Paragraphe 2 : Observations de stage
Les observations de stage regroupent l'ensemble des constats
faits par nous au cours de notre stage. Ils seront exposés par rapport
aux différentes activités de la Chambre des Comptes.
I- Etat des lieux sur les différentes
activités de la Chambre des Comptes
Une distinction sera faite entre les activités
juridictionnelles et les activités extra-juridictionnelles.
A) Observations de stage relatives au contrôle
juridictionnel
Le contrôle juridictionnel est la mission
première de la Chambre des Comptes. Elle découle des dispositions
de la Constitution en son article 99 : « Les lois de règlement
contrôlent l'exécution des lois de finances, sous réserve
de l'apurement ultérieur des comptes de la Nation par la Chambre des
Comptes de la Cour Suprême. ». L'apurement consiste pour la Chambre
des Comptes, à se prononcer sur la régularité des
opérations et la sincérité des comptes de gestion que les
comptables publics principaux sont tenus de lui adresser à la fin de
chaque gestion. Ce contrôle porte tant sur les comptes de l'Etat que sur
ceux des communes et des entreprises publiques.
En ce qui concerne les comptes de l'Etat, l'expérience
d'apurement des comptes a débuté en 1999 avec le
dépôt le 29 septembre 1999 à la Chambre des Comptes, du
compte de gestion relatif à la gestion 1998. Le tableau no1
ci-après restitue la situation des dépôts à la
juridiction financière des comptes de gestion
de l'Etat. De ce tableau, il ressort clairement que par
rapport au 30 juin de chaque année qui est la date légale de
dépôt, un certain retard est toujours accusé dans le
dépôt de ces comptes.
Tableau n°1 : Point des dépôts
à la juridiction financière des comptes de gestion de
l'Etat.
Gestion
|
Date de dépôt à la Chambre
des
Comptes
|
1998
|
29 septembre 1999
|
1999
|
21 août 2000
|
2000
|
04 décembre 2001
|
2001
|
03 février 2003
|
2002
|
05 février 2004
|
2003
|
22 avril 2005
|
2004
|
21 février 2008
|
2005
|
21 février 2008
|
2006
|
En cours d'élaboration à la DGTCP
|
2007
|
En cours d'élaboration à la DGTCP
|
Source : Cour Suprême/
Chambre des Comptes
La mise en place de la décentralisation en 2003 a eu
pour corollaire la naissance de collectivités locales dotées de
la personnalité juridique et de l'autonomie financière. Dans ce
cadre, la Chambre des Comptes a inscrit dans son PAV dès l'année
2004, le contrôle juridictionnel et le contrôle administratif de
plusieurs communes. Il faut souligner avant de continuer que
l'élaboration d'un PAV au début de chaque année
est chose effective à la Chambre des Comptes. Cependant, le
contrôle juridictionnel des comptes des communes n'a pas vraiment
démarré en 2004 car aucun compte de gestion n'est parvenu
à la
Chambre des Comptes cette année-là. Cette
situation a conduit la Chambre des Comptes à organiser en 2005 une vaste
campagne de sensibilisation sur la reddition des comptes des communes. Cela a
abouti à la réception le 1er mars 2006, des comptes de
gestion d'une quarantaine de communes (pour la gestion 2003) et a permis
d'amorcer une dynamique dans le domaine de la reddition des comptes des
communes.
En dehors des comptes de l'Etat et des communes, la Chambre
des comptes procède également à la vérification des
comptabilités des établissements et entreprises publics. Elle le
fait sur la base des règles de comptabilité qui leur sont
propres. La loi n° 88-05 du 26 avril 1988 relative à la
création, à l'organisation et au fonctionnement des entreprises
publiques et semi-publiques confirme la compétence juridictionnelle de
la Chambre des Comptes sur les organismes suivants :
- les offices ;
- les sociétés d'Etat ;
- les sociétés d'économie mixte.
