1.2.1.2. Quelques préalables indispensables à
la mise en oeuvre de la décentralisation financière
L'analyse des concepts de base ainsi que l'examen sommaire du
contenu du cadre juridique et institutionnel de la décentralisation
territoriale révèlent que la prise en charge par les populations
locales de leurs propres affaires suppose la réalisation de certains
préalables que l'on ne peut contourner sans porter atteinte à la
substance de la réforme. Ces préalables sont, notamment : la mise
en place des autorités locales ; le transfert officiel et effectif des
compétences reconnues par les textes aux autorités locales
démocratiquement élues ; l'attribution des moyens d'action
conséquents aux provinces et ETD ; ainsi que la définition par
les populations locales elles-mêmes des objectifs prioritaires à
atteindre dans le cadre de leur propre plan de développement. Ce qui
suppose, pour la réalisation de ces derniers, l'implication effective
des acteurs du processus.
1.2.2. Implications d'actions pour les acteurs au
processus
La décentralisation financière, nous venons de
le voir, est tributaire de la mise en place de l'architecture territoriale et
administrative de l'Etat dans son ensemble. Car, il ne peut y avoir
décentralisation financière s'il n'y a pas de collectivité
territoriale décentralisée et s'il n'existe pas d'affaires
locales à financer. Ceci revient à dire que les acteurs de la
décentralisation territoriale et sectorielle sont aussi acteurs de la
décentralisation financière, leurs actions et leur
rationalité, influant de loin ou de près sur les finances
locales.
La réforme décentralisatrice étant du
ressort de l'Etat, les implications d'actions pour les acteurs publics ne
peuvent pas être traitées sur un même pied
d'égalité que celles relatives aux acteurs non étatiques
et/ou aux partenaires extérieurs.
44 Cités et Gouvernements Locaux Unis, (2007) ;
op.cit ; P.63
1.2.2.1. Implications d'actions pour les acteurs
étatiques
A la lumière des textes de base, les acteurs
institutionnels de la mise en oeuvre de la décentralisation ne sont
autres que l'Etat central, le Parlement, les provinces (Gouvernements et
Assemblées provinciaux) et les entités territoriales
décentralisées, ainsi que les entités et services
déconcentrés de l'Etat et des provinces.
L'implication logique découlant du respect du cadre
juridique de la décentralisation par ces différents acteurs n'est
autre chose que leur appropriation du processus45.
Au regard de la Constitution du 18 février 2006,
plusieurs lois organiques devraient normalement être
élaborées et promulguées. Il s'agit, notamment, de la loi
organique portant fixation des limites des provinces et de la Ville de Kinshasa
; de la loi organique portant subdivision à l'intérieur des
provinces ; de la loi portant organisation et fonctionnement de la Commission
Electorale Nationale Indépendante (CENI) ; de la loi portant statut des
chefs coutumiers ; du statut général des fonctionnaires et agents
des services publics du pouvoir central, des provinces et des ETD, de la loi
organisant le fonctionnement des services publics du Pouvoir Central, des
Provinces, et des Entités Territoriales Décentralisées ;
de la nouvelle loi financière ; de la loi organique portant organisation
et fonctionnement de la Caisse Nationale de Péréquation ; de la
loi portant nomenclature des recettes 46 et des dépenses pour
tenir compte du changement de la structure des ressources et des charges que
décline le transfert de compétences aux provinces et ETD.
La mise en application de ce paquet complémentaire des
textes de base ne manque pas d'incidence sur le financement de la
décentralisation.
