7.1.2. La place de l'intégration environnementale
dans le cycle d'approbation
L'environnement est un des thèmes transversaux dont la
prise en compte devrait être systématique. Mais cet aspect est-il
vraiment évalué lors de l'appréciation des dossiers ?
Cette question a été posée sans détour aux quatre
gestionnaires du service D3.1. Toutes les réponses concordent : la
thématique n'est pas ignorée, mais elle ne constitue pas pour
autant une conditionnalité. D'après les témoignages
recueillis, jamais un programme ni un projet ne sera rejeté parce qu'il
n'intègre pas suffisamment les problématiques
environnementales.
Tout d'abord, la thématique environnementale ne fait
pas l'objet d'un examen spécifique et attentif de la part du service
ONG, ce pour diverses raisons qui seront exposées ci-dessous. De plus,
en admettant qu'un programme ou qu'un projet comporte des lacunes de ce point
de vue, le cycle d'approbation et ses différentes étapes
n'offrent pas de réelles possibilités de correction ou
rectification. Si le dialogue politique permet de pointer les
éventuelles failles d'un dossier, il n'est pas envisageable de tenir
compte des remarques pour le dossier en cours s'il a, malgré tout,
été accepté. Premièrement, tout changement
signifierait le remaniement budgétaire du projet, ce qui est fortement
découragé. Il faudrait en outre prévoir une période
de rectification des dossiers par les ONG, ce qui allongerait la durée
du cycle d'approbation. En général, le motif principal qui
conduit à une modification d'un dossier en cours concerne des failles
budgétaires. Dès lors, les commentaires soulevés à
l'égard d'un dossier ne peuvent effectivement être pris en
considération qu'à la conception du dossier suivant.
En ce qui concerne l'intégration de l'environnement par
les ONGD, les avis convergent également. Dans l'ensemble, les dossiers
soumis au service ONG donnent l'impression de ne pas y porter une attention
suffisante, voire de l'intégrer de manière purement «
cosmétique ».
« Certaines ONG mettent un petit paragraphe [sur
l'environnement] parce qu'elles suivent les questions posées dans la
fiche d'appréciation. Mais les arguments ne se retrouvent pas dans le
reste du dossier. »
Comme le suggère cet extrait, les fiches
d'appréciation des projets et des programmes sont disponibles sur
Internet à l'instar de tous les documents réglementaires, qui
sont d'ailleurs centralisés par les fédérations d'ONG.
C'est aussi le cas du schéma de présentation des programmes ou
projets qui, comme son nom l'indique, est un document qui doit servir de
référence lors de la rédaction des dossiers.
Les gestionnaires interrogés ont tout de même
nuancé leur propos et ont admis que leur impression pouvait cacher une
réalité différente. Premièrement, leur principale
source d'information reste le dossier soumis par les ONG et il peut
s'avérer difficile de traduire leur démarche sur papier.
Deuxièmement, la DGCD elle-même fournissait très peu
d'informations (voire aucune) sur ces attentes en matière
d'intégration des thématiques transversales. Nous verrons
ci-après que la situation a très récemment
évolué. Enfin, troisièmement, les gestionnaires
eux-mêmes ne sont pas préparés à l'évaluation
de cette thématique.
7.1.3. Schéma de présentation et fiche
d'appréciation
Lorsque cette enquête a débuté, les
schémas de présentation ainsi que les fiches
d'appréciation en vigueur dataient de 2007. Depuis mars 2010, ces
documents ont été modifiés, notamment de façon
à prendre mieux en compte les différentes thématiques
transversales. Lors des entretiens avec les gestionnaires, ce changement nous
avait été signalé mais, un mois seulement après
leur publication, ces documents n'étaient pas encore réellement
utilisés. Il paraît donc pertinent d'examiner les anciennes
versions et de les comparer aux nouvelles moutures.
Le schéma de présentation est une aide à
la rédaction d'un projet ou programme. Dans sa version de 2007, aucune
mention n'était faite des thématiques transversales. La nouvelle
version comble cette lacune et met en avant deux thèmes transversaux en
particulier : « Une attention particulière sera portée aux
thèmes transversaux, et plus particulièrement au genre et
à l'environnement » (DGCD, 2010c, p. 3). Le document précise
ensuite que la « protection de l'environnement doit donc faire partie
intégrante du processus de développement et ne peut être
considérée isolément. Dès lors, le programme
présentera une analyse des effets ou de la pression qu'il produit sur le
milieu et sur l'environnement et/ou des améliorations qu'il vise
à produire » (ibid.). Il s'agit bien évidemment
d'un pas en avant. Il faut cependant noter que seuls deux des
quatre axes d'intégration identifiés sont
présents : la minimisation des pressions et la maximisation des effets
positifs. Sont donc négligés l'adaptation aux contraintes et
opportunités environnementales.
