II. Les facteurs limitant la productivité
agricole
En général, on peut dire que deux
éléments essentiels empiètent sur la productivité :
la taille de l'exploitation (A) et les coûts de transactions (B).
A. La taille de l'exploitation
Au début de l'histoire moderne, la terre arable
semblait être une ressource en quantité infinie, l'organisation de
celle-ci ne semblait pas être une priorité. Au fur et à
mesure que la densité de la population augmente, la terre devient
relativement de plus en plus rare et la façon de la distribuer a pris
une place importante dans les discutions politiques (Piette, 2006). La
façon la plus économiquement efficace de gérer cette
ressource a donné une place importante à l'étude de la
relation entre la taille d'une exploitation et sa productivité
dès le début de l'économie du développement.
Les études théoriques et empiriques
suggèrent que cette relation est négative, c'est-à-dire
que plus la taille d'une exploitation est grande, plus celle-ci est inefficace
(Sen (1962, 1966)20 ; Berry et Cline (1979) ; Bardhan (1973) ;
Deolalikar (1981)...).
20 Voir Thapa (2007).
Berry et Cline (1979) sont les premières à
vérifier empiriquement la relation entre la taille d'une exploitation et
la productivité en utilisant les données du Brésil, de la
Colombie, des Philippines, du Pakistan, de l'Inde et de la Malaisie. Ils
démontrent que la productivité est plus grande sur les petites
exploitations que sur les grandes exploitations.
Cependant les hypothèses néoclassiques
suggèrent qu'il ne devrait pas y avoir de corrélation entre la
productivité et la taille d'une exploitation (Bhalla et Roy, 1988). Dans
un monde où tous les marchés fonctionnent parfaitement, la
distribution de la terre est telle que la production de l'économie est
maximisée. La relation négative serait due aux imperfections sur
les marchés du travail, de la terre, du capital et du crédit dans
les pays en développement (Piette, 2006).
Pour Sen (1966) les exploitants qui sont incapables de vendre
leur main-d'oeuvre sur le marché l'appliquent sur la terre familiale. En
conséquence, l'intensité de la main-d'oeuvre sur les petites
exploitations est plus grande et la production par unité de terre est
plus élevée. Les marchés de la terre, du capital physique
et du crédit sont quant à eux imparfaits puisque les petits
exploitants, n'ayant pour la plupart du temps pas de garantie, ne sont pas
capables de les acquérir. Alors que les imperfections du marché
du travail augmentent la productivité des petites exploitations, celles
des marchés du capital et du crédit ont le résultat
inverse.
Ainsi, Mahesh (2000) a étudié la relation entre
la taille de l'exploitation et la productivité en Inde (Kerala).
L'auteur trouve que les grandes exploitations ont de plus grand niveaux de
productivité. L'explication de ce résultat serait que les petites
exploitations utilisent généralement la main d'oeuvre familiale
qui est moins efficiente que la main d'oeuvre salariale.
En parlant de l'agriculture Pakistanaise, Kausar (2008) trouve
que les exploitations de petites et de grandes tailles sont plus productives
que celle de tailles moyennes. La principale raison à cela est que, les
exploitations de petites tailles sont plus productives car elles utilisent
intensément la main d'oeuvre et l'irrigation tandis que les
exploitations de tailles moyennes sont inefficaces dans la combinaison des
inputs et celles de grandes tailles utilisent un maximum de capital.
La littérature sur cette relation est très
limitée en Afrique comme le note Usabuwera (1995) à travers une
étude de cas sur le Rwanda. Les résultats de cette étude
confirment l'existence d'une relation inverse entre la productivité et
la taille de l'exploitation. En effet les
contraintes liées à l'accès à la
terre, l'accès au marché du travail sont moins importantes pour
les petites exploitations par rapport aux exploitations de grande taille. Dans
ce cas, cette relation est affectée par la qualité de la terre,
les coûts liés à l'utilisation des fertilisants et produits
chimiques, les investissements pour conserver la qualité de la terre.
Cette relation a été longuement discutée et ne fait
l'objet d'aucun consensus entre chercheurs. Ainsi, il a été
suggéré à plusieurs reprises dans la littérature
économique, que la révolution verte21 aurait
diminuée ou même inversée la relation négative entre
la taille d'une exploitation et sa productivité (Deolalikar, 1981).
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