Du régime juridique de la liberté de prix en droit rwandaispar Cédric MUYOBOKE -M. Université National du Rwanda - LLM en Business law 2010 |
Section 2 Les exceptions au principe de la liberté de prixLe principe de la liberté des prix n'a pas valeur absolue. Le gouverneur, par le biais de son Ministère ayant le commerce intérieur dans ses attributions est habilité à déroger, par voie règlementaire, au principe de la liberté des prix44(*). Il importe de mettre en exergue ce domaine d'intervention. Selon Laurent de BROUWER, les exceptions au principe de la liberté des prix peuvent être groupées en deux grandes sortes : §1 L'intervention de l'autorité administrative dans la fixation des prix de L'article 4 de la loi no51/2001 du 28/01/2001 donne par exception la possibilité à l'administration d'intervenir dans l'organisation des circuits de distribution des biens et services, en cas de dysfonctionnement du marché. Son intervention est limitée aux cas de : Monopoles organisés en vue de la spéculation sur la hausse des prix de produits sensibles ; Monopoles professionnels dans la production et la distribution de certains produits spécifiques ; Monopole de fait sur les produits et services de grande consommation45(*). De ce qui précède et par voie d'arrêté, le Ministre ayant le commerce intérieur dans ses attributions spécifie la liste des biens et services sensibles et peut en fixer les prix46(*). Il ressort des dispositions de cet article deux exceptions fondamentales : La première exception concerne des secteurs limités et prédéterminés caractérisés par une absence ou une insuffisance structurelle de concurrence, tandis que la seconde exception correspond à des situations conjoncturelles de hausse excessive ou de baisse artificielle des prix pouvant affecter n'importe quel type d'activité économique. Le plus important étant ici l'effectivité de l'application des dispositions légales relatives à l'encadrement de l'activité commerciale47(*). Le principe selon lequel les prix des biens et services sont librement déterminés par les professionnels suscite la crainte de voir l'inflation déraper, car le consommateur n'est pas en mesure de faire confiance du marché qui ne vise que la maximisation des profits, sans se soucier du sort des consommateurs48(*). La première exception est positive, en ce qu'elle tend à permettre une intervention règlementaire sur les prix en cas de dysfonctionnement du marché dû à l'installation des monopoles sur le marché. Ce pouvoir revient à l'Etat pour éviter que la jungle ne s'installe sur le marché, brisant ainsi la libre concurrence prônée par le libéralisme économique. Aucun Etat souverain démocratique partout au monde ne peut tolérer un laisser faire sur le marché, de façon que le libéralisme économique devienne sauvage où le plus fort (professionnel) s'enrichit sur le marché au détriment du plus faible (le consommateur). Le Rwanda, pays en voie de développement, les organes de lutte contre les abus en matière de commerce tant publics que privés sont encore jeunes et ne sont pas dotés des moyens juridiques et matériels suffisants. De même, ces organes sont caractérisés par un manque de coordination, étant donné que la régulation du commerce s'exerce de manière concurrente par plusieurs organes. Tels est le cas de la RURA, Ministère de commerce et de l'industrie, les encadreurs de commerce, RBS, etc49(*). La seconde exception, c'est-à-dire celle par laquelle le Ministre du commerce fixe le prix dans le cadre du Monopole professionnel dans la production et la distribution de certains produits spécifiques est négative. A ce sujet, l'administration intervient dans la règlementation des prix, alors que la concurrence jouerait pleinement son rôle50(*). L'arrêté du Ministre dont il est question à l'article 4 de la loi no 15/2001 précité n'existe pas jusqu'à présent, alors que la détermination de ces produits sensibles est de grande importance dans le cadre de la protection du plus faible sur le marché. Selon madame MUKAMURENZI G un comité ad hoc a été déjà mis sur pied par le Ministre ayant le commerce dans ses attributions pour étudier minutieusement des produits qui peuvent être mis sur la liste des produits sensibles. Les membres du comité ad hoc trouvent que en plus du pétrole seul produit sensible actuellement, peuvent également être qualifiés de sensibles les pommes de terre, haricot, farine, sucre, charbon et les savons de lessive. Une fois que l'arrêté aura vu le jour, l'Etat aura un oeil sur la fixation et le contrôle des prix de ces produits, afin de lutter contre la spéculation des commerçants sur le marché51(*).Par contre dans les pays développés enseignants du libéralisme économique, les mesures d'accompagnement du libéralisme économique ont été prises dans le cadre de l'encadrement de la concurrence et notamment en matière de la liberté de prix pour protéger le consommateur52(*). §.2. La fixation et le contrôle des prix des produits pétroliers L'article 4 in fine de la loi no 15/2001 dispose que par voie d'arrêté, le Ministre ayant le commerce intérieur dans ses attributions spécifié la liste des biens et services sensibles et peut en fixer les prix53(*). Cet arrêté n'existe pas encore comme l'avons souligné plus haut. Mais, il est à noter que l'Etat intervient spécialement dans le secteur pétrolier en fixant les prix. Cette fixation appel l'intervention des plusieurs organes à savoir le MINICOM, RURA, ATRACO, ASSIPMER54(*). C'est dire en d'autres mot que seul le secteur pétrolier attire l'attention de l'autorité administrative rwandaise, comme pouvant compromettre le fonctionnement du marché, alors que le pétrole n'est pas le seul produit sensible. En droit marocain par contre, par le vocable produit de base qui peut être comparé avec les produits sensibles dont il est question en droit rwandais, il est fait référence à des produits de large consommation alimentaire, essentiellement du sucre, farine nationale de blé, huile de table, le gaz butane à usage domestique55(*). Tous ces produits appellent l'intervention de l'autorité administrative à des échelons dans le cadre de la régulation de prix. Pour la Polynésie française56(*), ils ont une liste des produits des premières nécessités qui comprend notamment viande, poisons, laits, dérivés du lait, fruits et légumes, etc57(*).Au regard de ce qui vient d'être mentionné, plusieurs pays ont quelques point commun, en ce qui concerne les produits des premières nécessités par exemple le lait, la viande, les savons. Donc les produits de première nécessité sont ceux qui sont indispensable à la vie humaine. Dans le cadre de la fixation de pétrole, les éléments fondamentaux sur lesquels la discussion porte dans la détermination de la structure théorique des prix sont : le prix intentionnel, le transport, le cours de change, l'assurance et le premium58(*). Si la loi rwandaise reste muette en ce qui concerne des procédés autres que ceux prévus par l'article 4 de la loi sur le commerce intérieur, elle est lacunaire à plusieurs égards, car la doctrine française59(*) nous apprend qu'à part la fixation des prix par l'arrêté ministériel, le gouvernement peut user d'autres méthodes pour freiner cette licéité des prix, notamment par la taxation de ceux-ci, le blocage des prix ainsi que leur encadrement souple etc.
La doctrine n'a pas fait lettre morte à la technique de liberté contrôlée des prix qui, constitue également un des moyens utilises dans le contrôle de prix. Sous ce régime, les producteurs ou les distributeurs peuvent calculer librement le prix de vente, mais ils sont soumis au contrôle de l'administration. A cet effet, ils doivent déposer auprès des services compétents les prix et tarifs ou barèmes qu'ils envisagent pratiquer. Si une fois le prix n'est pas obéit, il revient à l'administration de faire une opposition. Dans ce cas, le prix est suspendu, les commerçants ou l'entreprise concernés peuvent encore de nouveaux déposer un autre prix auprès de l'administration, ce prix devient un plafond qui ne sera pas dépassé par le déposant60(*). Une autre voie pratiquée dans la législation française est la liberté surveillée des prix. Comme sous le régime de la liberté contrôlée, les commerçants vendeurs ou d'autres entreprises ou encore des prestataires des services doivent déposer auprès de l'administration le prix qu'ils ses proposent de pratiquer. Mais, ce dépôt à un caractère d'information seulement, à la différence de la liberté des prix contrôlée où aucune opposition ne peut y être faite61(*). Si le prix déposé n'est pas respecté, le nouveaux prix doit être appliqué dès la date de dépôt. A notre avis, la surveillance des prix n'est pas visible, aussi longtemps que l'opposition n'est pas acceptée. Le contrôle de prix peut également être fait par voie de prix concerté. Cette formule tend à associer les représentants de chaque profession aux décisions concernant les prix dans cette profession. Ce régime résulte des contrats passés entre l'administration et les organisations professionnelles intéressées, ces contrats sont souvent appelés contrats de programme, accord de professionnelles, accords de programmation ou convention nationale ou départementale, ils sont encore appelés engagement de modération ou de stabilité. Ils sont conclus pour une période déterminée, le plus souvent six mois, ils contiennent non seulement l'évolution des prix mais aussi les clauses complémentaires. Ex : l'évolution des salaires, le respect des règles de la concurrence etc62(*). En définitive, le contrôle de prix en France peut être effectué par voie d'encadrement souple des prix. En effet, dans une économie concertée, les commerçants, de commun accord avec l'administration centrale ou locale, s'engagent à ne pas dépasser un certain plafond ou un certain pourcentage de hausse ou simplement à informer l'administration sur leurs tarifs et barèmes de prix63(*). Il ressort de l'analyse comparative