Au total, le contrôle juridictionnel est un
contrôle a posteriori, systématique et annuel dont la
finalité est de donner décharge au comptable qui a bien
géré et, dans le cas contraire, de mettre en débet le
comptable qui a exécuté de façon irrégulière
des opérations de recettes ou de dépenses des organismes publics.
Mais force est de constater qu'en cette matière, le bilan de la
juridiction financière est bien modeste. D'une part, aucun arrêt
définitif sur la gestion d'un comptable public n'a été
rendu. Il s'agit donc là d'un défaut d'apurement des
comptes publics qui ne permet pas d'informer avec précision les
citoyens, véritables propriétaires des fonds publics, sur la
qualité de la gestion de tel ou tel autre comptable. D'autre part, la
Chambre des Comptes se prononce sur un nombre relativement faible de comptes
(40 environ) comparativement aux 300
comptes sur lesquels elle devrait se prononcer à plein
régime selon le rapport d'audit organisationnel de la Chambre des
Comptes, 2000. Nous constatons donc la modicité du nombre
annuel de comptes examiné par la juridiction
financière.
B) Observations de stage relatives aux
activités extra-juridictionnelles
> Le contrôle administratif
Il comprend le contrôle administratif proprement dit et la
réalisation d'audits de performance.
Le contrôle administratif proprement dit permet de
s'assurer du bon emploi des fonds gérés par les ordonnateurs. Il
va au-delà du contrôle de régularité et
découle des dispositions de l'article 42 de la loi n° 2004-07 du 23
octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et attributions
de la Cour Suprême. Ainsi, la juridiction financière examine le
fonctionnement des services et porte une appréciation sur la
qualité de la gestion des ordonnateurs. A l'issue de ce contrôle,
les irrégularités ou insuffisances constatées font l'objet
de référés adressés aux ministres ou de notes
adressées aux directeurs et responsables concernés. A
l'étape actuelle, la juridiction financière a adressé une
quinzaine de notes à diverses autorités, une vingtaine de
référés à des ministres et élaboré
une trentaine de rapports de contrôle administratif. Mais qu'en est-il de
l'audit de performance ?
Bénin s'est engagé à faire une
série de réformes dont celle dite des budgets programmes. Cette
réforme limitée à cinq ministères2 en
2000, a été étendue dès l'année 2006
à tous les ministères. Le protocole confère à la
Chambre des Comptes de la Cour Suprême la compétence d'effectuer
des audits de performance sur l'exécution des budgets programmes des
ministères. Ces audits sont réalisés conformément
aux critères d'évaluation retenus par la Chambre des Comptes : la
pertinence, la compréhensibilité, l'exactitude,
l'équilibre et l'utilité de l'information. A ce jour, une
vingtaine de rapports d'audit de performance ont été
publiés. Remarquons qu'en dehors de la Banque Mondiale qui appuie la
Chambre des Comptes dans le cadre du suivi des budgets programmes, de l'Etat
qui l'appuie par le biais des dotations au Budget Général de
l'Etat, d'autres partenaires comme l'Agence des Etats-Unis pour le
Développement International (USAID) accompagnent aussi la Chambre des
Comptes. Nous pouvons donc affirmer que la juridiction financière
dispose de ressources financières suffisantes pour
l'accomplissement de ses missions.
> Le contrôle de l'exécution des lois
de finances
La Constitution béninoise en son article 112 dispose :
« L'Assemblée Nationale règle les comptes de la Nation selon
les modalités prévues par la loi organique des finances.
Elle est, à cet effet, assistée de la Chambre
des Comptes de la Cour Suprême, qu'elle charge de toutes enquêtes
se rapportant à l'exécution des recettes et des dépenses
publiques, ou à la gestion de la trésorerie nationale, des
collectivités territoriales, des administrations ou institutions
relevant de l'Etat ou soumises à son contrôle ». L'article 43
de la loi 2004-07 du 23 octobre 2007 vient renforcer
2 MTPT, MDR, MSP, MEN, MEHU
ce fondement constitutionnel du contrôle de
l'exécution des lois de finances par la Chambre des Comptes :
<< La Chambre des Comptes assiste le gouvernement et le
parlement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances.
