3.3.5. Analyse de la situation-problème de
recherche
Selon les observations réalisées sur le terrain, et
sur la panoplie de compétences infirmières,
![](Soins-infirmiers-et-participations-aux-soins-des-immigres-sub-sahariens-diabetiques-de-type-II-34.png)
nous avons constaté qu'il y a plus des lacunes non
négligeables dans deux compétences infirmières, notamment
: dans la compétence de recherche scientifique et
la compétence de communication. C'est pourquoi, dans
le cadre de cette étude, nous les avons choisies pour notre analyse
réflexive des compétences infirmières en conformité
avec les recommandations de recherche réflexive définies par
l'ISEI24.
a) Réaliser les démarches de recherches
scientifiques
C'est analyser ses pratiques en vue de les objectiver, les
partager et les améliorer. C'est participer à des processus de
recherche en exerçant un esprit critique.
Nous ne cesserons de rappeler dans ce travail que la
méthode d'observation participative que nous avons utilisée, est
un processus délibéré de concentration et d'attention sur
un sujet que nous désirons approfondir et analyser. Elle se
définit comme un regard attentif qui insiste sur le comportement
professionnel du Soignant dans sa globalité.
24 L'énoncé, l'explicitation de la situation, la
description de cette situation selon une grille déterminée,
l'analyse selon un processus déterminé qui vise à
dégager le sens de ce qui s'est passé, les enjeux sous-jacents et
les valeurs rencontrées/bafouées dans la situation,
l'exposé des savoirs et des théories liés aux
éléments émergeant de l'analyse, l'anticipation d'un
retour à la pratique enrichi par la construction des savoirs issus de ce
travail etc.
Il serait toujours intéressant de se dire que quels que
soient la méthode et les instruments utilisés pour la collecte
des données, c'est toujours l'observation qui est mise à
contribution. Lorsque le Soignant observe un Patient, il participe au processus
d'élaboration de l'histoire de son problème, de son traitement et
de la progression de sa situation. Il est de facto partie prenante du processus
scientifique thérapeutique [recherche].
L'arrivée du malade en milieu hospitalier ou son
premier contact avec l'infirmière dans tout autre type de service de
santé est un moment cruciale pour l'observation.
Généralement, le Soignant reçoit à cette occasion
une impression forte de ce que vit la personne. Ce qu'il remarque à ce
moment est important à noter, puisque très souvent ses
premières observations orienteront par la suite ses jugements cliniques
et ses interventions.
Cette première impression, observation, est essentielle
mais elle ne doit pas entacher notre jugement de préjugés. Sous
l'influence de l'anxiété, de la peur ou de la douleur, le Patient
qui arrive dans un milieu inconnu [institution de soins] peut manifester un
comportement agressif qui ne lui est pas habituel et que parfois, il regrette
après acte, volontaire ou involontaire.
Par conséquent la capacité d'observation
d'un Soignant est une qualité primordiale en soins infirmiers.
Certains Soignants sont naturellement portés à observer et
à retenir les détails reconnus, c'est bien, mais procéder
à une observation systématique est une chose qui s'apprend et le
Soignant doit en faire l'apprentissage. Mais ce qui nous intéresse pour
l'instant, est le processus de la collecte des données en soins
infirmiers. En plus des données d'arrivée du Patient en milieu de
soins et des renseignements de nature urgente sont de diverses natures. Elles
peuvent être subjectives25 et/ou
objectives26.
Pour le Centre de santé et de services sociaux de
Bordeaux-Cartieville-Saint-Laurent, [2008] et l'Institut universitaire de
gériatrie de Montréal, [2007], le Soignant [peut utiliser]
utilise aussi
l'aide mémoire
|
[(PQRST) [Tab-13]
|
pour la collecte des données. C'est une
méthode
|
mnémotechnique [aide mémoire] qui constitue une
aide intéressante pour la collecte des données.
Cet aide-mémoire est un moyen global qui peut s'adapter
à tous les types d'information sur le plan physique, quel que soit le
système concerné.
25 C'est-à-dire qu'elles concernent ce que dit ou ce
dont se plaint le Patient. Elles portent généralement sur ses
malaises, sa douleur, ses inquiétudes et ses attentes. Ces
renseignements sont toujours très importants pour orienter le Soignant
dans ses jugements cliniques.
