Les voyages officiels du roi Mutara III Rudahigwa( Télécharger le fichier original )par Thomas Munyaneza Master's program in Genocide Stadies/ UNR - Licence en Histoire 2009 |
LE PROJET DUMWAMI MUTARA III POUR L'AMERIQUE (USA)Mutara III avait beaucoup entendu parler des Etats -Unis par les missionnaires protestants « Adventistes du 7ème jour » et aussi par les touristes ou autres citoyens américains. Il savait qu'il s'agissait d'une nation puissante et prospère, riche jusqu'à prêter de l'argent à d'autres pays66(*). Le Roi savait aussi que les assises de l'Assemblée Générale des Nations Unies se tenaient aux Etats-Unis et donc également les réunions du Conseil de Tutelle. Et il voulait « foncer » jusque là. Enfin ses conseillers Adventistes n'avaient pas oublié de lui parler de l'avance technologique de ce pays, entre autre dans le domaine médical. Mutara voulait s'y rendre, voir tout cela de ses propres yeux. Il était poussé par sa soif de savoir et son esprit d'émulation. C'est la période où le Souverain n'écoute plus uniquement les missionnaires catholique67(*). Au fur et à mesure que le roi Mutara III Rudahigwa s'affirmait comme interlocuteur incontournable de l'autorité coloniale et de la puissante Eglise catholique, à qui il a accordé beaucoup de largesses après son baptême et le sacre du Rwanda au Christ Roi, il n'a cessé paradoxalement d'être espionné et accusé. Ce sont surtout les agents administratifs européens et les colons qui, se basant le plus souvent sur des rumeurs, ont soupçonné et même accusé Rudahigwa d'avoir des sentiments nationalistes et xénophobes à leur égard et de rechercher l'autonomie. Les exemples et les incidents à ce sujet sont nombreux68(*). Franchement Mutara III était fatigué. Il voulait être libre et affirmer son autorité comme le Mwami du peuple rwandais et non enfant de colons et de l'église catholique qu'on doit téléguider n'importe comment. C'est grâce à ce retournement de position qu'il avait su créer et cultiver une amitié avec les pasteurs Robenson et Church de Gitwe, tous deux de nationalité américaine. Ces missionnaires avaient chatouillé sa curiosité et lui avaient conseillé de partir aux Etat-Unis avec les danseurs. Evidement, ils avaient également parlé de l'influence américaine sur l'échiquier international69(*). Il faut ajouter qu'à ce moment, les pourparlers concernant l'établissement d'une faculté de théologie protestante à Gitwe avaient bien abouti. Sans attendre, le Roi avait commencé les démarches pour obtenir l'autorisation de se rendre aux Etats-Unis. D'après Kimenyi : « La lenteur de la machine administrative-surtout quand il existe une réticence faisait traîner les choses en longueur. Les personnalités belges qui connaissaient bien Mutara III devinaient quelle serait l'ampleur de son ordre du jour, et pour eux la question était une alternative d'un oui ou d'un non pour cette initiative quelques peu gênante ».70(*) En attendant que l'autorisation soit accordée il fallait être optimiste les missionnaires protestants de Gitwe avaient commencé à préparer ce voyage à la télévision, parfois dans des milieux très privés que seuls ils connaissaient. C'est ainsi que le Révérend Church s'était en quelque sorte improvisé danseur -Intore. Bien sûr il ne dansait pas devant la Camera mais avec des photos, il montrait les costumes, expliquait les danses. C'était courageux et sympathique. Et il est vrai que pour ce voyage Mutara III voulait montrer le meilleur folklore du Rwanda. L'autorisation tant attendue est arrivée en juin 1959 et le Roi devait décéder le 25 juillet entre les mains d'une équipe de plus ou moins 5 belges y compris le père Van der Ven71(*). Ce programme était fort chargé mais on pouvait, en résumé, le définir comme suit72(*) : Tout d'abord, chaque fois que le Roi allait à étranger, il disait qu'il partait pour représenter son pays, car pour lui, le plus important était ce qui concernait le Rwanda .D'ailleurs, le roi se proposait de se faire beaucoup d'amis, officiels ou privés, et dans tous les domaines. Ensuite, il voulait visiter le siège des Nations Unies et particulièrement le Conseil de Tutelle. Sans aucun doute, il aurait été tenté de parler du Rwanda et de ses aspirations. Tous ceux qui étaient au courant de ce projet, et qui constataient que l'autorisation se faisait trop attendre croyaient y voir à tort ou à raison un blocage de la visite de Mutara III au siège des Nations -Unies73(*). En analysant les événements et en rapprochant les faits on constatait que, lors du passage du groupe de travail au Rwanda, le Conseil Supérieur du pays avait été informé trop tard pour présenter son document, et que la demande d'autorisation de voyage aux Etats-Unis était gelée pendant des mois, sans en donner aucune raison. En même temps, l'autorité tutélaire renforçait ses abus d'autorité et les journaux, comme les tracts de Gitera, incitaient à la désobéissance et à la calomnie de l'autorité coutumière. Il y avait aussi un programme de visites privées très abondant. Outre celles qui avaient déjà été enregistrées, on s'attendait à recevoir beaucoup de demandes pour le spectacle Intore et tambourineurs. La tutelle qui s'était d'abord montrée peu disposée à accorder la permission d'un tel voyage se voit, par la force des choses, obligée d'accepter encore une brèche dans le mur de l'isolement de sa Pupille. * 66 Rudipresse, 1957 * 67 Kimenyi, documentation personnelle inédite * 68 Nous ne les citerons pas ici pour ne pas allonger le présent article * 69 Idem * 70 idem * 71 Kimenyi. Documentation personnelle inédite * 72 Rudipresse, Novembre 1959 * 73 idem |
|