...
La Chambre des Comptes établit un rapport
d'exécution de chaque loi de finances.
Elle établit la déclaration générale
de conformité entre les comptes individuels des comptables et les
comptes généraux de l'Etat ».
Le Rapport sur l'Exécution de la Loi de Finances (RELF)
est une source contradictoire d'information pour le règlement du Budget
Général de l'Etat par la Représentation Nationale. Il est
destiné à fournir aux députés et aux citoyens des
analyses sur les informations contenues dans les documents de reddition des
comptes. Il relève les errements constatés et fait des
recommandations pour y remédier. Le RELF n'est pas un rapport
confidentiel. Il est envoyé aux députés, aux
ministères et est disponible à la bibliothèque de la Cour
Suprême et à la Chambre des Comptes. Selon un rapport de la Banque
Mondiale intitulé << Evaluation de la gestion des finances
publiques au Bénin, avril 2005 », les RELF transmis à
l'Assemblée Nationale sont en général
élaborés dans les règles de l'art. Nous notons donc ici
l'excellente qualité des RELF.
Cependant, nous déplorons dans le même temps le
retard dans l'élaboration et la publication du RELF. En
effet, ce rapport, assorti de la déclaration générale de
conformité, doit accompagner le projet de loi de règlement qui,
aux termes de l'article 44 de la directive no 05/97/CM/UEMOA du 16
décembre 1997, doit être déposé et distribué
au plus tard à la fin de l'année qui suit l'année
d'exécution du budget. Le but visé est de permettre aux
députés de disposer d'informations fiables et actuelles pour
éclairer le vote de la loi de finances de l'année N+2. Mais la
réalité est autre et fait état d'une
finalisation hors-délai des RELF (voir tableau
no2). Cette situation ne participe pas au vote à bonne date
de la loi de règlement et ce faisant, ne permet pas :
- aux citoyens d'avoir en temps opportun, l'information sur la
façon dont
leurs diverses contributions ont été
gérées ;
- aux députés de disposer d'informations fiables et
actuelles pour voter la loi de finances initiale.
Tableau no2 : Années de
finalisation des RELF
Gestion
|
Année de finalisation
|
1998
|
1999
|
1999
|
2002
|
2000
|
2003
|
2001
|
2006
|
2002
|
2007
|
2003
|
2008
|
Source : Cour Suprême/ Chambre des Comptes
> Le contrôle des comptes de campagne
électorale
La dépense de campagne électorale se
définit comme le coût ou la valeur de tous les biens et services
utilisés durant et pour la campagne électorale par un parti
politique ou un candidat.
La compétence de vérifier les dépenses de
campagne électorale a été accordée à la
Chambre des Comptes par la loi n°98-034 du 15 janvier 1999 portant
règles générales des élections en République
du Bénin et a été reprise par la loi 2004-07 du 23 octobre
2007 en son article 46 : « La Chambre des Comptes reçoit et
contrôle les comptes de campagne des candidats aux diverses
consultations électorales ... ». Nos recherches
nous ont permis de constater que la juridiction financière a
régulièrement rempli cette mission depuis 1995 et a publié
une dizaine de rapports dans ce cadre. Nous déduisons donc qu'il y a
vérification et publication effective des comptes de
campagne par la juridiction financière.
Néanmoins, il faut souligner que les rapports
publiés dans ce cadre tout comme les autres rapports de la Chambre des
Comptes, ont une très faible audience au niveau du public. En effet,
nous avons constaté que très peu de citoyens sont au courant des
activités et décisions de la Chambre des comptes. Le constat
à ce niveau est donc celui de la méconnaissance par le
public de l'effectivité des activités de la Chambre des
Comptes.