26 Ce sont des données qui proviennent des observations
faites par le Soignant. Elles regroupent les signes et symptômes
observés, les réactions du Patient, les traitements
instaurés et tout ce qui se passe autour de lui : visites du
médecin, etc.
Tableau-13 Aide mémoire de la collecte des
données [PQRST]
![](Soins-infirmiers-et-participations-aux-soins-des-immigres-sub-sahariens-diabetiques-de-type-II-35.png)
Sigles
|
Indication
|
Explications
|
Exemple d'une plainte [douleur]
|
P
|
- Provoquer, - Pallier
|
- Qu'est-ce qui provoque
l'apparition du symptôme? - Qu'est-ce qui le soulage?
|
- Comment la douleur est--elle apparue? - Utilisez-vous moyen
analgésique?
|
Q
|
- Quantité, - Qualité
|
- Description du symptôme fréquence
|
- A quoi ressemble ce que vous ressentez; brûlure,
martellement, etc.
- Situez votre douleur sur une échelle de 1 à
10?
|
R
|
- Région touchée, Irradiation
|
- Région où se situe le
symptôme
- Autres régions affectées
|
- Dites-moi où est votre malaise, ou montrez moi avec
le
doigt.
- Y a-t-il-d'autres régions affectées?
|
S
|
- Symptômes associés
|
- Autres symptômes associés au symptôme
principal
|
- Y a-t-il d'autres malaises qui accompagnent ce
symptôme?
|
T
|
- Temps, - Durée
|
- Moment d'apparition,
durée
|
- Depuis quand avez-vous ce malaise ?
- Est-il toujours là ou intermittent ? Combien de fois
dans la même journée ou la même semaine?
|
Il permet de noter les données touchant l'origine du
symptôme [P : «Preview» : qu'est-ce qui le
provoque], sa description : qualité, quantité et intensité
[Q : «Question»], la région
intéressée [R : «Read»], les
symptômes associés [S : «State»], le
moment de venue et la durée du symptôme [T].
La collecte des données est une démarche, un
processus [un ensemble d'actes] professionnel infirmier qui se situe à
la base de toute intervention de soins. Il faut reconnaître que chaque
élément de l'exercice infirmier en est tributaire. Elle est
reconnue comme élément de la qualité de soins qui sert
d'abord à leur planification puis à leur évaluation. Ces
données pertinentes judicieusement récoltées servent
également à protéger le Soignant contre le problème
d'infections [ex: l'hépatite-C, le HIV...] ou autres problèmes
potentiels en cas des procédures judiciaires ou des enquêtes
sollicitées par qui de droit, par exemple.
Il est donc nécessaire de signaler dans le cadre de ce
travail de fin d'études qu'en recueillant de manière
systématique des informations décrivant l'état du malade
à son arrivée et au cours de l'évolution de la maladie et
du traitement, l'infirmier démontre la pertinence des interventions
planifiées et la nature de leurs résultats en termes de
participation du Patient aux soins. Par comparaison avec les données
initiales, elles servent à leur évaluation. Inscrit dans le
dossier, les données récoltées constituent un
élément de visibilité du rôle infirmier.
Dans ce cadre, le recueil des données présente
de multiples avantages pour le malade, le Soignant et pour l'institution de
soins. C'est pourquoi, nous soutenons par ce travail le fait qu'au cours de la
formation infirmière que l'accent mis sur l'apprentissage de la
démarche clinique et de la collecte des données qui en est
l'amorce, continue à être renforcé.
Sans une bonne collecte des données, le plan des soins
infirmiers risque de reposer sur des bases très fragiles, superficielles
et délétères.
Manifestement, les soins exigent toute notre attention pour
leur planification. Sans cette étape fondamentale, rien n'est
réellement possible. Le processus de la mise en place résulte
d'une démarche scientifique qui repose essentiellement sur cette
observation rigoureuse. Et, même si on peut alléguer qu'elle
demande du temps, rien de réellement valable ne se fait dans la
précipitation. «C'est la qualité qui fait la
différence».
