CHAPITRE III : HETEROGENITE ET DEVELOPPEMENT
Q
GÉNÉRALITÉS
Selon l'Abbé Joseph Toussaint,
cité par Monsieur Mbuya Lubanze dans son ouvrage « Philosophie
Politique et Economique du Nouveau Régime ». Le
développement est défini, comme un processus par lequel la
conscience humaine passe d'un niveau d'existence inférieur à un
niveau d'existence supérieur. C'est un processus dynamique et
dialectique qui part :
- d'un bas niveau à un haut niveau;
- de l'ignorance à la connaissance;
- de l'oisiveté à l'assiduité ;
- de la médiocrité à l'excellence;
- de la pauvreté à l'abondance et
- de l'oppression à la liberté.
En d'autres termes, le
développement est une amélioration qualitative et durable d'une
économie et de son fonctionnement. Cela veut dire :
- croître ;
- grandir et
- s'épanouir.
Selon Monsieur Mbuya, le
développement est donc
l'effet, une conséquence de trois facteurs
combinés de la conscience que sont la pensée, la volonté
et l'action.
Pour lui :
- La pensée est la faculté de comparer, de
combiner, d'analyser des idées. C'est une formation dans l'esprit, une
conception, une imagination, un raisonnement, une réflexion ou une
compréhension de l'action à mener.
Toute connaissance passe par la
perception ;
- La volonté est la faculté de vouloir, de se
déterminer librement en toute connaissance de causes et des
faits ;
- L'action est la faculté d'agir, de déployer
son activité en vue d'un but à atteindre.
Le développement est une
amélioration des conditions de vie des populations dans leur mieux
être. Cette amélioration est la conjugaison de plusieurs facteurs
et la vie, à savoir: l'éducation pour tous, les soins de
santé accessible à toutes les bourses ; amélioration
de la consommation des biens et services de première
nécessité tels que l'alimentation, l'habillement, le logement
etc. Ce développement est la conséquence d'une croissance
observée et durable dans tous les secteurs de la vie nationale.
Le développement
économique du Congo était basé sur une synergie entre les
entreprises dites du portefeuille de l'Etat et les entreprises privées
regroupées dans diverses corporations, tels que le textile, les
cosmétiques, les brasseries, les manufacturières, l'industrie
pharmaceutique etc. Ce développement s'est vu du jour au lendemain
disparaître, au profit d'une économie de plus en plus
désarticulée et souterraine.
Dans cette panoplie de produits,
l'industrie congolaise était la plus diversifiée de toute
l'Afrique Centrale ; le Congo Démocratique produisait de la punaise
à papier, au véhicule routier léger en passant par toute
une gamme de produits manufacturés et autres biens d'équipements.
Actuellement, cet ensemble d'industries éparpillées sur le
territoire national, aussi bien dans les territoires occupés que ceux
sous contrôle gouvernemental, est à l'arrêt et à
même disparu.
L'impact de différentes
guerres dites de libération sur les autres secteurs de la vie publique
tel que l'administration, a provoqué et favorisé d'importantes
fraudes fiscales, réduisant ainsi les ressources gouvernementales. Il
n'est pas question ici de faire un procès d'intention de ce
comportement, mais il serait plutôt indiqué de faire un plaidoyer
en faveur de l'industrie locale, afin de trouver les voies et moyens de
remettre en action celles qui végètent encore, de relancer ou de
redémarrer celles qui sont à l'arrêt et pourquoi pas de
mettre en place des mécanismes incitatifs pour en attirer d'autres ou de
nouvelles dans le pays.
Parmi les obstacles majeurs qui
découragent l'entrepreneur, si petit soit-il, tant national
qu'expatrié, se trouve être le manque de volonté
« politique » de pouvoir prendre et définir les
grandes options fondamentales de notre économie et ce pour chaque
secteur.
