2.
Approche empirique de l'impact des
Subventions
De nombreuses études ont été
consacrées à l'effet des subventions - dont notamment
américaines sur le prix international du coton-. Nous retiendrons
principalement pour des raisons de simplicité deux d'entre elles,
reposant chacune sur des méthodologies différentes.
2.1.
L'étude de Goreux
Notre intérêt pour cette étude repose sur
le fait qu'elle est couramment citée lors des débats publics par
les autorités, les acteurs de la filière cotonnière ouest
africaine et du centre pour dénoncer les effets pervers des subventions
des pays développés et surtout les Etats- Unis sur le cours du
coton et les recettes d'exportation.
Cette étude, commanditée par la
conférence des ministres de l'Agriculture des pays d'Afrique de l'Ouest
et du centre (CMA/OAC), repose sur un modèle d'équilibre partiel.
Le raisonnement est le suivant :
- A partir d'un prix mondial d'équilibre établi
par la confrontation de l'offre et de la demande mondiale, on simule une
élimination des subventions (celles portant sur les cinq
dernières années avant l'étude);
- L'élimination des subventions entraîne alors
une réduction de l'offre mondiale d'exportation car les exportateurs
auparavant subventionnés ne toucheront plus que le prix mondial
(déplacement vers le haut et vers la gauche de la courbe d'offre
d'exportation);
- Un nouveau prix d'équilibre- plus élevé
que le précédent- s'établit ainsi sur le marché
mondial, en fonction de la demande mondiale et de la nouvelle offre ;
-Les quantités et le prix d'équilibre sont
ensuite calculés algébriquement en résolvant
simultanément les équations d'offre et de demande mondiales.
Cette démarche a l'avantage de la simplicité.
Elle permet en outre- ce qui fait l'objet de l'étude- d'évaluer
quantitativement les gains potentiels en recettes d'exportation pour un groupe
de pays considéré. Les simulations effectuées avec le
modèle donnent, suivant les élasticités d'offre et de
demande retenues une augmentation de l'indice A de Cotlook ( indicateur du
marché mondial des prix du coton ) de l'ordre de 2, 9 à13,4% et
un gain de recettes d'exportation. Ainsi pour (Eo= 0.5 et Ed= -0,1) on note une
augmentation de l'indice A de 12% et des recettes d'exportation de 250 millions
de dollars sur la période 1997/1998- 2001/2002.
Cependant plusieurs limites sont inhérentes à
ce genre d'analyse, entre autres :
- comme toute approche d'équilibre partiel, elle repose
sur l'hypothèse ceteris paribus et néglige de ce fait les
autres marchés, en particulier celui des produits concurrents du coton -
comme les fibres synthétiques -;
- les résultats obtenus reposent essentiellement sur
les élasticités d'offre et de demande retenues. Une façon
intéressante de procéder consiste à les estimer
économétriquement. Faute de procéder à une telle
estimation, l'auteur retient plutôt les valeurs allant de 0,15 à
0,90 pour l'élasticité de l'offre et de -0,05 à -0,6 pour
la demande. Bien qu'évitant les restrictions théoriques
également inhérentes à l'économétrie- comme
la formulation d'hypothèses sur les élasticités-, la
démarche de l'auteur reste néanmoins sujet à critique dans
la mesure où la même valeur de l'élasticité est
retenue pour les pays.
Pour certains auteurs, l'utilité
scientifique d'un modèle est déterminée par sa
capacité à faire des prédictions qui seront après
confrontées à la réalité. Pourtant les
prédictions du modèle Goreux (2003a) telles qu'elles se tiennent
sont difficiles à tester. En ce sens qu'elles réclament que les
pays riches acceptent d'éliminer leurs subventions- ce qui n'est pas sur
le point d'être observé maintenant - c'est cette situation qui
amène certains auteurs dont notamment Benjamin Shepherd à dire
que l'étude de Goreux n'est pas empirique dans un sens réel, mais
elle est plutôt une traduction de la théorie à
l'algèbre et finalement aux nombres.
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