II. L'analyse des déterminants potentiels de
l'efficacité
Pour analyser les déterminants potentiels de
l'efficacité, nous partons de la théorie du capital humain (A).
C'est la somme des précisions qu'émet cette théorie qui
permet de pousser l'étude plus loin et appréhender d'autres
facteurs clés de l'efficacité (B).
A. La théorie du capital humain
La théorie du capital humain est née du constat
selon lequel les facteurs classiques de production (terre, capital, travail)
n'expliquent qu'une partie de la croissance économique. Ainsi, une
partie de la croissance économique est imputable au captal humain,
défini comme un ensemble de compétences, de savoirs, de
savoir-faire, acquis par un individu et qui augmentent sa capacité
productive. Deux économistes américains : Théodore Schultz
(1902- 1998) et Gary Becker (né en 1930) sont à l'origine de ce
concept.
Théodore Schultz29, économiste du
développement pense que la formation/éducation des individus
permet de transformer un ouvrier en un travailleur efficace capable d'analyser
une situation. Ainsi, la formation permet de réaliser des gains de
productivité ; elle contribue à constituer et à
accroître le capital humain. Par ailleurs, le concept de capital humain
est largement diffusé et précisé par Gary
Becker30. Ses travaux ont élargi le champ de l'analyse
micro-économique à de nombreux comportements humain. Le capital
humain est considéré comme un capital pouvant s'acquérir
(par l'éducation), se préserver et se développer (par la
formation continue) et donner des dividendes (sous forme d'une augmentation de
la productivité du détenteur).
L'hypothèse fondamentale au coeur de cette
théorie est que, l'éducation est un
investissement (privé ou social) qui accroît la
productivité de ceux qui la reçoivent. La formation affecte
29 Lauréat du prix Nobel d'Économie en
1979, avec Arthur Lewis
30 Prix Nobel d'économie en 1992
donc positivement la productivité des individus en leur
permettant d'accroître leurs connaissances et leurs compétences et
donc leurs capacités à travailler (Abessolo, 2007). Elle donne
également une meilleure adaptabilité face aux changements et
permet de diminuer les risques d'obsolescence de la main d'oeuvre.
A partir de l'analyse du capital humain, de nombreuses
études empiriques ont été consacrées à la
relation entre l'éducation, l'efficacité et la
productivité dans le secteur agricole. Une revue de littérature,
relayée par la banque mondiale a crédité l'idée que
l'éducation a un fort effet sur l'efficacité productive des
agriculteurs (Lockheed, Jamison et Lau, 1980). Grâce à une
méta-analyse sur les pays en voie de développement d'Asie et
d'Amérique Latine, ces auteurs montrent qu'en moyenne, les agriculteurs
ayant fréquenté pendant quatre années l'école
primaire ont une productivité supérieure de 7,4% à celle
de leurs homologues qui n'ont pas fréquenté l'école
primaire. Par ailleurs, l'environnement économique
général, qu'il soit ou non en cours de modernisation
(technologies en voie d'évolution, marchés en expansion,
nouvelles cultures en cours d'introduction) affecte ce lien entre
éducation des agriculteurs et productivité. C'est pourquoi
parlant de productivité, l'avantage des agriculteurs
éduqués est de 9,5% dans un environnement en cours de
modernisation et seulement de 1,3% dans un environnement plus traditionnel.
D'autres études portant sur les déterminants de
l'efficacité trouvent l'existence d'un lien positif entre
l'éducation du chef de l'exploitation et l'efficacité : Ali et
Flinn (1989) ; Coelli et Fleming (2004) en Papouasie et Nouvelle
Guinée... L'un des arguments évoqués pour justifier ce
lien positif entre l'éducation et l'efficacité est qu'un
agriculteur éduqué a facilement la maîtrise des techniques
modernes de production et l'opportunité d'avoir les informations
nécessaires sur les prix de marché et d'acheter ses inputs
à moindre prix.
Néanmoins, Gurgand (1993) met en évidence un
paradoxe en ce qui concerne l'agriculture africaine. Il établit le fait
que, en Afrique, plus il y a des membres scolarisés dans un groupe
familial, plus la production agricole est faible. Un prolongement de ces
études aboutit au constat selon lequel, l'effet de l'éducation
sur la productivité des agriculteurs est plus important en Asie et en
Amérique Latine qu'en Afrique (Phillips, 1994). Dans cet ordre
d'idées, Hasnah et al. (2004), trouvent un impact significativement
négatif de l'éducation du chef d'exploitation sur
l'efficacité technique des exploitations agricoles à l'Ouest
Sumatra Indonésie.
Il sied de préciser que les facteurs qui influencent
l'efficacité ne sont pas uniquement fondés sur la théorie
du capital humain ; il en existe d'autres non moins importants.
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