Les Etats-Unis, par exemple, dans
le souci de ne pas voir leurs activités économiques
perturbées ou dominées par introduction des produits
étrangers, viennent de prendre des mesures draconiennes pour
protéger leur industrie lourde et principalement celle de l'acier. De ce
fait ils ont introduit une surtaxe et un contingentement des produits d'acier
d'importation. Faisant fi à tous les accords et autres traités
en la matière et aux yeux et à la barbe de l'Organisation
Mondiale du Commerce, les Etats-Unis ont ainsi protégé leur
industrie locale.
En outre pour prétendre
à un développement ; il faudrait avoir un point de
repère sur base du quel sera mesuré l'amélioration
proprement dite. Dans le cadre de la R.D.C., si l'on considère
l'année 1960 comme base de notre réflexion sur les
paramètres de mesure du développement ; on constatera que 40
années plus tard, tous les indicateurs de gestion sont passés du
positif au négatif.
En prenant comme repaire du
développement les infrastruc-tures de base, telles que les routes et
autres voies de communication, l'on assiste au développement du
«sous-développement »de ces derniers. La nature que le
colonisateur avait domptée, récupère petit à petit
du terrain pour faire réapparaître la forêt avec tous les
inconvénients que cela comporte. La dégradation est telle qu'il
serait difficile si pas impossible de mettre en place un plan de
développement à court-moyen et long terme. Tout est devenu
priorité des priorités et une hiérarchisation des
priorités s'avère être le parcourt du combattant.
La R.D.C. avait une
infrastructure de communication et de télécommunication la plus
développée de l'Afrique Centrale et Australe ; mais 40 ans
plus tard, les routes asphaltées sont redevenues des pistes en terre
battue. Les distances qui séparaient les villes sur une longueur variant
entre 200 et 400 kilomètres et qui se parcouraient en deux ou trois
heures, se réalisent en une ou deux jours, si pas plus avec, des
dégâts matériels très important sur les
véhicules.
L'utilisation anarchique de la
route par des véhicules à grand tonnage (plus de 80 tonnes), a
provoqué une dégradation rapide de cette dernière. Notez
que ces routes ont été conçues pour un transport
léger, tandis que le transport lourd était destiné pour le
rail. La réglementation coloniale demandait à ce que
l'évacuation des minerais et autres produits à forte
densité puisse se faire par chemin de fer, qui fut équipé
pour une traction de plus de 2.000 tonnes par rame.
L'infrastructure de
télécommunication de la R.D.C. était la plus
développée de toute l'Afrique Sub-Saharienne : toutes les
grandes villes du pays étaient reliées par le
téléphone, le télex et la phonie. L'on pouvait atteindre
à n'importe quel moment de la journée ou de nuit un correspondant
aux quatre coins de la République.
Cette analyse ne se limite
qu'à certains aspects visibles qui caractérisent essentiellement
le développement. Il sera plus indiqué de faire une analyse
approfondie des aspects positifs et négatifs du phénomène
« hétérogénite »; à
savoir : sur le plan Politique-Economique-Technique-Social- Culturel et de
l'Education.
1. Sur le plan Politique :
Beaucoup d'ouvrages ont
été publiés décrivant la situation politique du
Congo après l'accession de la R.D.C. à la souveraineté
internationale. A titre exemplatif, il y a lieu de faire remarquer que la
R.D.C., a connu au cours de la dernière décennie plus de dix
Premiers Ministres, soit un Premier Ministre chaque année avec un record
de cinq Premiers Ministres en 1991 ; à savoir : du 25-04-90 au
30-03-91: Professeur LUNDA BULULU, du 30-03-91 au 22-07-91: Professeur MULUMBA
LUKOJI, du 22-07-91 au 25-07-91: TSHISEKEDI, du 25-07-91 au 23-10-91: MUNGUL
DIAKA, du 23-10-91 au 25-11-91: TSHISEKEDI, du 25-11-91 au 19-08-92: NGUZ KARL
I BOND.
Tandis que pour la période de
1992 à 2001, il y eu cinq Premiers Ministres et un Président
de la République; à savoir : du 19-08-92 au 05-02-93:
TSHISEKEDI, du 05-02-93 au 16-06-94: BIRINDWA, du 16-06-94 au 24-03-97: KENGO
WA DONDO, du 24-03-97 au 17-05-97: Professeur LIKULIA BOLONGO, du 17-05-97 au
16-01-01 MZEE Laurent-Désiré Kabila: soit une moyenne, d'un
Premier Ministre tous les sept mois.
