CHAPITRE I. GENERALITES
I.1 INTRODUCTION
Les systèmes de culture dans la zone de forêt
dense humide sont basés sur l'agriculture itinérante sur
brûlis qui consiste à abattre la forêt, a y mettre du feu et
à planter les cultures vivrières très souvent le concombre
(Cucumeropsis manii) au cours de la première année puis
l'arachide (Arachis hypogea) et le manioc (Manihot esculenta)
au cours de l'année suivante, après quoi la parcelle est
laissée en jachère. Les pratiques utilisées sont
très variées, mais elles comportent presque toujours une
alternance de brèves périodes de culture (1-2 ans) suivies de
périodes de jachère caractérisées par les
éléments successifs de la végétation naturelle
(Anonyme, 2000). Les jachères servent à supprimer les plantes
adventices, réduire le nombre de ravageurs et rétablir la
fertilité du sol. La productivité ainsi que la durabilité
de l'agriculture itinérante sur brûlis sont fonction de la vitesse
de dégradation de la fertilité du sol pendant les phases de
culture et de la capacité de reconstitution de celles-ci pendant la
période de mise en jachère. Si cette pratique a permis
l'obtention de résultats acceptable au courant des décennies
écoulées en Afrique, avec la croissance démographique, la
fréquence d'utilisation des terres augmente pendant que la durée
des jachères se raccourci. Les jachères courtes ne sont plus
capables de restituer au sol un niveau de fertilité acceptable (Hauser,
2002) à moins d'y associer un apport en éléments
fertilisants.
Les études sont aujourd'hui orientées vers la
recherche et le développement d'alternatives dites durables, capables de
répondre non seulement aux besoins de conservation de l'environnement,
mais aussi à celui de la satisfaction des générations
présentes sans compromettre les générations avenirs. Une
telle approche présuppose une meilleure utilisation des ressources
biophysiques et humaines disponibles (Pretty, 1996, cit. Anonyme, 2000). Elle
nécessite l'utilisation intégrée de toute une gamme de
technologie de gestion des éléments nutritifs, de
l'agroforesterie et de l'eau. Les sous produits ou les déchets d'un
élément ou d'une activité deviennent à leur tour
des intrants réutilisables et de ce fait, un recours croissant à
des processus naturels plutôt qu'à des intrants extérieurs
permet de réduire l'impact sur l'environnement (Anonyme, 2000). Les
technologies actuellement préconisées visent :
- l'accroissement et la stabilisation du rendement des
cultures par hectare ;
- la création des possibilités de production
pour les paysans des produits de grande valeur sur des superficies
réduites en vue d'accroître leurs revenus ;
- l'introduction des ligneux comme produit dans les
exploitations ;
- l'association de la gestion des adventices et de la
fertilité des sols (de Rouw, 1995, cit. Norgrove, 1999).
Ces préoccupations de la durabilité se
rapprochent fortement de la définition donnée par Lundgren et
Rantrée (1982) au terme Agroforesterie :
« l'agroforesterie est un nom commun utilisé pour designer
tous les systèmes d'utilisation des terres dans lesquelles les plantes
ligneuses pérennes sont délibérément
cultivées sur des parcelles également exploitées pour la
production agricole et/ou animale qu'il s'agisse d'une exploitation spatiale ou
temporelle ; il doit exister des interactions économiques et
écologiques entre les éléments ligneux et non
ligneux ».
Une gamme de technologies agroforestières issues de
l'observation paysanne de la gestion des terroirs et améliorées
par les chercheurs dans les structures de recherche ont été
développées : la culture en couloir, la jachère
améliorée, et les systèmes multistrates auxquelles
appartiennent les agroforêts cacaoyers.
De nombreuses exigences du concept de durabilité
ci-dessus énoncé ont été retrouvées dans les
agroforêts cacaoyers du sud Cameroun où le cacaoyer est
cultivé sous le couvert des arbres d'ombrage plus grand que lui qui,
tout en procurant l'ombrage, contribuent à la diversification des
produits de l'exploitation, ce qui n'est pas le cas en Afrique de l'ouest
où le cacaoyer est cultivé sans ombrage ou sous ombrage
très léger. Le programme ASB- Cameroun a proposé comme
alternative à l'agriculture itinérante sur brûlis une
conversion en agroforêt cacao des terres dégradées et des
jachères courtes (Gockowski et Dury, 1999). Deux activités
essentielles ont été mentionnées comme
déterminantes à la réussite de la pratique
cacaoyère hors mis les traitements phytosanitaires : la gestion de
l'ombrage et la lutte contre les mauvaises herbes (Wood et Lass, 1987 ;
Bidzanga, 2005).
