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Les déterminants des intentions de retour des personnes déplacées internes à  l'est du Tchad

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par Chiackre BREYE
Institut de Formation et de Recherche Démographiques (IFORD), Université de Yaoundé II (SOA) - DESS en Démographie 2007
  

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CHAPITRE III: ASPECTS METHODOLOGIQUES

Après avoir exploré le champ de notre étude, nous présentons dans ce chapitre les aspects pouvant conduire directement à l'analyse de données. Ainsi, ce chapitre a pour objectif de présenter d'abord la source et la méthodologie de la collecte de données; d'évaluer la qualité de ces données et de présenter enfin la méthodologie d'analyse statistique.

3.1. Source de données et méthodologie de collecte de données

Cette partie présente la source de données utilisées dans l'analyse et la méthodologie utilisée pour collecter ces données sur le terrain.

3.1.1. Source de données

Pour notre analyse, nous utilisons les données de l'enquête auprès des IDPs à l'Est du Tchad réalisée par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) avec l'appui du Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) et l'assistance de l'Institut de Formation et de Recherche Démographiques (IFORD) en avril 2007. Cette enquête avait pour objectifs de:

> Estimer le nombre des IDPs dans cette partie du Tchad touchée par l'insécurité ;

> Déterminer les caractéristiques sociodémographiques des IDPs ;

> Déterminer les lieux d'origine et les facteurs à l'origine des déplacements des IDPs ;

> Cerner les conditions de vie des IDPs depuis l'installation dans les sites afin de disposer des indicateurs nécessaires pour évaluer les besoins en protection et assistance des IDPs

> Analyser la vie communautaire des IDPs et les rapports qui existent entre eux et les populations hôtes

> Apprécier les intentions de retour dans les villages d'origine et leurs motivations ainsi

que les conditionnalités pour encourager les IDPs qui n'envisagent pas le retour.

3.1.2. Méthodologie de collecte de données

Cette section présente la méthodologie de la collecte de données pour l'enquête auprès des IDPs à l'Est du Tchad. Elle décrit le champ et la population cible de l'enquête, les documents techniques, le plan de sondage et le dénombrement.

a) Champ de l'étude et la population cible

Compte tenu des besoins émis par les organisations humanitaires intervenant à l'Est du Tchad, la population concernée par l'étude était l'ensemble des IDPs, sans distinction de sexe, d'âge et de statut social installées dans les sites spontanés. Mais compte tenu des difficultés d'ordre technique, ce sont donc les IDPs de deux sexes âgées de 15 ans et plus qui ont été retenus pour fournir des informations.

b) Elaboration des documents techniques

Pour collecter les informations auprès des ménages et des individus, la mission chargée de l'enquête a élaboré trois types d'outils de collecte:

1. Une fiche de dénombrement adressée à chaque chef de ménage;

2. Un questionnaire individuel adressé aux adultes sélectionnés dans les ménages;

3. Une grille d'entretien adressée aux chefs de villages et/ou témoins privilégiés pour chaque site pour avoir des données d'ordre communautaire.

En ce qui concerne le dénombrement des ménages, trois fiches récapitulatives ont été élaborées pour permettre aux enquêteurs, aux contrôleurs et aux superviseurs de faire le point chaque jour sur les statistiques préliminaires (nombre de ménages, effectif de la population, nombre des ménages présentant des cas d'handicap).

c) Dénombrement et plan de sondage

c1. Dénombrement

L'opération de collecte était un dénombrement couplé d'une enquête. Dans la première phase, l'ensemble des ménages des sites retenus a été systématiquement dénombré. Ce dénombrement visait à obtenir une bonne estimation des IDPs résidant dans chaque site retenu et de disposer d'une liste des ménages dans chaque site. C'est cette liste des ménages qui a donc servi de base de sondage pour le tirage de l'échantillon des unités primaires (ménages) à l'intérieur desquelles des unités secondaires (individus) sont sélectionnées pour l'enquête individuelle.

Pour ce dénombrement, douze sites ont été sélectionnés (suivant un choix raisonné) et systématiquement dénombrés. Il s'agit de cinq sites dans la zone de Goz Beida (Gassiré, Gouroukoun, Kerfi, Koloma et Koubigou), deux dans la zone de Koukou Angarana (Aradib, Habile I, II et III), quatre dans la zone de Farchana-Arkoum (Alacha, Goudiang, Goz Bagar et Goungour) et enfin un site dans la zone d'Abdi (Abdi).

c2. Plan de sondage

Le plan de sondage utilisé est celui d'un sondage stratifié à deux degrés. Pour garantir la représentativité de l'échantillon, la sélection des unités statistiques a pris en compte la représentativité des sites où sont installés les IDPs. Chaque site retenu (12 sites au total) constitue une strate à l'intérieur de laquelle on a tiré les ménages (proportionnellement à sa taille). Ensuite, les individus à enquêter sont tirés dans ces ménages.

> Tirage des ménages

A la fin du dénombrement d'un site, une base de sondage du site est rapidement constituée à partir du logiciel Excel. A partir de la fiche de dénombrement, le numéro du jeton du ménage, le sexe du chef de ménage et la taille du ménage sont saisis. En fait, le tirage des ménages (grappes) était à probabilités inégales (proportionnellement à leurs tailles). En effet, le sondage aléatoire simple à probabilité inégale a été utilisé pour tirer les ménages.

> Tirage des Individus à interviewer

Au sein des 2.500 ménages tirés au premier degré, 2.500 adultes chefs de ménage sont automatiquement tirés. A ceux-ci, on a ajouté par tirage environ 1.500 adultes, soit un effectif total de 4.000 personnes à enquêter. C'est auprès de ces individus que le questionnaire individuel a été administré. Ainsi, les individus à enquêter dans les ménages échantillonnés sont, d'une part, les chefs de ceux-ci, et d'autre part, les adultes âgés de 15 ans ou plus de ces ménages qui n'avaient pas le statut de chef de ménage. Il s'agissait souvent des époux (ses) des chefs de ménage, de leurs enfants, frères/soeurs ou de toute autre personne apparentée ou non au chef de ménage selon le cas. La table des nombres au hasard a été utilisée sur le terrain dans les ménages où il y avait plus d'un adulte de 15 ans ou plus qui n'avaient pas le statut de chef de ménage afin de sélectionner de manière aléatoire celui d'entre eux qui devait être interrogé. Le tirage des individus est fait à probabilité inégale c'est-à-dire que la probabilité d'un individu de 15 ans ou plus (qui n'est pas chef de ménage) d'être tiré varie suivant la taille du ménage dans lequel il se trouve. Si dans un ménage il y a n adultes âgés de 15 ans ou plus en dehors du

chef de ménage, ces adultes avaient la probabilité 1

n

d'être interrogés. Ainsi, sur les 4000

personnes à enquêter initialement prévues (ces personnes devaient être sélectionnées dans 12 sites), 3994 personnes ont été effectivement interrogées. La répartition de ces personnes interrogées selon les sites est la suivante:

N° du site Nom du site Effectifs

10 Koloma 269

11 Koubigou 285

12 Boundjang 55

3 Goungour 210

2 Alacha 166

4 Goz Bagar 362

5 Kerfi 102

6 Aradib 348

7 Gassiré 481

8 Gouroukoun 409

9 Habile 1160

1 Abdi 147

Total

3994

Pourcentage

100,00

29,04

12,04

10,24

4,16

2,55

3,68

5,26

9,06

6,74

7,14

8,71

1,38

Tableau 3.1: Répartition des IDPs enquêtées selon les sites

Ainsi, compte tenu de nos objectifs, nous utilisons le questionnaire individuel (en annexe 1) qui a recueilli les informations sur les intentions de retour des IDPs à l'Est du Tchad. Ce sont donc ces informations qui seront analysées dans la présente étude.

3.2. Evaluation de la qualité des données

Pour évaluer la qualité des données recueillies, nous nous limiterons à calculer les taux de non réponses de chaque variable retenue pour l'analyse et à évaluer les données sur l'âge en utilisant la pyramide des IDPs et en calculant les indices de WHIPPLE, de MYERS et de BACHI compte tenu des limites de chaque technique d'évaluation.

3.2.1. Taux de réponses des variables

D'une manière générale, on peut dire que le taux de réponses des variables est bon car ce taux est en moyenne de 98,7% pour un taux moyen de non réponses de 1,3% comme l'indique le tableau 3.3. Mais en regardant les variables une à une, on remarque que les données sur le sexe enregistrent un taux de non réponse de 0,3% contre toute attente. De même, on observe que l'âge enregistre un taux de non réponse élevé (13,9%) par rapport aux autres variables. Nous utiliserons encore quelques techniques statistiques pour évaluer davantage la qualité des données de cette variable.

