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La souveraineté de l'état et l'integration sous-regionale en Afrique centrale : le cas de la CEMAC

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par Anderson OUAMBA-DIASSIVY
Université de YAOUNDE II - Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) Stage Diplomatique (Master I) - Master I 2009
  

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Section 2: La Souveraineté, les Chefs d'Etat et l'intégration en zone CEMAC

Pour Georges SCELLE, « les Organisations Internationales qui tendent à une intégration en se substituant aux Etats dans l'exercice de certaines fonctions connaissent un mode de fonctionnement et de distribution du pouvoir qui relève du fédéralisme.30(*)» Or, la CEMAC ne semblent pas correspondre à ce schéma idéal. Les organismes d'intégration régionale d'Afrique centrale ont été conçus et mis en place en tant qu'associations d'Etats constituées par traité, dotées d'une constitution et d'organes communs et possédant une personnalité juridique distincte de celle des Etats membres31(*). Ceux-ci entendent demeurer des sujets souverains librement associés dans les organismes interétatiques dont la qualification communautaires n'est ni synonyme d'union ni prémices d'une fusion. De fait, le « souverainisme » imprègne fortement les bases structurantes de ces associations et reflète dans le classicisme de leur statut juridique.

La zone CEMAC, si on la compare aux autres espaces politico-économiques de l'Afrique subsaharienne, est celle où le pouvoir conserve et se conserve le plus longtemps. Les six chefs d'État en exercice totalisent ensemble près d'un siècle et demi (140 ans très exactement) aux affaires, avec de fortes disparités bien sûr, mais une même tendance rétive à l'alternance. Ce que la région y gagne en stabilité, elle le perd en renouvellement de ses élites, et les progrès réalisés sur la voie de la bonne gouvernance ne s'accompagnent pas assez de leur corollaire?: l'avancée vers une démocratie libérale.

En effet, la souveraineté des Etats de cette zone est axiomatique dans les architectures communautaires d'Afrique centrale. Le consensualisme des sources juridiques et « l'internationalisme » des principes fondamentaux, traits caractéristiques de ces associations peuvent brider, dans une certaine mesure, l'ambition d'intégration.

Si un Etat membre de la CEMAC a la possibilité d'initier des propositions d'amendement ou des révisions des actes constitutifs de la CEMAC, ces propositions doivent être adoptés par consensus et soumises à la ratification de tous les Etats membres. L'unanimité de tous les Etats membres est requise32(*). Par ailleurs, chaque Etat membre de la CEMAC conserve l'entière liberté et la souveraine faculté de se retirer de l'une ou l'autre communauté. Le retrait s'effectue alors selon une procédure relativement simple.

Les fondateurs de la CEMAC ont eu à coeur de garantir la permanence, l'intangibilité et la sacralité de la figure de l'Etat. Les sujets étatiques concernés n'entendent perdre ni leur indépendance ni leur qualité étatique. Ils tiennent à conserver leur identité propre et leur autonomie d'action dans la sphère des rapports internationaux. La communauté ne signifie pas pour eux l'union ou la fusion dans un creuset fédéral. Au nom d'une conception fervente et ardente de leur souveraineté internationale, les Etats membres de la CEMAC se défient tant d'une vision réductrice de leur capacité internationale que de toute tentative d'altération ou de corrosion de leur immédiateté internationale. De la sorte, les Etats membres de la CEMAC réaffirment que leur association est déterminée et orientée par les principes classiques qui régissent les relations entre les Etats (principes de souveraineté, d'égalité juridique et d'indépendance de tous les Etats, de bon voisinage, de non-ingérence dans leurs affaires intérieures, de non-recours à la force pour le règlement des différents et le respect de la prééminence du droit). De ces faits, les rapports entre les Etats membres de la CEMAC  se situent dans un ordre plus relationnel qu'institutionnel, c'est-à-dire privilégiant les rapports horizontaux entre sujets souverains et se défiant des rapports verticaux entre structure de subordination et Etats33(*).

Les Etats membres se sont engagés à s'abstenir de toute mesure susceptible de faire obstacle à la communauté. Il est prévu d'accélérer le processus d'intégration en anticipant sur le chronogramme établi. En principe, au plus tard en 2006, la libre circulation des personnes et des biens devrait être effective. L'application de la convention régissant l'UEAC permettrait au Centrafricain de s'installer sans tracasserie au Gabon, s'il le souhaite. De même, le Congolais peut exporter son bois au Tchad sans payer des droits de douane. La libre circulation peut impliquer l'accès des établissements d'enseignement de la zone CEMAC à tous les étudiants ressortissants de l'union dans les mêmes conditions que les nationaux. Ainsi, l'étudiant équato-guinéen peut s'inscrire à l'Université de N'Djamena dans les mêmes conditions que les Tchadiens. Voilà pour ce qui est des principes. Qu'en est-il de toutes ces mesures dans la pratique ?

Dans la pratique, l'engagement des six Etats de l'union rencontre des obstacles liés à la lenteur administrative qui empêche de traduire dans les faits les dispositions de la convention. Il y a aussi des blocages dus aux réticences de certains Etats à aller vers l'intégration. Certains Etats estiment qu'ils ont plus à perdre qu'à gagner en intégrant entièrement l'union. Les Etats réfractaires à la libre circulation des personnes ont peur d'être envahis par la population des autres Etats (dits pauvres) à la recherche d'emploi.