I.1.1 Problématique et
importance de l'étude.
Le cacao est l'une des principales cultures de rente en
Afrique, ce continent fourni environ 70 % de la production mondiale. Avec une
part de marché avoisinant les 5 %, le Cameroun fait parti des principaux
producteurs (Fig. 1). La quasi totalité de cette production est fournie
par les petits paysans qui exploitent des superficies réduites,
inférieures à 1,5 ha; et l'âge moyen des plantations est
d'environ 25 ans (Gockowski et al., 2004). C'est autour de cet
âge que la baisse des rendements commence à s'observer et l'on
doit penser à la replantation ou à la création de
nouvelles cacaoyères. Bien que le cacaoyer soit également
présent dans les jardins de case, la cacaoculture se pratique dans les
agroforêts cacaoyers qui en 2001 occupaient une superficie de
370 000 ha avec un rendement moyen de 3108 kg.ha-1 ; la
production nationale se situant autour de 115 000 tonnes (Anonyme, 2001).
Dans les années 1980 cette culture contribuait pour 50 à 75 %
dans le budget de 90 % de ménages du Centre et du Sud du Cameroun
(Leplaideur, 1985) et près de 400 000 ménages
dépendaient de ces écosystèmes pour leur revenu et pour
leur alimentation (Sonwa et al., 2001). Son apport dans le revenu
explique l'importance accordée à sa culture par les populations
des zones productrices en générale et ceux de la province du
Centre en particulier.
Le cacaoyer est une plante délicate et dès son
jeune âge, de nombreux facteurs peuvent influencer son
développement. Il exige donc qu'un certain nombre de précautions
soient prises pour une conduite efficace des plantations. Ces exigences sont
d'ordre climatique, édaphique et écologique. Le rôle des
agroforêts cacaoyers pour le maintient et l'amélioration de la
condition écologique mondiale n'est pas de moindre importance. Le
stockage du carbone par les agroforêts cacaoyers est aujourd'hui reconnu
et même quantifié. D'après le programme ASB-Cameroun la
conversion en agroforêts cacaoyers d'un hectare de jachère courte
peut permettre le stockage de 70 t de carbone (Gockowski et Dury., 1999). Le
carbone total dans les cacaoyères a également été
estimé par Nolte et al. (2001) à 179 t.ha-1
contre 275 t.ha-1 en forêt.
La diversité biologique dans les agroforêts
cacaoyers a également été étudiée par
Zapfack et al. (2002) qui ont inventorié dans ces
écosystèmes 116 espèces végétales contre 160
en forêt et 64 dans les autres formes d'utilisation des terres.
Dans son aire d'origine qui est la forêt Amazonienne, le
cacaoyer se développait sous le couvert des essences forestières.
Les progrès de l'industrie chimique à travers le
développement des pesticides et autres herbicides, puis ceux de la
génétique qui ont contribués à la mise sur pied
d'un matériel végétal amélioré à
grand rendement pouvant supporter le plein soleil a permit d'envisager une
culture possible du cacaoyer en l'absence de protection. Cependant,
l'établissement de jeunes cacaoyères sans ombrage ne donne pas de
résultats satisfaisant jusqu'à ce jour même si on observe
très souvent les cacaoyers d'un certain âge se développer
en plein soleil sans paraître en être gênés. Bien que
l'ombrage ait fait l'objet de nombreux travaux en cacaoyères adultes
dans le but de donner des précisions sur l'état sanitaire des
plantations et sur les rendements, l'ensemble des travaux mentionnent
simplement la nécessité de fournir de l'ombrage aux cacaoyers
dans leurs jeune âge. La préoccupation autour de la question de
l'ombrage des jeunes cacaoyers serait une compréhension de l'action de
ce facteur sur leur croissance et sur la gestion des adventices susceptibles de
concurrencer avec les jeunes cacaoyers pour les éléments
minéraux et pour l'eau.
Fig. 1. Principaux pays
producteurs de fèves de cacao (CNUCED, prévisions pour la
campagne 2004/05).
|