2.2.
L'étude de Shepherd (2004)
Cette étude visait à évaluer l'impact
d'une réduction des seules subventions américaines sur le prix
mondial du coton. Cependant, contrairement à l'étude
précédente, celle-ci fait plutôt appel à
l'outil économétrique. Le
modèle estimé est un modèle vectoriel
autorégressif (VAR) standard. Les variables retenues sont le
prix mondial du coton, les variations de stocks mondiaux, les subventions
américaines, la production et la consommation mondiale du coton. Une
fois le modèle estimé, l'auteur trouve que les subventions
américaines agissent beaucoup plus sur la production et les stocks que
sur les prix. De même, en procédant à une
décomposition de la variance, il apparaît que les variations de
prix sont davantage dues aux variations de la demande qu'à celles des
subventions. Enfin, en retenant différents scénarios de
réduction du volume des subventions (10%,50% et 90%), il aboutit au
résultat -plutôt surprenant - que même une réduction
de 90% des subventions n'aurait qu'un effet limité, voire nul, sur les
prix. Toutefois, force est de noter que pour apprécier les relations de
causes à effets entre les variables en scène, B. Shepherd s'est
penché sur la causalité à la Granger (les variables sont
prises deux à deux) et a effectué des simulations- à
l'aide des fonctions de réponses impulsionnelles- de l'effet de
réduction des subventions sur les autres variables
considérées. Il ne s'est donc pas intéressé
à l'analyse multivariée de la cointegration à la Johansen.
Pourtant cette approche est réputée comme étant mieux
adapté aux VAR puisqu'elle prend en compte les inter-relations entre les
variables et permet si les conditions sont réunies d'établir le
MVCE.
En outre, certaines variables utilisées par Shepherd ne
nous semblaient pas judicieuses. Le prix mondial a été
approximé par l'indice de Liverpool qui n'est pas le meilleur indicateur
du marché mondial du coton. La prise en compte des variations de stocks
dans le modèle pourrait conduire à un double emploi car la
consommation n'est rien d'autre que la production +/- les variations de stocks.
Or le modèle prend déjà en compte la production et la
consommation. Ensuite, le marché cotonnier a été
traité comme étant indépendant des autres marchés,
en particulier celui des produits concurrents (la fibre synthétique).
C'est donc ce qui justifie la prise en compte du prix du polyester dans le
modèle finalement retenu.
D'autres études récentes notamment (Poonyth et
al, 2004) essaient également d'évaluer l'impact des subventions-
de tous les pays subventionneurs cette fois-ci- sur le prix mondial et les
volumes échangés du coton. Cette dernière tentative
utilise le modèle ATPSM (Agricultural Trade Policy Simulation Model)
développé conjointement par la FAO et la CNUCED. Les auteurs
trouvent qu'une réduction complète des subventions dans tous les
pays aboutirait à un relèvement de 3,1% à 5% du prix
mondial suivant les valeurs des élasticités de l'offre et de la
demande.
Tableau 1: Résumé des
résultats issus d'études antérieures
Auteurs
|
Méthodes
|
Effets sur le prix mondial (%)
|
Préjudice pour les agriculteurs WCA (million $ E.-U)
|
ICAC (2002)
|
Equilibre partiel
|
29 ,7
|
274
|
Goreux (2003a)
|
Equilibre partiel
|
2,9 - 13,4
|
37 - 254
|
Reeves et al (2001)
|
Equilibre général (GTAP)
|
10,70
|
76
|
Tockarick (2003)
|
Equilibre partiel
|
2,8
|
26
|
Shepherd (2004)
|
Modèle économétrique VAR
|
Pas d'effet significatif
|
Un gain dérisoire pour les agriculteurs WCA
|
Poonyth et al (2004)
|
Equilibre partiel (ATPSM)
|
3,1- 5
|
___
|
Source : FAO (2004) complété par
nos soins
- informations non disponibles
- WCA : West and Central Africa (Afrique de l'Ouest
et du Centre)
Il ressort comme observation de ce tableau (1) que la plupart
des études concourent aux mêmes résultats concernant les
prix et les préjudices, c'est à dire une augmentation des prix et
un relèvement des recettes d'exportation si les subventions
étaient éliminées. Sauf l'étude de B.Shepherd fait
ressortir le fait que les subventions peuvent ne pas avoir l'effet pervers
préétabli sur les prix et par conséquent sur les recettes
d'exportation (pertes). Il apparaît clairement que les méthodes
diffèrent (VAR, modèle d'équilibre partiel, ATPSM...), car
l'objetif des études n'est pas le même. Cependant, même pour
un même objectif, il arrive que les résultats diffèrent du
fait notamment des hypothèses formulées sur la valeur des
paramètres (comme des élasticités).
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