II. La dynamique des paysages
La dynamique des paysages représente l'ensemble des
modifications qui ont une influence sur la structure des paysages.
D'après Burel et Baudry (1999), «si la structure des paysages peut
changer, c'est toujours dans le cadre d'un milieu physique et d'un milieu
socio-téchnique donnés. Cet environnement détermine,
à un moment donné, les types d'éléments
présents et leurs relations avec l'espace».
Un des éléments principaux est la
végétation et sa dynamique, dont les successions
végétales et les séries de végétation ont
fait l'objet de nombreuses études.
Ainsi, Clements, 1916, 1936 (in Cohen et al., 2003) avait
théorisé les successions végétales et le climax
selon une conception holiste et organiciste: l'évolution de la
végétation dans son ensemble est comparable à celle d'un
organisme, elle tend vers un état d'équilibre unique
(monoclimax), déterminé par les conditions stationnelles
régionales. Pour Braun -Blanquet (1936), le <<climax>> est
l'expression d'un <<équilibre durable entre le climat d'une
contrée, son sol et sa végétation >>. Le monoclimax
au sens de Clements subi de nombreux remaniements, notamment par la prise en
compte de perturbations localement régulières.
Rameau (1993) reprend cette idée et distingue plusieurs
catégories d'essences ligneuses, en fonction de leur comportement
dynamique et de leurs stratégies de reproduction:
vent, recherchant la pleine lumière au stade
juvénile et supportant le stress imposé par le macroclimat, avec
une formidable et précoce fécondité ; ex : Betula,
Salix, Populus, Alnus, etc;
- les espèces postpionnières, qui
interviennent généralement ensuite dans la sylvigenèse et
ont comme caractéristiques: croissance rapide, souvent de grande taille,
tempérament encore plus ou moins héliophile dans le jeune %oge,
fécondité élevée, divers moyens de
dissémination; ex : Pinus, Larix, Quercus, Acer, Ulmus, Tilia,
Fraxinus , etc. ;
- les dryades, ou espèces d'ombre à
l'état juvénile (germination demandant une lumière
filtrée); ex : Fagus, Abies, Picea, Taxus, etc;
- les nomades - des espèces
postpionnières ou dryades pouvant s'installer directement dans un milieu
ouvert et jouer un rTMle pionnier; ex : Pinus, Quercus robur, Quercus
pubescens, Picea abies, etc.
Les auteurs contemporains s'accordent
généralement pour dire que la conception d'une <<relative
stabilité È des communautés forestières terminales
constitue le point central des discussions (Otto, 1998 ; Dubois et Riou,
1999).
Quant à la notion de <<série de
végétation È, complémentaire du climax chez
Clements, développée par Gaussen (1933) puis Ozenda (1964), elle
désigne l'ensemble des groupements qui conduisent à un climax par
évolution progressive et de ceux qui en dérivent par
dégradation.
Les défenseurs d'une conception holiste, comme Eugene
Odum, voient la succession écologique comme un <<principe
ordonné de développement de la communauté dans une
direction raisonnablement précise donc prévisible È (Odum,
in Goldsmith, 2004).
Connell et Slatyer, 1977 (in Cohen et al., 2003), dans un
modèle fondé sur la compétition, montrent que les
espèces des phases pionnières peuvent agir à
l'égard de celles des phases ultérieures selon trois
modalités: facilitation, tolérance ou inhibition. Ce
modèle est assumé, aussi, par Rameau (1993) : << Les
espèces pionnières favorisent souvent l'installation
d'espèces plus exigeantes (facilitation); parfois, au contraire, des
plantes exercent un effet d'inhibition s'opposant, pendant leur durée de
vie, au développement d'autres végétaux.È
Cette vision plutTMt botanique sur la dynamique des paysages
est complétée par celle du géographe. Ainsi, Bertrand
& Bertrand (2002) affirment que «le système d'évolution
d'une unité de paysage, d'un géosystème par exemple,
rassemble toutes les formes d'énergie, complémentaires ou
antagonistes, qui en réagissant dialectiquement les unes sur les autres,
déterminent l'évolution générale de ce
paysage.»
Plus loin, Bertrand & Bertrand (2002) réalisent une
typologie dynamique des paysages, en classant les géosystèmes en
fonction de leur évolution et en englobant de ce fait tous les aspects
des paysages. Cette typologie tient compte de 3 éléments: du
système d'évolution, du stade atteint par rapport au climax, du
sens général de la dynamique (progressive, régressive,
stabilité), et en s'inspirant, donc, de la théorie de
bio-rhexistasie de H. Erhart. On distingue, ainsi, 7 types de
géosystèmes, regroupés en deux ensembles dynamiques
différents:
Les géosystèmes en biostasie -
activité géomorphologique faible ou nulle:
- les geosystèmes climaciquesÈ,
plésioclimaciquesÈ ou subclimaciquesÈ - les
géosystèmes paraclimaciquesÈ
- les géosystèmes dégradés
à dynamique progressive
- les géosystèmes dégradés
à dynamique régressive sans modification importante du potentiel
écologique
Les géosystèmes en rhexistasie - la
géomorphogenèse domine la dynamique globale des paysages:
- les géosystèmes à
géomorphogenèse naturelle È
- les geosystemes régressifs à
géomorphogenèse liée à l'action
anthropique.
La dynamique des paysages est, donc, un
phénomène assez complexe, qui touche de nombreuses dimensions
spatiales et sociales. Pour cette raison, aussi bien qu'afin de simuler les
répercussions des décisions des divers acteurs, touchant
l'utilisation des terres, le fait de prévoir l'évolution des
paysages est tout a fait nécessaire.
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