La crise politique, ainsi
créée, a affecté profondément le comportement des
congolais en renforçant tous les facteurs négatifs au
développement et privant ainsi le peuple d'aspirer au changement vers
une société démocratique aux valeurs républicaines.
De plus en plus frappé par la pauvreté, les populations de la
R.D.C. ont développé des mécanismes de survie et pour
devenir riche ou tout au moins d'avoir une vie aisée par des moyens
autres que ceux obtenus par le travail. C'est ce qui explique l'engouement vers
les jeux du hasard, vers les sectes religieuses et vers des activités
illicites. Des groupes de prières se créent à tour de bras
et /où des familles entières se réfugient dans la
prière à longueur de journées au lieu de mettre ce temps
à profit pour un travail créateur des ressources.
La clochardisation de la
population et la mendicité bas son plein dans toutes les rues des villes
de la R.D.C. La convoitise, par les grandes puissances occidentales, des
richesses du sol et du sous-sol, fut pour la R.D.C. et plus
précisément pour le Katanga, l'objet d'une sécession le 11
juin 1960, des deux guerres du Shaba, des mesures de
Zaïrianisation-Rétrocession et bien d'autres.
Un fait reste
prouvé : cette situation fut à la base d'une
dégradation du tissu économique suite à des
décisions non à propos et hâtive. Le Pouvoir Public de la
deuxième République qui avait pris en 1973-1974 des mesures
énergiques pour la recherche d'une «indépendance
économique », a été à la base de la
dégradation du tissu économique qui se diversifiait
progressivement. Cette situation mal réfléchie ; avait pour
conséquence : le départ massif de tous les opérateurs
économiques étrangers qui avaient mis en place une synergie entre
les entreprises dites à Charte et les Petites et Moyennes Entreprises
privées.
Des 2.600 entreprises qui
existaient au Katanga et ce dans tout les domaines de l'activité
économique ; en partant des fermes (maraîchères,
avicoles, laitières etc.) en passant par les entreprises
agroalimentaires et autres manufacturières. Le Katanga renferme
aujourd'hui seulement qu'une cinquantaine d'entreprises moribondes et ce dans
des secteurs non ayant des effets multiplicateurs et industrialisant.
Cette situation a eu comme
répercussion, une mise au chômage d'un grand nombre de personnes
en âge de travailler. L'industrie du cuivre avec comme tête
d'affiche la Gécamines, a connu une crise depuis les éboulements
de la mine de Kamoto en 1990, suite à une mauvaise planification
minière. Des 475.000 tonnes de cuivre et 15.000 tonnes de cobalt, la
Gécamines à vu sa production s'effondrer à 30.000 tonnes
de cuivre et 2.000 tonnes de cobalt à fin 2003.
Les gesticulations et
l'épuration ethnique simulée par les Pouvoirs Publics, au profit
d'un fédéralisme mal compris, ( Katanga Yetu) en 1993-1994 sous
le régime du gouverneur Kyungu wa Ku Mwanza, ont eu comme
conséquence une décapitation de toute la classe des techniciens
intermédiaires de cette industrie du cuivre. Le désordre
indescriptible que cela a engendré provoquera une déstabilisation
toute l'économie de la Province. Le vide ainsi crée par ce
départ massif, n'a pas pu être comblé par les Katangais qui
étaient plus en proie à des luttes intestines, claniques et
tribales pour le contrôle de l'outil de production.
Deux années plus tard, au
profit d'une guerre de libération, le Katanga se vu être
coupé de moitié ; privant sa partie Nord des
bénéfices de sa partie Sud et de tous les échanges
socio-économiques. Ce phénomène a provoqué un exode
et un déplacement des populations des zones de combats ou de troubles
vers les villes du centre à savoir :
Lubumbashi-Likasi-Kipushi-Kolwezi et Kasumbalesa.
