Section 3 : L'utilisation du mix marketing
Quelle pratique l'ABMS/PSI fait-elle du mix marketing dans ses
interventions ? Voici quelques éléments de réponse.
Paragraphe 1 : La définition du
produit/service et ou idées/comportement à promouvoir
Comme montré plus haut dans le paragraphe sur le
marketing social, le P Produit en marketing social recouvre aussi bien les
produits physiques que les idées et comportements promus. Selon ses
quatre domaines d'intervention, la prévention du VIH, la promotion de la
planification familiale, la prévention du paludisme et la
prévention et la prise en charge des maladies diarrhéiques,
l'ABMS/PSI a les deux types de produits récapitulés dans le
tableau suivant :
Domaines
|
Idées/Comportements
|
Produits physiques ou produits de soutien
|
La prévention du VIH
|
Le port du préservatif
|
Prudence Plus et Koool
|
Le Dépistage volontaire
|
Cliniques de dépistage et unités mobiles de
dépistage en stratégie avancée
|
Abstinence/Fidélité
|
Néant
|
Report de l'âge du
premier rapport
|
Néant
|
La promotion de la planification familiale
|
Utilisation des méthodes modernes de planification
familiale
|
Harmonie (pilule), Equilibre (injectable),
Collier du cycle (méthodes des jours fixes), DIU et
Implants (méthodes de longue durée)
Les clinique ProFam (produit de soutien)
|
L'implication de
l'homme dans l'adoption de la planification familiale
|
Les cliniques ProFam (produit de soutien)
|
La prévention du paludisme
|
Utilisation de la
moustiquaire imprégnée à longue
durée d'action
|
Super Moustiquaire
|
La prévention et la prise charge de la
diarrhée
|
Utilisation de l'eau
potable
Réhydratation de l'enfant qui fait la diarrhée
|
Aquatabs OraselZinc
|
La définition des « produits
idées/comportements >> se fait après analyse du contexte
sanitaire du pays. Il est dit plus haut que l'organisation définit ses
« objectifs >> d'intervention, selon son cadre conceptuel
d'intervention, PERForM, en fonction du « but >>, politique
nationale en la matière, retenu par le pays. En plus de ce contexte
global, d'autres paramètres interviennent ; il s'agit de :
· L'évaluation de la gravité du
problème de santé et son impact sur la santé des
populations,
· La disposition des partenaires financiers à
appuyer les objectifs sanitaires retenus,
· L'évaluation des possibilités de
financement de l'intervention sur ressources propres de l'organisation (locale
ou mère),
· L'évaluation de la capacité interne de
l'organisation à intervenir dans le domaine spécifique,
· Etc.
Il est clair que les décisions liées au choix
et à la définition des « produits idées/comportements
>> relèvent moins de stratégie marketing que de politique
de santé publique, de coopération internationale (aide au
développement), de management de projet, etc.
En revanche, la définition et la distribution de
produits physiques et ou de soutien à la promotion des idées
relèvent en grande partie de stratégies marketing. Les produits
distribués en marketing social respectent les stratégies de mise
sur le marché des produits du marketing commercial. Ces
stratégies43 sont liées:
· A la stratégie de marque
· Aux produits/services de soutien
· Aux attributs du produit
· A l'emballage
· A la qualité du produit
L'ABMS/PSI a de sérieux problèmes dans le
processus de conception et de planification du P Produit. Aucune ressource
humaine spécialisée n'est affectée
43 Voir plus de détails dans la description du
processus de planification DELTA de l'ABMS/PSI.
spécifiquement au P Produit contrairement aux autres
aspects du mix marketing tels que la distribution et la politique de
communication. Ces deux éléments bénéficient d'une
attention particulière et chacun d'eux possède une Coordination,
instance opérationnelle où se mène la réflexion
stratégique et se planifie la mise en oeuvre. La définition du
produit, dans ses différents aspects comme le packaging, les attributs
du produit, la création de la marque, etc. constitue un espace où
presque tout le monde intervient.