Tableau 3.2: Taux de réponses et de non réponses des variables

Variables

Valeurs valides

Valeurs manquantes

 
 
 

Effectif

%

Effectif

%

Total

%

A expliquer

A l'intention de retourner

3963

99,2

31

0,8

3994

100,0

 

Niveau d'instruction

3979

99,6

15

0,4

3994

100,0

 

Activité économique

3977

99,6

17

0,4

3994

100,0

 

Causes du déplacement

3987

99,8

7

0,2

3994

100,0

 

Statut dans le ménage

3991

99,9

3

0,1

3994

100,0

 

Ethnie

3967

99,3

27

0,7

3994

100,0

Explicatives

Perte de biens

3989

99,9

5

0,1

3994

100,0

 

Possession d'un lopin de terre
cultivable

3985

99,8

9

0,2

3994

100,0

 

Accès à l'eau potable

3969

99,4

25

0,6

3994

100,0

 

Age

3441

86,1

553

13,9

3994

100,0

 

Sexe

3982

99,7

12

0,3

3994

100,0

 

Etat matrimonial

3974

99,5

20

0,5

3994

100,0

Source : Traitement des données de l'enquête IDPs de 2007.

3.2.2. Pyramide des âges des IDPs

La pyramide des âges des IDPs à l'Est du Tchad (figure 3.1), laisse apparaître beaucoup d'irrégularités. On observe des pics particulièrement aux âges ronds (se terminant par zéro) et semi-ronds (se terminant par cinq) surtout à partir de 20 ans pour les femmes et 25 ans pour les hommes. Ces pics sont plus importants chez les femmes que chez les hommes. Ils montrent une attraction pour les âges se terminant par zéro ou par cinq. Ces attractions sont dues à une mauvaise déclaration de l'âge qui sont essentiellement liées à:

> L'analphabétisme

> La pratique limitée de l'état civil

En effet, la perception démographique de l'âge étant liée à l'instruction, les personnes analphabètes ont du mal à déterminer leur âge car elles ne savent pas compter les mois et les années calendaires. D'autre part, la faible couverture de l'état civil limite le nombre d'individus qui connaissent leur date de naissance et donc leur âge exact. La méconnaissance de l'âge des individus conduit généralement à la préférence pour certains âges entraînant le gonflement des effectifs aux âges attractifs et le déficit aux âges répulsifs. Une autre cause d'erreur peut être la non déclaration de l'âge par certains individus volontairement ou non.

Ainsi, les indices de WHIPPLE, MYERS et de BACHI nous permettront de confirmer ou d'infirmer cette préférence des âges se terminant par les chiffres zéro et cinq.

Les déterminants des intentions de retour des personnes déplacées internes à l'Est du Tchad

95

94

93

92

91

90

89

88

87

86

85

84

83

82

81

80

79

78

77

76

75

74

73

72

71

70

69

68

67

66

65

64

63

Masculin

Féminin

62

61

60

59

58

57

56

55

54

53

52

51

50

49

48

47

46

45

44

43

42

41

40

39

38

37

36

35

34

33

32

31

30

29

28

27

26

25

24

23

22

21

20

19

18

17

16

15

100 80 60 40 20 0 20 40 60 80 100 120

Figure 3.1: Pyramide des âges des IDPs à l'Est du Tchad en 2007

3.2.3. Calculs des indices statistiques

La pyramide des âges a révélé une mauvaise déclaration des âges mais elle ne peut confirmer la préférence (attraction) ou la répulsion des âges spécifiques. Ainsi, nous calculons les indices de WHIPPLE, de MYERS et de BACHI pour confirmer ou infirmer la préférence ou l'attraction des âges ronds (les âges se terminant par 0 ou 5).

a) Indice de WHIPPLE

L'indice de WHIPPLE (Iw) permet de mesurer le degré de préférence des âges se terminant par zéro ou cinq. Le calcul de cet indice consiste à prendre l'effectif total des femmes âgées de 23 à 62 ans, et à calculer la somme des effectifs des femmes de cet intervalle dont les âges se terminent par les chiffres zéro ou cinq; puis on fait le rapport de cette dernière somme au un cinquième de l'effectif total. L'indice ainsi obtenu varie entre 0 et 5.

12

P (5 i)

Iw

 

5 i

 

5

 

62

Pj

j 23

Lorsque sa valeur est égale à 1, il n'y a pas de préférence pour les âges se terminant par 0 et par 5. Par contre pour une valeur inférieure à un, il y a répulsion tandis que pour une valeur comprise entre 1 et 5 il y a attraction (Roger et al, 1981). Les valeurs proposées par les Nations Unies pour apprécier la qualité des données sur l'âge à partir de cet indice sont:

> Si Iw= 0, il y a répulsion total des âges terminés o et 5.

> Si Iw= 5, tous les âges enregistrés se terminent par 0 ou 5.

> Si Iw < 1, il y a répulsion pour les âges terminés par 0 et 5.

> Si Iw = 1, il n'y a aucune préférence pour les âges terminés par 0 ou 5.

> Si 1 < Iw < 5, il y a attraction d'autant plus forte que Iw est proche de 5.

Ainsi, les indices calculés et rassemblés dans le tableau 3.3 ci-après montrent qu'ils sont compris entre 1 et 5 (1<I<5). On conclut qu'il y a attraction aux âges se terminant par 0 ou 5 aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Toutefois, on remarque que l'attraction est plus forte chez les femmes que chez les hommes c'est-à-dire que les femmes ont très mal

déclaré leurs âges par rapport aux hommes. Mais cet indice présente des limites car il ne mesure que la préférence des âges se terminant par 0 ou 5. Ce qui nous amène à calculer l'indice de MYERS qui ne présente pas cet inconvénient.

Tableau 3.3: Indice de WHIPPLE

Sexe

Indice de WHIPPLE

Masculin
2,30

Féminin
2,93

Ensemble
2,69

Indice

Source : Traitement des données de l'enquête IDPs de 2007.

b) Indice de MYERS

9

Contrairement à l'indice de WHIPPLE, celui de MYERS mesure la répulsion ou l'attraction de chacun des chiffres compris entre zéro et neuf. Il permet aussi de se prononcer de façon globale sur l'ensemble des chiffres. Cet indice présente aussi l'avantage d'éliminer, au moins en partie, la diminution des chiffres entre les âges en se servant des effectifs pondérés. Cet indice varie entre 0 et 180. Plus il est proche de zéro, meilleure est la déclaration des âges. Pour chaque chiffre, le signe négatif du coefficient indique une répulsion, tandis que le signe positif traduit une attraction. La valeur absolue du coefficient renseigne sur l'ampleur de préférence. Il est calculé de la façon suivante:

Im = EI100 Tu 10

- I

u=0

T

Où Tu est la quantité des effectifs remaniés définie par :

9

Tu = ( U + 1 ) Su + ( 9 - U )S 'u; T = Tu

u = 0

dmax dmax

Avec ( )

Su = P d u

10 +

et ( )

S u

' = P d u

10 +

les sommes des effectifs des personnes de

d= 1 d= 2

10 ans et plus dont les âges se terminent respectivement par chacun des chiffres de 0 à 9. Les indices calculés sont rassemblés dans le tableau ci-dessous :

Tableau 3.4: Indice de MYERS

Chiffres U Masculin Féminin

Indice

0

1 10,59 25,38

2 21,08 55,78

3 28,51 39,76

4 21,58 19,28

5 9,85 5,22

6 4,41 2,34

7 2,98 0,90

8 0,80 0,10

9 0,20 0,00

73,53

141,65

Source : Traitement des données de l'enquête IDPs de 2007.

Ce tableau montre qu'aussi bien chez les hommes que chez les femmes, l'indice de MYERS dépasse largement zéro. En effet, l'indice de MYERS pour le sexe masculin vaut 73,53 et 141,65 pour le sexe féminin c'est-à-dire 0<I<180 quelque soit le sexe. Ce qui justifie une fois encore qu'il y a attraction aussi bien chez les hommes que chez les femmes. Cet indice montre aussi que ce sont les femmes qui ont mal déclaré leurs âges par rapport aux hommes. Mais si l'indice de MYERS permet de se prononcer de façon globale sur l'ensemble des chiffres, il n'est cependant pas possible de définir de façon précise les conditions théoriques dans lesquelles il prend la valeur zéro. Ainsi, nous calculons l'indice de BACHI qui ne présente cet inconvénient.

c) Indice de BACHI

Partant des effectifs d'âge compris entre 23 et 72 ans, BACHI a constaté que pour des populations où l'âge était bien déclaré, le rapport ru des effectifs dont l'âge se termine par chacun des chiffres de 0 à 9 à l'effectif total des 23-72 ans varie à peu près linéairement en fonction du chiffre des unités de 3 à 9 puis de 0 à 2. Il a montré par ailleurs que la pente de cette droite ne varie pas si l'on modifie légèrement les limites d'âge, en considérant par exemple les groupes d'âges 23-72 ans, 24-73 ans, 25-74 ans, ...28-77 ans. BACHI a calculé les différents rapports ru théoriques c'est-à-dire que l'on observerait dans une situation de déclaration parfaite des âges. Ces valeurs permettent de déduire des rapports tels qu'une déclaration correcte des âges se terminant par un chiffre donné produirait un indice de 10. Il

arrive à la conclusion que si les âges sont bien déclarés, tous ces rapports sont égaux à 10,0%; s'il y a préférence (ou répulsion) pour certains âges, les rapports correspondants sont supérieurs ou inférieurs à 10,0%. L'indice de BACHI s'obtient en faisant la somme des écarts positifs de ces rapports avec 10. Il varie entre 0 (aucune préférence ou aversion) et 90 (tous les âges déclarés se terminent par le même chiffre).

ru 100 Au

Du

=

Avec Du = Bu 2 + Cu Bu , Cu et Au sont des quantités calculées à partir des effectifs aux

âges se terminant par des chiffres de 0 à 9.