Friedrich Nietzsche [1990] n'a-t-il pas écrit dans son
livre «Humain trop humain» que la souffrance d'autrui est
chose qui doit s'apprendre et jamais elle ne peut être apprise
pleinement, d'où son sens de subjectivité. Donc
l'observation27 efficace est nécessaire en soins
infirmiers. Elle constitue un préalable pour que le Soignant
puisse s'approcher le plus possible de la réalité souffrante du
Patient. Il convient ainsi d'interpeller au Soignant que la coupe de souffrance
n'a pas la même taille pour tout le monde [Cerexhe F., 2010, opcit].
Toutes ces données récoltées
auprès du Patient et inscrites sur des formulaires prévus
à cet effet permettent d'identifier certains problèmes et de
garantir la satisfaction des besoins du Patient pendant son séjour en
unité de soins. Elles assurent la qualité de son espace de vie
pendant cette période d'hospitalisation.
Mais dans le cas qui nous concerne, l'anamnèse n'a pas
été faite car il n'y a aucune trace visible dans le dossier
infirmier. Des le premier jour d'hospitalisation à l'étage du
Patient présenté, le formulaire réservé à
cet effet et versé dans le dossier infirmier est vierge :
c'est-àdire les données relatives à l'analyse des besoins
fondamentaux du Patient n'existent pas.
Rappelons cependant que les données et les actes
infirmiers qui ne sont pas inscrits ou non validés dans le dossier
infirmier ou encodées n'ont aucune valeur légale [RIM
(Breedstraet S., Bruneel N., Malhomme C., et col, opcit)]. Par
conséquent il est difficile dans ce cas précis de récolter
assez d'informations et de savoir davantage sur le contexte de vie globale du
Patient : Qui-est-il ? Où travaille-t-il ? Qui sont ses personnes de
référence ? Comment-vit-il ?, etc.
Les données médicales essentiellement
orientées vers le diabète de type-II dont souffre cet
immigré diabétique de type-II, sont actualisées. Ce qui
expose le Soignant au risque réel de confondre le Patient à sa
pathologie [diabète de type-II principalement] en s'appuyant davantage
sur le sens de guérir «to cure" que celui de prendre soin, «to
care".
27 L'observation est fondamentalement le mode utilisé pour
recueillir des données. Elle se fait par le moyen de diverses
méthodes, mais quel que soit le moyen employé, l'entretien avec
le malade demeure primordial.
La pratique réflexive est le fait de penser,
consciemment, dans l'action. C'est une des conditions du développement
de la compétence fondamentale qu'est la surveillance clinique. Cette
dernière est en effet beaucoup plus que des simples mesures de certains
paramètres vitaux. L'important est de savoir les interpréter dans
leur contexte et d'agir en pleine autonomie en utilisant une collecte des
données complète, précise, actualisée et
rigoureusement réalisée. L'abord réflexif en soins
infirmiers, c'est réaliser un jugement clinique responsable en
s'orientant vers une approche d'autonomie avec une vision large du sujet
où tous les acteurs de recherche donnent leurs avis sur la vision des
savoirs scientifiques.
![](Soins-infirmiers-et-participations-aux-soins-des-immigres-sub-sahariens-diabetiques-de-type-II-36.png)
b) Etablir la communication professionnelle
La communication est une manière d'accueillir son
semblable dans sa différence, d'entendre, de comprendre ses besoins et
d'y apporter le cas échéant des réponses adaptées,
dénuées de stéréotypes et de
préjugés.
Il est intéressant de savoir qu'à cause d'une
communication entravée et d'une collecte de données
incomplète, le contexte de vie du Patient risque de ne pas être
pris en compte dans le processus de la prise en charge infirmière [qui
est ce ?]. Le besoin de communiquer est une nécessité presque
vitale pour l'être humain [Juliens C., 2009, Memento, 2002]. Et la
tentative de faire de ce besoin fondamental un élément secondaire
à la prise en charge infirmière du Patient est une façon
de frustrer cet humain déjà fragile, qu'est l'Immigré
Sub-saharien.
Nous ne sommes sans ignorés que notre
société «occidentale» est devenue multiculturelle et
les difficultés de compréhension ne sont pas du tout rares. En
notre qualité de Soignant, nous ne devons pas minimiser leur influence
sur la qualité de notre travail. Notre milieu de vie occidentale a
longtemps évolué de manière plutôt fermée :
nous avons parfois tendance à nous replier sur notre façon de
penser et de faire. Cela veut dire que notre vision de choses demeure encore
cloîtrée dans une société virtuellement
homogène où tous les sujets sont supposés avoir à
peu près les mêmes habitudes et les mêmes valeurs.