Dans certains Etats, l'égoïsme national est justifié par le fait que les entreprises nationales ne peuvent pas supporter la concurrence. Elles sont protégées par les droits douaniers. L'ouverture des frontières constitue un manque à gagner. Sans droit douanier, le sucre tchadien supportera difficilement la concurrence du sucre venant du Cameroun. L'égoïsme national vise à protéger les marchés intérieurs, les emplois et les richesses.

Cette considération xénophobe est justifiée parfois autant que faire se peut par la culture de violence qui s'est développée dans certains pays de l'espace de l'union sous l'effet des années de guerres civiles et, dans une certaine mesure par l'incivisme affiché de leurs populations. A ces obstacles s'ajoutent les instabilités politiques dans certains Etats. Celles-ci sont très dissuasives pour l'intégration économique car elles peuvent se répercuter sur toute l'union.

L'insécurité dans le Nord-Ouest centrafricain et celle à l'Est du Tchad sont des facteurs d'inquiétude justifiés. Les habitants des régions énumérées sont victimes des violences et sont dépouillés de leurs biens lorsqu'ils ne sont pas tués. Il va de soi que dans ces conditions, aucun allogène ou étranger ne prendra le risque de s'aventurer dans ces zones, même si la circulation est déclarée libre. Ainsi, l'insécurité bloque la libre circulation des personnes et des biens.

Les barrières à l'intégration sont aussi culturelles. Ces inquiétudes sont les mêmes que celles exprimées par certains Etats européens opposés à l'entrée des Etats de l'Europe de l'Est dans l'Union européenne. La conséquence de la méfiance de certains Etats est un frein posé à l'intégration. Le Tchadien pour se rendre au Cameroun doit être muni d'un document de voyage appelé laissez-passer. Pour aller au Gabon, il doit avoir au préalable le visa pris dans une représentation diplomatique autre que celle d'un Etat membre de l'union accrédité au Tchad. Il y a des Etats de la communauté qui n'ont pas jugé opportun d'avoir des représentations diplomatiques dans tout l'espace de la CEMAC. Cette attitude traduit leur manque d'intérêt et d'engouement pour la politique d'intégration. Les discours officiels tenus par les dirigeants et les engagements pris par ceux-ci contrastent avec les réalités. Les discours sont destinés à la consommation extérieure et les textes pour l'instant sont faits pour les beaux yeux de ceux qui veulent bien les lire. Les Chefs d'Etat de l'Afrique centrale ont décidé lors du sommet tenu à N'Djamena en 2000 de l'entrée en vigueur du passeport commun appelé passeport CEMAC à partir du 1er juillet de la même année. Plus de neuf ans après cette date, le passeport CEMAC qui devrait rendre effectif la libre circulation des personnes bute sur des questions d'ordre pratique. Est-ce que ce passeport seul suffira pour circuler librement dans l'espace de ladite communauté ? Non à priori. Les populations de la zone CEMAC devraient être sensibilisées par des campagnes nationales d'information sur les biens fondés de l'intégration et s'accepter. Le cadre juridique ne suffira pas pour mettre à l'abri des tracasseries ceux qui désireraient circuler dans l'espace CEMAC. Ce ne sera que lorsque les populations se seront départies de tout préjugé, d'égoïsme et de méfiance source de xénophobie que l'intégration pourrait être une réalité. Alors que la libre circulation des personnes et des biens est le baromètre de la réalisation d'une communauté, seulement quatre des six Etats membres de la CEMAC s'efforcent de la pratiquer partiellement. Les Etats doivent doubler d'efforts pour parvenir à leurs objectifs.

Quoi qu'il en soit, il apparait bien que sur le terrain des objectifs essentiellement économiques autour desquels est centrée la CEMAC, la coopération et la coordination, mécanismes classiques de l'inter-étatisme, sont privilégiés. Il en va de même des autres secteurs où, comme par prétérition, les Etats membres prétendent vouloir élaborer et adopter des politiques communes.

Aussi, étant donné que la souveraineté de la plupart des Etats membres de la CEMAC est garantie sinon incarnée par la personne du chef de l'Etat, il est à croire que tout la problématique de l'intégration dans cette zone, souvent remis en cause par le principe de souveraineté, est en réalité le fait des chefs d'Etat, qui par leur égoïsmes et leurs intérêts particuliers se targuent d'adopter ou non les textes qui leur semblent bon gré. Dans cette logique, il faut alors pour la zone CEMAC, une sorte de reprise de conscience en vue de repenser la CEMAC c'est-à-dire revoir le processus d'intégration. Tel sera le point central de notre prochain et dernier thème (chapitre 4) de notre étude.

* 30 G. SCELLE, « Manuel de droit international public », Paris, Domat-Montchrestien, 1948, p.250

* 31 Pour reprendre la définition désormais classique de la notion d'organisation internationale. Cf. M. BETTATI, « Le Droit des organisations internationale », Paris, PUF, 1987, p.12 ; M. VIRALLY, « Définition et classification des organisations internationales : approche juridique », in G. ABI SAAB (dir.), « Le concept d'organisation internationale, Paris, Unesco, 1980, p.51

* 32 Article 6 du traité de la CEMAC

* 33 Se rapporter à R.J. DUPUY, « La Communauté internationale entre mythe et l'histoire », Paris, Economica/Unesco, 1986, pp.39 et ss.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway