2.1.2. Orientation du comportement des acteurs par la
surveillance et l'incitation
Si nous considérons, dans le cadre de la
décentralisation, qu'il existe une relation principal-agent où
les électeurs peuvent être assimilés au principal du fait
de la délégation de pouvoir qu'ils donnent aux gouvernants, et
où le politicien (la tutelle) agit comme principal lorsqu'il
délègue des pouvoirs au fonctionnaire (bureaucrate) qui devient
agent, il importe que des stratégies de limitation du comportement
opportuniste et d'incitation de l'agent soient envisagées parce qu'il
est impossible d'assurer à coût nul que l'agent prendra des
décisions optimales du point de vue du principal104.
C'est la raison pour laquelle nous proposons qu'à
côté de la stratégie de communication sociale ciblant tous
les intervenants au processus de décentralisation, que des mesures de
surveillance et d'incitation des décideurs publics et des fonctionnaires
soient rendues opérationnelles pour garantir que ces derniers
évolueront dans le sens de l'intérêt général
là où ils sont, par nature, maximisateurs de leur propre
profit105.
2.1.2.1. Surveillance des décideurs publics et
fonctionnaires
Même si des règles de prudence visant la
surveillance et le contrôle de l'agent public existent en RDC et
régentent formellement la conduite de la vie financière publique,
nous l'avons vu plus haut, il n'en demeure pas moins que leur application
souffre soit de l'absence de suivi soit du déficit de sanctions
exemplaires en cas d'abus avérés.
C'est pourquoi, il importe de proposer des mesures
adéquates pour y remédier. Ces mesures sont, notamment :
l'observance de la politique dite de « Tolérance Zéro
»106 et la transparence des transactions financières
entre le pouvoir central, les provinces et les ETD.
Au niveau national, pour que la « Tolérance
Zéro » ne soit pas l'ombre d'elle-même, les pouvoirs
législatif, exécutif et judiciaire doivent agir.
104 Gabrie, H. et Jacquier, J. (2001) ; Les théories
modernes de l'entreprise : l'approche institutionnelle ; Economica
105 Jensen, M. et Meckling, W.(1976); Theory of the firm :
managerial behavior, agency cost, and ownership structure ; Journal of
Financial Economic
106 La tolérance zéro, qui rime avec la sanction
systématique à la moindre infraction, désigne la politique
d'impunité préconisée par la 1ère
législature de la 3ème République.
Le parlement doit placer l'intérêt
général au-dessus des intérêts partisans
(OppositionMajorité) pour jouer effectivement le rôle de
contrôleur de l'exécutif. A cet égard, les rapports de la
Cour des Comptes seront exploités de manière optimale, sans
complaisance et dans l'intérêt supérieur de la Nation.
Il est souhaitable, dans la perspective d'un suivi de
proximité, que des chambres régionales des comptes et de
discipline budgétaire soient également rendues
opérationnelles au niveau des provinces au lieu de laisser la seule
instance nationale de la Cour des Comptes se contenter des missions sporadiques
de ses membres à l'intérieur du pays.
L'exécutif devrait veiller à la transparence et
à l'obligation de rendre compte en réhabilitant l'Inspection
Générale des Finances dans sa mission d'audit interne. Un
système de suiviévaluation interne et périodique de
l'action gouvernementale (dont la poursuite de la revisitation des contrats
léonins, par exemple) est à recommander qui pourrait
naturellement préparer le terrain aussi bien aux sanctions internes et
rappels à l'ordre qu'aux interpellations parlementaires et aux revues
éventuelles des partenaires extérieurs. Pour besoin de
perspicacité, ce système s'appuiera sur des informations
normées et vérifiables se traduisant en termes d'agrégats
ou d'indicateurs de performance.
Le pouvoir judiciaire, quant à lui, a une part de
responsabilité déterminante dans la mesure
oüc'est lui qui doit sévir de manière exemplaire
et en toute indépendance, tout cas d'abus des
biens sociaux dans le chef de tous les décideurs
publics et fonctionnaires impliqués de loin ou de près dans la
chaîne des recettes et des dépenses publiques. Le renforcement de
la surveillance de l'agent public doit se traduire par la fin de
l'impunité 107. Sans un tel dispositif, l'utilisation
rationnelle et efficace des transferts décentralisés de pouvoirs
et d'avoirs au niveau des provinces et ETD ne peut être garantie.
En ce qui concerne la traçabilité des
transactions financières provinciales et locales, les mesures
proposées au niveau national sont aussi valables, mutatis mutandis, pour
les provinces et ETD. Néanmoins, la traçabilité des
transactions financières provinciales et locales devrait être
garantie par le recours systématique au circuit bancaire.
107Ngoma-Binda, P. (2007) ; op.cit. ; P. 28
Par ailleurs, la mise en place des autorités
élues au niveau des ETD est indispensable non seulement pour
crédibiliser le processus mais aussi, pour que les électeurs
s'assurent, par le biais de l'organe délibérant, de la
lisibilité des actes de gestion de la chose publique
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