut fort ne
pas se réaliser65.
Quant à nous, nous sommes du même avis que ces
auteurs. En effet, même si en droit coutumier il y avait une sorte de
copropriété familiale ce motif n'est plus à
considérer. Selon la législation relative aux régimes
matrimoniaux en vigueur au Rwanda, les époux qui, avec les enfants,
constituent la famille nucléaire peuvent choisir un régime de
séparation des biens où chacun a ses biens propres
connus66. De surcroît, comment expliquer qu'un gendre ou une
bru qui a une résidence bien distincte voire éloignée de
celle de ses beaux parents puisse ne pas savoir distinguer ses biens et ceux de
ces derniers ? D'ailleurs certaines législations comme la
législation française ne reconnaissent plus le
bénéfice de l'immunité aux alliés67.
L'immunité trouve également son fondement dans le
souci de maintenir la paix au sein de la famille.
§2. Maintien de la paix familiale
Le fondement de la disposition qui exempte de peines les
parents et alliés pour les vols qu'ils ont commis dans le cercle
familial peut être recherché dans les considérations de
convenance sociale, du défaut d'intérêt immédiat
à la répression et de ce qu'une intervention judiciaire
aggraverait les conflits de famille68en envenimant davantage une
situation à l'évidence déjà
troublée69. Dès lors, l'intervention du
ministère public peut provoquer les peines, dont l'effet ne se borne pas
à rependre la consternation parmi les membres de la famille ; mais
peuvent encore être source éternelle de haine70.
65 J. S. G. NYPELS et J. SERVAIS, op. cit.,
p. 414.
66 Voy. article 11 de la Loi no 22/99 du
12/11/1999 complétant le livre premier du code civil et instituant la
cinquième partie relative aux régimes matrimoniaux,
J.O.R.R., no 22 du 15/11/1999.
67 Encyclopédie Dalloz, Répertoire
de Droit Pénal et procédure pénale, << Vol
», par M. P. LUCAS DE LEYSSAC, no 310 : en effet, l'article 380
du code pénal français accordait l'immunité aux
alliés au même degré mais article 311-12 du nouveau code
pénal les exclut des bénéficiaires de
l'immunité.
68 H. BEKAERT, op. cit., p. 27 ; J. S. G.
NYPELS et J. SERVAIS, op. cit., p. 414 et F. TULKENS et M.Van de
KERCHOVE, op. cit., p. 444.
69 M. L. RASSAT, supra, note 86, p. 187.
70 H. BEKAERT, op. cit., p. 28 et J.-F. LAE,
« L'intimité : une histoire longue de la propriété de
soi» en ligne sur <<
http://www.erudit.org/revue/socsoc/2003/v/35/n2/008527ar.html
», consulté le 31 mars 2008.
Dans le même ordre d'idée, d'aucuns affirment que
la loi s'abstient d'intervenir en cas de soustractions frauduleuses entre
époux, ascendants et descendants parce que l'éventualité
des poursuites compromettrait un but social plus important qu'est la bonne
entente et la solidarité du groupe familial71. D'où le
législateur a entendu protéger la cohésion de la cellule
sociale.
Pour V. MALABAT, l'immunité s'explique par
l'idée qu'une action pénale pour vol n'est pas tolérable
entre personnes aussi proches. Elle ne fait donc pas disparaître
l'infraction mais s'oppose à ce qu'elle soit poursuivie72. La
famille est bien un corps total qui agrège les actes de ses membres ;
elle est une unité affective si puissante qu'une pénalisation
d'un de ses membres aurait des conséquences gravissimes : l'exclusion et
le bannissement du porteur de la plainte. Ainsi dans l'unité affective
certaines pratiques ne doivent jamais être révélées,
au risque sinon de la faire exploser73.
Pour le législateur rwandais, l'immunité se
justifie non seulement par le sentiment d'une sorte de droit sur la
propriété d'autrui qu'éprouve chaque membre de la famille
; mais aussi par la protection à accorder à la
famille74. En effet une intervention judiciaire dans une affaire
familiale risque de mettre le trouble dans cette famille, d'en perturber
l'équilibre et de causer plus de mal que de bien75.
A notre avis, même si le législateur rwandais
considère non seulement le fondement patrimonial mais aussi la
protection de la paix familiale, ce dernier est le plus convaincant. En effet,
à l'heure actuelle il peut y avoir un régime de la
séparation des biens entre époux avec une nette distinction entre
les biens de chacun. Ainsi, on ne peut plus affirmer que les limites entre les
biens des membres de la famille ne sont pas claires ; mais on peut quand
même soutenir le fondement basé sur la paix à
l'intérieur de la famille qui serait troublée par les poursuites
pénales.
Quels sont, maintenant, les effets de cette immunité ?
.
71 G. LEVASSEUR et J. P. DOUCET, Le droit
pénal appliqué, droit pénal général,
Paris, Editions Cujas, 1969, p. 295.
72 V. MALABAT, Droit pénal
spécial, 2è éd., Paris, Dalloz, 2005, p.
276.
73 J.-F. LAE, « L'intimité : une histoire
longue de la propriété de soi» en ligne sur
«
http://www.erudit.org/revue/socsoc/2003/v/35/n2/008527ar.html
», consulté le 31 mars 2008.
74 Exposé des motifs du Code pénal
rapporté par R. KINT, op. cit., p. 126.
75 R. KINT, op. cit., p. 126.
17 Section III. Effets de
l'immunité
Tout fait, acte ou toute situation produit des effets, fussent
elles juridiques ou non. L'immunité familiale ne peut constituer une
exception à ce principe. Ainsi l'immunité dont
bénéficient les parents et alliés qui ont commis des actes
qui, à l'état normal des choses, constituent des actes
constitutifs de vols punissables n'est pas sans effet. La lecture de l'article
397 al. 1 C.P. laisser entendre que tout en échappant à la
répression de la loi pénale, le parent ou allié
bénéficiant de l'immunité familiale n'est pas moins tenu
à des réparations civiles. C'est dans cette perspective que dans
la présente section il sera question d'analyser successivement l'effet
pénal et l'effet civil de l'immunité familiale pour vols entre
parents et alliés.
§1. Effet pénal
Il ressort de la définition même de
l'immunité que son effet, si pas son objectif, est de faire
échapper ses bénéficiaires à la condamnation
pénale. Ainsi, en présence d'une des personnes
bénéficiant de l'immunité, les poursuites pénales
ne sont pas possibles. En d'autres mots, l'impact de l'immunité est
qu'elle constitue, une fois ses conditions remplies, un obstacle au
développement des poursuites. Il sied alors d'analyser cet obstacle
ainsi que sa portée.
A. Obstacle aux poursuites
Cet obstacle est indirectement énoncé par le
libellé même de l'article 397 al.1 C.P. qui débute par les
termes «Ne donneront lieu qu'à des réparations
civiles...». Néanmoins, sous d'autres cieux comme en France,
l'article 311-12 du Code pénal énonce cet effet directement en
déclarant « Ne peut donner lieu à des poursuites
pénales...». Il y a ainsi, d'emblée, irrecevabilité
de l'action publique76 étant donné que
l'immunité met fin à la mise en oeuvre des
poursuites77.
76 Encyclopédie Dalloz,
Répertoire de Droit Pénal et procédure
pénale, « Vol », par M. P. LUCAS DE LEYSSAC,
no 260 ; voy. aussi G. STEFANI et G. LEVASSEUR, op. cit.,
pp. 350-351; M. L. RASSAT, op. cit., p. 192 et R. KINT, op.
cit., p. 124.
77 J. PRADEL, op. cit., p. 285 et G. STEFANI,
G. LEVASSEUR et B. BOULOC, op. cit, p. 500.
En conséquence, et tout d'abord, le parquet doit
classer sans suite78. Il en est ainsi puisque l'immunité dont
il est question peut être invoquée à tous les stades de la
poursuite sans qu'il soit nécessaire d'aller jusque devant la
juridiction de jugement79. Une fois qu'elle n'a pas
été invoquée pendant la phase de l'instruction et qu'elle
est établie devant le juge, elle doit produire ses effets sur l'action
publique et le juge doit, au besoin, la soulever d'office même en
l'absence d'invocation80étant donné qu'il s'agit d'un
obstacle d'ordre publique81. Cependant, il s'avère
nécessaire de souligner que c'est au prévenu, qui soulève
cette exception d'irrecevabilité, de rapporter la preuve de son bien
fondé82.
En effet, étant donné son caractère
spécial, l'immunité oblige les tribunaux à déclarer
la poursuite criminelle non recevable83. Néanmoins, il faut
préciser que l'exception qu'est l'immunité pour vol qui s'oppose
à l'exercice de l'action publique n'est applicable qu'au cas où
le vol forme l'objet principal de la prévention, et non à celui
où il n'en est qu'un accessoire84.
Cet effet de l'immunité souligne, une fois de plus, son
originalité par rapport à d'autres causes
d'irresponsabilité. En effet, comme vu supra l'immunité
ne constitue pas une cause subjective de non imputabilité, car celle-ci
ne fait tomber que l'élément moral et ne s'oppose pas au
développement des poursuites. Elle n'est pas non plus une excuse
absolutoire, car cette excuse, qui dispense de la peine qui devrait être
prononcée, n'empêche pas le développement de l'action
publique. Enfin, elle n'est pas un fait justificatif dans ce sens qu'en
présence de ce denier il n'y absolument aucune infraction et la faute
civile est même exclue, alors qu'au cas d'immunité, l'infraction
est simplement réputée non commise et la responsabilité
civile demeure85.
78 Encyclopédie Dalloz, Répertoire
de Droit Pénal et procédure pénale, << Vol
», par M. P. LUCAS DE LEYSSAC, no 260.
79 M. L. RASSAT, op. cit., p. 192.
80 G. STEFANI et G. LEVASSEUR, op. cit., p.
350.
81 M. L. RASSAT, op. cit., p. 192.
82 Encyclopédie Dalloz, Répertoire
de Droit Pénal et procédure pénale, << Vol
», par M. P. LUCAS DE LEYSSAC, no 262 et Cass. crim. 21 mars
1984, Bull. crim., no 124.
83 C. RAYMOND, op. cit., p. 163.
84 J. S. G. NYPELS et J. SERVAIS, Le code pénal belge
interprété, T.III, Bruxelles, Ets Emile Bruylant, 1898, p.
417 et Cass. crim. 17 juill. 1976, Bull. crim., No 257, en
ligne sur
<<
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007061449
&fastReqId=2067900965&fastPos=44», consulté le
20/05/2008.
85 Voy. Encyclopédie Dalloz,
Répertoire de Droit Pénal et procédure
pénale, << Vol », par M. P. LUCAS DE LEYSSAC,
no 264.
Cependant, c'est à bonne raison que l'on se demande si
cette exception aux poursuites pénales n'a pas de limites.
B. La portée de l'obstacle
La portée de cet obstacle est absolue au regard des
infractions couvertes par l'immunité qui sont commises par le
bénéficiaire de l'immunité à titre d'auteur
principal ou de complice. En revanche, l'immunité ne s'oppose à
ce que l'infraction qu'elle couvre soit prise en compte dans la qualification
d'une autre s'ajoutant à elle86.