On calcule ensuite les écarts ru - 10, la somme des écarts positifs donne l'indice de BACHI. Les indices calculés sont consignés dans le tableau n°3.3.

Tableau 3.5: Indice de BACHI

Chiffres U Masculin Féminin

Indice

0 22,96 32,05

1 3,50 2,28

2 9,26 6,76

3 5,43 8,36

4 4,06 2,01

5 24,61 27,40

6 7,04 4,12

7 8,08 6,46

8 8,88 8,03

9 4,35 4,22

27,57

39,45

Source : Traitement des données de l'enquête IDPs de 2007.

En observant ce tableau, on s'aperçoit que les indices de BACHI pour le sexe masculin et féminin sont largement supérieurs à 0 et largement inférieurs à 90. En effet, pour le sexe masculin, I=27,57 et pour le sexe féminin, I=39,45 c'est-à-dire 0<I<90. Par rapport à la conclusion de BACHI, on peut encore dire que tous les âges déclarés se terminent par les mêmes chiffres. L'indice de BACHI montre une fois de plus que ce sont les hommes qui ont mieux déclarés leurs âges que les femmes.

De tout ce qui précède, on peut conclure que la qualité de données sur l'âge n'est pas bonne. Mais compte tenu de l'importance de cette variable dans l'analyse démographique, nous allons l'utiliser malgré que sa qualité soit peu bonne. Ainsi, pour les besoins de l'analyse, nous allons procéder au regroupement des années d'âges en trois groupes d'âges: jeunes (15-34 ans), les adultes (35-59 ans) et les vieux (60 ans et plus). Mais en utilisant la méthode des Nations Unies, nous avons procédé au lissage de la structure par âge de cette population pour obtenir la pyramide des âges ci-dessous. Cette méthode se base sur la moyenne pondérée de cinq groupes d'âges encadrants:

N ' = - N 2 + 4 N1 +10 N 0 + 4N1 -N2

16

Les résultats de ce calcul se trouvent dans le tableau 3.4 à l'annexe. Ces résultats ont permis de construire la pyramide des âges ci-après.

Figure 3.2: Pyramide des âges lissée par la méthode des Nations Unies

45-49

40-44

90-95

85-89

80-84

75-79

70-74

65-69

60-64

55-59

50-54

35-39

30-34

25-29

20-24

15-19

200 150 100 50 0 50 100 150 200

Masculin

Féminin

Cette pyramide lissée obtenue à partir des groupes d'âge ajustés présente une certaine régularité surtout à partir du groupe d'âges 30-34 ans. Elle montre une décroissance régulière des proportions des IDPs au fur et à mesure que l'âge augmente. Mais on s'attendait à ce qu'il y ait plus de femmes que d'hommes aux âges élevés contrairement à ce qu'on observe sur cette

pyramide puisqu'il y a plus de femmes que d'hommes dans le pays et leur espérance dépasse celle des hommes. En effet, selon le RGPH de 1993, les femmes représentent 52,0% de la population totale du Tchad et ont une espérance de vie de 49,21 ans contre 45,88 ans pour les hommes.

3.3. Méthodes d'analyse statistique

Pour notre analyse, nous ferons dans un premier temps une analyse descriptive qui sera complétée par une analyse explicative dans un second temps.

3.3.1. Analyse descriptive

Elle concerne l'analyse bivariée et l'analyse factorielle des correspondances multiples (AFCM).

a) Analyse bivariée

Elle consiste à faire une analyse différentielle des variables liées à l'intention de retour des IDPs dans leurs villages d'origine et sera menée grâce aux tableaux croisés. A l'aide de la statistique du Khi-deux, nous apprécierons au seuil de 5% l'existence ou non de relation entre chacun des facteurs individuels et le risque de retour des IDPs.

b) Analyse factorielle des correspondances multiples (AFCM)

Compte tenu de notre objectif qui est celui de déterminer le profil des IDPs selon leurs intentions de retour, nous recourons à l'analyse factorielle des correspondances multiples (AFCM) pour caractériser les IDPs en fonction de leurs intentions de retour dans leurs villages d'origines.

3.3.2. Analyse explicative

Au niveau de l'analyse explicative, la méthode d'analyse statistique retenue pour identifier les déterminants de l'intention de retour des personnes déplacées internes à l'Est du Tchad est le modèle de régression logistique. Le principe de la méthode est décrit à l'annexe2.

3.3.3. Justification du choix du modèle

Le choix du modèle de régression logistique dichotomique est fait compte tenu des objectifs de notre étude et de la nature de nos variables. Le principal objectif de l'étude étant d'identifier les déterminants de l'intention de retour des personnes déplacées internes à l'Est du Tchad, la régression logistique répond bien à nos aspirations en tant que modèle explicatif.

Par ailleurs, la variable dépendante qui est ici «A l'intention de retourner au village d'origine« est une variable qualitative et dichotomique (les IDPs ont répondu par oui ou non à la question sur leur intention de retourner dans leurs villages d'origine). Les variables présumées explicatives sont qualitatives. Pour toutes ces raisons, la régression logistique dichotomique semble la mieux adaptée à nos données et la mieux indiquée dans une approche explicative. Elle permet de décrire les interdépendances entre les variables explicatives et la variable dépendante. Avec la régression logistique dichotomique, l'analyse est faite au niveau individuel qui est celui requis dans la recherche des déterminants. Elle a l'avantage de prédire la réalisation ou non d'un évènement c'est-à-dire d'évaluer ici les risques relatifs de refus de retour des IDPs.

Synthèse partielle

Pour atteindre nos objectifs, nous utilisons les données de l'enquête auprès des IDPs à l'Est du Tchad réalisée en avril 2007 par de l'UNHCR. L'évaluation de la qualité des données de cette enquête montre que dans l'ensemble, les données sont de bonne qualité. Mais en ce qui concerne l'âge, l'évaluation montre qu'il y a une forte attraction aux âges se terminant par zéro ou cinq pour les deux sexes. Pour atténuer les effets de cette attraction, nous avons regroupé les années d'âges en trois (3) tranches d'âges et avons utilisé la méthode des Nations Unies pour ajuster la structure par âge des IDPs.

En ce qui concerne l'analyse descriptive, nous utilisons, compte de la nature de notre variable dépendante (qualitative dichotomique) et de nos objectifs, l'analyse factorielle des correspondances multiples (AFCM) pour catégoriser notre population étudiée selon leurs intentions de retour et la méthode de régression logistique pour déterminer les risques relatifs de retour des IDPs dans leurs villages.

CHAPITRE IV: VARIATIONS DIFFERENTIELLES ET
DETERMINANTS DES INTENTIONS DE RETOUR DES IDPs

Nous traitons dans ce chapitre les variations des intentions de retour des personnes déplacées pour identifier les variables qui déterminent l'intention des personnes déplacées par rapport à leur retour dans leurs villages d'origine. Il est structuré en quatre parties. La première partie traite du profil des personnes déplacées, la seconde analyse les variations différentielles des intentions de retour des personnes déplacées selon quelques unes de leurs caractéristiques, la troisième porte sur l'essai de catégorisation des IDPs selon leurs intentions de retour et les variables de l'études et la quatrième partie enfin est consacrée à l'identification des déterminants des intentions de retour des personnes déplacées dans leurs villages d'origine.

4.1. Profils démographiques et socioéconomiques des IDPs

Pour mieux appréhender les intentions de retour des IDPs, cette partie se propose de déterminer leur structure selon quelques caractéristiques démographiques et socioéconomiques.

4.1.1. Répartition des IDPs selon leurs caractéristiques démographiques a) IDPs à majorité des femmes et des personnes jeunes

Sur l'ensemble de la population déplacée et enquêtée, les tranches d'âge 15-34 ans et 35-59 ans sont plus représentées quel que soit le sexe. Les personnes âgées (les 60 ans et plus) sont moins représentées (graphique 4.1). Le déplacement forcé à l'Est du Tchad a donc touché en grande partie la population active (de 15-59 ans). La moyenne d'âge de la population déplacée est de 35,1 ans avec un écart-type de 13,8 ans.

Suivant le sexe, on note quelques variations. En effet, dans la tranche d'âges 15-34, les femmes sont plus nombreuses que les hommes avec respectivement 60,3% contre 38,9%. Par contre, dans les tranches d'âges 35-59 ans et 60 ans et plus, les hommes sont les plus nombreux avec respectivement 49,4% et 11,7% contre 35,4% et 4,3% chez les femmes. Mais de façon globale, les femmes représentent environ 65,0% de la population déplacée à l'Est du Tchad

contre seulement 35,0% des hommes. On remarque que quel que soit le sexe, la proportion des personnes âgées est faible (11,7% pour les hommes et 4,3% pour les femmes).

