B. Les déterminants de la productivité
Il s'agi ici de passer en revue les déterminants
économiques ayant été identifiés par les
études empiriques comme les variables ayant les plus grands impacts sur
la productivité agricole.
La majorité des études portant sur la
productivité font état de trois principaux facteurs
économiques exerçant une influence majeure sur sa croissance. Ces
trois facteurs, qui font l'objet d'un large consensus parmi les
économistes à travers le monde sont : l'investissement en
matériel et outillage, le développement des compétences et
l'ouverture au commerce et à l'investissement (Harris, 1999). Dans le
cadre de ce travail, nous nous limiterons aux deux premiers facteurs. A ceux-ci
s'ajoutent plusieurs autres ayant les effets indirects et qui suscitent encore
des débats quant à l'importance de leur influence sur la
croissance de la productivité (Gamache, 2005). Notamment, la taille et
l'innovation si on se limite au niveau d'une EFA.
Habituellement, la croissance de la productivité
affiche une corrélation élevée avec l'investissement
en matériel et outillage (exprimé en proportion du PIB). Les
pays qui ont les taux d'investissement élevés en matériel
et outillage par rapport au PIB ont aussi des taux de croissance
élevés dans l'ensemble. Ce réajustement permet de corriger
l'effet de la convergence conditionnelle ou le « rattrapage » toute
chose égale par ailleurs, on peut s'attendre à ce qu'un pays
pauvre connaisse une croissance plus rapide qu'un pays riche (Harris, 1999).
Cette corrélation vaut autant pour les pays développés que
pour les pays en développement et elle tient sur de longues
périodes. Par ailleurs, les changements de technologie qui se feraient
par les investissements en matériel et outillage ont une grande
importance dans la croissance de la productivité agricole en Afrique
(Nkamleu, 2004a).
Le développement des compétences
constitue un moteur de la croissance à travers deux canaux. Dans un
premier temps, des travailleurs plus qualifiés favorisent l'innovation
et la production de nouvelles technologies. Les individus détenant des
compétences plus élevées ont une propension à
transmettre à leur entourage, ils contribuent ainsi à
l'accroissement de la productivité des autres travailleurs (Harris,
1999). Gamache (2005) identifie quelques éléments qui peuvent
permettre au développement des compétences d'influencer la
productivité parmi lesquels : le taux de
fréquentation scolaire, la formation continue, l'expérience des
travailleurs et l'échange d'information.
En ce qui concerne les autres facteurs économiques qui
influencent la productivité, on présentera ici l'innovation et la
diffusion des technologies car nous aborderons l'influence de la taille en
termes de facteurs limitant la productivité agricole.
Dans la littérature, l'innovation s'assimile au
progrès technique pour Schumpeter, ce qui consolide théoriquement
le rôle de l'innovation dans la croissance de la productivité. Le
progrès technique peut se définir comme une nouvelle
manière de produire qui permet d'obtenir plus de produits avec les
mêmes quantités de facteurs de production (Beitone et al., 2008).
Sadoulet et De Janvry (1995), à partir d'un modèle
néoclassique démontrent le lien entre productivité et
progrès technique. Les auteurs partent d'un modèle
néoclassique traditionnel où la fonction de production
décrit la façon dont les ressources sont transformées en
produits. En prenant une forme particulière de la fonction Cobb Douglas
:
F ( K , L ) Y AK L
á â
= = Avec K, L respectivement les facteurs
capital et travail. á et â
K AL
á 1 -á dont tous les autres
éléments restent inchangés.
renseignent sur la nature des rendements
d'échelle18 et sur l'importance relative du capital et du
travail dans la technologie de production, A représente
un paramètre de productivité. Sadoulet et De Janvry (2005) en
maintenant ce type de représentation, élargissent la
définition de la technologie en y introduisant les biens produits
(Y), et les inputs utilisés ( K , L
). Ainsi, le changement technologique peut prendre au moins trois formes
différentes19. Une innovation s'appréhende alors comme
un changement technologique qui implique une nouveauté dans une ou
plusieurs des dimensions suivantes : de nouveaux procédés de
production ; de nouveaux intrants (découverte d'une nouvelle
matière première, l'amélioration de celle existante) ; des
nouveaux produits. Ainsi, le progrès technologique
modélisé par Solow (1957) représente à la
lumière de cette définition, une fraction de l'ensemble des
innovations technologiques possibles. Il s'agit d'innovations non
incorporées (i.e. qui ne modifient pas les spécifications de K, L
ou Y et labour-augmenting (qui augmentent l'efficacité du travail). Ces
innovations correspondent à l'accroissement du seul paramètre A
dans la fonction de production Y =
18 Si 3 + a = 1 on a des rendements d'échelles
constants ; pour 3 + a >1 on a les rendements d'échelles croissants
et des rendements d'échelles décroissants pour 3 + a <1.
19 Modification du procédé de production (forme de
la fonction F) ; modification des spécificités de Y ;
modification des spécifications de K ou de L.
En agriculture les innovations conduisent à des
changements liés au mode d'organisation des producteurs, des
institutions et des sociétés. Elles peuvent elles mêmes
résulter des processus de changements induits au sein des
communautés et ceux liés à l'utilisation des technologies
ou des pratiques agricoles déjà connues (Ngo Nonga, 2008). La
notion d'innovation ne se limite donc pas aux nouvelles découvertes
obtenues de la recherche. Même s'il n'existe pas un consensus strict
autour de la définition de l'innovation, on peut considérer
celle-ci « comme étant l'application de ressources et de
découvertes technologiques, institutionnelles et humaines à des
procédés de production débouchant sur de nouvelles
pratiques, de nouveaux produits et marchés, de nouvelles institutions et
organisations à l'efficacité renforcée » (Poole,
2006) in Ngo Nonga, (2008).
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