A premier abord, l'immunité ne fait pas obstacle
à l'admission du recel commis par un tiers sur des choses obtenues
grâce à une infraction couverte par l'immunité. Cette
solution est expressément consacrée par l'alinéa 2 de
l'article 397 C.P. qui dispose« la présente disposition ne
s'applique pas à toute autre personne qui aura participé à
ces vols ou recelé tout ou partie des objets volés ». Ils
seront donc punis comme coupable du recel conformément à
l'article 431 du code pénal. En effet, point n'est besoin, pour que le
recel soit constitué, que l'auteur de l'infraction primaire soit
effectivement punissable. Ceci s'explique par le fait que le recel ne peut
être considéré comme un mode de complicité, puisque
le recel est postérieur à la consommation de l'infraction
originaire et qu'il en est donc distinct87. Néanmoins, il
faut souligner que pour le législateur rwandais le recel et l'infraction
originaire ne sont pas étrangers l'un à l'autre étant
donné que l'article 431 C.P. prévoit un lien entre la
répression du recel et l'infraction originaire88.
Ensuite, l'immunité ne fait pas obstacle à ce
que l'infraction qu'elle couvre vienne aggraver une autre infraction commise
par le bénéficiaire de l'immunité. C'est dans cette
même perspective que la jurisprudence française a jugé que
le vol couvert par l'immunité peut constituer une circonstance
aggravante du meurtre concomitant à ce vol ou en relation avec
lui89.
86 Encyclopédie Dalloz, Répertoire
de Droit Pénal et procédure pénale, « Vol
», par M. P. LUCAS DE LEYSSAC, no 265.
87 R. KINT, op. cit., p. 154.
88 Ibid.
89 Cass. crim.17 févr. 1944, Bull.
crim., no 50 et Cass. crim.17 juill. 1976, Bull. crim.,
no257.
Cependant, il y a lieu de se demander si l'immunité dont
il est question couvre aussi la responsabilité civile.
§2. Effet civil
Il ressort de l'énoncé de l'article 397 C.P. que
l'impunité dont jouissent les auteurs des vols commis dans le cadre de
la famille ne les met pas à l'abri des réparations civiles. La
victime de l'infraction couverte par l'immunité ne perd donc pas son
droit à réparation pour un préjudice que lui a
causé l'infraction90. Ainsi trois actions civiles restent
toujours possibles.
A. L'action en réparation
L'action civile qui est une action exercée en vue de la
réparation du dommage causé par l'infraction91reste
possible même si l'auteur de l'infraction bénéficie de
l'impunité sur le plan pénal. En effet, l'immunité
constitue un obstacle au développement des poursuites pénales
pour l'infraction qu'elle couvre ; mais il ne s'agit pas de l'immunité
pour la responsabilité civile. Cependant, comme l'infraction ne peut
donner lieu à des poursuites pénales, l'action en
réparation ne pourra être intentée que devant le juge
civil92. Ceci est réitéré par le
législateur rwandais en disposant que l'action civile suivra son cours
normalement selon les règles de la procédure civile et
administrative si l'action publique n'a pas été mise en
mouvement93. Il faut souligner que la réparation est due au
propriétaire de la chose volée pour le préjudice que lui
aura causé le vol, ainsi qu'aux personnes, autres que le
propriétaire auxquels le vol a causé un préjudice
particulier94.
A cette action en réparation pourra s'ajouter une action
en revendication de l'objet volé ou détourné et,
éventuellement une action en recel de succession.
90 Encyclopédie Dalloz, Répertoire
de Droit Pénal et procédure pénale, << Vol
», par M. P. LUCAS DE LEYSSAC, no 268.
91 Art. 9 de la Loi no 13/2004 du
17/05/2004 portant code de procédure pénale telle que
modifiée et complétée à ce jour, J.O.R.R.
no spécial du 30/07/2004.
92 Encyclopédie Dalloz, Répertoire
de Droit Pénal et procédure pénale, << Vol
», par M. P. LUCAS DE LEYSSAC, no 268 et R. KINT. op.
cit., p. 124.
93 Art.138 de la Loi no 13/2004 du
17/05/2004 portant code de procédure pénale telle que
modifiée et complétée à ce jour, J.O.R.R.
no spécial du 30/07/2004.
94 Encyclopédie Dalloz, Répertoire
de Droit Pénal et procédure pénale, << Vol
», par M. P. LUCAS DE LEYSSAC, no 257.
21 B. L'action en revendication
L'action en revendication qui est une action à tout
propriétaire pour faire reconnaître son titre95 reste
reconnue pour revendiquer l'objet volé ou détourné par le
bénéficiaire de l'immunité contre le possesseur actuel ou
le voleur même si l'objet est toujours entre les mains du voleur. Cette
action doit être portée devant la juridiction civile car l'action
publique devant la juridiction pénale est irrecevable.
C. L'action en recel de succession
Avant de parler de l'action en recel de succession il sied
d'abord de définir la notion de recel.
Le recel est une fraude consistant à détourner
un objet de la communauté, ou un effet de la succession, en vue de se
l'approprier et de frustrer les autres ayants droits (conjoint ou
cohéritiers) de la part devant leur revenir dans les choses diverties ou
dissimulées96.
Le droit civil français punit deux sortes de recel : le
recel d'effets de communauté et le recel d'effet de succession. Les deux
recels ont en commun qu'ils se produisent à l'occasion d'un
règlement d'intérêts : règlement
d'intérêt entre mari et femme lors de la dissolution de la
communauté et règlement d'intérêt entre
cohéritiers97. Il est clair que le recel de succession trouve
application en cas de vols commis par un veuf ou une veuve quant aux choses qui
avaient appartenues à l'époux décédé qui
sont donc dans la succession. Dès lors les héritiers du de
cujus pourront intenter une action en recel de succession contre le
conjoint survivant auteur du vol.
Cependant, il faut préciser qu'en droit rwandais il y a
une controverse à propos de la qualité du conjoint survivant
comme héritier98. En tout cas, l'action en recel de
succession est possible pour ceux qui accordent la qualité
d'héritier au conjoint survivant. Dans le cas
95 R. GUILLIEN et J. VINCENT, op. cit., p.
515.
96 Id., p. 480.
97 Encyclopédie juridique dalloz,
Répertoire de droit civil, Vol. VI, 2è
éd., « Recel », par P. RAYNAUD (dir.), no 1.
98 L'article 78 de la Loi no 22/99 du
12/11/1999 complétant le livre premier du code civil et instituant la
cinquième partie relative aux régimes matrimoniaux,
J.O.R.R., no 22 du 15/11/1999 place le conjoint survivant
parmi les héritiers réservataires tandis que l'article 66 de la
même loi l'exclut des héritiers.
contraire les héritiers exerceront tout simplement
l'action en revendication puisqu'ils acquirent les droits du de cujus
dont le droit de propriété par l'effet de la
succession99. Il va sans dire que les victimes du recel intentent
une action en recel pour faire déclarer le recel et priver le coupable
de tout droit dans les biens recelés ; mais en droit rwandais une telle
sanction n'est pas prévue.
CHAPITRE II. DOMAINE D'APPLICATION ET REPERCUSSIONS DE
L'IMMUNITE PENALE POUR VOLS COMMIS AU SEIN DE LA FAMILLE
Les auteurs des vols commis au préjudice des parents et
alliés bénéficient d'une impunité qu'est
l'immunité familiale ; mais cette dernière n'est pas sans
limites. Dès lors le présent chapitre est consacré au
domaine d'application de l'immunité. Il va parler en long et en large
des bénéficiaires de l'immunité (section première)
et les infractions couvertes par l'immunité (section II). Il va, au
surplus, parler des biens sur lesquels doivent porter les vols couverts par
l'immunité (section III) sans oublier de mettre en exergue les
répercussions de cette immunité surtout que cette dernière
ne peut pas être sans conséquences étant donné son
caractère exceptionnel (section IV).
Section première : Domaine de l'immunité
quant aux personnes
Le bénéfice de l'immunité pour des vols
dans le cadre de la famille n'est pas reconnu à toute personne fut-elle
un parent ou un allié. C'est ainsi qu'il s'avère
nécessaire de préciser les bénéficiaires de
l'immunité parmi ces derniers. En outre, ces vols peuvent être
commis avec le concours des personnes qui ne sont pas des parents ou
alliés de la victime. Il convient alors de voir le sort qui leur est
réservé. Enfin, une fois les poursuites engagées, il peut
surgir la question de prouver que la personne poursuivie
bénéficie de l'immunité. Il faut alors préciser
à qui incomber la charge de la preuve et quels sont les modes de
preuve.
§1. Les personnes jouissant de
l'immunité
La jouissance de l'immunité de l'article 397 al. 1 du
Code pénal résulte de trois rapports à savoir le mariage,
la parenté et l'alliance. Cette immunité est toujours
réciproque, en ce sens qu'elle est reconnue entre deux personnes et
qu'elle peut être invoquée indifféremment par chacune
d'elles pour l'infraction commise au préjudice de l'autre.
24 A. Vols commis par les époux au
préjudice de leurs conjoints
L'immunité s'applique au vol commis par un époux
au préjudice de son conjoint100. Elle suppose, d'abord,
naturellement un mariage qui doit être célébré selon
les règles du droit civil101et est exclue en matière
de concubinage quelque stable qu'il soit102. Elle ne pourra pas non
plus jouer au cas de fiançailles103. Pour l'application de
cette disposition, il faut se placer au moment de la commission des faits.
C'est ainsi que ne bénéficie pas de l'immunité l'individu
coupable du vol qui épouse sa victime postérieurement à la
consommation de l'infraction104.
Force est de souligner que l'immunité survit à
la dissolution du mariage par le décès. Elle joue donc au cas
où un époux survivant soustrait un objet qui avait appartenu
à son conjoint décédé. Il est à noter
qu'elle n'est pas réciproque : le conjoint survivant pouvant l'opposer
aux héritiers de son époux prédécédé,
mais ces héritiers ne peuvent, eux, l'invoquer contre le conjoint
survivant105.
Cependant, il se pose la question de savoir si
l'immunité survit au divorce. Qu'adviendra-t-il si les faits ont eu lieu
pendant l'instance en divorce ou pendant que les époux sont
séparés de corps?
Pour la première question la doctrine et la
jurisprudence ont répondu par la négative. En effet,
l'immunité est exclue quand le mariage est dissous par le divorce,
celui-ci faisant perdre la qualité de conjoint106. Ainsi le
vol commis par un époux au préjudice de son conjoint est
punissable s'il l'a été depuis que le divorce a été
admis par un jugement ou un
100 Cass. crim. 20 novembre 1991 en ligne sur
<<
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007547931&fastReqId=2138910064
&fastPos=4&oldAction=rechJuriJudi»,
consulté le 25/05/2008.
101 B. MPANABANGA, Le vol et sa répression en droit
rwandais, Mémoire, Butare, UNR, 1983, p. 73 (non publié).
102 M. L. RASSAT, supra, note 31, p. 196 et P. GATTEGNO,
Droit pénal spécial, 5è éd.,
Paris, Dalloz, 2003, p. 225.
103 Cass. crim. 29 juill.1948, JCP 1949. VI. 137.
104 R. KINT, op. cit., p. 124; C. RAYMOND, op.
cit., p. 170; B. MPANABANGA, op. cit., p. 74 et Cass. crim. 13
mars 1951, Bull. crim., no 90.
105 Encyclopédie Dalloz, Répertoire de Droit
Pénal et procédure pénale, << Vol », par
M. P. LUCAS DE LEYSSAC, no 309.
106C. RAYMOND, op. cit., p. 170,
no 777; B. MPANABANGA, op. cit., p. 74 ; et Cass. crim. 12
mai 1970, Bull. crim., no 160.
arrêt passé en force de chose jugée et avant
que l'officier de l'état civil qui en a reçu la signification en
ait transcrit le dispositif dans ses registres107.
Pour les vols commis pendant l'instance de divorce le
bénéfice de l'immunité reste applicable108. En
effet, à notre avis, si l'immunité n'est exclue que par un
jugement ou un arrêt coulé en force de chose jugée qui
prononce le divorce, c'est qu'elle reste tant que ce dernier n'est pas encore
prononcé.