45 Ministère de la Décentralisation et
Aménagement du Territoire, (2009), Guide du Formateur sur la
décentralisation sectorielle, Unité d'Appui à la
Décentralisation Sectorielle
46 Commission Episcopale Justice et Paix, (2009) ;
« A quels défis seront confrontées les futures provinces et
les ETD ? » ; Ensemble pour un Etat de droit ; N° 29 ; Octobre 2009 ;
P.3
En effet, la fixation des limites des provinces et à
l'intérieur de ces dernières ou, en d'autres termes, la mise en
oeuvre du découpage territorial et administratif, permettrait aux
dirigeants provinciaux et locaux de prendre la mesure du champ spatial
d'application de leurs fiscalités et de dresser en connaissance de cause
la cartographie des besoins essentiels à intégrer dans leurs
programmes d'action respectifs47.
La mise en place d'une commission électorale nationale
indépendante conforterait la participation citoyenne et, par ricochet,
le civisme fiscal, la population étant sensée choisir librement
et en toute transparence les dirigeants qu'elle veut.
La définition claire du statut des chefs coutumiers
éviterait toute confusion entre le patrimoine personnel ou familial du
monarque local et celui de la Chefferie.
La décentralisation de la fonction publique devrait,
quant à elle, donner lieu à une meilleure adéquation entre
les missions et les ressources à engager en tenant compte des
capacités financières réelles et disponibles avec pour
impact une offre de services publics moins coûteuse48.
Les textes attendus sur les finances publiques et leur stricte
application soutiendraient, eux, l'organisation financière
décentralisée de l'Etat et guideraient ainsi la maximisation des
recettes et la rationalisation des dépenses aux niveaux provincial et
local.
L'implication qui s'ensuit pour le Parlement consiste,
naturellement, en l'examen et l'adoption rapides des textes juridiques «
manquants » de la décentralisation tout en assurant avec
efficacité la double mission d'autorité budgétaire et de
contrôleur de l'action gouvernementale, sachant que le budget de l'Etat
comprend bien ceux des provinces et des ETD.
47Makala Nzengu, P. (2009) ; « La gestion du
secteur agricole et rural dans le contexte de la décentralisation»
; communication ; Atelier de formation de formateurs sur la sensibilisation
à la décentralisation ; Ministère de la
Décentralisation ; 9-10 novembre 2009 ; Kinshasa
Concernant les provinces (y compris leurs organes
délibérants) le respect, par elles, du corpus juridique de la
décentralisation se traduirait par leur responsabilisation dans la
conduite du développement provincial et leur coordination des actions de
développement local avec les ETD sans exclure les représentants
de la société civile et du secteur privé. L'incidence
financière majeure d'une telle responsabilisation des provinces serait
la montée en puissance des finances locales sans basculer dans la
sous-optimalité, la résolution à l'interne des conflits de
compétence en matière fiscale, le partage équitable et
régulier des recettes à caractère national et/ou
d'intérêt commun entre provinces et ETD ainsi que la
cohérence dans la programmation et l'exécution des
dépenses.
L'implication pour les ETD de la mise en application, par
elles, des textes de base de la décentralisation se confondrait avec
leur responsabilisation dans l'offre des services publics locaux de base ainsi
que l'animation du développement local. « Elles seront le
premier niveau de référence pour les populations locales en
matière de services sociaux de base et des infrastructures marchandes.
Elles joueront un rôle important dans la contribution à l'atteinte
des OMD »49.
Les services et entités déconcentrés de
l'Etat ou de la province sont apparemment des acteurs passifs de la
décentralisation mais, en réalité, ils ont vocation
à demeurer actifs dans la mesure où c'est parmi eux que se
recrutent les services d'assiette ou poseurs d'actes en matière
d'exécution des recettes administratives.
Par ailleurs, si le coût de gestion des services
déconcentrés est exagéré, il peut se constituer en
facteur réducteur de choix pour les provinces et entités
territoriales décentralisées et handicaper la poursuite des
objectifs assignés à la décentralisation.
Pour cette raison, l'implication de ces services et
entités est indiquée et se justifie. Cette implication portera
essentiellement sur l'adoption d'une logique d'intervention de nature à
favoriser l'atteinte des objectifs de la décentralisation au moindre
coût possible.
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