ci-haut, une certaine avancée du droit français par rapport au droit rwandais, puisque le domaine d'intervention de l'administration dans le cadre d'éviter l'abus de la liberté en matière la liberté de prix est précisé en droit français, ce qui n'est pas le cas au Rwanda. Même si le terme « encadrement souple » de prix ne ressort pas explicitement. Dans la loi sur le commerce intérieur, l'article 5 de la même loi prêche que le dialogue et la concertation comme moyens efficaces de résoudre les problèmes lies aux circuits de distribution des biens et services. La même disposition renchérit que le Ministre ayant le commerce intérieur dans ces attributions de sa propre initiative, ou à la demande des opérateurs économiques ou des consommateurs concernés, convoque et dirige les réunions des concertations64(*), mais cette concertation s'observe surtout en matière pétrolière. L'Etat a mis sur pied une série des mesures juridiques frappant les contrevenants, en l'occurrence en matière d'abus du principe de la liberté des prix. C'est l'analyse de ces mesures qui fait l'objet du point suivant. * 44X, « le principe de la liberté de prix » http://www.loir-et-cher.cci.fr/commerce/liblocal/docs/05.reglementation/Libert%C3%A9%20des%20prix.pdf, consulté le 01/04/2010. * 45 L'article 4 de la loi no51/2001 du 28/01/2001déjà citée. * 46 Art.4 de la loi no 15/01/2001 du 28 janvier 2001 précitée. * 47 X, « le principe de la liberté de prix », http://www.loir-et-cher.cci.fr/commerce/liblocal/docs/05.reglementation/Libert%C3%A9%20des%20prix.pdf, consulté le 01/04/2010. * 48 Ibidem. * 49 D'autres organes n'existent plus étaient conçus dans le cadre de l'encadrement de l'activité commerciale. C'est le cas de TRAFIPPRO, une coopérative crée en1958 à Kabgayi , avec comme objectif l'importation , l'exportation et la distribution de tous les bien pouvant faire l'Object de commerce, les produit agricole, la régulation de marché par une saine distribution aux meilleurs prix. Voy. Aussi l.art. 3 du statut de TRAFIPRO cité par J. D. NKEZABO, La réglementation rwandaise de prix, Mémoire, UNR, Butare, 1978, p.7. Inédit. Il en est de même de l'OPPROVIA. La création de cet office avait pour mobile essentiel de pallier à la pénurie des biens et assurer une meilleur répartition de ceux-ci par une stabilisation de prix. Voy D.L no 24/75 portant création de l'APROVIA J.O.R.R no15/75 du 1er août /1975 cité par J. D.Voy. aussi l'art. 5 du statut de l'APROVIA, cet article parle de l'objet social. * 50Ibidem. * 51 Entretien avec madame MUKAMURENZI G. du 01/02/2010. * 52 En France par exemple, pays développé et enseignant du libéralisme économique depuis longtemps, le respect des règles régissant la concurrence est assuré par le Conseil de la Concurrence qui est doté de compétences consultatives en matière de proposition de la loi relative à la concurrence, des décrets réglementant les prix de secteurs où la concurrence est limite , etc. et de compétences contentieuses pour le cas pratiques anticoncurrentielles d'ententes et d'abus de position dominante, le contentieux de ses décisions ( des injonctions des sanctions pécuniaires et sanctions accessoires) est confié à la Cour d'Appel de Paris par la loi du 2 juillet 1987 et partant la procédure devient judicaire et beaucoup d'autre mesures (droit de la consommation , la possibilité donnée à l'administration de règlementer par décret en conseil d'état les prix de certains secteurs d'activité pour des motifs tires de l'intérêt général , les comités de la consommation qui réunissent des représentants de professionnels et des consommateurs ) ont été prises pour protéger le consommateur. * 53 L'article 4 in fine de la loi no 15/2001déjà citée. * 54 Entretien avec madame MUKAMURENZI G. du 01/02/2010. * 55 A. MEKKI, La réglementation des prix et la régulation de la concurrence au Maroc, Thèse, Institut supérieur de commerce et d'administration des entreprises, Casablanca, 1997, p. 15, inédit. * 56 Est un ensemble de 5 archipels français, situé dans le sud de l' Océan Pacifique, à environ 6 000 km à l'est de l' Australie. Elle comprend l' archipel de la Société avec les îles du Vent et les îles Sous-le-Vent, l'archipel des Tuamotu, l'archipel des Gambier, l'archipel des Australes et celui des Marquises tiré sur http// wikipedia, Polynésie française.org., consulté le 02/02/2010. * 57 La liste des produits de première nécessité annexée sur l'arrêté 171/CM du février 1992 modifié. * 58 X, les exceptions au principe de liberté de prix, disponible sur http://www.soa.org/library/newsletters/risk-management-newsletter/2009/september/jrm-2009-iss17-french.pdf, consulté le 30/03/2010. * 59 E. ALFANDARIE, op.cit., p. 87. * 60 F. LE FEBVRE, Droit des affaires, Paris, éd. Francis le Febvre, 2007, p. 938. * 61 Idem, p. 2908. * 62 F. LEFEBVRE, op. cit., p. 2908. * 63 Ibidem. * 64 Art. 5 de la loi sur le commerce intérieur déjà citée. |
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