L'immunité continue à jouer également en
cas de séparation de corps109et a fortiori en cas de
séparation de fait. En l'absence de disposition légale contraire,
le bénéfice de l'immunité n'est perdu qu'avec le jugement
prononçant le divorce comme il en est le cas en droit
belge110.
Cependant, en droit français il n'en était le
cas que sous l'empire du droit antérieur (art.380 ancien Code
pénal français) où l'immunité continuait à
jouer pendant l'instance en divorce, même s'il y avait eu autorisation
à domicile séparé et n'était pas non plus atteinte
par la séparation de corps111. Du vivant des époux,
l'immunité avait une durée identique à celle de
l'institution du mariage. Désormais, elle cesse si cette dernière
est entamée par une séparation de corps ou une autorisation
à résidence séparée (art.311-12 nouveau Code
pénal français)112.
Enfin, force est de préciser que l'immunité
couvre les infractions commises sur les biens propres, comme celles commises
sur les biens communs113. Dès lors l'un des époux
agissant comme administrateur de la communauté et non comme
propriétaire unique peut disposer des biens de la communauté sans
le consentement de l'autre; mais ce droit d'administration ne l'autorise pas
à soustraire frauduleusement ces biens de communauté dont l'autre
conjoint est copropriétaire114. A ce propos, il faut
souligner qu'en droit rwandais l'accord des deux époux est requis dans
les actes de donation d'un bien immobilier et d'un
107 C. RAYMOND, op. cit., p. 170, no 778.
108 B. MPANABANGA, op. cit., p. 74
109 R. KINT, op. cit., p. 124.
110 J. S. G. NYPELS et J. SERVAIS, op. cit., p. 428.
111 Cass. crim. 15 févr. 1956, Bull. crim.,
no 157.
112 Voy. aussi Cass. crim. 14 déc. 1999,
Bull. crim., n° 303.
113 Encyclopédie Dalloz, Répertoire de Droit
Pénal et procédure pénale, « Vol », par M.
P. LUCAS DE LEYSSAC, no 305.
114 C. RAYMOND, op. cit., p. 169, no 774.
bien du patrimoine de la communauté ainsi que la
reconnaissance d'un droit quelconque sur ces biens quel que soit le
régime matrimonial et les modalités de gestion du patrimoine des
époux115.
A notre avis, il faudrait apporter des exceptions au
bénéfice de l'immunité quand les époux sont
séparés de corps ou même de fait parce que dans cette
situation les époux sont animés par des sentiments de haine de
façon que l'un ou l'autre peut compromettre sciemment les
intérêts de son partenaire. De surcroît, la crainte d'un
divorce subséquent peut pousser l'un des conjoints à soustraire
certains biens au préjudice de son partenaire.
Qu'en est-il maintenant des vols entre personnes unies par les
rapports de parenté ?
B. Vols commis par ascendants au préjudice des
descendants et vice versa
L'immunité de l'article 397 al. 1 du Code pénal
est restreint à la parenté en ligne directe, à l'infini
s'il y a lieu, mais les collatéraux ne peuvent y
prétendre116. Ainsi elle n'est pas applicable ni entre oncle
et neuve ni entre frères ou soeurs même s'ils vivent au foyer de
la victime en raison de l'interprétation stricte117.
L'immunité entre ascendants et descendants est
réciproque. Par conséquent, sont couverts par le
bénéfice de l'immunité les vols commis par les enfants au
préjudice de leur père ou mère, grands-parents ou
aïeux, et inversement les vols commis par parents au préjudice de
leurs enfants, petits-enfants ou arrière-petits-enfants.
La filiation, source de parenté, doit être
légalement établie118 peu importe qu'elle soit
légitime, naturelle ou adoptive119.
115 Art. 21 de la Loi no 22/99 du 12/11/1999
complétant le livre premier du code civil et instituant la
cinquième partie relative aux régimes matrimoniaux,
J.O.R.R., no 22 du 15/11/1999.
116 R. KINT, op. cit., p. 125.
117 Cass. crim. 15 juin 1983 en ligne sur
«
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007522463
&fastReqId=983625790&fastPos=41 », consulté
le20/05/2008 et Cass. crim. 4 juin 2002 en ligne sur
«
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do;jsessionid=0FF3B78D74012B51ACA043A45716A4.tpdjo0
7v_3?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007590310&fastReqId=1445175805&fastPos=16
», consulté le 17/05/2008.
118 C. RAYMOND, op. cit., p. 167, no 761.
119 M. L. RASSAT, supra, note 31, p. 197.
Les enfants naturels, s'ils sont reconnus,
bénéficient de l'immunité de l'article 397 al. 1 C.P. car
la loi ne distinguent pas. Mais le lien de famille, pour l'enfant naturel,
s'arrête au père ou mère qui l'a reconnu et le
bénéfice de l'immunité ne va pas au delà de cette
parenté120. Conséquemment, le bénéfice
de l'immunité ne peut être invoqué par un fils naturel
reconnu qui a commis un vol au préjudice d'un ascendant de sa
mère ou de son père. L'immunité s'applique
également à l'enfant naturel légitimé par un
mariage subséquent de ses parents, qui commet un vol au préjudice
du second mari de sa mère, cet enfant ainsi reconnu et
légitimé ayant les mêmes droits qu'un enfant
légitime121.
Quant à la parenté adoptive, il faut
préciser que l'immunité de l'article 397 C. P. trouve application
122; mais elle ne s'étend pas au delà du premier
degré123. Le bénéfice de l'immunité qui
couvre les vols par les descendants au préjudice de leurs ascendants ne
peut être invoqué par l'auteur d'un vol qui, sans avoir
été adopté légalement par la victime,
prétend avoir été par elle adopté de
fait124.
La question qui se pose, enfin, est de savoir si
l'immunité peut jouer pour des infractions commises avant
l'établissement de la filiation.
La réponse à la question semble dépendre
en réalité de la nature de l'acte ou du jugement qui
établit la filiation. Si le jugement est constitutif comme en
matière d'adoption, la filiation n'existe qu'à compter du
jugement et ne fait donc pas obstacle à la poursuite des vols commis
avant son établissement125. Au contraire, si le jugement ou
l'acte qui établit la filiation est déclaratif (ainsi en est-il
de la reconnaissance de l'enfant naturel), la filiation est
considérée comme ayant existé avant l'acte ou le jugement
qui ne fait que la constater126, et empêche donc en
application de l'article 397 al. 1 du Code pénal la poursuite des
infractions commises entre les personnes reliées par ce lien de
filiation.
120 J. S. G. NYPELS et J. SERVAIS, op. cit., p. 429; B.
MPANABANGA, op. cit., p. 74 et R. KINT, op. cit., p. 124.
121 C. RAYMOND, op. cit., p. 168, no 763 et
art. 323 de la Loi n° 42/1988 du 27 Octobre 1988 portant titre
préliminaire et livre premier du code civil, J.O., 1989
(ci-après CCL I).
122 Article 363 al. 2 in fine CCL I
123 Ibid.; B. MPANABANGA, op. cit., p. 74 et R.
KINT, op. cit., p. 124.
124 C. RAYMOND, op. cit., p. 168, no 764.
125 V. MALABAT, op. cit., p. 276.
126 Ibid.
C. Les vols commis entre alliés au même
degré
L'alliance au même degré comprend les
beaux-parents et les gendres et brus127. Dès lors les
alliés des enfants ou descendants bénéficient de
l'immunité pour vols commis au préjudice des ascendants de ces
derniers128. C'est le cas par exemple d'un gendre qui vole le
père ou la mère de sa femme.
Et réciproquement, le père, la mère ou
tout autre ascendant bénéficie de l'immunité pour vol
commis au préjudice des alliés de leurs enfants ou
descendants129. Il s'agit par exemple d'un père qui vole le
mari de sa fille, la belle-mère qui vole son gendre.
De surcroît, l'immunité bénéficie
même aux enfants ou descendants pour vols commis au préjudice des
alliés de leur père, mère ou autre
ascendant130. C'est notamment le cas du vol commis par un enfant du
premier lit au préjudice du second mari de sa mère. Et
réciproquement, l'immunité bénéficie aux
alliés des père, mère ou autre ascendant pour vols commis
au préjudice des enfants ou autres descendants de leur conjoint. Il
s'agit par exemple d'un vol commis par un second mari d'une femme au
préjudice des enfants du premier lit de cette dernière.
Au surplus, la jurisprudence a décidé que
l'enfant naturel, reconnu par sa mère, devient l'allié du mari de
sa mère et que par conséquent la soustraction qu'il commet au
préjudice de son beau-père131tombe sous le
bénéfice de l'immunité132.
Il faut signaler que, pour d'aucuns, l'immunité
subsiste même quand l'alliance a cessé par le décès
de l'époux qui la produisait133. Pour C. RAYMOND, c'est
l'alliance même qui subsiste malgré la dissolution du
mariage134. Ainsi, l'immunité de l'article 397 al. 1 du
Code
127 J. M. C. X. GOEDSEELS, op. cit., p. 245.
128 C. RAYMOND, op. cit., p. 168, no 764.
129 Ibid.
130 B. MPANABANGA, op. cit., p. 74.
131 Selon le Dictionnaire Petit Robert, mis à
jour en 1991, le beau-père (ou parâtre) signifie pour les enfants
d'un premier lit, le second mari de leur mère.
132 Grenoble, 8 février 1900, Sirey, 1901, 2, 280
cité par C. RAYMOND, op. cit., p. 168 ; voy. aussi J. S. G.
NYPELS et J. SERVAIS, op. cit., p. 428.
133 J. S. G. NYPELS et J. SERVAIS, op. cit., p. 427.
134 C. RAYMOND, op. cit., p. 168, no770; voy.
aussi l'article 158 CCL I.
pénal s'étend à l'individu qui a commis un
vol au préjudice des ascendants de son époux
décédé.
Enfin, il sied de souligner que cette catégorie des
alliés au même degré a été exclue des
bénéficiaires de l'immunité en droit français (art.
311-12 du nouveau code pénal français).
§2. La non extension de l'immunité aux
coauteurs et complices
Les vols commis par des personnes qui
bénéficient de l'immunité de l'article 397 du code
pénal ne donnent lieu qu'aux réparations civiles tant sur le plan
de participation directe que sur celui de complicité. Cependant, il n'en
est pas ainsi pour les vols commis par des personnes étrangères
aux relations de parenté et d'alliance.
A. Les tiers coauteurs ou receleurs
Les tiers coauteurs ou receleurs des objets qui proviennent de
l'infraction couverte par l'immunité sont exclus du
bénéfice de cette dernière.
En effet, le tiers coauteur, qui a commis l'infraction avec le
bénéficiaire de l'immunité, ne peut pas être couvert
par cette dernière parce qu'il commet à titre principal une
infraction qui lui est propre135. C'est ainsi qu'un frère
ayant aidé sa soeur mariée à déménager les
meubles dépendant de la communauté a été
considéré comme coauteur136.
En plus, la jurisprudence a décidé que
l'immunité est strictement limitée aux personnes qui en
bénéficient et que (...) les co-auteurs en sont
exclus137.
Pour d'aucuns, les vols dont il est question à
l'article 397 du Code pénal constituent des crimes ou délits et
l'immunité se justifie uniquement par cette considération que la
société n'a pas d'intérêt immédiat à
la répression de ces soustractions. Il résulte de cette
conséquence
135 M. L. RASSAT, supra, note 31, p. 197.
136 C. A. Toulouse, 8 mars 1956, JCP 1956.II.9455 in
Encyclopédie Dalloz, Répertoire de Droit Pénal et
procédure pénale, << Vol », par M. P. LUCAS DE
LEYSSAC, no 323
137 Cass. crim.15 juin 1983, en ligne sur
<<
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007522463
&fastReqId=983625790&fastPos=41 », consulté
le20/05/2008.
pratique que les coauteurs et receleurs qui ne sont ni
parents, ni alliés au degrés prévus peuvent être
poursuivis138même si l'action publique ne peut être
exercée contre les bénéficiaires de l'immunité
étant donné que, comme vu supra, cette dernière
est personnelle à celui qui en jouit.
Force est de souligner que même les auteurs du recel des
objets volés seront punissables conformément aux dispositions qui
répriment le recel139alors que pour les auteurs belges comme
GOEDSSELS, l'impunité peut être invoquée en cas de recel,
si l'auteur du recel eût bénéficié de
l'impunité s'il avait lui-même commis l'infraction par laquelle la
personne préjudiciée a été dépouillée
des objets recelés140.
Mais, l'immunité peut-elle profiter à un tiers
complice de l'auteur parent ou allié?
B. Les complices des bénéficiaires de
l'immunité
Quant au sort des tiers complices, la doctrine a
développé deux analyses opposées ; l'une en faveur du
bénéfice de l'immunité au complice et l'autre en faveur du
refus de l'immunité.
1. Accord de l'immunité au tiers
complice
En droit français, l'analyse permettant d'accorder
l'immunité au tiers complice d'un bénéficiaire de
l'immunité procède du principe traditionnel de l'emprunt de
criminalité141. En effet, les complices qui empruntent la
criminalité de l'auteur principal bénéficient de
l'immunité si ce dernier est couvert par
l'immunité142. Mais, il faut souligner que la jurisprudence
française pour les y faire échapper, les qualifiait, même
à tort, de coauteurs143.
La répression de la complicité suppose toujours
l'existence d'une infraction principale et lorsque l'auteur principal est
couvert par l'immunité familiale il n'y a pas
138 C. RAYMOND, op. cit., p. 164 et B. MPANABANGA,
op. cit., p. 77.
139 Voy. article 431 du Code pénal du Rwanda
institué par le Décret-loi n° 21/77 du 18 Août 1977,
J.O. n° 13 bis 1978 tel que confirmé par la Loi
no 01/82 du 26 Janvier 1982, J.O., 1982, p. 227.
140 J. M. C. X. GOEDSEELS, op. cit., p. 247,
no 2763.
141 Encyclopédie Dalloz, Répertoire de Droit
Pénal et procédure pénale, « Vol », par M.
P. LUCAS DE LEYSSAC, no 322.
142 Cass. crim. 8 juin 1921, D. 1921.1.169 cité par M. L.
RASSAT, supra, note 31, p. 197.
143 T.G.I. Lyon 16 fév. 1972, JCP 1972.IV.123. cité
par M. L. RASSAT, supra, note 31, p. 197.
d'infraction principale punissable144. J. LARGUIER
va dans le même sens en affirmant qu'en cas d'immunité il n'y pas
de fait principal punissable, parce que, l'infraction bien qu'elle existe ne
peut donner lieu à des poursuites pénales, même pour le
complice145. Dès lors, en présence d'un fait principal
couvert par une immunité, mécanisme juridique qui aboutit
à rendre une infraction impunissable, il y a également
l'impunité des actes de complicité146.
Néanmoins, à notre sens, cet argument ne peut
échapper à de vives critiques car, comme vu supra,
l'immunité ne supprime pas l'infraction et le caractère
infractionnel de l'acte reste. Le vol reste un crime ou un délit mais
l'auteur n'est pas puni pour des raisons d'ordre familial. En plus, cette
immunité est personnelle à la personne qui en
bénéficie et qui fait objet d'une prédésignation
légale.
2. Refus du bénéfice de l'immunité
au tiers complice
Le refus peut se fonder sur l'article 89 du Code pénal
qui dispose que les complices d'une infraction sont passibles des mêmes
peines que les auteurs même de l'infraction, sauf dans les cas où
la loi en dispose autrement. Ainsi ils peuvent être poursuivis même
si l'action publique ne peut pas être exercée contre l'auteur
principal pour des causes qui sont personnelles à celui-ci, telles que
la chose jugée147. Il est alors permis qu'en application de
la disposition susvisée le tiers complice d'un
bénéficiaire de l'immunité de l'article 397 du Code
pénal soit punissable.
Contrairement au droit français, la jurisprudence et la
doctrine belges sont unanimes à ce que celui qui s'est rendu complice du
vol commis par une personne bénéficiant de l'immunité soit
condamné de ce chef étant donné que cette exception qu'est
l'immunité est introduite dans un intérêt de
famille148.
Néanmoins, même pour certains auteurs
français comme V. MALABAT le jeu de l'immunité est strictement
encadré et ne joue qu'au bénéfice des personnes
visées par la loi et,
144 F. DESPORTESS et F. LE GUHENEC, <<Présentation
des dispositions du nouveau code pénal », J. C.P. 1992. I.
3615, no27 cité par Encyclopédie Dalloz,
Répertoire de Droit Pénal et procédure
pénale, << Vol », par M. P. LUCAS DE LEYSSAC,
no 322.
145 J. LARGUIER, Droit pénal
général, 20 è éd., Paris, Dalloz,
2005, p. 86.
146 J. PRADEL et A. VARINARD, Les grands arrêts du
droit pénal général, 3è éd.,
Paris, Dalloz, 2001, p. 400.
147 Voy. aussi L. DUSHIMIMANA, op. cit., p. 53.
148 Gand, 1er février 1958 cité par C.
RAYMOND, op. cit., p. 164, J. S. G. NYPELS et J. SERVAIS, op.
cit., p. 428 et J. M. C. X. GOEDSEELS, op. cit., p. 247, n
o 2764.
ayant un effet personnel, elle ne peut être
étendue aux différents complices149. Ces derniers
pourront donc être condamnés étant donné que
l'infraction ne disparaît pas du fait de l'immunité, et qu'elle
constitue ainsi le fait principal punissable indispensable à l'existence
de la complicité punissable150. Donc, cette circonstance
paralyse l'action publique sans empêcher la qualification de
l'acte151.
L'immunité familiale s'oppose à la poursuite
pénale des soustractions et autres détournements commis entre
parents et alliés afin d'éviter que les affaires de famille ne se
règlent devant les tribunaux répressifs ; mais son
bénéfice est purement personnel152étant
donné qu'elle est fondée sur la qualité personnelle de
l'agent153 et n'étend pas ipso facto son effet au
complice non parent154.
Au surplus, l'immunité dont bénéficiait
le tiers complice, en droit français, résultait des principes qui
gouvernaient la complicité (il n'y a pas de fait principal punissable,
donc pas de complicité punissable) mais aujourd'hui le complice de
l'infraction étant puni comme l'auteur (art. 121-6 du Code pénal
français) ne profite pas de l'immunité155. Cependant,
même si l'on s'attache à la solution ancienne on fera valoir que
lorsqu' il y a immunité, l'infraction ne peut donner lieu à des
poursuites pénales ; mais étant donné que l'on prend en
considération la personne plus que le fait on objectera que la formule
est réservée aux personnes visées156.
C'est dans cette même optique que s'inscrit, à
notre avis, l'article 397 al. 2 du Code pénal rwandais qui exclut
expressément du bénéfice de l'immunité les
complices et auteurs qui n'ont pas de lien de famille avec la
victime157. Ainsi, aucun complice du vol commis par une personne
couverte par l'immunité ne prétendrait échapper à
la répression en invocation de l'article 89 du code pénal.
149 V. MALABAT, op. cit., p. 276.
150 Ibid.et P. CONTE, Droit pénal
spécial, 2è éd., Paris, Litec, 2005, p.
301.
151 J. H. ROBERT, Droit pénal
général, 6è éd. refondue, Paris,
PUF, 2005, p. 356.
152 X. PIN, Droit pénal général,
Paris, Dalloz, 2005, p. 154 et P. CONTE, op. cit. , p. 301.
153 J. PRADEL et A. VARINARD, op. cit., p. 402.
154 P. CONTE et P. MAISTRE DU CHAMBON, Droit pénal
général, 7è éd., Paris, Armand
Colin, 2004, p. 243.
155 J. LARGUIER, P. CONTE et A. M. LARGUIER, Droit
pénal spécial, 5è éd., Paris,
Dalloz, 2005, p. 250.
156 Ibid.
157 Voy. aussi E. GASASIRA, Manuel de police judiciaire,
Kigali, Palotti-Presse, 1995, p. 93.
Cependant, pour pouvoir bénéficier de
l'immunité familiale il faut que le lien de parenté ou d'alliance
entre l'auteur et la victime de l'infraction soit prouvé.
§3. La preuve de l'existence du lien
familial
Le lien familial sur lequel est fondé l'immunité
pour les vols commis dans le cadre de la famille ne résulte pas de sa
simple invocation par le prévenu ; mais doit-il encore être
prouvé. A qui incombe alors la charge de la preuve de ce lien? Quelles
sont les règles qui régissent cette preuve ?
A. La charge de la preuve
La charge de la preuve du bien fondé de
l'immunité revient à la personne, auteur du vol, qui
prétend en bénéficier158. Celui qui invoque
l'immunité doit ainsi prouver non seulement qu'il existe entre lui et la
victime un lien de parenté ou d'alliance ; mais aussi que les objets
qu'on lui reproche d'avoir volé appartiennent effectivement à un
de ses parents ou alliés159.
Il faut, néanmoins, souligner que l'immunité
familiale est d'ordre public dans ce sens que le juge peut la soulever d'office
même en l'absence d'invocation160. Dans ce cas nous estimons
que le juge qui la soulève doit aussi pouvoir montrer la personne en
bénéficiant.
B. Les règles régissant la preuve
L'existence du lien de famille est une question de droit civil
qui peut être soumis aux juges répressifs et conformément
aux principes en la matière, les preuves doivent être fournies
selon les règles de droit civil161.
158 Voy. l'article 3 al. 1 de la Loi no 15/2004 du
12/06/2004 portant mode et administration de la preuve, J.O.R.R. no
spécial du 19/07/2004.
159 Cass. crim. 21 mars 1984, Bull. crim, 1984
no 124 en ligne sur «
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007064820&
fastReqId=1470160688&fastPos=39 », consulté le
20/05/2008.
160 Supra, p. 15.
161 R. KINT, op. cit., p. 125.
Ainsi la preuve est établie selon les règles
applicables en matière civile ; c'est-à-dire que la preuve est
légale contrairement à la preuve en matière pénale
qui peut être établie par tous les moyens de fait et de droit
pourvu qu'ils soient soumis aux débats contradictoires162.
Quant aux modes de preuves relatifs à l'état
civil, ils font l'objet des règles spéciales163. La
loi limite les preuves admissibles et exige les preuves plus difficiles que
d'ordinaires. Ainsi l'état civil des personnes ne peut être
établi et prouvé que par les actes dits actes de l'état
civil (acte authentique), dressés en la forme déterminée
par la loi et exceptionnellement par des jugements supplétifs ou
rectificatifs de ces actes164.
L'aveu et le serment sont écartés et la preuve
par témoins n'est admise que dans des conditions précises
notamment en l'absence d'autres preuves lorsque les preuves ordinaires se
contredisent ou sont suspectes165.
En général, la preuve du mariage est faite par
un extrait de l'acte de mariage166 et elle se fait par témoin
en cas de perte ou d'inexistence du registre de mariage. Egalement, le livret
de mariage sert aux époux comme moyen de preuve (art. 185- 189 CCL
I)167.
Quant à la preuve de la filiation, il convient de
distinguer la filiation légitime, la filiation hors mariage et la
filiation adoptive.
La filiation légitime se prouve par l'acte de naissance
régulièrement dressé qui constitue le moyen de preuve
normal de la maternité et par conséquent de la paternité
légitime sous réserve de désaveu par le mari (art. 296,
304 et ss CCL I). En outre, en cas de défaut de preuve par acte de
naissance, la filiation se prouve par la possession d'état d'enfant
légitime (art. 308 CCL I).
La filiation naturelle se prouve par la reconnaissance faite par
acte authentique à l'exclusion du testament ou devant l'officier de
l'état civil par acte de naissance (art. 324
162 Voy. l'article 119 de la Loi no 15/2004 du
12/06/2004 portant mode et administration de la preuve, J.O.R.R. no
spécial du 19/07/2004.
163 Il faut souligner que l'article 10 de la loi
précitée précise que les dispositions de ladite loi
s'appliquent en matière civile et autres matières en l'absence de
dispositions particulières qui les régissent.
164 Voy. article 170 CCL I.
165 Art. 311 et 312 CCL I.
166 Art. 229 CCL I
167 C. NTAMPAKA, Droit des personnes et de la famille,
Butare, UNR, 1993, p. 108.
CCL I). Elle peut aussi résulter d'une décision
judiciaire suite à l'action en recherche de paternité qui aboutit
à un jugement déclaratif de paternité (art. 328 et ss CCL
I).
La filiation peut, au surplus, résulter de la
légitimation d'un enfant né hors mariage par le mariage
subséquent de ses parents (art. 318 CCL I). Dès lors elle se
prouve par les actes qui font état de cette légitimation tel que
l'acte de mariage.
Enfin, la filiation adoptive se prouve par l'acte d'adoption
fait devant l'officier de l'état civil du domicile de l'adopté
(art. 340 CCL I). Il faut, néanmoins, souligner que le consentement
à l'adoption est soumis à l'homologation du tribunal lorsqu'il
est donné par le conseil de tutelle ou une personne autre que le
père et la mère de l'enfant ( art. 341 CCL I). Cependant, pour
produire les effets, l'acte d'adoption doit être transcrit dans le
registre de l'état civil168. Donc, tant que cet acte n'y est
pas encore transcrit le bénéfice de l'immunité ne joue
pas.
Il serait incomplet de parler du domaine de l'immunité
quant à ses bénéficiaires sans parler des infractions
couvertes par cette immunité.
Section II. Domaine d'application de l'immunité
quant aux infractions
L'article 397 du Code pénal a introduit une
immunité qui vise les vols et extorsions commis dans le cadre de la
famille. Après avoir posé le principe de l'immunité dans
cet article consacré aux vols et extorsions, le législateur a
ensuite utilisé la technique dite de renvoi pour d'autres infractions
contre les biens qui sont commis dans le cadre de la famille. Dès lors,
quand il a voulu qu'une infraction soit couverte par l'immunité, il a
précisé que les dispositions de l'article 397 C. P. lui sont
applicables. Il en est ainsi le cas avec l'abus de confiance et
l'escroquerie.
La présente section va ainsi analyser les infractions
portant atteinte aux biens qui sont couvertes par l'immunité familiale.
Il faut signaler, néanmoins, que l'accent sera mis sur le vol sans
toutefois oublier de parler succinctement de ces autres atteintes aux biens
couvertes par le bénéfice de l'immunité à savoir
l'extorsion, l'abus de confiance et l'escroquerie.
36 §1. Les vols
L'immunité familiale fait obstacle à la
poursuite de tous les vols aussi bien aggravés que simples à la
condition, bien entendu, qu'ils ne mettent pas en cause d'autres personnes que
celles liées par des liens familiaux. Il convient alors d'analyser les
vols simples, les vols aggravés et ceux qui aggravent d'autres
infractions.
A. Vols simples
Le vol est défini comme la soustraction frauduleuse de
la chose d'autrui169. Le vol simple est souvent
présenté comme une infraction comportant quatre
éléments constitutifs : la propriété d'autrui, la
chose soustraite, la soustraction et l'intention frauduleuse.
En réalité, seules la soustraction et
l'intention frauduleuse sont de véritables éléments
constitutifs, si l'on entend par là des éléments
participant activement à la réalisation de l' infraction. D'autre
part, la chose soustraite et la propriété d'autrui doivent
exister avant que ne se développent la soustraction et l'intention
frauduleuse ; elles ne font que subir l'infraction dans lequel elles ne jouent
aucun rôle actif. Elles sont donc les conditions
préalables170sans lesquelles l'infraction ne peut être
commise171. Dès lors nous allons étudier,
succinctement, les composantes du vol simple en distinguant les conditions
préalables et les éléments proprement constitutifs.
1. Les conditions préalables
Sans objet il ne peut y avoir de vol. Ainsi pour qu'il y ait vol
il faut une chose susceptible d'être soustraite et appartenant à
autrui.
a) La chose soustraite
Il va de soi que le vol ne peut avoir pour objet qu'une chose
susceptible d'être soustraite et la soustraction d'une chose suppose que
la chose puisse être appréhendée et
déplacée d'un endroit à un autre. Le
domaine du vol est donc limité aux meubles corporels172et les
immeubles y sont exclus. Cependant, l'immeuble doit être compris dans une
optique pénaliste qui analyse l'immeuble différemment du droit
civil 173; d'où il y a vol pour le droit pénal
dès que l'objet peut être détaché et
enlevé.
Quant aux meubles incorporels ou droits mobiliers, s'ils ne
peuvent faire l'objet d'une appréhension directe, la soustraction peut
porter sur le meuble corporel qui leur sert de support matériel :
manuscrit, disquette informatique, etc.174
En plus, la doctrine et la jurisprudence assimilent aux choses
corporelles les forces immatérielles et leur soustraction est
réprimée sous la qualification de vol puisqu'elles sont
susceptibles d'appropriation175. C'est ainsi que la Cour de
cassation française a qualifié de vol d'électricité
le branchement clandestin après coupure du courant176et vol
d'eau le trucage du compteur pour ne pas enregistrer la
consommation177.
Enfin, la jurisprudence a fini par consacrer la notion du vol
d'usage notamment en cas d'enlèvement de voitures afin de les utiliser
pour une sortie et les abandonner réservoir vide ou
accidentées178.
b) La propriété d'autrui
Pour qu'il y ait vol il faut que la chose n'appartienne pas
à celui qui l'a soustraite. Il n'est pas requis pour que l'infraction de
vol existe et puisse être poursuivi que l'identité du
propriétaire soit connue179. Il n'y a pas de vol si la chose
n'appartient à personne (res nullius) ou lorsqu'elle est
abandonnée par son propriétaire (res
derelictae)180 ainsi que lorsqu'il s'agit d'une chose commune
(res communis). Néanmoins, si la soustraction de sa propre
chose est
172 Cass. crim. 27 fév.1996, Bull. crim.
no 96.
173 V. MALABAT, op. cit., p. 272 et M. L. RASSAT,
supra, note 86, p. 55.
174 Cass. crim. 1er mars 1989, Bull. crim.,
no 100 et Cass. crim. 12 janvier 1989, Bull. crim.,
no 14.
175 M. VERON, Droit pénal spécial, Paris,
Dalloz, 1999, p. 196 et M.L.RASSAT, supra, note 86, p. 54.
176 Cass. crim. 12 déc. 1984, Bull. crim.,
no 403.
177 Cass. crim. 11 oct. 1978, Bull. crim., no
270.
178 Cass. crim. 28 octobre 1959, D. 1960.314, note A CHAVANNE
cité par M.VERON, op. cit., p. 197.
179 R. KINT, op. cit., p. 119.
180 M. VERON, op. cit., p. 199.
impossible, la soustraction frauduleuse d'un objet indivis par un
copropriétaire constitue un vol au préjudice de son
coïndivisaire181.
A proprement parler, quels sont alors les éléments
constitutifs du vol ?
2. Les éléments proprement
constitutifs
Les éléments proprement constitutifs du vol sont la
soustraction et l'intention frauduleuse.
a) La soustraction
Elle est l'acte constitutif ou l'élément
matériel proprement dit. Traditionnellement la soustraction consistait
en déplacement matériel de la chose, c'est-à-dire de la
prendre ou de l'enlever et la déplacer à l'insu ou contre le
gré de son légitime propriétaire ou
possesseur182. A cette notion ancienne et traditionnelle est venue
se superposer une conception moderne imposée par les
nécessités de la répression qui est celle de soustraction
par maniement juridique de la chose et ne comporte pas nécessairement un
déplacement matériel de la chose183. Elle consiste
donc, pour le bénéficiaire de la remise, à usurper une
possession qui ne lui était pas transmise184.
b) Une intention frauduleuse
La soustraction de la chose d'autrui n'est un vol que si elle
s'accompagne d'une intention frauduleuse qui constitue l'élément
moral du vol. En principe, il ne suffit pas de prouver que l'auteur de la
soustraction a agi volontairement ou sciemment contre le gré ou à
l'insu du propriétaire ou possesseur (dol général); mais
en outre qu'il avait l'intention de se comporter en propriétaire de la
chose soustraite (dol spécial)185.
181Cass. crim. 27 fév. 1996, Bull.
crim., no 96.
182M. VERON, op. cit., p. 193.
183Id., p. 195.
184 R. KINT, op. cit., p. 113; voy. aussi Cass. crim. 30
nov. 1977, Bull. crim., no 381.
185 M. VERON, op. cit., p. 193 et R. KINT, op.
cit., p. 119.
Ainsi le vol simple étant celui qui ne s'accompagne pas
d'autre circonstance aggravante, l'immunité qui couvre son auteur ne
cause pas de problème. Donc, s'il a été commis par une
personne au préjudice de son conjoint, de l'un de ses parents ou
alliés aux degrés prévus cette première n'encourra
aucune poursuite pénale.
Mais qu'adviendra-t-il en cas de vols accompagnés de
circonstances aggravantes ?
B. Vols aggravés
Il s'agit des vols simples accompagnés de circonstances
aggravantes186. Ces dernières sont, selon la doctrine, de
deux grandes catégories.
Il y a, d'une part, les circonstances aggravantes de nature
personnelle. Elles sont, en effet, attachées à la qualité
de l'auteur de l'infraction et opèrent in personam. Il s'agit
précisément d'un vol commis par un fonctionnaire ou une personne
chargée d'un service public quelconque à l'aide de ces fonctions
(art. 400, 3o Code pénal).
Il y a, d'autre part, les circonstances aggravantes de nature
réelle. Il s'agit des circonstances tenant au lieu du vol, aux moyens
employés pour le perpétrer ou encore de la gravité des
conséquences résultant de ce vol187. Elles
opèrent in rem et aggravent la situation de tous ceux qui
participent à l'infraction188.
Ainsi les lieux pouvant aggraver le vol sont, soit les maisons
habitées, soit les maisons servant d'habitation ou leurs
dépendances (art. 400, 2o Code pénal).
Quant aux moyens utilisés, il s'agit notamment des vols
commis à l'aide d'effraction, escalade ou de fausses clés (art.
400, 1o Code pénal); l'usage de faux titre ou insigne d'un
fonctionnaire ou une personne chargée d'un service publique (art. 400,
4o Code pénal) ou encore le vol commis avec port d'armes
apparentes ou cachées (art. 400, 5o Code pénal).
186 Encyclopédie Dalloz, Répertoire de Droit
Pénal et procédure pénale, « Vol », par M.
P. LUCAS DE LEYSSAC, no 325.
187 A. K. TWIINE, Special Criminal Law, course
materials, Butare, UNR, 2006, p. 73 (inédit).