La gestion des deux derniers produits distribués par
l'organisation (Koool et Aquatabs) illustre l'absence d'une stratégie
planifiée et maîtrisée en son sein. En effet, Aquatabs a
été un produit dont la définition de la stratégie
de marque, les attributs, le packaging et au-delà les stratégies
de distribution et de communication ont été assurés par le
Département Programme chargé du domaine de santé
lié à la prévention et la prise en charge des maladies
diarrhéiques. Le Département Marketing et Communication n'avait
pas le lead. Pour Koool, ce fut tout le contraire : le Département
Marketing et Communication avait géré tout le processus. Mais il
faut préciser qu'au sein de ce département, il est revenu
à la Coordination Communication de faire le travail de définition
du produit en termes de stratégie de marque, les attributs, le
packaging, etc.
On voit clairement que c'est en fonction des circonstances,
des aléas ou peutêtre du charisme des responsables des
départements ou des compétences disponibles au sein des
départements qu'ils prennent le lead de la définition des
produits. En outre, on peut relever une incongruité dans l'organisation
interne du Département Marketing et Communication: revient-il à
la Coordination Communication de faire ce travail de définition des
orientations du produit ? À l'évidence, non, s'il faut se
référer à la structuration mise en place qui
prévoit une Coordination pour la distribution des produits (P Place),
une pour la Communication de masse (P Promotion) et une autre pour la
communication interpersonnelle (activités à base
communautaire)44 . Il aurait été plus logique qu'il y
ait une coordination chargé du P Produit. Mais cette question est un
débat (suscité par ce travail de recherche) non tranché au
sein de l'organisation. Si le Responsable Marketing et Communication pense que
cette dimension du mix marketing peut être gérée par les
autres compétences du département (encore faudrait-il
s'interroger sur leur profil et qualifications), un Responsable de
44 Il s'agit là aussi d'un autre paradoxe : la
Coordination Communication devrait fédérer toutes les
activités de communication.
Département Programme, lui, estime que la
définition des caractéristiques du produit revient aux
Programmes.
Hilaire TOKPLO, Responsable du Département Marketing et
Communication :
« On se rend compte qu'il y a certains aspects de P
(ndr :mix marketing) qui ne sont pas gérés de façon aussi
efficiente que d'autres ; mais la question par rapport à la
manière dont nous travaillons ces autres aspects reste ouverte en termes
de veille et de réflexion sur les produits. Faudra t-il recruter des
personnes qui ne feront que ça si je n'ai pas en face de moi des
concurrents qui me menacent ou bien faudrait-il ressortir ces aspects comme
étant des aspects importants à gérer et redéfinir
le cahier de charge de ceux qui aujourd'hui ont pour mission théorique
de gérer ces aspects mais ne le font pas parce que l'organisation ou
même les contraintes ou les exigences ne nous amènent pas
là ? ))
Il faut relever, d'une part, que la définition du
produit même en marketing social ne relève pas de stratégie
concurrentielle, par exemple ce n'est pas la pression d'une autre structure qui
a poussé l'organisation à développer Koool, mais tout
simplement les objectifs de l'organisation, et d'autre part, que dans la
réalité, il n'existe pas dans le cahier de charge des autres
Coordinations cette responsabilité de définition des
produits45 .
Njara RAKOTONIRINA, Chef de Département Santé
Maternelle et infantile et Suivi Evaluation :
« C'est le Coordonnateur de programme qui devrait
faire ça (ndr : définir les produits et les prix et en même
temps faire toute la réflexion de planification marketing). C'est lui
seul qui a le focus sur son produit. Les différentes ressources du
département marketing ne l'ont pas. Mais, je suis d'accord qu'il faut
avoir ce pool de compétences pour la gestion des marques. ))
45 Nous avons fait la revue des cahiers de charge des
Coordinations qui composent le Département Marketing et
Communication.
Patrick KOUASSI, ancien Responsable du Département
Marketing et Communication :
« Nous ne pouvons pas dire qu'un P est
dédié à une ressource humaine particulière. Le P
Produit est défini par le programme (théoriquement), la
distribution, la communication et la Recherche ».
La divergence de point de vue montre clairement qu'il n'y a pas
de politique, pas de stratégie, pas de démarche codifiée
pour la planification du P Produit.
Au-delà du problème de structuration, cette
question de responsabilité de définition des
caractéristiques du produit est liée au débat
(évoqué plus haut) de la responsabilité de la
rédaction des plans marketing, donc de la planification globale de
l'intervention marketing.
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