Les voyages officiels du roi Mutara III Rudahigwa( Télécharger le fichier original )par Thomas Munyaneza Master's program in Genocide Stadies/ UNR - Licence en Histoire 2009 |
LE VOYAGE DU ROI MUTARA III EN UGANDAUn autre voyage qui ne fut pas moins féerique et qui laisse encore beaucoup de souvenir, est celui que le Roi Mutara III Rudahigwa a effectué pendant trois semaines en Uganda, du 14 octobre 1956 au 2 novembre 1956. Mutara III avait toujours entendu parler de l'Uganda car beaucoup de Banyarwanda, soit des immigrés économiques, soit des refugiés fuyant ce qu'on appelait « le fouet des belges et la corvée » « Ikiboko cy'umubiligi na shiku », avaient fortement émigré vers ce pays voisin20(*). Il n'y a aucun doute qu'il y a un lien entre les différentes contraintes coloniales et coutumières ci-dessus exposées et les mouvements migratoires que le pays a connus pendant la période coloniale. Mais ce lien n'est pas le seul facteur explicatif de ce phénomène. Les fortes densités de la population rwandaises et la pression sur la terre ne sont pas étrangères à ces départs. Ainsi une partie des migrations vers le Congo belge sont expliquées par le fait que la population du Rwanda, nombreuse et prolifique, est attirée par des territoires de très faibles densités humaines de l'autre côté de la frontière21(*). Il y a aussi des facteurs attractifs qui sont d'ordre socio-économique. En effet, les pays d'accueil offraient des conditions de vie plus agréables. Ceci valait surtout pour l'Uganda ; non seulement il était facile d'y trouver de l'argent mais encore le système de travail n'était pas aussi rigide et injuste qu'il l'était au Rwanda. Les Rwandais vendaient leur force de travail là où ils étaient bien payés. Mais l'émigration vers le Congo belge était en partie stimulée et dirigée par l'autorité coloniale. Le flux migratoire vers l'Uganda a connu trois grandes phases. Le courant amorcé en 1920 s'est amplifié en 1926/1927 avec l'encouragement des autorités britanniques et suite à la grande famine de 1928/1929. Lors de la deuxième phase, 1933-1947, ce sont les jeunes gens qui partent en grand nombre. Le mouvement fut amplifié par la crise économique, la famine et la 2e guerre mondiale. La dernière période qualifiée de tassement (1948-1960) correspond avec la fin de la guerre et le processus de décolonisation. L'émigration vers l'Ouganda était généralement un mouvement inter-rural, libre, saisonnier et quelque fois collectif. Ce fut le courant le plus important en valeur numérique. On estime à 50.000 Rwandais, soit un adulte masculin sur six, qui émigraient chaque année à la fin des années vingt. Jusqu'en 1959, environ 350.000 Rwandais étaient partis en Uganda et 35.000 au Tanganyika. Le Roi savait bien que l'Uganda se trouvait au Nord du Rwanda, mais il voulait connaître par lui-même cette région dont la prospérité, la paix et l'organisation le rendaient curieux. Il avait déjà vu le Roi Mutesa II mais il voulait aussi rencontrer, chez eux, le Roi du Toro et celui de l'Ankole. Un voyage en Uganda fut donc organisé et le Roi se fit accompagner par Mr Dens22(*) avec sa famille et sa fille, par les chefs Michel Kayihura, Pierre Mungarurire et Kimenyi, secrétaire du Roi. Le Mwami Mutara a passé un mois en Uganda, et il a visité le Buganda, le Toro, le Busoga et l'Ankole. Le Kigezi a été le dernier endroit visité lors de retour au Rwanda. A Kampala, toute la ville était debout pour accueillir leur hôte de marque. Dans toutes les artères qui mènent au Palais c'était des fleuves humains, les bagandais comme les banyarwanda voulaient voir de leurs yeux cet homme peu ordinaire qu'était Mutara III Rudahigwa. Les rwandais particulièrement souhaitaient voir leur souverain dont ils avaient sans doute entendu parler autour du feu ou dans des réunions de banyarwanda. Ils étaient fiers de montrer leur Roi Mutara III Rudahigwa aux bagandais. 23(*) La première visite fut réservée aux bâtiments administratifs du royaume du Buganda. A cette époque, ce pays avait atteint le stade de l'autonomie interne, alors qu'au Rwanda, la tutelle, en la personne de son Haut représentant J.P. Harroy, prévoyait l'autonomie interne du Ruanda-Urundi dans plus de vingt ans. En tout cas, c'est ainsi qu'il a exprimé dans son oraison funèbre lors de l'enterrement de Mutara III24(*). Le gouvernement du Buganda comptait six ministres et les autres royaumes ou districts en avaient trois. A cela s'ajoutaient le cabinet du roi et le parlement (Bulangi). Au palais, Kabaka était entouré de ses ministres, de l'autorité traditionnelle, des députés et autres dignitaires du royaume. La visite au Buganda a littéralement grisé Mutara III Rudahigwa et l'a renforcé dans son désir, son idée, sa vision d'être entouré de personnes responsables, quel que soit le titre qui leur serait donné : « une autre proposition du roi Rudahigwa et du CSP était d'adjoindre au Mwami un embryon de ministères sous forme de chefs de service ».25(*)Pour commencer il voulait quatre personnes, quatre ministres. Et pourtant, encore en 1956, quand lui-même et le conseil supérieur du pays avaient formulé cette demande à l'Administration belge, elle fut repoussée avec hargne. Pour les uns, notamment les membres de l'église catholique, cette proposition du Roi Mutara n'était qu'une imitation, une copie, de ce qui existait en Uganda26(*) et pour les autres, les coloniaux, cette proposition a été perçue, surtout au niveau du Ministère des colonies, comme la preuve d'un désir de réformes profondes de la part des indigènes, et le signe d'un « nationalisme larvé déjà agissant et d'un raidissement des membres du CSP »27(*). Le service technique du ministère des colonies conclut par une de ses notes au Ministre en disant : « il y a certainement au Ruanda-Urundi un puissant mouvement d'opinion vers une démocratisation plus poussée, que les Bami sont d'ores et déjà acquis à l'idée de profondes modifications de la structure politique actuelle et qu'en conséquence, il y a lieu de laisser mûrir l'évolution en cours »28(*).. Même si ce projet pouvait refléter l'influence du régime buganda, cela n'aurait été d'une part qu'un recouvrement d'un certain pouvoir dont la monarchie avait été spoliée. D'autre part, ce qui se passait ailleurs dans le tiers-monde-plus particulièrement dans l'évolution des structures politiques de l'Est Africa-était comme une porte de secours qui pouvait conduire les institutions rwandaises à la démocratie et permettre à la Monarchie d'être réellement constitutionnelle. Cela pouvait la retirer d'une situation sans nom, ambiguë, qui rendait possible les plus fausses interprétations. Car, pour diviser le peuple rwandais et avilir le nom du roi et de la monarchie, un slogan avait été trouvé : « un Mwami absolu, dictateur, qui ne veut pas la démocratie »29(*). Ce slogan avait était une stratégie pour salir le régime par des critiques personnelles et ramener, au profit de la tutelle ou de l'Eglise, l'influence que détenait l'autorité traditionnelle30(*). D'autres visites au Buganda ont été axées sur les établissements d'enseignements secondaires et universitaires. Parmi les écoles secondaires visitées, il y en avait deux qui ont particulièrement impressionné Mutara III. D'abord, le Collège de Budo, le plus prestigieux de tous les établissements secondaires de l'Uganda si pas de l'Est Africa. C'était là que Mutesa II et bon nombre de rwandais avaient fait leurs humanités31(*). Pour accueillir le Mwami Mutara, ce collège avait bien fait les choses. Comme il hébergeait les enfants de plusieurs tribus, un élève de chacune d'elles venait souhaiter la bienvenue au mwami Mutara III dans sa langue maternelle; parmi eux, il y avait un rwandais : Justin Muhaya (Mwizerwa) dont le père était ami du chef Kayihura32(*). Ensuite un autre collège qui avait été fondée par un Ugandais et dont tout le corps enseignant était composé de natifs (Abadugavu). Dans son discours de circonstance, le directeur était fier d'appuyer sur ce mot, pour faire comprendre à l'invité d'honneur le courage et la détermination du fondateur qui avait réalisé ce chef d'oeuvre33(*). Le colonisateur belge a beaucoup insisté sur la scolarisation de masse. Il a fait preuve d'une extrême prudence pour doter le pays d'une élite intellectuelle autochtone. Il mit beaucoup de temps pour admettre la nécessité d'un enseignement supérieur. Lorsqu'il l'a fait, les Anglais de l'Est de l'Afrique (les Ougandais et les Tanzaniens) avaient plus de 30 ans d'expérience dans la création et la gestion des universités africaines modernes. Une autre visite qui rivalisait de charme avec celle des établissements scolaires, était celle des îles Sese, domaine privée de Mutesa II, dans le lac Victoria. C'était une excursion en canot à moteur. La visite étant privé, dans un domaine privé, Mutesa II a refusé d'y inviter le conseiller du Mwami, Mr Dens et sa famille. Une douzaine de personnes, embarquées dans deux canots. Parmi eux : Mr Sebby, de nationalité anglaise, l'ami de Mutesa. De ce fait Mutara III a demandé à ce dernier pourquoi il n'avait pas voulu inviter Mr Dens alors que lui-même se faisait accompagner par un blanc, Mutesa lui a clairement répondu : « leurs cas n'sont pas identique, car Mr Sebby est mon ami personnel de longue date, tandis que ton soi-disant conseiller t'a été imposé par la tutelle pour te surveiller »34(*). Cette triste vérité était une aide mémoire pour Mutara III, lui rappelant qu'il y avait sur lui un oeil vigilant et cela partout où il allait. Cette vérité avait aussi été repérée par les Badahemuka qui parfois, dans leurs réceptions, refusaient de placer ce surveillant à côté de Mutara III35(*). Les Banyarwanda de l'Uganda avaient créé une association appelée Abadahemuka « les irréprochables ». Les membres du comite directeur de cette association avaient souvent rendu visite à Mutara III à Nyanza. Aussi ont-ils demandé de recevoir leur Souverain et Mutara III a immédiatement accepté cette invitation. La réception a eu lieu au Centre Social de Mengo. Et tous, hommes, femmes enfants, vieillards, étaient ivres de joie. Dans leurs discours de circonstance, les Badahemuka ont déploré le manque de centre d'accueil, surtout pour ceux qui venaient à Kampala pour la première fois, car, dans cette grande ville il leur était facile de se perdre, d'être une proie pour les bandits ou pour les recruteurs de moralité peu recommandable.36(*) Ce souhait a rencontré la générosité des deux souverains. Le Kabaka Mutesa II avait justement donné à Mutara III, un terrain situé au centre de la ville. Et Mutara III s'est empressé de donner ce terrain aux Badahemuka pour y construire un centre d'accueil avec les annexes nécessaires37(*). Ce séjour en Uganda a duré un mois. Mutara III a voulu voir d'autres parties de ce pays. Il a rendu visite, à Jinja, au Secrétaire général du Busoga : Cyabazinga wa Busoga. Le Busoga n'était pas un royaume mais un district dont le chef-lieu était Jinja. Il en était de même du Kigezi ayant aussi à sa tête un Secrétaire Général. A Jinja, Mutara III a voulu visiter un collège dans les environs de la ville. Il voulut toujours comparer les