> La réception de la déclaration des
biens des gouvernants
Conformément à l'article 52 de la Constitution,
le Président de la République et les membres du Gouvernement sont
tenus, lors de leur entrée en fonction et à la fin de celle-ci,
de faire sur l'honneur une déclaration écrite de tous leurs biens
et patrimoine adressée à la Chambre des Comptes de la Cour
Suprême. Ainsi, la Chambre des Comptes est dépositaire de la
déclaration des biens des gouvernants. Cependant, aucun texte ne
précise clairement le traitement qui sera fait de cette
déclaration ou encore les sanctions en cas de fausse déclaration.
Nous notons donc des insuffisances au niveau des textes
régissant la déclaration des biens des gouvernants.
> La réalisation d'enquêtes pour le
compte du Parlement ou du Gouvernement
Elle résulte des dispositions de l'article 45 de la loi
2004-07 du 23 octobre 2007 portant composition, organisation, fonctionnement et
attributions de la Cour Suprême : << La chambre des Comptes peut
procéder à des enquêtes et formuler des avis à la
demande du Gouvernement ou du Parlement sur toutes questions d'ordre financier
et comptable relevant de sa compétence ». Mais à ce jour,
aucune enquête n'a été réalisée par la
juridiction financière pour le compte du Parlement. Il y a donc
défaut de mise en oeuvre de la prérogative de
réalisation d'enquêtes pour le compte du Parlement.
Mais la question qui se pose est de savoir si la Chambre des
Comptes pourrait réellement accéder à une telle demande de
la part du Parlement. Nos constats en matière de ressources humaines
disponibles à la Chambre des Comptes nous permettent de présager
de multiples difficultés car les animateurs de cette juridiction sont
déjà assez surchargés. En effet, le nombre de conseillers
recommandé par le rapport d'audit organisationnel de la Chambre des
Comptes, 2000 (60 environ) est loin d'être atteint. C'est le lieu
également de mentionner qu'en dehors du manque prononcé
de personnel, nous remarquons que le mode de recrutement des
conseillers est peu adéquat aux missions de la juridiction. En
effet, l'article 134 de la Constitution prescrit en ce qui concerne la Cour
Suprême que : << Les présidents de Chambre et les
conseillers sont nommés parmi les magistrats et les juristes de haut
niveau, ayant quinze ans au moins d'expérience professionnelle, par
décret pris en Conseil des Ministres par le Président de la
République, sur proposition du Président de la Cour Suprême
et après avis du Conseil Supérieur de la Magistrature. ».
Par conséquent, les seules personnes autres que les magistrats de
l'ordre judiciaire qui peuvent être nommées conseillers à
la Cour Suprême sont les juristes de haut
niveau. Ce dernier concept, qui sert de base à la
nomination à la Chambre des comptes des spécialistes
d'économie et de finances publiques, est assez flou et est sujet
à polémique. La rédaction de l'article 134 de la
Constitution ne tient donc pas compte des spécificités de la
Chambre des comptes. Ce qui rend difficile la nomination de cadres ayant
pourtant un profil adéquat pour réaliser efficacement l'apurement
des comptes et mener à bien les missions de la Chambre des Comptes.
> Autres observations de stage
Soulignons que les différentes catégories
d'agents évoluent au sein de la juridiction financière sous leur
statut d'origine. Cette situation est due à l'inexistence de
statut propre aux agents de la Chambre des Comptes.
Pour finir, l'article 170 de la loi 2004-20 du 17 août
2007 portant règles de procédures applicables devant les
formations juridictionnelles de la Cour Suprême recommande à son
Président de transmettre chaque année au Président de la
République et au Parlement, un rapport public. Ce rapport, qui doit
être publié au journal officiel, contient toutes les observations
de la Chambre des Comptes relatives aux contrôles qu'elle a eu à
effectuer l'année précédente, les réponses des
administrations et organismes contrôlés et suggère toute
réforme jugée nécessaire. Il est une source
complète d'information en ce qui concerne la gestion faite par les
divers ordonnateurs et comptables. Mais depuis 1996, année où a
été publié le premier et d'ailleurs unique rapport public
(rapport relatif à l'année 1994), plus aucun rapport public n'a
été produit par la Chambre des Comptes. Nous remarquons donc une
production non effective du rapport public chaque
année.
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