188 Id., p. 71.
Enfin, les circonstances tenant à la gravité des
conséquences du vol, sont notamment la maladie, l'incapacité ou
la mort résultant du vol commis à l'aide des violences ou menaces
(art. 402 Code pénal).
Concernant le bénéfice de l'immunité pour
ces vols aggravés, les dispositions de l'article 397 du Code
pénal sont applicables à tous les vols même quand ces
derniers ont été commis avec des circonstances aggravantes
puisque la loi ne fait aucune distinction189.
Il se pose alors, à bonne raison, la question de savoir
le sort à réserver à ces circonstances puisque le vol
qu'elles viennent aggraver est couvert par l'immunité.
Bénéficient-elles aussi de l'immunité ?
Pour mieux répondre à cette question, il faut
faire une distinction entre les circonstances qui, considérées
indépendamment du vol, constituent des infractions autonomes et celles
qui ne constituent pas des infractions.
1. Circonstances aggravantes constitutives
d'infractions
L'immunité bénéficie à tous les
vols aussi bien simples qu'aggravées ; mais c'est le vol seul,
c'est-à-dire l'atteinte à la propriété, qui jouit
du bénéfice de l'immunité. Si donc l'auteur de la
soustraction a employé pour l'accomplir un moyen qui, par lui-même
et indépendamment de la soustraction, constitue une infraction, ce crime
ou délit reste soumis à l'empire du droit commun190.
Il en est de même des autres infractions qui ont accompagné le vol
notamment la violation du domicile.
Comme le fait constater GOEDSSELS, ces faits qui constituent
des infractions distinctes, doivent être punies, le cas
échéant, suivant la peine qui leur est propre, abstraction faite
du vol immunisé qu'ils ont accompagné191.
189 Voir à ce sujet en droit français et belge
respectivement, M. L. RASSAT, supra, note 31, 5è
éd., p. 247 et J. M. C. X. GOEDSEELS, op. cit., p. 245.
190 J. S. G. NYPELS et J. SERVAIS, op. cit., p. 415 ; J.
LARGUIER, P. CONTE et A. M. LARGUIER, op. cit., p. 249 et C. RAYMOND,
op. cit., p. 165.
191 J. M. C. X. GOEDSEELS, op. cit., p. 245.
Ainsi le vol avec effraction peut éventuellement donner
lieu à des poursuites du chef de destruction des objets en vertu de
l'article 444 du Code pénal. De même, en cas de vol au moyen
d'effraction, escalade ou fausses clés, l'auteur peut être
poursuivi du chef de violation de domicile conformément aux dispositions
de l'article 304 du code pénal.
Dans le même ordre d'idées, si les coupables ont
pris le titre ou l'insigne d'un fonctionnaire ou d'une personne chargée
d'un service public ils peuvent être poursuivi pour usurpation de titre,
infraction prévue et réprimé par l'article 217 du Code
pénal.
Egalement, si le vol a été commis avec violences
envers les personnes l'auteur sera poursuivi du chef de coups et blessures ou
de meurtre respectivement selon que des violences il est résulté
des coups et blessures sur le corps de la victime ou sa mort (infractions
prévues aux articles 317 à 324 du code
pénal)192.
2. Circonstances aggravantes non constitutives
d'infractions
Si les circonstances aggravantes du vol couvert par
l'immunité, considérées ellesmêmes et
indépendamment de ce vol, ne constituent pas d'infraction il va de soi
qu'aucune condamnation n'est envisageable. C'est le cas par exemple d'un enfant
vivant avec son père qui a soustrait pendant la nuit les biens
appartenant à ce dernier. Il est clair que le temps de la commission de
l'infraction qui aggrave le vol ne peut, dans ce cas d'espèce, faire
l'objet de poursuite pénale étant donné que cette
circonstance détachée du vol qui est immunisé ne constitue
pas en soi un fait délictueux et répréhensible.
En revanche se pose la question cruciale de savoir si les vols
immunisés peuvent être retenus comme circonstances aggravantes
d'une autre infraction.
C. Vols constitutifs de circonstances aggravantes d'autres
infractions
Selon certains auteurs belges le vol immunisé par la
loi pénale ne peut ni entraîner une condamnation, ni constituer
une circonstance aggravante pour un autre crime ou un autre
délit193.
192 Voy. aussi C. RAYMOND, op. cit., p. 165.
193 J. S. G. NYPELS et J. SERVAIS, op. cit., p. 417 et
J. M. C. X. GOEDSEELS, op. cit., p. 245.
Cependant, en droit pénal français c'est tout
à fait le contraire. Selon une jurisprudence ancienne, l'immunité
pour vol qui s'oppose à l'exercice de l'action publique n'est applicable
qu'au cas où le vol forme l'objet principal de la prévention, et
non à celui où il n'en est qu'un accessoire et elle doit
être appliquée limitativement au fait du vol isolé de tout
autre crime194.
En effet, la doctrine et la jurisprudence françaises
s'accordent à admettre que le vol couvert par l'immunité peut
être retenu comme une circonstance aggravante d'une autre infraction.
Ainsi a-t-il été jugé que l'immunité ne met
obstacle à l'exercice de l'action publique relativement aux
soustractions commises par les descendants au préjudice de leurs
ascendants que lorsque ces soustractions forment l'objet principal de la
prévention ; que par contre, cette immunité ne s'oppose pas
à ce qu'une soustraction semblable forme une circonstance accessoire
aggravante de l'homicide volontaire, ce dernier ayant eu pour objet de
préparer, de faciliter ou d'exécuter la soustraction frauduleuse
commise 195.
Ceci se justifie par le fait que l'infraction de vol, bien que
ne pouvant donner lieu à une poursuite pénale suite au jeu de
l'immunité, elle ne disparaît pas et peut ainsi être retenu
comme circonstance aggravante d'une autre infraction196.
Dès lors, malgré l'immunité, l'infraction
demeure et il en résulte que l'infraction (vol) connexe à un
meurtre aggrave la peine du meurtre197. La connexité entre le
meurtre et l'autre crime ou délit s'explique, ici, comme un meurtre
ayant eu pour objet de préparer, de faciliter ou exécuter un
crime ou un délit ou de favoriser ou d'assurer l'impunité des
auteurs ou complices de cette infraction198.
194 Cass. crim. 21 Déc. 1857 cité par NYPELS et
SERVAIS, op. cit., p. 418.
195 Cass. crim. 17 juillet 1976, Bull. crim.,
no 257.
196 M. L. RASSAT, supra, note 31, 5è
éd., p. 253 et J. LARGUIER, P. CONTE et A. M. LARGUIER, op.
cit., p. 250.
197J. LARGUIER, P. CONTE et A. M. LARGUIER, op.
cit., p. 250. Cependant, il faut souligner qu'en droit rwandais la peine
applicable au meurtre simple et meurtre aggravé est l'emprisonnement
à perpétuité selon l'article 5 de la Loi organique
no 17/2007 du 25 Juillet 2008 portant abolition de la peine de mort,
J. O. R. R. no spécial du 25/07/2008.
198 J. LARGUIER, P. CONTE et A. M. LARGUIER, op. cit.,
p. 12.
Pour en finir avec ce point, à notre avis, le vol
couvert par l'immunité peut être retenu comme circonstance
aggravante d'une autre infraction quand ils sont en concours puisque le
caractère délictueux de l'acte reste mais l'auteur est
absous199.
Nous ne saurions passer sous silence, bien que d'une façon
succincte, les autres atteintes à la propriété que le
législateur a entendu couvrir par l'immunité.
§2. Les extorsions, abus de confiance et
escroqueries
Le législateur rwandais qui s'est, rappelons-le,
largement inspiré de la législation française et belge en
élaborant le code pénal, a tenu compte des observations de la
doctrine et la jurisprudence, surtout française, et a prévu que
l'immunité s'applique aux infractions qui sont de la même nature
que le vol et commises au préjudice des personnes dont question à
l'article 397 du Code pénal.
Il résulte de là que les infractions
concernées par l'immunité sont hormis le vol, les extorsions
(art. 397 et 404-405 Code pénal), abus de confiance (art. 424-426 du
Code pénal) et escroqueries (art. 428-430 du Code pénal) quand
elles sont commises au préjudice des personnes mentionnées
à l'article 397 du Code pénal. C'est ainsi qu'après avoir
posé le principe de l'immunité à l'article 397 du Code
pénal, le législateur a ensuite utilisé la technique dite
de renvoi pour ces autres infractions contre les biens quand elles sont
commises dans le cadre de la famille. Ceci revient à dire que ces
principes s'appliquent mutatis mutandis à ces
dernières.
Cependant, force est de souligner que pour les extorsions qui
sont commises avec violences, il a été jugé que ces
dernières, même si elles sont constitutives du délit, ne
sont pas couvertes par l'immunité200. Telle est aussi notre
opinion puisque l'immunité n'est accordée que pour les atteintes
à la propriété et non pour les atteintes à
l'intégrité physique des personnes.
199 Supra, p. 8.
200 Cass. crim. 9 mars 1993, en ligne sur
«
http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007560987&
fastReqId=1970635705&fastPos=1», consulté
le 02 juillet 2008.
Sur quels biens doit alors avoir porté ces atteintes pour
qu'elles soient couvertes par l'immunité ?
Section III. Domaine d'application de l'immunité
quant aux objets sur lesquels porte l'infraction
Le bénéfice de l'immunité prévue
par l'article 397 du code pénal ne s'applique pas au vol de tout objet.
Il est ainsi limité aux vols commis par les personnes dont il est
question à l'article susdit sur les biens faisant objet de la
propriété familiale. Il doit s'agir, bien entendu, d'une atteinte
juridique aux choses.
§1. La propriété
familiale
Pour que les vols énumérés à
l'article 397 du Code pénal soient effectivement couverts par
l'immunité, encore faut-il qu'ils n'aient porté atteinte
qu'à la propriété familiale. Cette exigence vient de ce
que l'article 397 alinéa 1 du Code pénal, ne vise que les vols
commis au préjudice de certaines personnes. Cela résulte du
libellé même de cette disposition qui précise qu'ils
doivent être commis au préjudice des conjoints, descendants,
ascendants, alliés et quant aux choses qui avaient appartenu à
l'époux décédé.
Dès lors, il est clair que les choses appartenant en
totalité à un parent ou un allié ne cause pas de
problème. Mais quid des vols portant sur les objets appartenant
seulement en partie à un parent ou un allié? Qu'en est-il des
choses saisies ou déposés entre les mains d'un parent ou un
allié?
A. Choses appartenant en totalité à un parent
ou aiié
Sans aucun doute si le vol porte sur les choses appartenant
totalement et exclusivement au parent ou allié de l'auteur de
l'infraction aux degrés prévus, ce dernier
bénéficie de l'immunité. Il en va de même pour les
biens qui avaient appartenu à l'époux décédé
du veuf ou de la veuve auteur du vol. Donc, l'immunité couvre tout vol
commis entre personnes visées à l'article 397 alinéa 1
C.P. quel que soit l'objet sur lequel porte l'infraction
puisque la loi ne fait aucune exception quant aux choses faisant
objet du vol à condition, bien entendu, que l'objet du vol appartienne
totalement à l'époux, parent ou allié au degré
prévu.
Toutefois, il n'est pas moins important de souligner qu'en
droit français, il existe une exception à l'immunité.
Cette dernière est écartée lorsque le vol porte sur les
objets ou documents indispensables à la vie quotidienne de la victime,
tels que les documents relatifs au titre de séjour ou de
résidence d'un étranger ou les moyens de paiement201.
Et cette liste est, selon M. VERON, simplement énonciative et les juges
de fonds disposent d'un large pouvoir d'appréciation sur le
caractère indispensable des objets ou documents
litigieux202.
A notre sens, il faudrait que le législateur rwandais
emboîte le pas au législateur français puisque les
principes des dispositions de l'article 397 alinéa 1 du Code
pénal rwandais qui ne souffrent d'aucune exception risquent de mettre en
péril les intérêts qu'il faudrait plutôt
protéger. Notamment, comme nous venons de le voir en droit
français, lorsque le vol porte sur les objets indispensables à la
vie quotidienne de la victime l'immunité devrait être exclue.
En revanche, la question surgit lorsque l'objet en cause
n'appartient au parent ou allié qu'en partie.
B. Choses appartenant en partie à un parent ou
aiié
La réduction de l'immunité jouera lorsque les
choses volées appartiennent, pour partie, à une personne au
regard de laquelle il n'y a pas d'immunité. Ainsi a-t-il
été jugé qu'au cas de vol par une personne des sommes
appartenant pour partie à son père et pour partie à son
frère, seul le premier vol est couvert par
l'immunité203.
201 Article 311-12 du Code pénal français tel que
modifié par l'article 9 de Loi no 2006-399 du 4 avril 2006
renforçant prévention et répression des violences au sein
du couple ou commises sur des mineurs, J.O.R.F., 5 avril 2006 en ligne
sur <<
http://www.legifrance.gouv.fr.»,
consulté le 10 juin 2008.
202 M. VERON, Droit pénal spécial,
11è éd., Paris, Dalloz, 2006, p. 262.
203 Cass. crim. 1er juillet 1841, Bull.
crim., no 198 cité par Encyclopédie Dalloz,
Répertoire de Droit Pénal et procédure
pénale, << Vol », par M. P. LUCAS DE LEYSSAC,
no 283.
C. Les choses saisies ou déposées entre les
mains d'un parent ou aiié
L'infraction de vol dont l'auteur est couvert par
l'immunité familiale doit porter atteinte à la
propriété familiale et non à tout autre
intérêt. Dans ce sens, l'immunité ne s'applique qu'aux vols
commis directement et exclusivement au préjudice d'un membre de la
famille204et ne s'applique pas dès que le dommage
dépasse le cercle de la famille pour atteindre un tiers ou l'ordre
social205.
Il importe peu qu'indirectement la personne entre les mains de
qui la chose a été soustraite supporte la perte résultant
de ce vol parce qu'il est civilement responsable envers celui qui lui a
confié les choses volées206. Dès lors, si un
fils, par exemple, prend les deniers se trouvant dans une caisse que son
père tient comme comptable d'un tiers quelconque, ce vol a
été commis au préjudice non pas du père mais bien
de ce tiers207.
C'est ainsi que la Cour de cassation belge a admis que
l'immunité ne peut être évoquée que si le vol a
été commis par l'un des époux directement au
préjudice de l'autre, c'est-à-dire si l'objet volé
appartient au conjoint; et qu'il ne suffit pas que ce dernier éprouve un
préjudice indirect à raison de la responsabilité qu'il
peut encourir vis-à-vis du propriétaire de la chose
volée208.
L'exclusion de l'immunité jouera ainsi si la chose
volée auprès d'un membre de la famille appartient, non pas
à celui-ci, mais à un tiers209.
Ainsi a-t-il été jugé que
l'immunité ne couvre pas le vol par une épouse des copies de
baccalauréat que devait corriger son mari210et que la
soustraction frauduleuse par une épouse, de matériaux appartenant
à la société dont le mari était le
gérant211ne peut pas non plus être couverte par
l'immunité.
204 Encyclopédie Dalloz, Répertoire de Droit
Pénal et procédure pénale, << Vol », par
M. P. LUCAS DE LEYSSAC, no 284 et C. RAYMOND, op. cit., p.
169.
205 M. L. RASSAT, supra, note 86, p.189.
206 J. M. C. X. GOEDSEELS, op. cit., p. 246.
207 Ibid.
208 Cass., 21 Juin 1915 cité par J. M.C.X. GOEDSEELS,
op. cit., p. 247.
209 Encyclopédie Dalloz, Répertoire de Droit
Pénal et procédure pénale, << Vol », par
M. P. LUCAS DE LEYSSAC, no 285.
210 CA Paris, 24 juin 1965, J. C. P., 1966.11.17.700,
note D. Becourt.
211 Cass. crim. 4 déc. 1974, Bull. crim.,
no 361.
Tout au plus, il faut souligner qu'il y a vol dès que
la chose soustraite était en société, même
familiale, car cela porte alors atteinte aux droits des créanciers
sociaux212et menace les intérêts de la personne
morale213.
La question essentielle de savoir si la chose, objet de
l'infraction couverte par l'immunité, est la propriété de
la personne au regard de laquelle il y a immunité, peut recevoir des
solutions opposées quand cette chose est une chose fongible, telle une
somme d'argent, qui avait été confiée à cette
personne.
Si on qualifie cette personne de dépositaire,
l'immunité ne pourra pas jouer, car le dépositaire est tenu de
restituer la chose même qui lui est confiée et ne peut donc
être devenu propriétaire de cette chose.
Ainsi, dans ce sens, a-t-il été jugé que
des receveurs de contributions directes étaient dépositaires des
sommes par eux reçues, qu'en conséquence, les
prélèvements opérés sur ces sommes par leur
conjoint ou descendant, l'étaient au préjudice de l'Etat et ne
pouvait par suite être couverts par l'immunité214.
En revanche, si le titre de détention est situé,
non dans le dépôt, mais dans le mandat, l'immunité peut
jouer car, à la différence du dépositaire, le mandataire
n'est pas tenu de restituer la chose même reçue ; il suffit qu'il
la restitue en équivalent215. Dans cette même
perspective, il a été jugé que pouvait
bénéficier de l'immunité le fils qui avait soustrait la
recette de cotisations, remises à son père, en qualité de
trésorier d'une société, au motif que celui-ci
était mandataire216.
Cette jurisprudence a été toutefois
critiquée par GARCON en faisant valoir qu'il faut admettre que
l'autonomie du droit pénal l'autorise à considérer que les
conditions de
212 Cass. crim. 4 déc. 1974, Bull. crim.,
no 361.
213 J. LARGUIER, P. CONTE et A. M. LARGUIER, op. cit.,
p. 249.
214 Encyclopédie Dalloz, Répertoire de Droit
Pénal et procédure pénale, << Vol », par
M. P. LUCAS DE LEYSSAC, no 286.
215 Ibid.
216 Cass. crim. 18 janv. 1819, Bull. crim.,
no 13 cité par Encyclopédie Dalloz,
Répertoire de Droit Pénal et procédure
pénale, << Vol », par M. P. LUCAS DE LEYSSAC,
no 286.
propriété familiale n'étaient pas
remplies217. A notre avis, nous inclinons à nous rallier
à cette manière de voir.
Enfin, quant à ce qui concerne les objets saisis, bien
que l'article 398 alinéa 1 C. P. dispose que celui qui les aura
détourné ou détruit, qu'il soit le saisi ou une tierce
personne, sera passible des peines du vol l'immunité ne trouvera pas
application. Dans ce cas le code pénal réprime non seulement
l'atteinte portée au droit de propriété d'autrui, mais
aussi l'entrave à l'action des pouvoirs publics en vue de
l'exécution des actes authentiques et notamment des décisions de
justice218.
Cependant, il se pose la question de savoir si toute atteinte
à la propriété familiale est couverte par
l'immunité.
§2. Atteinte juridique à la
chose
Les atteintes aux biens peuvent se présenter soit comme
une violation purement juridique du droit de propriété (vol,
escroquerie, etc.), soit comme une atteinte à l'intégrité
physique du bien sans aucune idée d'appropriation (incendie,
destruction, etc.)219. Ceci revient à distinguer
respectivement les atteintes juridiques et les atteintes matérielles aux
biens.
Ainsi l'immunité familiale, justifiée par la
nécessité de préserver la structure familiale, couvre
principalement les infractions qui portent atteinte au
patrimoine220.
Cependant, toute atteinte à la propriété
familiale n'est pas couverte par l'immunité ; ainsi faut-il encore qu'il
s'agisse d'une atteinte juridique seulement. A part le fait que le dommage doit
être purement familial, s'ajoute que ce dommage doit être seulement
une atteinte juridique aux biens221. Dès lors,
l'immunité ne s'applique pas lorsqu'il s'agit d'une atteinte
matérielle au bien telle la destruction des biens appartenant à
une personne ayant des
217 Encyclopédie Dalloz, Répertoire de Droit
Pénal et procédure pénale, « Vol », par M.
P. LUCAS DE LEYSSAC, no 287.
218 C. RAYMOND, op. cit., p. 166.
219 N. NSENGIYUMVA, L'escroquerie et sa répression en
droit rwandais, Mémoire de licence, Butare, UNR, 1987, p. 5 (non
publié).
220 N. MALFESSIS, F. DESPORTES et F. LE GUHENEC (dir.), Droit
pénal général, 12è éd.,
Paris, Economica, 2002, p. 683.
221 M. L. RASSAT, supra, note 31, 5è
éd., p. 248.
liens de parenté ou d'alliance avec l'auteur. C'est
dans le cadre même des seules atteintes juridiques aux biens que
l'immunité a été étendue à l'escroquerie,
l'abus de confiance et l'extorsion222.
Se pose maintenant, à bonne raison, la question de
savoir si l'immunité qui couvre les atteintes juridiques portées
aux biens par des personnes liées aux victimes par des rapports de
parenté ou d'alliance n'a pas de répercussions négatives
sur la famille ou la société.
Section IV. Les répercussions de
l'immunité familiale
L'impunité couvrant les vols commis par certains
membres de famille au préjudice de leurs parents ou alliés n'est
pas sans répercussions. A ce propos, il nous paraît
intéressant de souligner que cette immunité peut, tout d'abord,
inciter aux actes antisociaux. Ensuite, elle entraîne une fragilisation
du droit de propriété dont disposent certains membres de la
famille. Enfin, elle affecte, bien que légèrement, l'action
civile intentée à raison de l'infraction née du vol
immunisé.
§1. Incitation aux actes immoraux et
anti-sociaux
Comme vu supra, le législateur rwandais a
instituée l'immunité pour certains vols commis dans le cadre de
la famille aussi bien pour des raisons d'ordre patrimonial que d'ordre moral.
En effet, il a été inspiré par la volonté de ne pas
envenimer encore davantage, par les poursuites pénales, une situation
familiale déjà perturbée.
Cependant, de concert avec M.-L. RASSAT, il n'en demeure pas
moins que cette immunité peut parvenir à faire échapper
à la répression des actes moralement et socialement
graves223.
Pour être plus concret, prenons par exemple le cas d'un
mari qui a quitté son foyer et qui revient, par après, pour
soustraire frauduleusement les biens qui devraient servir à la survie de
la famille et qui va les gaspiller avec un concubin. Dans ce cas, le mari
n'encourt aucune poursuite pénale. Cette immunité peut l'inciter
à faire de tels actes sans aucune
crainte. Ici la fonction de prévention
générale de la peine, c'est-à-dire la fonction de freiner,
voire d'empêcher l'accomplissement de comportements jugés
indésirables par la dissuasion et l'intimidation des contrevenants
potentiels224et vidée de son importance.
Il est déplorable, aussi, que l'action civile qui reste
ouverte puisse aboutir à rien quand le mari aura tout consommé.
En plus, au cas où il s'avère nécessaire de recourir
à l'exécution forcée au moment où le mari est
débouté elle se ferait toujours au détriment de la
même famille.