Graphique 4.1: Répartition (%) des enquêtés par tranches d'âges selon le sexe

Masculin Féminin

15-34 ans 35-59 ans 60 ans et plus

 

11,7

 

4,3

 

35,4

 
 
 

49,4

 
 
 
 
 
 
 
 

60,3

 
 
 
 
 

38,9

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0%

Cette représentativité des femmes parmi la population déplacée appelle donc à des actions spécifiques car les femmes portent souvent le plus lourd fardeau en période de guerre car elles doivent trouver un équilibre délicat entre les risques que leur fait courir un environnement souvent hostile et la nécessité impérieuse de pourvoir aux besoins immédiats de leur famille. Les femmes doivent faire face à la perte de parents proches et endosser des rôles nouveaux pour assurer leur existence et celle de leur famille.

En ce qui concerne le rapport de masculinité, on note qu'il y a environ 61 hommes pour 100 femmes dans la population des IDPs. Ce rapport est proche de celui observé au recensement de 1993 dans la région du Ouaddaï qui est de 55 hommes pour 100 femmes.

b) Des déplacés à majorité des personnes mariées

Classées selon leur état matrimonial, les IDPs à l'Est du Tchad sont pour la plus part des personnes mariées. En effet, les personnes mariées représentent globalement 76,8% du total des IDPs. Les célibataires, les veuf(ve)s et les divorcé(e)s représentent respectivement 9,5%, 8,8% et 4,9%. Le graphique 4.2 montre que le pourcentage des hommes mariés est légèrement plus élevé que chez les femmes. En effet, près de 9 hommes déplacés sur 10 sont mariés (87,5%) contre 7 femmes déplacées sur 10 (71,2%). La situation est presque similaire chez les célibataires où on trouve 10,4% d'hommes contre 8,9% de femmes. Par contre chez les veufs et les divorcés, les femmes sont les plus nombreuses. Il y a en effet, 12,7% des veuves contre 1,6% des veufs et 7,2% des femmes divorcées contre 0,5% d'hommes divorcés. Cet écart important entre les hommes et les femmes pourrait être expliquée par la situation de guerre où beaucoup d'hommes sont engagés et/ou directement visés.

Masculin Féminin

Célibataire Marié Veuf(ve) Divorcé(e)

 

0,5
1,6

87,5

 

7,2

 

12,7

 
 
 
 
 

71,1

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

10,4

 

8,9

 

100%

90%

80%

70%

60%

50%

40%

30%

20%

10%

0%

Graphique 4.2: Répartition (%) des IDPs selon l'état matrimonial et le sexe

4.1.2. Répartition des IDPs selon les caractéristiques socioéconomiques a) Des déplacés essentiellement sans instruction

Suivant le niveau d'instruction, les IDPs sont en général sans niveau d'instruction. Le graphique 4.3 montre que plus de 9 IDPs sur 10 n'ont pas été à l'école formelle, moins d'une personne sur 10 a atteint le primaire. Ce qui montre que le niveau d'analphabétisation est relativement important chez les IDPs.

Le graphique 4.3 montre aussi qu'il existe chez les IDPs des disparités entre les hommes et les femmes en matière d'instruction. Ainsi, 96,2% des femmes n'ont pas été l'école contre 94,6% chez les hommes. A chaque niveau d'instruction donné, la proportion des hommes instruits reste supérieure à celle des femmes. On constate que seulement 5,4% d'hommes sont allés jusqu'au niveau primaire contre 3,8% chez les femmes. La discrimination à l'égard des femmes en matière de scolarisation formelle est donc frappante.

Cette situation reflète la situation éducative du pays tout entier. En effet, en 2007, The World Development Indicators de la Banque Mondiale prévoit à 87,0% et 59,0% le taux d'analphabétisme respectivement chez les femmes et chez les hommes. Ainsi, les organismes humanitaires ont estimé le nombre d'enfants en âge d'être scolarisés à près de 50 000 parmi les populations déplacées dans l'Est du Tchad, soit 30,0% de ladite population. La grande majorité de ces enfants n'est pas encore inscrite à l'école et n'a pas complété l'année scolaire. Ainsi, l'UNICEF et ses partenaires doivent faire face à plusieurs défis entre autres le manque d'enseignants parmi les IDPs, la précarité des infrastructures scolaires et le déficit de matériels et de fournitures scolaires.

Graphique 4.3: Répartition (%) des IDPs selon le niveau d'instruction et le sexe

Masculin Féminin

aucun primaire

 

5,4

 

3,8

 

94,6

96,2

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0%

b) Des déplacés essentiellement des agriculteurs

Suivant l'activité économique, les IDPs sont essentiellement des agriculteurs. Les agriculteurs représentent 68,3% de la population déplacée. Ils sont suivis par les sans emploi (25,4 %), les commerçants (3,7%) et les personnes s'occupant d'autres activités (2,6%). Les éleveurs sont les moins représentés avec 2,0% du total.

Cette proportion importante d'agriculteurs nécessite de l'espace cultivable de la communauté hôte. Mais compte tenu des conditions physiques (sécheresse et manque de terres cultivables) de cette partie du pays, cela ne pourrait qu'exacerber la pression sur les terres cultivables. A la longue, cela peut engendrer des conflits entre les IDPs et la communauté hôte. Déjà le rapport de l'enquête de l'UNHCR (2007) auprès des IDPs à l'Est du Tchad indique qu'environ 87,0% des IDPs dans les sites, n'ont pas reçu un lopin de terres cultivables et n'ont donc pas exercé leur principale activité.

Selon le sexe, environ autant d'hommes que de femmes ont l'agriculture comme principale activité économique (70,9% et 66,8% respectivement). En outre, 17,7% des hommes sont sans emploi contre 29,5% des femmes. Signalons que le commerce est une activité exercée principalement par les hommes (7,0% contre 2,0%).

Graphique 4.4: Répartition (%) des IDPs selon l'activité économique et le sexe

 

4,3

 

1,7
29,5

 

17,7

 
 
 
 
 
 

7,0

 

70,9

 
 

2,0
66,8

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

Masculin Féminin

agriculture commerçant sans emploi autre

100% 90% 80% 70% 60% 50% 40% 30% 20% 10% 0%

c) Répartition des IDPs selon l'appartenance ethnique

Le tableau A2.5 (en annexe) montre que sur l'ensemble de la population déplacée et enquêtée, les IDPs appartenant à l'ethnie dadjo sont plus représentées (70,6%). Elles sont suivies de très loin par les massalit (18,9%). Les IDPs appartenant à l'ethnie kadjaksé sont moins les représentées (2,0%).

Selon le sexe, le déplacement forcé à l'Est du Tchad a touché un peu plus les hommes Dadjo (73,3%) que les femmes (69,2%). Chez les Massalit, le déplacement a beaucoup plus touché les femmes que les hommes (21,2% et 14,7% respectivement). De même, chez les

kadjaksé, le déplacement a touché plus les hommes que les femmes (2,5% et 1,7% respectivement). Par contre, il a touché à peu près autant d'hommes que de femmes chez les Maba (4,8% et 3,8% respectivement). Chez les hommes, ce sont les IDPs appartenant à autre ethnie qui sont les plus nombreuses (3,0% contre 1,8%).

Graphique 4.5: Répartition (%) des IDPs selon l'appartenance ethnique et le sexe

 

3,0

 

2,3 1,7

1,8

 
 

2,5

 

2,5

 

69,2

73,3

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

21,2

 
 
 

14,7

 
 
 
 

4,1

 

3,8

Masculin Féminin

100%

90%

80%

70%

60%

50%

40%

30%

20%

10%

0%

Maba Massalit Dadjo Kadjaksé Moubu Autre

4.2. Variations différentielles des intentions de retour des IDPs

La présente section est consacrée à l'analyse descriptive des associations entre les variables indépendantes (quelques caractéristiques des IDPs) et l'intention de retourner dans le village d'origine. Il s'agit en fait d'identifier les relations entre les variables indépendantes et l'intention de retour des IDPs dans leurs villages d'origine grâce au test du Khi-deux au seuil de 5%. De façon générale, sur l'ensemble des IDPs à l'Est du Tchad qui ont exprimé leurs

intentions de retour, environ 52,0% ont déclaré qu'elles n'ont pas l'intention de retourner dans leurs villages d'origine. Par contre, 48,0% des IDPs ont exprimé le désir de regagner leurs villages d'origine. Cependant, ces intentions restent très variables.

4.2.1. Variations des intentions de retour selon les conditions de départ

a) Variations selon les causes du déplacement

Les causes du déplacement des IDPs ont un effet significatif sur leurs intentions de retourner dans leurs villages d'origine. Dans l'ensemble, c'est chez les IDPs qui ont quitté leurs villages pour des raisons de prévention qu'on observe la proportion la plus grande des individus qui n'ont pas l'intention de retourner dans leurs villages d'origine (62,0%). Ils sont suivis de très près par les individus ayant quitté leurs villages d'origine à cause des conflits communautaires (60,2%). C'est chez les IDPs qui ont quitté leurs villages d'origine à cause des exactions des «janjaweeds» qu'on observe la proportion la plus élevée des individus qui ont l'intention de retourner dans leurs villages (49,2%).