L'exploitation de
l'hétérogénite a permis aux Pouvoirs Publics de stabiliser
le mouvement des populations et de résoudre les problèmes d'ordre
sécuritaires. L'encadrement des désoeuvrés par
l'exploitation de l'hétérogénite a eu pour corollaire la
diminution des actes inciviques qui ont longtemps été
caractérisé une exploitation clandestine des métaux au
cours de la Deuxième République.
L'émergence d'une nouvelle
classe des hommes de métier doit permettre à la R.D.C. de mettre
en place une nouvelle structure de développement en partant du slogan
«le Congolais doit se prendre en charge» fer de lance du
MZÈE LAURENT-DÉSIRÉ KABILA.
Cette structure bien encadrée doit entraîner un
développement par la base, qui sous d'autres cieux a été
le socle de leur développement.
2. Sur le plan Economique
L'Afrique et plus
précisément la R.D.C., ne doit pas être le déversoir
des produits finis ou semi-finis des autres pays au détriment de notre
industrie locale. Les Pouvoirs Publics doivent définir le régime
économique de la R.D.C. et il est plus qu'impérieux de le faire,
de le définir dans un schéma. Pour ce faire, le schéma
suivant s'avère être indispensable ; à
savoir :
- Les objectifs à atteindre pour chaque secteur
d'activités à court, moyen et long terme (plan de
développement d'urgence et prioritaire) ;
- Les mécanismes qui seront mis en oeuvre pour
faciliter et encourager l'entrepreneurship dans le pays ;
- Les moyens (textes et autres réglementations) pour
permettre à cette classe des opérateurs à pouvoir oeuvrer
en toute sécurité dans les différents secteurs
(sécurité juridique).
Ces trois grandes
préoccupations, ne dépendent que de la volonté politique,
sans faire recours à des subterfuges financiers, qui puissent être
le déclic de l'action de développement de la
République Démocratique du Congo.
La R.D.C. est potentiellement
l'un des pays riches d'Afrique, mais les gouvernements successifs n'ont pas
réussi à transformer ce potentiel en conditions de vie
satisfaisantes pour les Congolais. Pour arriver à relancer
l'économie de la R.D.C., l'Etat doit se baser, outre, à
l'encadrement des quatre piliers économiques traditionnels, à
savoir : l'agriculture, l'exploitation minière, l'industrie
manufacturière et les services ; faire recourt à
l'exploitation artisanale des substances minérales du sol et du sous-sol
de la R.D.C.
a) Le Secteur agricole :
Ce secteur, comme nous l'avons
si bien dit plus haut, représentait environ 58% du PIB et employait
environ 68% de la main-d'oeuvre du pays. Il comprenait à la fois une
agriculture (et pêche) de subsistance et une production à grande
échelle destinée à l'exploitation (par exemple, le
café).
L'exploitation de la forêt
fournissait également des ressources substantielles ( la R.D.C. contient
6% des réserves forestières mondiales). L'Etat doit adopter la
politique d'import substitution permettant de produire certaines denrées
alimentaires pour une consommation locale.
b) Le Secteur Minier :
La R.D.C. détient encore
intact de considérables ressources minières, notamment du cuivre,
du cobalt, des diamants industriels, de l'uranium, de l'étain, de l'or,
de l'argent, du charbon, du zinc, du manganèse, du tungstène, du
cadmium, ainsi que du pétrole en mer. L'exploitation minière
représentait environ 90% des recettes d'exportation de la R.D.C.
Ici, l'Etat qui a finalisé
le nouveau Code Minier doit maintenant s'assurer que ce dernier sera
réellement attractif vis-à-vis des investisseurs tant nationaux
qu'étrangers. Ainsi par la Loi N°007 du 11 juillet 2002, le
législateur a voulu garantir et sécuriser les
intérêts des opérateurs miniers, tout en veillant à
l'équilibre des profits que ceux-ci et l'Etat Congolais tirent des
activités minières et permettre aux populations vivant dans les
zones minières d'y trouver leur compte. Provoquer, par exemple, des
joint-ventures, c'est-à-dire, un investissement qui permet un
partenariat entre l'Etat et le privé pour une bonne relance de
l'économie.
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