Ainsi, cette assurance de l'impunité risque, comme le
souligne R. KINT d'inciter à des actes de ce genre qui, à
l'évidence, ne tiennent nullement compte de la protection à
accorder à la famille225. Et la famille dans ce cas, ne peut
bénéficier de la protection de la loi pénale alors que,
comme vu supra, le vol couvert par l'immunité peut porter sur
les objets indispensables à la vie quotidienne de la victime.
§2. Fragilisation du droit de
propriété
L'article 9 de la constitution dispose que toute personne a
droit à la propriété privée, individuelle ou
collective et qu'elle est inviolable et qu'il ne peut y être porté
atteinte que pour cause d'utilité publique, dans les cas et de la
manière établis par la loi, et moyennant une juste et
préalable indemnisation226.
Ce texte serait purement théorique si le
législateur n'avait pas pris des mesures adéquates de
répression à l'encontre des auteurs des infractions
éventuelles contre les propriétés. Lesdites infractions
constituent des atteintes dirigées contre les biens des personnes tant
physiques que morales. C'est ainsi que le code pénal réprime les
différentes infractions contre les biens telles que le vol,
l'escroquerie, la destruction des objets pour ne mentionner que ceux-ci.
224 M. VAN DE KERCHOVE, «Les fonctions de la sanction
pénale entre droit et philosophie»en ligne sur «
http://www.cairn.info/article_p.php?ID_ARTICLE=INSO_127_0022
», consulté le 02/07/2008.
225 R. KINT, op. cit., p. 127.
226 Art. 29 de la Constitution du 4 Juin 2003 telle que
révisée à ce jour, J.O.R.R. no
spécial du 04/06/2003.
Néanmoins, il convient de déplorer, d'autre
part, que le législateur ait immunisé purement et simplement
certaines atteintes contre les biens commises par certaines personnes au
préjudice de leurs parents ou alliés. En l'occurrence si le vol a
été commis par une personne couverte par l'immunité, la
victime n'a aucune possibilité de demander qu'une poursuite
pénale soit engagée contre l'auteur ; d'où la
première se trouve forcée en quelque sorte au pardon même
quand telle n'est pas sa volonté ou n'est pas de l'intérêt
de la famille.
Dans cet état des choses, l'assurance de
l'impunité peut conduire à la fragilisation du droit de
propriété dans le cercle familial. Pourtant, la
propriété est l'une des valeurs sociales dignes d'une attention
particulière dont le droit pénal a pour tâche d'assurer la
protection et nécessitant en toute logique son intervention pour
garantir leur respect227. Dès lors, les biens de certains
membres de la famille sont exposés à la merci de leurs parents ou
alliés qui, assurés de l'absence d'une éventuelle
poursuite pénale, se soucient peu des motifs qui ont poussé le
législateur à instaurer l'immunité.
Peut être pourrait-on objecter en disant que les
réparations civiles restent possibles pour la victime ; mais ici encore
il faut garder à l'esprit que certains biens fongibles comme l'argent
seront facilement disposés par le coupable alors que ce droit appartient
exclusivement et absolument au propriétaire sauf en cas des restrictions
prévues par la loi228.
Il convient, alors, de se demander si les buts on ne peut plus
bien-fondés que le législateur a visés ne pouvaient
être atteint d'une autre façon qui donne plus de protection aux
biens de la victime notamment la possibilité d'une poursuite
éventuelle. En l'occurrence le système de la plainte
préalable229 pourrait, comme l'affirme R. KINT, permettre
d'arriver à ces buts sans toutefois exclure la possibilité des
poursuites pénales quand tel est le souhait de la
victime230qui dispose d'un droit de propriété
inviolable sur le bien que la loi pénale devrait bel et bien
protéger.
227 L. DE GRAEVE, Essai sur le concept de punir en droit
interne, Thèse de doctorat en droit, Lyon, Université Jean
Moulin-Lyon III, 2006 en ligne sur «
http://thesesbrain.univlyon3.fr/sdx/theses/notice.xsp?=lyon3.2006.degraeve
I-principal&id doc=lyon3.2006.degraeve I&isid=lyon3.2006.degraeve
I&base=documents&dn=1 », consulté le 02/07/2008.
228 Art. 14 CCL II.
229 La plainte préalable est la manifestation de
volonté de la personne préjudiciée, au sens de l'action de
responsabilité pénale du coupable adressée aux
autorités judiciaires, condition pour la mise en mouvement de l'action
pénale par celles-ci. ; Voy. Maître Angelica CHIRILA,
«Le concept et l'importance de la plainte
préalable » en ligne sur «
http://www.juridica-danubius.ro/continut/arhiva/A15.pdf
», consulté le 05/03/2009.
230 R. KINT, op. cit., p. 127 et M. L. RASSAT,
supra, note 31, 5è éd., p. 246.
52 §3. Difficulté de preuve en cas
d'action civile en réparation
La victime de l'infraction couverte par l'immunité ne
perd pas son droit à réparation pour le préjudice que lui
a causé l'infraction car l'immunité n'est pas élisive de
responsabilité civile. Toutefois, comme l'infraction à l'origine
du préjudice ne peut donner lieu à des poursuites pénales,
cette action ne peut être intentée que devant le juge
civil231. Ainsi, la juridiction répressive qui constate que
le fait dont elle est saisi constitue un vol commis par des personnes couvertes
par l'immunité, fait dépourvu dès lors des sanctions
pénales, ne peut retenir la connaissance de l'action
civile232.
Le préjudice à la base de l'action en
réparation devant le juge civil doit être prouvé selon les
règles de droit civil. Dans cette situation, il n'est plus aisé
à la victime d'apporter les preuves comme il en serait le cas si cette
dernière s'était constituée partie civile.
En effet, quand l'action civile est portée devant le
juge pénal en même temps que l'action publique elle offre aux
victimes le bénéfice d'une seule instance aux nombreux avantages
dont celui du bénéfice des preuves apportées par les
autorités judiciaires233.
Dans le cas contraire, H. BEKAERT affirme que les modes civils
de preuve sont impuissants à constater des faits de cette nature qui,
malgré l'absence de peine, restent des délits souvent complexes,
que seules les perquisitions, des confrontations permettent de
découvrir234.
La victime qui veut réclamer les dommages
intérêts aura à prouver non seulement le lien de
causalité entre l'infraction et le préjudice subi, mais aussi le
fait même constitutif de faute (l'infraction). Ce qui ne sera pas facile
du moment où l'infraction n'est pas poursuivie. Mais si l'infraction
était poursuivie et l'auteur condamné la victime n'aurait
qu'à demander les dommages intérêts en prouvant tout
simplement le préjudice subi et le lien entre ce dernier et l'infraction
déjà constatée par le juge.
231 J. LARGUIER, P. CONTE et A. M. LARGUIER, op. cit.,
p. 249.
232 C. RAYMOND, op. cit., p. 164.
233 L. DE GRAEVE, Essai sur le concept de punir en droit
interne, Thèse de doctorat en droit, Lyon, Université Jean
Moulin-Lyon III, 2006 en ligne sur «
http://thesesbrain.univlyon3.fr/sdx/theses/notice.xsp?=lyon3.2006.degraeve
I-principal&id doc=lyon3.2006.degraeve I&isid=lyon3.2006.degraeve
I&base=documents&dn=1 », consulté le 02/07/2008.
234 H. BEKAERT, op. cit., p. 80.
53 CONCLUSION GENERALE
Au bout de ce travail d'une telle envergure, force est de
conclure que le législateur rwandais a prévu une immunité
sui generis pour des vols commis au préjudice du conjoint, du
parent ou de l'allié de l'auteur au degré prévu. Etant
introduite pour des raisons d'intérêts familiaux,
l'immunité est personnelle au seul auteur de l'infraction lié
à la victime par des liens de parenté ou d'alliance au
degré prévu. Dès lors, les vols commis dans le cadre de la
famille ne peuvent donner lieu à des poursuites pénales mais
n'excluent toutefois pas les réparations civiles qui restent
possibles.
Des raisons à la base de cette immunité se
trouvent dans le patrimoine familial et la paix familiale. Néanmoins, le
fondement de cette cause d'impunité dans une sorte de
copropriété n'est plus satisfaisant dans l'état actuel des
textes législatifs puisque même les époux qui, avec leurs
enfants, constituent la famille nucléaire, peuvent avoir un
régime de séparation des biens de façon que l'on ne puisse
prétendre à l'éventuelle erreur sur la chose d'autrui.
Pourtant, la paix familiale reste toujours à
protéger en évitant, autant que possible, des troubles
éventuels. Néanmoins, le système de l'immunité que
la loi a prévu à l'égard des auteurs du vol au
préjudice de certains membres de la famille à cette fin ne laisse
pas moins à désirer. En évitant les poursuites, la
situation peut aller de mal en pis au lieu de se stabiliser. En effet, certains
bénéficiaires de l'immunité, assurés par l'absence
d'une éventuelle poursuite sur le plan pénal, peuvent abuser de
cette dernière pour des objectifs autres que ceux visés par le
législateur.
Ainsi, nous recommandons que notre législateur puisse
remplacer le régime de l'immunité par le système de la
plainte préalable qui peut permettre d'atteindre les objectifs qu'il a
visés en instaurant l'immunité sans priver la victime voire la
famille de la possibilité d'apprécier l'éventualité
des poursuites pénales. Ceci renforcerait, la protection de la
propriété familiale par le droit pénal sans pour autant
semer des troubles au sein de la famille et permettrait d'éviter les
répercussions de l'immunité que nous avons
évoquées.
de l'un d'eux. Mais pendant l'instance en divorce ou pendant
la séparation de corps les époux sont animés par des
sentiments de haine et la crainte d'un divorce éventuel pouvant pousser
l'un ou l'autre époux à soustraire frauduleusement les biens de
l'autre.
Nous recommandons alors, que le législateur exclue
l'immunité pendant l'instance en divorce et pendant la séparation
de corps. En plus, les vols commis par un veuf ou une veuve quant aux choses
qui avaient appartenu à l'époux décédé
devraient être exclus du bénéfice de l'immunité car
ils portent atteinte aux intérêts des héritiers de ce
dernier surtout quand ils ne sont pas des descendants de l'époux
survivant.
En outre, sont couverts par l'immunité les vols qui
portent sur tout objet appartenant à la personne à l'égard
de laquelle l'immunité est prévue ; ainsi s'il préjudicie
un tiers son auteur ne peut plus invoquer le bénéfice de
l'immunité. Cependant, cette situation de faire échapper à
la répression tous les vols commis entre parents ou allié sans
prévoir aucune exception met certaines victimes de ces vols dans une
situation fort déplorable. C'est notamment lorsque ces vols portent sur
les objets essentiels à la vie quotidienne de la victime.
Par ici même, nous attirons l'attention de notre
législateur sur la nécessité d'intervenir pour mettre des
limites quant à ce qui concerne les objets sur lesquels portent le vols
couverts par l'immunité familiale. La loi doit de lege ferenda
exclure du bénéfice de l'immunité certains vols dont
notamment ceux portant sur les objets indispensables à la vie
quotidienne de l'une des personnes victimes de l'infraction. Sinon,
l'équilibre de la famille que le législateur a entendu
protéger se trouverait au contraire compromis davantage.
Nous espérons, par ce travail, avoir apporté
notre pierre, mais nous sommes encore loin d'épuiser la matière
malgré les intérêts on ne peut plus multiples que
présente le travail. Ainsi par voie de proposition nous voudrions, par
cette même occasion, appeler les futurs chercheurs à prendre le
relais et aborder les points qui n'ont pas fait objet de notre recherche
notamment l'immunité pour l'escroquerie et l'abus de confiance dans le
dessein d'ameliorer notre système juridique.
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