On peut être tenté d'expliquer cette situation par le fait que de façon générale, l'Est du pays est resté encore sous tension que ce soit à cause des conflits inter-ethniques ou communautaires. Pour cela, les IDPs qui ont quitté leurs villages d'origine pour des raisons préventives ou à cause des conflits communautaires ne veulent plus revivre les mêmes évènements.

b) Variations selon les pertes de biens au moment du départ

Le tableau 4.1 montre que la perte de biens personnels au moment du départ a un effet significatif sur les intentions des IDPs de retourner dans leurs villages d'origine. Ainsi, on observe la proportion la plus élevée des individus n'ayant pas l'intention de retourner dans leurs villages d'origine chez les IDPs ayant perdu leurs biens personnels pendant la fuite (56,0%). Par contre, c'est chez les IDPs n'ayant pas amené des biens dans les sites qu'on observe la proportion la plus grande des individus ayant l'intention de retourner dans leurs villages d'origine s'observe chez (49,1%).

Tableau 4.1: Proportions (%) des IDPs selon l'intention de retour et les conditions de départ

Variables

Effectifs

A l'intention de retourner
au village d'origine

Total

Probabilité du
Khi-2

Oui Non

Causes de déplacement

0,000 ***

Préventive

92

38,0

62,0

100,0

 

Conflit communautaire

314

39,8

60,2

100,0

Attaque des «janjaweeds»

3236

49,2

50,8

100,0

Insécurité /les forces gouvernementales

69

24,6

75,4

100,0

Ensemble

3648

48,2

51,8

100,0

Perte de biens au départ

0,016**

Oui

2979

49,1

50,9

100,0

 

Non

675

44,0

56,0

100,0

Ensemble

3654

48,2

51,8

100,0

***=significatif au seuil de 1% ; **=significatif au seuil de 5%

Source : Traitement des données de l'enquête IDPs de 2007.

4.2.2. Variations des intentions de retour selon les conditions de vie dans le milieu d'accueil

a) Variations selon l'accès à l'eau potable

L'accès des IDPs à l'eau potable a un effet significatif sur leurs intentions de retourner dans leurs villages d'origine. En effet, c'est chez les IDPs n'ayant pas accès à l'eau potable qu'on observe la proportion la plus élevée des individus qui n'ont pas l'intention de retourner dans leurs villages d'origine (60,0%). Par contre, la proportion la plus élevée des individus ayant l'intention de retourner dans leurs villages d'origine s'observe chez les IDPs ayant accès à l'eau potable (51,1%).

Ceci semble étonnant puisqu'on s'attendait à ce que les IDPs bénéficiant d'un accès à l'eau potable puissent n'avoir pas l'intention de retourner dans leurs villages d'origine si on sait que l'eau potable est une denrée rare au Tchad en général et à l'Est en particulier. Mais on peut penser que l'accès à cette denrée est pénible (à cause du nombre élevé des IDPs et des réfugiés) et que les IDPs préfèrent repartir dans leurs villages où elles pourront utiliser à volonté l'eau des puits.

b) Variations selon la possession de terre cultivable dans le milieu d'accueil

Du point de vue statistique, la possession de terre cultivable par les IDPs au milieu d'accueil n'a pas un effet significatif sur leurs intentions de retourner dans leurs villages d'origine. En effet, que les personnes reçoivent ou pas des lopins de terre, un peu plus de la moitié de celles-ci n'ont pas l'intention de retourner dans leur village d'origine (tableau.4.2).

Tableau 4.2. Proportions (%) des IDPs selon l'intention et les conditions de vie dans le milieu d'accueil

Variables

Effectifs

A l'intention de retourner au village
d'origine

Total

Probabilité du
Khi-2

Oui Non

Accès à l'eau potable

0,000 ***

Oui

2676

51,1

48,9

100,0

 

Non

961

40,0

60,0

100,0

Ensemble

3637

48,2

51,8

100,0

Possession de terre cultivable

0,347ns

Oui

447

46,1

53,9

100,0

 

Non

3205

48,5

51,5

100,0

Ensemble

3652

48,2

51,8

100,0

***=significatif au seuil de 1% ; ns=non significatif

Source : Traitement des données de l'enquête IDPs de 2007.

En somme, on remarque que les populations sont relativement homogènes par rapport aux variables qui ne sont pas significativement associées à l'intention de retourner au village d'origine. On peut penser que cette absence d'effet significatif serait la conséquence de cette homogénéité de la population par rapport aux variables étudiées.

4.2.3. Variations des intentions selon les caractéristiques individuelles

a) Variations selon le sexe

Le tableau 4.3 montre que le sexe des IDPs est significativement associé à l'intention de retourner dans le village d'origine. Selon le sexe, le pourcentage des IDPs qui n'ont pas l'intention de retourner dans leurs villages d'origine est plus élevé chez les femmes (55,3%) que chez les hommes (45,8%). Autrement dit, les hommes sont plus favorables au retour dans leurs villages d'origine (54,2%) que les (44,7%) des femmes.

Cette différence selon le sexe des intentions de retourner dans le village d'origine pourrait s'expliquer par des raisons socioéconomiques mais aussi et surtout par les atrocités de guerre. En effet, les femmes étant très sensibles, et compte tenu du fait qu'elles ont assisté à des tueries des membres de leurs familles, elles en sont donc profondément marquées. Elles n'ont peut être plus envie de revivre la même situation au cours de laquelle elles vu leurs enfants, leurs maris et frères tués. De plus, même avant leur déplacement, les femmes vivaient dans un contexte où il y a peu d'infrastructures et peu de ressources naturelles (comme toutes les autres provinces du pays), les aides octroyées par les organisations humanitaires dans le domaine éducatif, sanitaire et alimentaire peuvent jouer un rôle capital étant donné qu'elles doivent s'occuper parfois des enfants après la mort du père.

A titre d'exemple, dans le cadre de son programme "éducation", l'UNICEF a fourni des manuels scolaires, des uniformes et du mobilier au profit de 63 000 enfants dans 12 camps de réfugiés et environ 22 000 enfants dans dix sites de personnes déplacées (PAM, 2007). Aussi, les femmes sont-elles regroupées et formées dans les camps par ces organisations pour leur permettre de se prendre en charge. La réussite de ces organisations pourrait être considérée par ces femmes comme le signe d'une insertion sociale et donc provoquer une réticence quand à leur retour dans leurs villages d'origine où rien ne les y attend.

b) Variations selon l'âge

Du point de vue statistique, l'âge des IDPs n'a pas un effet significatif sur leurs intentions de retour dans leurs villages d'origine. En effet, quel que soit l'âge, un peu plus de la moitié des IDPs n'ont pas l'intention de retourner dans leur village d'origine (tableau.4.3).

c) Variations selon l'état matrimonial

Le tableau 4.3 montre que l'état matrimonial est significativement associé à l'intention de retourner dans le village d'origine. Suivant l'état matrimonial, c'est chez les IDPs divorcées ou séparées qu'on observe la proportion la plus élevée des individus qui n'ont pas l'intention de retourner dans leurs villages d'origine (59,4%). Ils sont suivi de très près par les veuf (ve)s (57,0%). C'est chez les IDPs mariées et célibataires qu'on observe les fortes proportions des individus qui ont l'intention de retourner dans leurs villages d'origine (49,2% et 47,4% respectivement).

Cette situation pourrait s'expliquer par le fait que les mariés ont laissé quelques membres de leurs familles dans les villages d'origine et qu'ils ont envie de les regagner. De plus, le manque de terres cultivables dans les milieux d'accueil peut constituer un problème aux IDPs mariés puisque l'entretien des membres de la famille devient difficile.

d) Variations selon le niveau d'instruction

A l'instar de l'âge, le niveau d'instruction des IDPs n'a pas un effet significatif sur leurs intentions de retourner dans leurs villages d'origine. En effet, quel que soit le niveau d'instruction les résultats du tableau 4.3 montrent que le pourcentage des individus qui n'ont pas l'intention de retourner dans leurs villages d'origine est quasi identique (52,0% et 49,7% respectivement pour les IDPs sans niveau d'instruction et les IDPs de niveau primaire. Cet effet non significatif serait la conséquence de l'homogénéité de la population des IDPs par rapport à l'instruction. En effet, selon l'enquête menée auprès des IDPs en 2007 près de 95,0% des IDPs et enquêtées n'ont pas été à l'école formelle.

e) Variations selon l'activité économique

Statistiquement parlant, l'activité économique des IDPs est significativement associée à leurs intentions de retourner dans leurs villages d'origine. Ainsi, on observe la proportion la plus élevée des individus qui n'ont pas l'intention de retourner dans leurs villages d'origine chez les IDPs sans emploi (59,3%). Ils sont suivis de près par les individus exerçant autres activités économiques (53,3%). C'est chez les individus exerçant dans le commerce et

l'agriculture qu'on observe les proportions les plus élevées des IDPs qui ont l'intention de retourner dans leurs villages d'origine (51,5% et 50,6% respectivement).