Plus loin dans le document, un tableau reprend tous les
thèmes transversaux, dont un bon nombre n'est pas repris par la Loi de
1999 : le genre, l'environnement, la bonne gouvernance, le développement
du commerce, la désertification, la biodiversité, le changement
climatique, l'économie sociale, le milieu urbain, les droits des
enfants, le VIH/SIDA. Nous pouvons constater que sur 11 thèmes, quatre
concernent l'environnement. Dans ce tableau, les ONG sont censées
indiquer la manière dont ces thèmes sont pris en compte sur une
échelle de trois niveaux d'intégration, calquée sur les
marqueurs de Rio : (0) « l'intervention ne s'intéresse pas à
cet objectif », (1) « il s'agit d'un élément important
pour l'intervention mais non la principale raison », (2) « il s'agit
de la principale raison de l'intervention ». La valeur (0) signifierait
que l'intégration de la thématique a été
effectivement examinée mais que les résultats montrent qu'elle
n'est pas prise en compte dans le programme. En annexe au schéma se
trouve une explication pour la codification des marqueurs de Rio (DGCD, 2010c,
p. 6).
Ces modifications ont le mérite de mettre l'accent sur
l'intégration des thèmes transversaux, de l'environnement et du
genre en particulier. Le tableau proposé encourage au moins les ONG
à s'interroger sur la place qu'elles accordent à l'environnement,
et aux autres thématiques. Cependant, des informations plus pratiques
font encore défaut, des lignes directrices précisant les attentes
du bailleur. L'objectif poursuivi n'est pas de constater si telle
thématique ou telle autre est prise en compte ou pas mais bien de les
prendre effectivement en compte au stade le plus précoce. Or le
système des marqueurs du CAD « a pour but d'identifier les
activités orientées vers un objectif politique », à
des fins plutôt statistiques donc (Comité d'aide au
développement, 2007, p. 119). En outre, ce système a
été conçu pour les agences nationales de
développement, il serait utile, avant d'aller plus loin dans cette
démarche, de s'interroger sur son application dans des structures plus
modestes.
La fiche d'appréciation a elle aussi été
retravaillée. La fiche d'appréciation est en fait une liste de
questions classées par critère (pertinence, efficacité,
etc.) qui permettent d'évaluer la qualité d'un projet ou
programme. La version de 2007 comprend deux questions avec une
référence directe à l'environnement,
classées sous le critère « pertinence pour le
développement » : « Le projet accorte-t-il une attention
suffisante aux thèmes prioritaires de la coopération ? Au
développement durable - le projet soutient-il un développement
qui répond aux besoins du présent sans compromettre la
capacité des générations futures de répondre aux
leurs ? ; A l'environnement - l'ONG tient-elle compte de l'impact, positif ou
négatif, que les activités peuvent avoir sur l'environnement ?
» (DGCD, 2007a, p. 4).
La version de 2010 se veut plus précise et plus claire
dans sa formulation, quel que soit le thème envisagé. Trois
questions concernent l'environnement. Deux sont reprises sous le critère
de « pertinence » : « L'ONG respecte-t-elle les objectifs de la
coopération internationale belge : le développement humain
durable [...]. » et « L'ONG prend-elle systématiquement en
compte et intègre-t-elle transversalement dans son projet : [...]
l'environnement : l'amélioration de l'environnement physique ou
biologique ou l'accroissement de l'attention pour la problématique de
l'environnement ? [...] » (DGCD, 2010b, p. 4). Une troisième
question a été ajoutée sous le critère «
durabilité » : « Le projet tient-il compte de son impact sur
l'environnement ? » (op. cit. p. 5). Un nouveau point a
été placé sous le critère pertinence, «
l'analyse du contexte et les politiques nationales », qui comprend la
question suivante : « Le projet est-il basé sur une analyse
approfondie (juridique, politique, socio-économique et culturelle) et
pertinente du contexte local » (op. cit. p. 3). Si
l'utilité de cette question n'est pas à mettre en doute,
l'analyse du contexte étant une condition essentielle à la
conception d'un bon projet ou programme, il est déplorable que
l'environnement n'ait pas été inclus dans la parenthèse.
L'intégration de l'environnement ne peut se concrétiser sans sa
prise en compte lors de l'analyse du contexte. En termes d'efficience, l'on
pourrait également suggérer de mentionner les ressources
naturelles dans la question suivante : « Les moyens matériels,
humains et financiers nécessaires à l'atteinte des
résultats prévus sont-ils adaptés ? ».
Il ressort de l'examen du schéma de présentation
et de la fiche d'appréciation qu'un effort a été consenti
pour clarifier les composantes des critères de qualité, guider le
travail d'évaluation des gestionnaires du service D3.1 et
intégrer davantage toutes les thématiques transversales dans leur
travail. D'après les témoignages recueillis, ces documents sont
activement utilisés par les ONG pour concevoir des projets qui
correspondent aux attentes du bailleur. Il n'est donc pas
inutile d'approfondir la réflexion sur ces documents et de
valoriser leur potentiel en tant qu'outils d'intégration de
l'environnement.
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