B. La méthode DEA
La méthode DEA (Data Envelopment Analysis »,
initialement introduite par Charnes et al. (1978), a permis d'étendre
l'analyse de l'efficacité technique à des situations
multiproduits et de rendements d'échelle non constants. D'après
celle-ci, la frontière est construite par la technique de la
programmation linéaire. Le terme « envelopment » est
utilisé pour désigner l'hypothèse selon laquelle la
frontière de production enveloppe toutes les observations.
La méthode DEA évalue l'efficacité
relative des unités de production comparables et génère
les niveaux d'efficacité à partir des informations sur les inputs
et les outputs des entreprises (Kobou et al., 2009). Elle est fondée sur
la programmation linéaire et permet d'identifier des fonctions de
production empiriques. C'est une méthode qui se base sur la
théorie microéconomique, qui compare toutes les unités
similaires en prenant en compte simultanément plusieurs dimensions. Elle
détermine la frontière d'efficience du point de vue de la
meilleure pratique. Chaque unité est considérée comme une
unité décisionnelle (« Décision Making Unit »
DMU)31. Les inputs sont des ressources utilisées pour
créer des outputs d'une qualité donnée.
La méthode DEA permet d'identifier un ensemble efficace
pouvant servir de référence pour les exploitations inefficaces.
Les exploitations efficaces ont des inputs et des outputs similaires à
ceux des exploitations inefficaces. Ainsi, elles peuvent servir de
référence.
La méthode DEA produit une surface de production
empirique par morceaux qui, en termes économiques, représente la
frontière de production de la meilleure pratique
révélée. Les exploitations efficaces se situent sur la
frontière d'efficacité empirique qui indique le maximum de
production qui peut être produit avec différentes combinaisons de
facteurs pour une technologie donnée.
Dans la littérature, les deux variantes de la
méthode DEA les plus employées sont : le modèle CCR
(Charnes, Cooper et Rhodes, 1978) qui suppose les rendements d'échelles
constants (CRS model)32 et le modèle BCC (Banker, Charnes et
Cooper, 1984) qui suppose les rendements d'échelles variables (VRS
model)33. Dans le cas des rendements d'échelles constants, on
suppose qu'une augmentation dans la quantité d'inputs consommés
mènera à une augmentation proportionnelle dans la quantité
d'outputs produits. En revanche, dans le cas des rendements d'échelles
variables (croissants ou décroissants), la quantité d'outputs
produits est considérée pour augmenter plus ou moins
proportionnellement que l'augmentation dans les inputs. La différence de
mesure d'efficacité entre les deux modèles donne
l'efficacité d'échelle (Figure 3.4) qui représente le cas
d'une entreprise en situation de concurrence parfaite, et qui opère
à une échelle appropriée ; c'est-à-dire que son
coût marginal doit être égal aux prix du marché de
son produit.
31 Dans le cas présent, c'est une exploitation
familiale agricole qui transforme des « inputs » en « outputs
».
32 CRS est la traduction anglaise de Constant Returns
to Scale.
33 VRS est la traduction anglaise de Variable Returns
to Scale.
Soit une technologie à rendement d'échelles
constantes (ABOX sur la figure 4.3), à rendements
d'échelles non croissants (ABDD'X) et à
rendement d'échelle croissant (C' CBDD'X). La mesure de
l'efficacité technique obtenue pour l'exploitation E
par rapport à la technologie à rendements variables est
plus faible que celles obtenues par rapport à la technologie à
rendements constants ou non croissants, Comme l'illustre cette figure. Ainsi,
on en déduit que l'observation E présente,
à court terme, des rendements d'échelles croissants et donc que
des économies de coût peuvent être obtenues pour cette
exploitation en augmentant son niveau de production. Inversement pour
F, qui présente des rendements d'échelles
décroissants, c'est en réduisant le volume produit que les
économies peuvent apparaître.
Figure 4.3 : Mesure de l'efficacité
d'échelle
Y
A
C
F
C'
B
E
D
X
O D'
Source : Piot-Lepetit et Rainelli, (1996)
Par ailleurs, dans les deux cas (modèle CCR et
modèle BCC), on distingue :
(i) les modèles dits «orientés
inputs» si l'on étudie l'efficacité en termes d'inputs
; c'est-à-dire si l'on s'intéresse à l'inefficacité
en terme d'excès d'inputs.
(ii) les modèles dits «orientés
outputs» si l'on veut analyser l'efficacité en termes
d'outputs ; c'est-à-dire si l'on souhaite appréhender
l'inefficacité par l'insuffisance d'outputs.
Dans le cadre de cette étude, nous retiendrons la
méthode DEA, car comme le note Blancard et Boussemart (2006), cette
approche est particulièrement adaptée à la
modélisation
d'une technologie primale multiproduits-multifacteurs, sans
passer par la fonction de coût dual présupposant l'absence
d'inefficacité technique. Il s'agit d'une méthode ne retenant que
des hypothèses de libre disposition des inputs et des outputs et de
convexité pour l'ensemble de production. Elle n'impose aucune forme
fonctionnelle des fonctions de production et de coût.
La méthode DEA est traitée de façon
intensive comme le note Ambapour (2001) par Seiford et Thrall (1990), Lovell
(1993), Ali et Seiford (1993) et Charnes, Cooper, Lewin et Seiford (1995).
II. Approche paramétrique et approche non
paramétrique : une complémentarité
certaine
Quand on a compris en quoi consiste l'approche
paramétrique (A), on n'échappe difficilement à la
tentation de la comparer à celle non paramétrique (B).
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