Mais les choses ont changé et de plus en plus nos
milieux de soins accueillent des personnes de langues, de niveaux
socioéconomiques, de cultures différents [es], etc. auxquelles
nous devons en conséquence nous adapter pour mieux le soigner. De
surcroit, pour prendre en charge les Patient Immigré Sub-saharien par
exemple, il faudra au préalable essayer de comprendre les principales
difficultés [souvent], liées aux cadres
politico-socio-économicoculturelles auxquelles il se confronte
à son arrivée à l'unité de soins ou à
l'étage.
Cette attitude a un impact réel sur la suite de
séjour du Patient en institution de soins. En conséquence, un
manque de considération du contexte global de vie du Patient dans le
processus de communication ne sera qu'une façon de soigner un aspect de
sa réalité, celle qui est la plus visible, la plus interpellante
à nos yeux de Soignants. Le motif de consultation n'est parfois que la
face visible de l'iceberg [le diabète de type-II]. Le fond qui peut
contribuer efficacement au problème qui l'a conduit à être
hospitalisé est alors plus ou moins banalisé.
En dépit de grands efforts réalisés dans
les milieux de soins, force est de constater que les problèmes du
Patient Immigré Sub-saharien sont multiples et touchent toutes les
réalités de sa vie économique, social, politique, culturel
[la confusion des valeurs, le déracinement, les moeurs, les us et
coutumes du milieu d'accueil], etc.
C'est pourquoi, communiquer et conduire une relation
dans un contexte de soins demeure la base de toute activité ainsi que
dans toutes les autres compétences acquises. C'est une condition
essentielle pour réaliser des soins de qualité. Lorsque cette
compétence est acquise, il est possible d'initier et de mettre en oeuvre
des soins d'accompagnement cohérent [éducation du Patient (Weber
M.-Th., 2009)] de les évaluer et de les réajuster.
Ce qui fait qu'accompagner le Patient d'une autre culture dans
son expérience de maladie ou de deuil n'est pas une mince affaire pour
le Soignant. Car en plus des tensions qu'apporte le diabète de type-II
pour le Patient, sa famille voire pour le Soignant les différences
culturelles, linguistiques viennent [très souvent] compliquer la
relation de soins au coeur de la différence.
Si le Soignant se construit au chevet du Patient, il est
sensé voire obligé de développer avec tout Patient une
communication humaine, équilibrée et empathique. Mais dans le cas
où ce lien bienveillant ne se crée pas, il semble inutile de
penser réussir à rejoindre et encore moins à convaincre le
Patient à participer positivement aux soins.
Nous pouvons alors dire que communiquer avec l'autre, c'est
d'abord partager un regard, toutefois sans trop insister, d'autant plus que
dans certaines cultures le contact visuel peut être malpoli ou
considéré comme une volonté de pouvoir. C'est aussi
écouter ce que l'autre nous transmet par le langage verbal, mais aussi,
et surtout par le non verbal.
Nous, Soignants, devons toutefois nous méfier de ce que
l'Immigré Sub-saharien, celui qui ne maîtrise pas bien la langue
dans laquelle nous nous exprimons en milieu de soins, utilise les mots
inappropriés pour décrire la réalité de sa
santé. Cela peut notamment être déterminé par ses
capacités linguistiques et aussi être très bien trahi par
ses pensées [je suis ce que je pense].
L'absence de validation des perceptions du Patient peut
créer des attentes irréalistes tant, chez le Patient et ses
proches que chez le Soignant en défaveur de la qualité de soins
offerts.
À côté du mode de communication verbale,
il faut réaliser que le langage non verbal ne possède pas de
syntaxe universelle. Autrement dit, les expressions faciales et les gestes
peuvent avoir des significations différentes d'une culture à une
autre. Mais comme nous ne pouvons pas tout savoir de ses us et coutumes, il
nous reste à les écouter avec attention et à manifester
notre bonne volonté par un accueil empathique. Rappelons au passage que
beaucoup de significations que nous transmettons le sont par nos expressions
faciales [communication non fonctionnelle].
Le Patient immigré, «étranger», qui
comprend mal le langage professionnel doit s'en remettre à nos mimiques
pour saisir le sens de ce que nous disons. Aussi nos expressions souriantes,
fatiguées ou agacées ont une grande importance pour le Patient.
Parfois nous ne nous en rendons toujours pas compte, mais elles peuvent
favoriser ou entraver la communication et au final la participation aux soins
en mettant à mal la confiance du Patient, socle de notre
succès.
Les effets de la communication peuvent affecter ou non une
meilleure observance et compliance [participation] thérapeutique du
Patient. Dans le cadre de cette étude, depuis son arrivée, cet
Immigré Sub-saharien diabétique de type-II n'a pas profité
de la part du Soignant des explications adéquates sur certains
médicaments prescrits, spécialement le Corsodyl-spray et de ses
modalités d'usage.
Nous pouvons ainsi dire qu'une communication déficiente
est [souvent] liée à des pauvres résultats des jugements
cliniques et conduit à l'échec de l'éducation
thérapeutique au coeur de la prise en charge globale du Patient.
L'inattention à ce que vit le Patient peut évidemment conduire
à une insuffisance de la sensibilité et de la compassion chez le
Soignant. Par exemple, le Patient que nous avons présenté n'est
pas informé du motif de changement opéré dans son
schéma thérapeutique antidiabétique habituel, depuis son
hospitalisation : cette situation est susceptible de créer un sentiment
de méfiance.
Ayant poursuivi ses études de médecine en
Grèce avec des spécialisations en France, le Patient s'exprime en
grecque en français, en plus de lingala [...]. Il vit seul et n'a pas
d'amis à qui il peut accorder sa confiance. Sur ce, le Patient souhaite
s'entretenir personnellement avec une des médecins de l'étage qui
est Grecque. Il compte lui présenter sa situation de santé afin
d'adapter son schéma thérapeutique.
Force est de constater que dans le contexte de soins
infirmiers, les difficultés de collaboration peuvent provenir d'une
attitude non favorable du Soignant à la communication parfois
justifiée par l'organisation incohérente qui se traduit par la
surcharge de travail, le stress, l'indifférence et la froideur à
l'égard du Patient, etc. Selon la théorie, pour mieux
s'occuper du Patient au chevet de son lit, il faut avoir du temps, de
l'énergie et de la présence.
Pour le cas de notre étude, l'entrée dans la
chambre du Patient a consisté spécifiquement à une prise
en charge plus technique du Patient [réalisation du test
glycémique, contrôle de la perfusion, prises des paramètres
vitaux : la tension artérielle, la fréquence cardiaque, la
saturation et la température et aux administrations des
médicaments prescrits].
Nous pensons qu'il est aussi fondamental de mettre des mots
à chaque geste que nous posons auprès du Patient. Pour le
Patient, cette attitude professionnelle montre combien sa situation se trouve
au centre de la préoccupation des soins. C'est un facteur qui incite sa
confiance.
Pourtant très rapidement au cours de notre tour, le
Soignant se questionne. Il signifie qu'il a encore des grosses toilettes
à faire aux lits, des réfections des lits, des prises de sang
à réaliser, etc. : «Je n'ai pas de temps... et c'est la
première fois que je sois si en retard ...». Bref, dans le
système d'organisation des soins à l'hôpital, le facteur
temps fait pression sur le Soignant. Cette situation réduit la
marge de manoeuvres du Soignant auprès du Patient
présenté.
Cependant, le comportement d'ouverture ou de introversion du
Patient Immigré Sub-saharien [et de sa famille] est lié au
sentiment de satisfaction ou d'insatisfaction, consécutif à la
qualité de communication entre ces partenaires des soins [Fig.-11] :
c'est un cycle.
Généralement, il n'est pas facile de se
retrouver malade dans un lit de l'hôpital. Le Patient
présenté dans le cadre de cette étude se replie sur
soi-même. Selon nos interprétations, il manifeste une attitude de
crainte, de honte, de colère en évoquant spontanément sa
situation personnelle : «je n'ai pas d'amis et je n'ai confiance
à personne dans mon entourage, pire encore parmi les
Congolais».
Selon ses propres propos, il raconte que ses amis sont ce que
vous voyez ici : ce sont ses effets personnels [valise, sacoches de
vêtements et autres]. Il apparaît clairement comme une personne
socialement isolée. C'est pourquoi, il est capital pour le Soignant de
pouvoir bien entendre ce qui n'est pas dit ou ce qui ne se dit pas par le
Patient Immigré Sub-saharien : d'être attentif à la
communication fonctionnelle et non fonctionnelle. La communication est plus
importante dans une relation de soins [Carpenito L., 2002].
Communiquer, c'est aussi écouter, c'est être
attentif à ce que le Patient nous dit, c'est savoir se taire pour
entendre ce qui n'est pas dit et par conséquent comprendre notre
interlocuteur pour pouvoir répondre à ses besoins ; d'où
la nécessité que le Soignant soit disponible.
Ainsi accueillir la personne humaine comme sujet
[Julien C., 2009, opcit] dans sa différence déjà, avec la
chaleur humaine et l'empathie suppose une capacité de se mettre à
son écoute, d'utiliser le langage verbal et non verbal, de chercher
à comprendre ses émotions, d'observer ses réactions, de
questionner ce qui est observé, de valider notre propre
compréhension et celle du malade, d'interpréter, de donner du
sens à ce qui est vu, entendu et perçu, de proposer des
interventions adaptées, de les expliquer en termes simples.
Il faut solliciter la participation [la compliance et
l'observance] du Patient ou celle de sa famille, en reconnaissant son autonomie
et le respect qui lui est dû, ses appartenances religieuses et
socioculturelles, ses choix, etc.
La relation Soignant-Soigné a une part importante dans
l'essence des soins infirmiers. De cette relation, naissent les
éléments constitutifs du fil conducteur d'une meilleure prise en
charge globale du Patient. La rencontre entre Soignant et Soigné
poursuit un objectif bien précis, celui de réussir cette
rencontre fondée sur la communication : c'est tisser des liens de
confiance, une toile de fond dans la démarche des soins
infirmiers.
Du coté professionnel de Soignant, il faut pour ce
faire une disponibilité [physique, psychologique et sociale]. Il est
clair que la façon de se percevoir, d'envisager sa vie et son travail
sont des éléments essentiels pour déterminer ce qui rend
un Soignant heureux. Le Soignant qui sait qu'il possède les
connaissances nécessaires pour offrir de soins de qualité au
Patient et à sa famille, qui travaille dans un milieu qui lui permet de
le faire et qui jouit du respect de ses pairs, sait qu'il peut
s'épanouir au travail.
Le Soignant qui a la possibilité d'apprendre et de se
perfectionner de façon continue, qui travaille au sein d'une bonne
équipe multi-interdisciplinaire et qui possède un certain
contrôle sur son milieu de travail, a plus de chances d'être
efficient dans son rôle. Un sentiment de fierté récompense
un Soignant qui sait se rendre utile dans sa tâche : il
s'auto-réalise.
Notre principal rôle de Soignant consiste n'est-ce pas
à aider le Patient, à écouter ses proches et à leur
apporter notre soutien professionnel approprié en nous rappelant que les
soins interculturels sont une manière éclairée de
comprendre la réalité des autres et de les aider avec ouverture
d'esprit, sans perdre nos propres valeurs infirmières qui est notre
identité.
Communiquer dans une relation de soins, c'est établir
et entretenir des liens de coopération, de partenariat avec le Patient,
son entourage et l'équipe de soins. La relation du Soignant avec son
Patient est l'essence même de soins infirmiers. Le Patient, personne
«médicalisé» est souvent fragilisé par sa
pathologie et aussi parce qu'il est amené à évoluer dans
un milieu qui lui est étranger, celui du soin. Afin de mieux vivre cette
situation inhabituelle et parfois difficile, le Patient a besoin de dialoguer
avec le Soignant et la qualité de cet échange peut avoir des
impacts sur l'efficacité des soins apportés. Dans sa pratique
quotidienne, le Soignant est obligé d'accorder une place majeure au
dialogue avec son Patient et l'adapter au cas par cas en s'appuyant sur des
principes précis du processus de communication. Entrer dans des
dimensions de communication exige au Soignant de l'énergie et
d'être attentif à ses limites.
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