infrastructures. Et ces comparaisons étaient très intéressantes. En effet, quand on connaissait les gigantesques bâtiments des collèges au Rwanda et au Burundi et que l'on constatait combien les constructions scolaires, en Uganda, étaient sobres mais suffisantes, tout en abritant parfois un nombre d'élèves plus grands, bien encadrés, intelligents qu' au Rwanda, il y avait lieu d'être choqué de la situation et l'on pouvait se demander d'où provenait cette mauvaise gestion des moyens financiers. Avec le même matériel de constructions d'un seul collège au Rwanda, on aurait pu, certainement, construire cinq collèges du pays de ceux existant en Uganda.38(*) Partout l'accueil était enthousiaste, de la part des propriétaires comme de la part des travailleurs. Rwandais. Ces derniers étaient débordés de joie et de fierté d'être l'objet de l'attention de leur Roi. Et lui, de son côté, était très heureux de constater le nationalisme des rwandais, partout, et quelles que soient les conditions dans lesquelles ils se trouvaient. Lors des visites des bâtiments administratifs autour du palais, Mutara III remarque la présence d'un blanc en compagnie du frère du Roi, Mr Nyabongo. Sans hésiter, Mutara va droit au but et demande « alors que fait ce blanc ici ? »39(*). En Uganda, tout le monde était contre la présence du conseiller belge. Et Nyabongo répond « celui-ci est mon ami venu m'aider à préparer la constitution de notre pays qui va bientôt accéder à l'indépendance totale ». Le Toro, lui aussi, avait déjà son autonomie interne. Si ce n'était son sang froid habituel, Mutara III se serait arraché le peu de cheveux qui lui restaient car les pays frères, voisins du Rwanda, avaient l'autonomie interne et s'attendaient à recevoir l'indépendance totale, alors que chez lui, au Rwanda, on disait d'attendre encore vingt ans pour accéder à l'autonomie interne. Ces pays voisins étaient-ils réellement plus développés que le Rwanda ? Ils étaient surtout mieux administrés par une puissance qui ne lésinait pas quant au bien-être de leurs Pupilles40(*). Sur la route de retour au Pays natal le Mwami était fort bien accueilli par des manifestations populaires, des discours et des chansons où les mots soulevaient les sentiments patriotiques. Cela retardait le cortège qui devenait de plus en plus long, des gens de l'endroit tenant à accompagner leur royal hôte et sa suite jusqu'à la frontière. Mais, il fallait rentrer au Rwanda. Mutara III venait de passer un mois en dehors de son pays. Les visites, réceptions, discours et manifestations avaient fini par fatiguer le Mwami. Pourtant, il fallait encore affronter la réception éclair du chef Rukeribuga à Gasabo, chef-lieu du Bufumbira, sinon il aurait été vexé et jaloux. Et cela avec raison, Bufumbira, avant l'année 1885, celle du découpage de l'Afrique, faisait partie du royaume du Rwanda, et la population s'identifiait aux banyarwanda dont elle parlait la langue. Vers la fin de cette réception, Monsieur Dens a voulu rappeler à Mutara III que le temps pressait, qu'il doit partir. Cette intervention fut interprétée de diverses façons. Michel Kayihura, avec son humour habituel, s'est exclamé : « le ton change »41(*), il voulait dire : « nous approchons du Rwanda et ce belge, qui durant notre séjour en Uganda s'est tenu coi, change maintenant de ton, devient impératif ». Mais le chef Rukeribuga a trouvé que c'était une impertinence à l'endroit du Roi et s'adressant à Mr Dens, lui a dit catégoriquement : « vous n'avez pas honte de parler ainsi au Roi ? Il est parmi ses sujets, il partira quand il le voudra, vous n'avez pas à lui donner des ordres ».42(*) Ce chef Rukeribuga se considérait toujours comme vassal du roi du Rwanda et la population aussi se savait rwandais. C'est ainsi que dans les discours ou chants populaires de circonstance, les mots patriotiques avaient un sens qui faisait comprendre qu'ils étaient rwandais et cela soulevait des soupirs ou des applaudissements. Cette attitude du Roi Mutara III et de ses vassaux faisait au Mwami Mutara III l'idée de démystifier la race branche non seulement à l'égard de son conseiller qui l'accompagnait en Uganda mais aussi en Europe. Le sentiment nationaliste commencait à mûrir en son esprit. Ce premier voyage en Uganda n'a pas été le seul. Mutara III est retourné trois fois en Uganda pour diverses raisons 43(*): 1. Pour le roi et son entourage, tant son premier voyage en Europe de 1949 et bien d'autres, c'était une occasion de s'enrichir d'expériences nouvelles et d'élargir ses horizons. Mutara voulait que cette expérience profite à diverses personnes, c'est pourquoi, chaque fois, il changeait d'équipe et d'entourage. C'est ainsi qu'après ce premier voyage, le mwami Mutara III est retourné en Uganda, mais avec Mr Kirsch comme « conseiller surveillant » qui avait tenu à se faire accompagner de sa femme , François Ncogoza, chef de chefferie et le chef de chefferie du Bufundu, Mr Tharcisse Zimulinda comme nouveaux membres de l'équipe. 2. Une autre fois, c'était pour répondre au rendez-vous de son dentiste, 3. et enfin Mutara III a accepté l'invitation du Roi du Toro qui célébrait son 9ème anniversaire de règne Après avoir passé en revue les points saillants de ces voyages en Uganda, on pourrait se demander si Mutara III, ou le pays en général, en ont retiré un avantage, une leçon quelconque.
Disons d'abord pour Mutara III que ces voyages ont beaucoup enrichi son expérience d'homme d'Etat, car il a pu voir et comparer le développement national dans tous ses aspects. Il a pu apprécier les deux systèmes de commandement exercés par les deux puissances : l'Angleterre et la Belgique. Auparavant, il n'avait jamais eu l'occasion de comparer, de constater et d'observer les différences dont on lui avait souvent parlé. Par exemple, il a pu ainsi remarquer, et parfois regretter, combien, sur le plan de l'enseignement, de la politique, de l'économie, de la liberté d'expression et du culte l'Uganda était de loin en avance sur le Congo belge, le Rwanda et Burundi. A l'époque 1956-1959, l'Uganda comptait déjà plusieurs universitaires et techniciens dans diverses orientations. Et chose édifiante, parmi eux, on comptait bon nombre de banyarwanda. Tandis que, en ces mêmes années, l'Afrique belge n'avait encore formé aucun laïc universitaire. Les coloniaux belges sont restés, jusque vers 1955, particulièrement fermes sur leurs positions freinant au maximum la formation d'une élite intellectuelle et politique et veillant à ce qu'elle se développe autant que possible en vase clos, sans lui donner la possibilité de prendre contact avec le monde externe. Les premiers rwandais boursiers du gouvernement belge, venaient de partir pour la métropole, et seront bientôt suivis par les boursiers de la Caisse du pays.44(*) Sur le plan économique, le simple fait que de nombreux rwandais partaient en Uganda les uns pour une saison, les autres sans esprit de retour, pour y chercher du travail ou pour fuir la misère en général, prouvait à suffisance que ce pays était économiquement plus avancé. Mais, il n'y avait aucun courant en sens inverse, les Ugandais ne venaient pas s'installer au Rwanda. En Uganda, le colonat avait fait son oeuvre sans être boudé ou ignoré par la population, d'où, dans ce pays, une prospérité relativement rassurante. Sur le plan politique et de la liberté d'expression, Mutara III avait remarqué avec intérêt que les Ougandais avaient acquis un sens politique plus ouvert que les rwandais qui n'osaient pas encore exprimer leurs opinions, leurs options, et qu'en conséquence, L'Uganda' libéré des liens traditionnels de colonie oppressive, avait fait un pas de géant vers l'autodétermination. Bref, l'Uganda avait atteint le niveau de l'autonomie interne, pendant que chez nous, en Afrique belge, on critiquait encore le professeur Van Bilsen d'avoir parlé d'un plan de trente ans pour l'indépendance. La constatation de tous ces faits comme aussi parfois des petits détails, n'avaient pas manqué de toucher Mutara III et le confirmait dans sa lutte pour le développement de son pays et la restauration de la dignité de son peuple. C'était une lutte qu'il menait partout où il se trouvait. C'est dans cet ordre d'idées que, lors de ses visites dans de grandes agglomérations comme Gakiro, Rugazi ou Gahoro, le roi n'avait pas négligé de relever certains faits où l'on voyait que les intérêts des travailleurs rwandais étaient lésés. Et chaque fois, il le signalait. En outre, ces voyages effectués dans un pays précédemment identique au Rwanda, lui ont fourni une moisson de comparaisons qui enrichissait son expérience45(*). Mutara III ne se cachait pas pour reconnaître tout ce que ces voyages lui avaient apporté. De même il avait pu élargir à tous les niveaux le cercle de ses amis. On a pu s'en rendre compte au moment où les réfugies rwandais ont vécu leurs péripéties à travers les pays environnants. Cette amitié a été agissante et l'image de Mutara III, gardée intacte dans les mémoires, a souvent facilité l'ouverture des portes et le secours envers ces réfugies46(*). Puisque nous parlons de l'attitude et de l'action du roi en dehors du Rwanda, il faut faire remarquer que sa silhouette avait dépassé les frontières de son pays. Au Congo belge, en Uganda comme en Europe, on parlait de lui. A l'époque, Thomas Kanza- un des premiers universitaires laïcs dans l'Afrique belge- avait publié une petite brochure qu'il avait envoyée à Mutara III avec dédicace disant entre autres « Celui dont la silhouette fait la fierté de ses frères de race »47(*). Petite phrase mais d'une signification si grandiose, même si elle doit donner de l'amertume à J.P.Harroy qui aurait voulu confiner Mutara III à l'intérieur du Rwanda. * 20 Alexis Kagame écrit entre autres à ce sujet « On s'allait chercher du travail libre » Cet exode devient dramatique dans certaines zones du pays. Abrégé de l'Histoire du Rwanda, p.205-206, no 940 * 21 Gourou P., La densité de la population au Ruanda-Urundi. Esquisse d'une étude géographique, Bruxelles, Institut royal colonial belge, 1953, p184 * 22 Mupagasi ; L., Documentation personnelle inédite * 23 Témoignages d'un ancien mineur du Katanga * 24 Mupagasi, Documentation personnelle inédite, juillet 1959 * 25 J.P.Paulus, Note pour le Ministre, 26 septembre 1955 ; 1re Direction de la 2e Direction générale, Note pour Monsieur le Ministre, 28 avril 1956. * 26 Conseil Supérieur du Pays, Rapport, 1957 * 27 Idem. * 28 1re Direction de la 2e Direction générale, Note pour Monsieur le Ministre, 28 avril 1956 * 29 Kimenyi, Documentation personnelle inédite * 30 idem * 31 Kinyamateka, Urugendo rw'Umwami Mutara III yagiriye muri Uganda, novembre 1956, p.3 * 32 Idem * 33 Kimenyi, documentation personnelle inédite * 34 Idem * 35 Idem * 36 Kimenyi, Documentation personnelle inédite * 37 Idem * 38 Idem * 39 Idem * 40 Kinyamateka, Urugendo rw'Umwami Mutara III yagiriye muri Uganda, novembre 1956, pp.3-5 * 41 Idem * 42 Idem * 43 Kimenyi, documentation personnelle inédite * 44Temps Nouveaux, 2 août 1959 * 45 Kimenyi, Documentation personnelle inédite * 46 Idem * 47 Idem |
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