Sur le plan social, on peut tenter d'expliquer cette situation par le fait que les personnes sans emploi trouvent que les conditions de vie dans les camps sont meilleures que celles de leurs villages d'origine. De plus, les IDPs ayant un niveau d'instruction élevé se trouvant sans emploi, sont employées par certaines organisations humanitaires. Quand aux personnes déplacées dont les activités économiques principales sont l'agriculture et le commerce qui ont plus l'intention de retourner dans leurs villages d'origine, on pourrait expliquer leur intention par le fait que l'accès aux terres cultivables dans les milieux d'accueil est difficile ou par leur simple attachement à la terre leurs ancêtres. Elles préfèrent repartir chez elles où elles auront accès à leurs terres. Pour les IDPs exerçant dans le commerce, on peut penser qu'ils ont investi (dans l'ouverture des boutiques le plus souvent) dans leurs villages d'origine.

f) Variations selon le statut dans le ménage

Le tableau 4.3 montre que le statut dans le ménage est significativement associé à l'intention de retourner dans le village d'origine. Autrement dit, le statut des IDPs dans le ménage a un effet significatif sur leurs intentions de retourner dans le village. Ainsi, on observe chez les IDPs vivant sous-couvert d'un chef de ménage une proportion plus élevée des individus qui n'ont pas l'intention de retourner dans leurs villages d'origine (54,4%). Comme on devait s'y attendre, c'est chez les IDPs chefs de ménage qu'on observe la proportion la grande proportion des individus qui ont l'intention de retourner dans leurs villages d'origine (50,0%).

On peut tenter d'expliquer cette différence d'intention par le fait que les chefs de ménage ont investi dans leurs villages d'origine ou bien ils y ont laissé certains membres de leurs familles et ont besoin de retourner auprès d'eux.

g) Variations selon l'appartenance ethnique

L'appartenance ethnique des IDPs a un effet significatif sur leurs intentions de retourner dans leurs villages d'origine. En effet, on observe la proportion la plus élevée des individus n'ayant pas l'intention de retourner dans leurs villages d'origine chez les IDPs appartenant à l'ethnie maba (75,7%). Ils sont suivis par les IDPs appartenant à l'ethnie kadjaksé (62,7%). C'est chez les IDPs appartenant aux ethnies dadjo et autres qu'on observe les proportions des individus qui ont plus l'intention de retourner dans leurs villages d'origine (50,7% et 46,3% respectivement).

Cette grande variation des intentions pourrait s'expliquer par le fait que depuis l'indépendance, les hommes politiques utilisent l'ethnie pour assouvir leurs ambitions politiques. Ainsi, des ethnies s'élèvent contre d'autres ethnies créant un environnement de peur.

Tableau 4.3 : Proportions (%) des IDPs selon l'intention de retour et les caractéristiques individuelles et économiques

Variables

Effectifs

A l'intention de retourner
au village d'origine

Total

Probabilité du
Khi-2

Oui Non

Ethnie

0,000 ***

Maba

136

24,3

75,7

100,0

 

Massalit

611

44,4

55,6

100,0

Dadjo

2622

50,7

49,3

100,0

Kadjaksé

75

37,3

62,7

100,0

Moubu

91

42,9

57,1

100,0

Autre

82

46,3

53,7

100,0

Ensemble

3617

48,1

51,9

100,0

Sexe

0,000***

Masculin

1306

54,2

45,8

100,0

 

Féminin

2341

44,7

55,3

100,0

Ensemble

3647

48,1

51,9

100,0

Statut

0,008***

Chef de ménage

2088

50,0

50,0

100,0

 

S/c du chef de ménage

1567

45,6

54,4

100,0

Ensemble

3655

48,1

51,9

100,0

 

Activité économique

0,000 ***

Agriculteur

2496

50,6

49,4

100,0

 

Commerçant

134

51,5

48,5

100,0

Sans emploi

919

40,7

59,3

100,0

Autre

92

46,7

53,3

100,0

Ensemble

3641

481

51,9

100,0

Niveau d'instruction

0,5686 ns

Aucun

3465

48,0

52,0

100,0

 

Primaire

157

50,3

49,7

100,0

Ensemble

3622

48,1

51,9

100,0

Etat matrimonial

0,036 **

Célibataire

348

47,4

52,6

100,0

 

Marié

2813

49,2

50,8

100,0

Veuf(ve)

302

43,0

57,0

100,0

Divorcé(e)/Séparé(e)

175

40,6

59,4

100,0

Ensemble

3638

48,1

51,9

100,0

Age

0,602 ns

15-34 ans

1645

49,0

51,0

100,0

 

35-59 ans

1256

47,0

53,0

100,0

60 ans & +

752

48,0

52,0

100,0

Ensemble

3653

48,1

51,9

100,0

***=significatif au seuil de 1% ; **=significatif au seuil de 5% ; ns=non significatif

Source : Traitement des données de l'enquête IDPs de 2007.

En somme, l'analyse de l'association entre les variables indépendantes et l'intention de retour, montre que les variables comme l'âge et le niveau d'instruction des IDPs ne sont pas significativement associée aux intentions des IDPs de retourner dans leurs villages d'origine. L'intention de retour des IDPs peut donc ne pas dépendre de ces deux variables. Le reste des variables explicatives à savoir le sexe, l'activité économique, l'appartenance ethnique, le statut dans le ménage et l'état matrimonial des IDPs est significativement associé à leurs intentions de retourner dans leurs villages d'origine.

4.3. Essai de catégorisation des IDPs selon leurs intentions de retour

L'un des objectifs de la présente étude étant de déterminer les caractéristiques des IDPs en fonction de leurs intentions de retour, l'analyse factorielle est la méthode la plus indiquée pour catégoriser ces personnes en fonction de leurs intentions. Pour simplifier les interprétations de cette analyse, nous allons caractériser les axes factoriels et matérialiser ensuite les groupes des IDPs selon leurs intentions de retour dans le plan factoriel formé par les axes ayant les plus grands pouvoirs explicatifs.

Ainsi, les trois premiers axes factoriels représentent respectivement 23,8%, 19,3% et 17, 9% de la variance expliquée. Compte tenu des pouvoirs explicatifs des axes 1 et 2, seul le plan formé par ces deux axes (plan factoriel (1, 2)) sera retenu pour catégoriser notre population étudiée (IDPs). En effet, l'inertie théorique moyenne est ici égale à 28,6 (1000/35). Pour pouvoir caractériser les axes factoriels, nous synthétisons l'information sur les contributions (CTR) et les coordonnées (i#F) des modalités dans un tableau simplifié (tableau A6.1 en annexe). Seules les modalités dont la part de la contribution est supérieure à l'inertie théorique moyenne sont retenues pour l'interprétation d'un axe.

Tableau 4.4 : Caractérisation des axes 1 et 2.

Variables et modalités

Signe au facteur le plus associé

Facteur 1

Facteur 2

1. Ages

15-34 ans
35-59 ans
60 ans et plus

 
 

Age1

Age2

Age3

-
+
+

2. Sexe

Masculin Féminin

 
 

Mscu
Femi

+
-

3. Niveau d'instruction

Aucun Primaire

 
 

Prim

-

4. Etat matrimonial

Célibataire
Marié
Veuf (ve)s
Divorcé(e) s/séparé(e)s

 
 

Clba

-

5. Activités économiques

Agricole
Commerce
Sans emploi
Autre

 
 

Comm
Semp

-
-

6. Causes principales du déplacement

Préventive
Exactions des «janjaweeds»
Conflits communautaires
Insécurité crée par les forces
gouvernementales

 
 
 
 

7. Intention de retour

Oui Non

 
 

ROUI
RNON

+
-

8. Statut dans le ménage

CM

S/C du CM

 
 

Chma
Shma

+
-

9. Ethnie

Maba
Massalit
Dadjo
Kadjaksé
Moubu
Autre

MABA
MASA
DADJ

+
+
-

 
 

10. Accès à l'eau potable

Oui Non

OUI2
NON2

-
+

 
 

11. Possession de terre cultivable

Oui Non

OUI3

+

 
 

12. Perte de biens

Oui Non

NON1

+

 
 

L'examen du tableau 4.4 ci-dessus montre que :

Le premier axe factoriel oppose les IDPs ayant accès à l'eau potable (côté positif de l'axe) à celles qui n'en ont accès (côté négatif de l'axe). On trouve :

> Dans le premier groupe (celui ayant accès à l'eau potable) on retrouve les IDPs appartenant à l'ethnie dadjo (DADJ).

> Dans le second groupe (celui n'ayant pas accès à l'eau potable) on a les IDPs appartenant aux ethnies maba (MABA) et massalit (MASA) ayant accès à la terre cultivable (OUI3) et n'ayant pas perdu des biens (NON1) pendant la fuite.

