Les voyages officiels du roi Mutara III Rudahigwa( Télécharger le fichier original )par Thomas Munyaneza Master's program in Genocide Stadies/ UNR - Licence en Histoire 2009 |
VOYAGE DU ROI MUTARA III RUDAHIGWA AU CONGO-BELGEC'était le 3 juillet 1956 que le roi Mutara III s'est rendu au Congo-belge via Elisabethville comme on disait à l'époque. A l'occasion des festivités qui marquaient le cinquantième anniversaire de l'Union Minière du haut Katanga, les organisateurs avaient invité Mutara III et Mwambutsa, roi du Burundi11(*). Il ne faut pas oublier que le Rwanda était un pays pourvoyeur de main d'oeuvre pour l'Union minière. Pendant la 2e guerre mondiale, le Rwanda avait été soumis à l'effort de guerre, le statut de mandat ne permettant pas aux Belges de lever les troupes. Cet effort de guerre a porté sur la fourniture de certains articles pour lesquels le producteur autochtone recevait en contrepartie un prix fixé par le gouvernement. Les principaux articles livrés sont les denrées alimentaires et les vaches de boucherie. Les Européens achetaient des vaches sur les marchés locaux à bon prix et les revendaient plus cher au Congo belge. C'était le médecin vétérinaire qui fixait la valeur et qui marquait les vaches. Arrivés à Elisabethville, Mutara III et sa suite y ont trouvé un service du protocole impeccable conduit par Mr Toussaint qui connaissait bien Mutara III car c'était un ancien fonctionnaire de l'UMUHK (Union Minière du Haut Katanga) au Rwanda ; il les a conduits à l'Hôtel Prince de Léopoldville et de là, chacun des rois, accompagné de son secrétaire, a gagné sa villa, logement de passage. Le programme des visites était fort chargé et chaque soir les invités rentraient très fatigués. De Jadotville-Likasi- Kolwezi à Tshipushi, les invités ont pu visiter le barrage Delcommune et celui du Marinel. Tout était grandiose et rien n'avait été négligé qui puisse rendre les invités heureux12(*).Mais ils ont été fort surpris - particulièrement ceux qui venaient du Rwanda et du Burundi- était l'oppression que les noirs subissaient dans cette colonie (Umwami Mutara III yababajwe n'akarengane gakorerwa abirabura). Le mépris accompagnait cette oppression. Ainsi, dans la ville d'Elisabethville, chaque jour, le couvre-feu imposé aux hommes de couleur commençait déjà à 18h, après cette heure on ne voyait plus aucun noir, sauf les boys qui passaient avec leur tablier13(*). Certes, au Rwanda aussi, ce cauchemar existait, mais au moins le couvre-feu commençait à 21h jusqu' à 6h du matin14(*). Ce règlement était appliqué avec rigueur, malheur à celui qui se laissait surprendre par la police, il était certain d'aller passer quelques semaines en prison15(*). Comme tout le monde le sait, le Congo belge est immensément riche, et vaste mais à l'époque très peu habité. Le pouvoir colonial a légitimé l'émigration de rwandais vers le Congo en la présentant comme une action humanitaire en faveur des populations rwandaises et congolaises : soulager le Rwanda surpeuplé et mettre en valeur des régions inhabitées du Congo, presque semblable à tous les points de vue à la région de départ des Rwandais où ils garderont leur façon de vivre16(*). Mais cette émigration revêtait plus un caractère économique qu'humanitaire. Ce sont les colons européens qui en ont profité et qui l'ont motivé. Lors de la visite, le Roi Mutara III et sa suite étaient étonnés par la richesse de ce pays. De tout ce qu'ils ont pu voir, trois choses ont marqué leur mémoire : 1. Le gigantesque barrage Le Marinel, 2. La coulée de cuivre de l'U.M.H.K. (Union Minière du Haut Katanga) 3. La mise au tonneau du cobalt dont la coulée n'a pas le même débit que celle du cuivre, mais qui n'en est pas moins féerique. Après les fêtes, Mutara a prolongé son séjour car il tenait à rendre une visite personnelle aux mineurs d'origine rwandaise, entre autre dans leurs centres sociaux. Le courant migratoire vers les mines du Congo et surtout vers le Katanga sur une période de 10 ans, soit entre 1935 et 1942, la population rwandaise a envoyé au profit du Congo belge près de 29.513 personnes et 158.920 personnes au profit de l'Afrique orientale17(*). Les mineurs rwandais ont tenu à l'accueillir avec les honneurs dus à son rang le Roi Mutara. Surtout, ils étaient heureux de le voir, de lui parler d'autant plus que pour certains c'était la première fois. Ce fut le temps des surprises18(*). Les mineurs du Rwanda avaient leur troupe de danseurs. Malgré leur dur labeur, ces hommes, majoritairement originaires du Nord Ouest du Rwanda, avaient trouvé le temps et la ténacité d'apprendre la danse nationale « Intore ». Evidemment, cela a beaucoup intéressés et réconfortés le Mwami Mutara III Rudahigwa et sa suite. C'était d'autant plus intéressant que ces émigrés provenaient dans des régions dites « urukiga » : « les émigrants étaient majoritairement originaires du Nord Ouest du pays (Ruhengeri et Byumba) à cause de la proximité géographique qui permettait à l'administration territoriale de ne pas trop y investir et de procéder par une sorte de glissement des populations frontalières »19(*).. * 11 Kinyamateka, No 206, 1956, p.3-5 * 12 idem * 13 Rudipresse, op.cit. * 14 Idem * 15Mupagasi, L. documentation personnelle inédite * 16 Rapport annuel sur l'administration belge, 1927, p.64. * 17 Gatanazi N.A, Migrations des populations rwandaises dans la région africaine des Grands Lacs, Dakar, 1971 ; Ruzibiza H., Population et développement agricole au Rwanda. Contribution à l'étude de la question démo-agraire, Thèse de doctorat, Paris, s.d. ;Bagaye Uwamahoro Marie Chantal, L'évolution de la population rwandaise de 1922 à 1978, Mémoire UNR, Butare, 2001. * 18 Rudipresse, op.cit * 19 Mupagasi ; L. Documentation personnelle inédite |
|