Cet axe associe d'une part l'accès à l'eau potable à leurs ethnies et d'autre part l'accès à la terre cultivable à la perte de biens. Il est l'axe des conditions de vie des IDPs dans leurs milieux d'accueil.

Le deuxième axe factoriel oppose les IDPs ayant l'intention de retourner dans leurs villages d'origine (côté positif de l'axe) à celles qui n'ont pas l'intention (côté négatif de l'axe).

> Le groupe des IDPs ayant l'intention de retourner dans leurs villages d'origine est celui des hommes (MSCU), chefs de ménage (CHMA), âgés entre 35-95 ans (Age 2 et Age 3).

> Les personnes déplacées n'exprimant pas le désir de retourner dans leurs villages d'origine sont des femmes (FEMI), célibataires (CLBA), vivant sous couvert des chefs de ménage (SHMA), n'exerçant aucune activité économique (SEMP) ou exerçant dans le commerce (COMM), âgées entre 15 et 34 ans (Age 1) et ayant un niveau d'étude primaire (PRIM).

Cet axe résume l'intention de retour des IDPs en fonction de l'âge, du statut dans le ménage, de l'état matrimonial et de l'activité économique. Il est l'axe des intentions de retour des IDPs. Ces différents groupes identifiés sont matérialisés dans le plan factoriel (1, 2) cidessous :

G2

!
!
!

Figure 4.1: Plan factoriel (1, 2).

AXE1= HORIZONTAL--AXE2= VERTICAL

==ECHELLE : 4 CARACTERE(S) = .167 1

+ AGE3----+---MSCU----AGE2

! COMM! CHMA

! !

! !

! KADJRNON!

!

COCM

! ISFG ROUI

! FEMI!

! !

! !

! SEMP !

! !

! AGA1 ! AUT2

! SHMA !

! !

! !

G1

! DADJ ! AGRI

! OUI2 MARI

! NON3OUI1AUCU

+ - JANJ+---VEUF

! !

!

! !

! !

! PRIM !

! !

! !

! !

CLBA !

+ +

!

!

!

LIGNE =

.070

 
 
 
 
 

+ 0 01

 
 
 

! 0 01

 
 
 

! 0 01

 
 
 

! 0 01

 
 
 

! 1 01

 
 
 

! 0 01

 
 
 

! 0 01

 
 
 

! 1 01

 
 
 

+ 0 01

 
 
 

! 0 01

 

PREV

 

! 0 01

NON1

 
 

! 0 01

 
 
 

! 0 01

NON2

 
 

! 0 01

 
 
 

! 0 01

AUT1

MASA

 

! 0 01

 
 

OUI3

! 0 01

 
 
 

! 0 01

 
 
 

! 0 01

 
 
 

! 0 01

 
 
 

! 0 01

 
 
 

MABA! 0 01

 
 
 

! 0 01

 
 
 

! 0 01

 
 
 

! 0 01

 
 
 

! 0 01

 
 
 

! 0 01

 
 
 

! 0 01

 
 
 

! 0 01

 
 
 

! 0 01

 
 
 

! 0 01

 
 
 

+ 0 01

NOMBRE DE POINTS SUPERPOSES : 2 DIVO(RNON) MOUB(AUCU)

L'examen du plan factoriel (1, 2) montre un rapprochement entre l'intention de retour des IDPs et les modalités de certaines variables. Ainsi, il apparaît dans ce plan une opposition entre le groupe G1 constitué des IDPs ayant l'intention de retourner dans leurs villages d'origine et le groupe G2 constitué des IDPs n'ayant pas l'intention de retourner dans leurs villages d'origine.

D'un côté le groupe G1 des IDPs ayant l'intention de retourner dans leurs villages d'origine est constitué des hommes (MSCU) mariés (MARI) ou veufs (VEUF), chefs de ménage (CHMA), âgés entre 35-59 ans (Age 2), exerçant dans l'agriculture (AGRI), n'ayant aucun niveau d'instruction (AUCU) et ayant fui à cause des conflits communautaires. De l'autre côté, le groupe G2 des IDPs n'ayant pas l'intention de retourner dans leurs villages d'origine est constitué des femmes (FEMI), célibataires (CLBA) vivant sous couvert des chefs de ménage (SHMA), n'exerçant aucune activité économique (SEMP) ou exerçant dans le

commerce (COMM), âgées entre 15 et 34 ans (Age 1), ayant un niveau d'étude primaire (PRIM), ayant fui à cause de l'insécurité créée par les forces gouvernementales (ISFG) et les exactions des «janjaweeds» (JANJ), n'ayant pas de terre cultivable dans leurs milieux d'accueil (NON3), ayant perdu des biens pendant la fuite (OUI1), ayant accès à l'eau potable (OUI2) et appartenant aux ethnies dadjo (DADJ) et kadjaksé (KADJ).

La superposition des points DIVO avec RNON et MOUB avec AUCU montre qu'il y a une forte association entre l'intention de retour dans le village d'origine et l'état matrimonial et entre la variable ethnie et le niveau d'instruction. Ainsi, ce sont les IDPs divorcées qui expriment le moins l'intention de retourner dans leurs villages d'origine. De même, c'est parmi les IDPs appartenant à l'ethnie moubu qu'on observe plus les individus qui n'ont pas été à l'école.

4.4. Essai d'identification des déterminants des intentions de retour des IDPs

Dans les sections précédentes, nous avons mis en évidence l'existence ou non des associations entre les variables inscrites dans notre analyse et l'intention de retour des IDPs et caractérisé celles-ci en fonction de tous ces éléments. Ces relations peuvent être fallacieuses en présence de plus de deux variables. Ainsi, l'objectif de cette section est de vérifier nos hypothèses puis d'identifier les variables qui déterminent l'intention de retour des IDPs dans leurs villages d'origine. Nous interprétons ici l'effet net des variables explicatives sur leurs intentions de retour à partir du modèle saturé (M9). Les Khi-deux des neufs (9) modèles considérés sont significatifs. Ces neufs (9) modèles sont adéquats et nous permettent de prédire l'intention de retour des IDPs par l'ensemble des variables considérées.

4.4.1. Conditions de départ des personnes déplacées

Il ressort du tableau 4.5 que de toutes les variables relatives aux conditions de départ des IDPs de leurs villages d'origine seule la variable causes du déplacement détermine leurs intentions de retourner dans leurs villages. Les causes du déplacement des IDPs sont des déterminants de leurs intentions de retourner dans leurs villages d'origine avec une statistique r égale à 0.04. Cela confirme l'association établie au niveau bivarié entre les causes du déplacement et l'intention de retour des IDPs. Ainsi, par rapport aux IDPs ayant fui les

attaques des «janjaweeds», celles qui ont quitté leurs villages d'origine à cause des conflits des exactions des forces gouvernementales ont 66,0% moins de chance de manifester le désir de retourner dans leurs villages d'origine.

Comme nous l'avons souligné dans les variations des intentions de retour des IDPs, le Tchad tout entier est sous tension (politique et ethnique), il est tout à fait logique que les causes du déplacement déterminent l'intention de retour des IDPs. En effet, alors que la crise darfourienne est loin de trouver des solutions durables, les exactions des «janjaweeds», l'insécurité créée par les forces tchadiennes chargées du maintien de l'ordre et les conflits communautaires sont encore monnaie courante à l'Est du pays et cela empêche la reprise de la vie.

4.4.2. Conditions de vie dans le milieu d'accueil

A l'instar des causes de déplacement des IDPs, l'accès à l'eau potable dans le milieu d'accueil détermine les intentions des IDPs de retourner dans leurs villages d'origine avec une statistique r de 0,05 (tableau 4.5) confirmant l'association établie au niveau bivarié. Par rapport à leurs homologues ayant accès à l'eau potable, les IDPs n'ayant pas accès à cette denrée ont 30,0% moins de chance d'exprimer le désir de retourner dans leurs villages d'origine. Bien qu'elles n'ont pas accès à l'eau potable, ces IDPs n'ont pas exprimé le désir de retourner dans leurs villages peut être à cause de l'insécurité.

4.4.3. Caractéristiques individuelles des IDPs

Il ressort du tableau 4.5 que parmi les caractéristiques individuelles, seuls le sexe, l'ethnie et l'activité économique des IDPs déterminent leurs intentions de retour dans leurs villages d'origine.

a) Sexe

Il détermine l'intention de retour des IDPs avec une statistique r de 0,06 et cela confirme son association établie au niveau bivarié avec l'intention de retour. Ainsi, par rapport aux femmes déplacées, les hommes ont 47,0% plus de chance d'exprimer le désir de retourner

dans leurs villages d'origine. Autrement dit, les hommes ont plus l'intention de retourner dans leurs villages d'origine que les femmes. Cela peut s'expliquer par le fait que sur les sites des réfugiés et des IDPs, les femmes sont encadrées par les organisations humanitaires et bénéficient de quelques financements de leurs projets.

b) Ethnie

Tout comme le sexe, l'appartenance ethnique des IDPs déterminent leurs intentions de retourner dans leurs villages d'origine avec une contribution similaire à celle du sexe (0,06). Par rapport aux IDPs de l'ethnie dadjo, les IDPs de l'ethnie maba ont 65,0% moins de chance d'exprimer le désir de retourner dans leurs villages d'origine. De même, les IDPs de l'ethnie kadjaksé ont 39,0% moins de chance de manifester le désir de retourner dans leurs villages d'origine que leurs homologues de l'ethnie dadjo. En d'autre terme, les IDPs appartenant à l'ethnie dadjo ont plus l'intention de retourner dans leurs villages d'origine que les autres.

On peut tenter d'expliquer ce résultat par le fait que dans le contexte politique du pays, l'ethnie comme la religion a été instrumentalisée pour assouvir les ambitions politiques depuis l'indépendance.

c) Activité économique

Comme le sexe et l'ethnie, l'activité économique des IDPs détermine leurs intentions de retour dans leurs villages d'origine avec une statistique r de 0,06 (tableau 4.5). Ainsi, par rapport aux IDPs exerçant dans l'agriculture, les IDPs sans emploi ont 34,0% moins de chance de manifester le désir de retourner dans leurs villages d'origine. Autrement dit, les IDPs exerçant dans l'agriculture ont plus l'intention de retourner dans leurs villages d'origine que les IDPs exerçant dans d'autres secteurs d'activités.

Comme nous avons tenté d'expliquer au niveau bivarié, l'intention des IDPs dont l'activité économique est l'agriculture pourrait s'expliquer par le fait que l'accès aux terres cultivables dans les milieux d'accueil est difficile ou par leur simple attachement à la terre de leurs ancêtres. Elles préfèrent repartir chez elles où elles auront accès à leurs terres.

Tableau 4.5: Risques relatifs de l'acceptation de retour au village d'origine

Variables indépendantes

Rapport de chances de l'acceptation de retour au village d'origine

Effets nets des variables indépendantes

 

M1

M2

M3

M4

M5

M6

M7

M8

M9

Age

15-34 ans

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

35-59 ans

0,88ns

0,87ns

0,85**

0,85ns

0,85**

0,83**

0,83**

0,83**

0,83**

60 ans et +

0,93ns

0,93ns

0,91ns

0,90ns

0,90ns

0,90ns

0,91ns

0,90ns

1,09ns

Statistique r

0,00ns

0,00ns

0,00ns

0,00ns

0,00ns

0,02ns

0,02ns

0,01ns

0,01ns

Sexe

Masculin

1,51***

1,48***

1,42***

1,44***

1,43***

1,41***

1,42***

1,46***

1,47***

Féminin

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Statistique r

0,08***

0,07***

0,06***

0,06***

0,06***

0,06***

0,06***

0,06***

0,06***

Ethnie

Maba

0,31***

0,30***

0,30***

0,37***

0,32***

0,33***

0,32***

0,34***

0,35***

Massalit

0,80**

0,80**

0,79**

0,90ns

0,83ns

0,85ns

0,84ns

0,85ns

0,87ns

Dadjo

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Kadjaksé

0,56**

0,56**

0,57**

0,59**

0,59**

0,58**

0,58**

0,60**

0,61**

Moubu

0,72ns

0,72ns

0,72ns

0,80ns

0,81ns

0,76ns

0,77ns

0,77ns

0,78ns

Autre

0,79ns

0,79ns

0,78ns

0,89ns

0,85ns

0,87ns

0,87ns

0,91ns

0,91ns

Statistique r

0,08***

0,08***

0,08***

0,06***

0,06***

0,06***

0,06***

0,06***

0,06***

Etat matrimonial

Célibataire

 

0,84ns

0,88ns

0,87ns

0,88ns

0,93ns

0,92ns

0,92ns

0,91ns

Marié

 

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Divorcé/séparé

 

0,89ns

0,86ns

0,85ns

0,84ns

0,86ns

0,88ns

0,88ns

0,87ns

Veuf

 

0,83ns

0,80ns

0,79ns

0,79ns

0,81ns

0,83ns

0,84ns

0,83ns

Statistique r

 

0,00ns

0,00ns

0,00ns

0,00ns

0,00ns

0,00ns

0,00ns

0,00ns

Statut dans le ménage

Chef de ménage

 
 

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

Réf.

S/c du chef de ménage

 
 

0,85**

0,85**

0,85**

0,86**

0,87ns

0,88ns

0,88ns

Statistique r

 
 

0,02**

0,02**

0,02**

0,02**

0,02ns

0,01ns

0,01ns

Accès à l'eau potable

Oui

Non

Statistique r

 
 
 

Réf.

0,71***
0,05***

Réf.

0,71***
0,05***

Réf.

0,71***
0,05***

Réf.

0,71***
0,05***

Réf.

0,70***
0,05***

Réf.

0,70***
0,05***

Possession de terre cultivable

Oui

Non

Statistique r

 
 
 
 

1,26ns Réf.

0,00ns

1,20ns Réf.

0,00ns

1,23ns Réf.

0,01ns

1,22ns Réf.

0,01ns

1,24ns Réf.

0,01ns

Activité économique

Agriculture Commerce Sans emploi Autre

Statistique r

 
 
 
 
 

Réf.

0,85ns 0,66*** 0,81ns 0,06***

Réf.

0,85ns 0,65*** 0,77ns 0,06***

Réf.

0,85ns 0,67*** 0,77ns 0,06***

Réf.

0,84ns

0,66*** 0,77ns

0,06***

Niveau d'instruction

Aucun

Primaire

Statistique r

 
 
 
 
 
 

Réf.

1,05ns
0,00ns

Réf.

1,05ns
0,00ns

Réf.

1,05ns
0,00ns

Causes du déplacement

Prévention

Conflit communautaire Attaque des «janjaweeds» Force gouvernementale Statistique r

 
 
 
 
 
 
 

0,76ns
0,93ns

Réf.

0,34***
0,04***

0,79ns

0,94ns

Réf.

0,34***
0,04***

Perte de biens au moment de départ

Oui

Non

Statistique r

 
 
 
 
 
 
 
 

0,87ns Réf.

0,00ns

Khi-deux

82,16***

86,68***

91,06***

105,03***

109,08

134,86***

135,15***

151,05***

152,72***

Pouvoir prédictif (%)

55,89

55,97

56,91

57,33

57,38

57,80

57,69

57,71

58,17

Pseudo R2

0,022

0,024

0,025

0,029

0,030

0,037

0,037

0,041

0,042

***=probabilité <1% ; **=probabilité<5% ; ns=probabilité non significative

Source : Traitement des données de l'enquête IDPs de 2007.

Synthèse partielle

Nous pouvons retenir que les IDPs à l'Est du Tchad sont à majorité jeunes donc actifs (15-34 ans). Cette tranche d'âge représente 52,2% du total des IDPs à l'Est du pays. Selon l'état matrimonial, le niveau d'instruction, l'activité économique, le sexe et l'ethnie, les proportions les plus importantes s'observent respectivement chez les individus mariées, les sans niveau d'instruction, les agriculteurs, les femmes et les dadjo .

Au niveau bivarié, l'intention de retour des IDPs varie significativement selon le sexe, l'activité économique, les causes du déplacement, l'ethnie, l'accès à l'eau potable, l'état matrimonial, la perte de bien pendant la fuite et le statut dans le ménage des personnes à l'Est du pays. On observe les proportions les plus élevées des IDPs qui n'expriment pas le désir de retourner dans leurs villages d'origine respectivement parmi les femmes, les sans emploi, les maba, ceux qui fui les exactions des forces de l'ordre du pays, celles qui n'ont pas accès à l'eau potable, les divorcées, les IDPs vivant sous le couvert d'un chef de ménage et les IDPs n'ayant pas perdu de biens. L'intention de retour des IDPs ne varie pas significativement avec l'âge, le niveau d'instruction et la possession de terre cultivable.

Quant à l'analyse factorielle des correspondances multiples (AFCM), elle a mis en évidence deux groupes des IDPs à l'Est du pays. D'un côté le groupe des IDPs ayant l'intention de retourner dans leurs villages d'origine constitué des hommes mariés ou veufs, chefs de ménage, âgés entre 35-59 ans, exerçant dans l'agriculture, n'ayant aucun niveau d'instruction et ayant fui à cause des conflits communautaires. De l'autre côté, le groupe des IDPs constitué des femmes, célibataires vivant sous couvert des chefs de ménage, n'exerçant aucune activité économique ou exerçant dans le commerce, âgées entre 15 et 34 ans, ayant un niveau d'étude primaire, ayant fui à cause de l'insécurité créée par les forces gouvernementales et les exactions des «janjaweeds», n'ayant pas de terre cultivable dans leurs milieux d'accueil, ayant perdu des biens pendant la fuite, ayant accès à l'eau potable et appartenant aux ethnies dadjo et kadjaksé n'exprime pas le désir de retourner dans leurs villages d'origine.

Au niveau explicatif, l'analyse a montré que le sexe, l'ethnie, l'accès à l'eau potable, l'activité économique et les causes du déplacement sont des variables qui déterminent l'intention de retour des IDPs dans leurs villages d'origine.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault