SOMMAIRE
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*
Abréviations
utiles
Introduction
1ère Partie : L'action du
CICR face aux conflits étatiques internes
Chapitre I : Le mandat juridique
international du CICR
Section 1 : Les fondements du mandat du CICR
dans les conflits étatiques internes
Paragraphe 1 : Les fondements
juridiques du mandat dans les conflits étatiques internes
Paragraphe 2 : La reconnaissance de
privilèges et immunités
Section 2 : Le contenu du mandat du CICR
dans les conflits étatiques internes
Paragraphe 1 : Le secours du
CICR
Paragraphe 2 : La promotion du
DIH
Chapitre II : La mise en oeuvre du mandat du
CICR dans les conflits étatiques internes
Section 1 : Le rôle
d'intermédiaire neutre du CICR entre les Parties
belligérantes
Paragraphe 1 : Le CICR, un
diplomate humanitaire
Paragraphe 2 : Le rôle
médiateur du CICR dans les négociations
Section 2 : L'établissement d'un
programme d'assistance aux victimes
Paragraphe 1 : Les prestations
matérielles du CICR
Paragraphe 2 : Les prestations non
matérielles du CICR
2ème Partie : Une action
mitigée
Chapitre I : Les contraintes
Section 1 : Aux plans politique et
juridique
Paragraphe 1 : Les contraintes
liées à l'attitude des Parties belligérantes
Paragraphe 2 : Les
difficultés d'application du DIH
Section 2 : Au plan
opérationnel
Paragraphe 1 : Les problèmes
liés à l'accès aux victimes
Paragraphe 2 : Les problèmes
entre acteurs sur le terrain
Chapitre II : Les perspectives pour une
effectivité de l'action du CICR
Section 1 : Un renforcement du cadre
juridique
Paragraphe 1 : Accroissement du
respect du DIH
Paragraphe 2 : Elargissement des
règles applicables aux conflits étatiques internes
Section 2 : Une adaptation plus opportune et
plus efficace du cadre opérationnel du CICR
Paragraphe 1 : La définition
d'une politique opérationnelle
Paragraphe 2 : Le renforcement des
rapports avec les autres acteurs sur le terrain
Conclusion générale
Annexes
ABREVIATIONS UTILES
- AG NU :
Assemblée Générale des Nations Unies
- CCAH :
Commission Consultative pour l'Action Humanitaire
- CICR :
Comité International de la Croix-Rouge
- CPI : Cour
Pénale Internationale
- DIDH : Droit
International des Droits de l'Homme
- DIH : Droit
International Humanitaire
- DIHC :
Droit International Humanitaire Coutumier
- FARC : Forces
Armées Révolutionnaires Colombiennes
- FMLN : Front Farabundo
Marti de Libération Nationale
- HCR : Haut Commissariat
pour les Réfugiés
- OLP : Organisation de
Libération de la Palestine
- OMS : Organisation
Mondiale de la Santé
- PAM : Programme
Alimentaire Mondial
- RDC : République
Démocratique du Congo
- RICR : Revue
Internationale de la Croix-Rouge
- TPIY : Tribunal
Pénal International pour l'ex-Yougoslavie
- UNICEF : Fonds des Nations
Unies pour l'enfance
- UNITA : Union pour
l'Indépendance Totale de l'Angola
Aussi
longtemps que l'on remonte dans l'histoire de l'humanité, on rencontre
l'omniprésence de la guerre. L'homme entre dans l'histoire en guerrier.
C'est en guerrier qu'il se représente dans les bas-reliefs des palais et
des temples. Par le passé, le plus souvent, deux ou plusieurs chefferies
ou pays s'affrontaient pour s'assurer une zone d'influence ou contrôler
un territoire. Dans ces conflits s'opposaient des forces armées
classiques, reconnues et structurées sur des champs de bataille
désignés, et les lignes de front pouvaient être
indiquées sur des cartes, elles aussi classiques. Les conflits
étaient livrés pour obtenir par la force ce que les parties
belligérantes ne pouvaient obtenir en se limitant seulement au dialogue,
aux négociations, aux flatteries ou aux menaces.
Aujourd'hui la nature de la guerre est en train de
changer. Bien que certains conflits aient effectivement une dimension ou un
fondement territorial très marqué, comme le conflit
israélo-palestinien, les guerres dont l'unique but est d'obtenir le
contrôle pur et simple d'un territoire sont de moins en moins nombreuses.
Il y a moins de conflits engagés pour des raisons idéologiques
bien enracinées, comme pendant la guerre froide. Ce qui semble le plus
souvent alimenter les conflits est la nécessité de s'approprier
immédiatement et à long terme l'accès aux principales
ressources naturelles ou leur contrôle. Les facteurs économiques
jouent donc un rôle important avec des éléments
armés qui se rendent coupables d'actes de déprédation
économique. Entre temps, de nombreux pays continuent de souffrir de la
déficience inhérente aux services publics ou de leur paralysie,
comme c'est le cas avec les services de santé, d'aide sociale et de
l'eau. D'autres facteurs ont compliqué cette évolution :
l'affirmation d'une identité, la prolifération des armes, la
dégradation de l'environnement et la rareté des terres et de
l'eau, la migration massive qui engendre de nouvelles formes de violence
urbaine, et, dans plusieurs contextes, l'estompement de la ligne qui
sépare la violence politique de la criminalité. .
Une
autre caractéristique du contexte actuel des conflits est l'interaction
entre les dynamiques locales, régionales et mondiales. Ainsi, de nos
jours, il y a peu de guerres entre des Etats. Par contre, on a constaté
un nombre croissant de conflits internes extrêmement complexes lesquels
prenaient parfois une dimension internationale et impliquaient une
pléthore d'acteurs aux revendications variées.
Beaucoup de situations de conflits armés se
caractérisent par une durée prolongée, un caractère
chronique, une intensité généralement faible et un impact
généralisé. Peu importe la nature des conflits, ils font
inévitablement d'innombrables victimes tuées, blessées,
privées de liberté, séparées de leur famille ou
portées disparues. Beaucoup de personnes sont aussi indirectement
touchées comme les malades qui sont dans l'impossibilité de
recevoir des soins médicaux à cause des conflits. C'est là
qu'interviennent des organisations humanitaires pour atténuer les
souffrances humaines. Ainsi, le CICR, organisation humanitaire impartiale et
neutre, intervient de manière remarquable aussi bien dans les conflits
armés internationaux que dans les conflits internes. C'est dans ce cadre
que s'inscrit le sujet : « Le CICR et les conflits
étatiques internes ».
Le
Comité International de la Croix-Rouge (CICR) est une organisation
humanitaire impartiale, neutre et indépendante. Il est d'abord le
résultat de la volonté d'un homme, Henry DUNANT. Sa vision et sa
détermination se sont forgées au contact de la guerre. C'est la
visite du champ de bataille de Solferino (24 juin 1859), qui le lendemain de la
bataille, le détermine à agir. En effet, il découvre
près de 40 000 morts et blessés, catastrophe humaine
à laquelle les services de santé des armées sont
incapables de faire face. Il décide alors d'organiser un service
d'assistance spontané avec la collaboration des habitants des villages
voisins, à destination de tous les soldats, sans distinction de
nationalité.
De
retour en Suisse, il mobilise progressivement l'opinion publique. En 1862, il
publie Un souvenir de Solferino, dans lequel il propose la
création de sociétés de secours et l'adoption d'un accord
international. Le 17 février 1863, avec quatre autres
personnalités suisses (Gustave MOYNIER, le Général DUFOUR,
DUNANT, Louis APPIA, Théodore MAUNOIR), il fonde le Comité
international de secours aux militaires blessés, qui deviendra
ultérieurement le Comité International de la Croix-Rouge (CICR).
Dès octobre 1863, le CICR organise à Genève une
réunion d'experts privés et de représentants de
gouvernements. Celle-ci adopte dix résolutions qui sont à la base
de la création des futures Sociétés de la Croix-Rouge. A
la demande du CICR, le Conseil fédéral convoque une
conférence diplomatique à Genève, qui aboutit en
août 1864 à la signature de la première convention de
Genève, relative à la protection des militaires blessés.
Depuis 1864, le CICR a promu le développement du droit international
humanitaire, dont il a élaboré les projets à travers des
réunions d'experts et des conférences préparatoires:
protection étendue à la guerre maritime (1899), aux prisonniers
de guerre (1929), aux populations civiles et aux victimes des conflits internes
(1949), réaffirmation et développement des règles de
conduite des hostilités (1977). Il s'est efforcé aussi
d'encourager la création d'une société de la Croix-Rouge
dans chaque pays. Les premières sont celles du Wurtemberg, du
grand-duché d'Oldenburg, de Belgique et de Prusse. Leur nombre a
constamment augmenté et on en trouve dans la plupart des pays (191 en
2003).1(*)
Le
CICR est une organisation constituée par des Suisses et recrutant par
cooptation. Il demeure le gardien des principes de la Croix-Rouge, et
reconnaît les Sociétés nationales. Grâce à sa
composition, il s'impose comme intermédiaire neutre en cas de guerre
internationale, de guerre civile, ou de troubles intérieurs. Ainsi il se
différencie des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et
du Croissant-Rouge qui incarnent le travail et les principes du Mouvement
international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge dans la plupart des pays.
Elles agissent en tant qu'auxiliaires aux pouvoirs publics dans leur propre
pays.2(*) Le CICR se
différencie aussi de la Fédération internationale des
Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge qui travaille
sur la base des principes du Mouvement afin de stimuler, faciliter et
promouvoir l'ensemble des activités humanitaires des
Sociétés nationales pour améliorer la situation des
personnes les plus vulnérables en tout temps. Son rôle
principal est de susciter et de seconder l'oeuvre de ses membres et de les
aider à développer leurs activités.3(*) Il faut souligner que la
Fédération internationale des Sociétés de la
Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, les Sociétés nationales de la
Croix-Rouge et du Croissant-Rouge forment avec le CICR le Mouvement
international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.
Par
conflit étatique interne, nous pouvons entendre « des
affrontements armés qui se déroulent dans les limites du
territoire d'un seul Etat où les combats opposent le gouvernement et les
insurgés armés »4(*). Par abus de langage, ce
type de conflit est souvent appelé « guerre
civile ». De ce fait un conflit étatique interne peut
être, dans une certaine mesure, assimilé à ce que l'on
appelle en droit international humanitaire « conflit armé
non international».
Deux
principaux textes juridiques nous renseignent sur ce qu'est un conflit
armé non international à savoir l'art. 3 commun aux quatre
Conventions de Genève de 1949 et l'art. 1 du Protocole additionnel II de
1977.
Ø L'art. 3 commun s'applique « en
cas de conflit armé ne présentant pas un caractère
international et surgissant sur le territoire de l'une des Hautes Parties
contractantes ». Sont également inclus les conflits
armés auxquels participent un ou plusieurs groupes armés non
gouvernementaux. Selon la situation, les hostilités peuvent opposer les
forces armées gouvernementales et des groupes armés non
gouvernementaux ou de tels groupes entre eux. Comme les quatre Conventions de
Genève jouissent d'une ratification universelle, l'exigence selon
laquelle le conflit armé doit surgir « sur le territoire
de l'une des Hautes Parties contractantes » a perdu toute
importance dans la pratique. En effet, tout conflit armé entre les
parties armées gouvernementales et des groupes armés ou entre de
tels groupes armés ne peut qu'avoir lieu sur le territoire de l'une des
parties à la Convention.
Ø Une définition plus restrictive des
conflits armés non internationaux a été adoptée aux
fins du Protocole additionnel II. Cet instrument s'applique aux conflits
armés « qui se déroulent sur le territoire d'une
Haute Partie contractante entre ses forces armées et des forces
armées dissidentes ou des groupes armés organisés qui,
sous la conduite d'un commandement responsable, exercent sur une partie de son
territoire un contrôle tel qu'il leur permette de mener des
opérations militaires et continues et concertées et d'appliquer
le présent Protocole ».
Cette
définition est plus étroite que celle de l'art. 3 commun sous
deux aspects. Premièrement, elle introduit la condition d'un
contrôle sur le territoire, en stipulant que les parties non
gouvernementales doivent exercer un contrôle qui « leur
permette de mener des opérations militaires continues et
concertées et d'appliquer le présent Protocole ».
Deuxièmement, l'application du Protocole additionnel II est
expressément limitée aux conflits armés entre les forces
armées de l'Etat et des forces armées dissidentes ou d'autres
groupes armés organisés. Contrairement à l'art. 3 commun,
le Protocole ne s'applique pas aux conflits qui opposent uniquement des groupes
armés non étatiques.
Dans
ce contexte, il faut rappeler que le Protocole additionnel II
« développe et complète l'article 3 commun ...sans
modifier ses conditions d'application actuelles5(*) ». Cela signifie que cette
définition restrictive ne concerne que l'application du Protocole II,
mais ne s'étend pas au droit des conflits armés non
internationaux en général. Le Statut de la Cour Pénale
Internationale, dans son art. 8, par. 2 f, confirme l'existence d'une
définition du conflit armé non international qui ne remplit pas
les critères du Protocole II6(*).
Ainsi
dans un sens strict, l'expression « conflit étatique
interne » signifie, au sens du Protocole additionnel II, un
conflit armé non international dans lequel s'opposent les forces
armées de l'Etat et les forces armées dissidentes ou d'autres
groupes armés organisés.
Dans
un sens plus étroit, cette expression peut être entendue, au sens
de l'art. 3 commun aux Conventions de Genève. Le conflit étatique
interne peut être entendu comme étant un conflit armé non
international.
En se
fondant sur l'analyse présentée ci-dessus, le CICR propose la
définition suivante qui reflète l'avis juridique
prédominant : « un conflit armé non
international est un affrontement armé prolongé qui oppose les
forces armées gouvernementales aux forces d'un ou de plusieurs groupes
armés, ou de tels groupes armés entre eux, et qui se produit sur
le territoire d'un Etat partie aux Conventions de
Genève ». Cet affrontement armé doit atteindre un
niveau minimal d'intensité et les parties impliquées dans le
conflit doivent faire preuve d'un minimum d'organisation.
C'est
l'intensité des combats qui permet de faire la différence entre
un conflit interne et une simple situation de troubles intérieurs ou de
tensions internes.
Les
troubles intérieurs se caractérisent par une profonde
perturbation de l'ordre interne résultant d'actes de violence, qui ne
revêtent toutefois pas les caractéristiques d'un conflit
armé. Ce sont, par exemple, des émeutes par lesquelles des
individus ou des groupes d'individus manifestent ouvertement leur opposition,
leur mécontentement ou leurs revendications ou encore des actes
isolés et sporadiques de violence. Il peut s'agir de luttes de factions
entre elles ou contre le pouvoir en place.7(*) Dans les troubles intérieurs, l'Etat utilise la
force armée pour rétablir et maintenir l'ordre public.
Il y
a tension interne lorsque, sans qu'il y ait troubles intérieurs, la
force est utilisée à titre préventif pour maintenir
l'ordre public.
Un
conflit étatique interne se différencie aussi du conflit
armé international. L'art. 2 commun aux Conventions de Genève
dispose que : « En dehors des dispositions qui doivent
entrer en vigueur dès le temps de la paix, la présente Convention
s'appliquera en cas de guerre déclarée ou de tout autre conflit
armé surgissant entre deux ou plusieurs Hautes Parties contractantes,
même si l'état de guerre n'est pas reconnu par l'une
d'elles.
La
Convention s'appliquera également dans tous les cas d'occupation de tout
ou partie du territoire d'une Haute Partie contractante, même si cette
occupation ne rencontre aucune résistance militaire. »
L'article 1 du Protocole I de 1977, additionnel aux
Conventions de Genève de 1949 ne couvre pas que les conflits
armés réguliers entre Etats, il étend la définition
du conflit armé international aux conflits armés dans lesquels
les peuples se battent contre la domination coloniale, l'occupation
étrangère ou les régimes racistes en faisant usage de leur
droit à l'autodétermination (guerres de libération
nationale).
Pour
mieux cerner ce sujet, nous nous intéresserons uniquement à la
mission qui est confiée au CICR dans les conflits armés non
internationaux. Autrement dit l'étude nous conduit à mettre en
exergue l'intervention du CICR dans les conflits étatiques
internes.
L'analyse d'un tel sujet montre que la majorité
des conflits armés contemporains présentent un caractère
interne. La vie quotidienne de nombreux civils pris dans ces conflits est
synonyme de crainte et de souffrance extrême. La prise
délibérée de civils pour cible, le pillage et la
destruction de biens de caractère civil, les déplacements
forcés de population, l'utilisation de civils comme boucliers humains,
la destruction d'infrastructures vitales pour les civils, le viol et d'autres
formes de violence sexuelle, la torture, les attaques menées sans
discrimination sont quelques actes de violence qui caractérisent
très souvent les conflits étatiques internes. Quelles que soient
les manifestations de ces conflits, celles-ci portent atteinte à
l'intégrité psychique et morale de celui qui les endure ou de ses
proches. L'ampleur que prend la souffrance humaine dans de telles situations
est très préoccupante pour l'action du CICR. Le renforcement de
la protection des personnes touchées par les conflits étatiques
internes constitue une priorité majeure du CICR.
Ensuite, l'intervention du CICR dans les conflits
étatiques internes est caractérisée fondamentalement par
des règles d'impartialité et de neutralité. En effet, dans
l'exercice de ses activités, le CICR doit éviter toute
discrimination fondée sur la nationalité, la race, les
convictions religieuses, les classes sociales ou les opinions politiques.
Enfin,
cette intervention du CICR ne peut être considérée comme
étant un droit d'ingérence. Il faut souligner que l'assistance
humanitaire n'est jamais une ingérence dans un conflit et nul ne peut
renoncer aux droits que les conventions humanitaires lui reconnaissent. Sans
doute doit-on aujourd'hui reconnaître à ces règles, en
accord avec la majeure partie des auteurs comme Georg SCHWARZENBERG, le
caractère de Jus Cogens : les Etats ne sauraient y
déroger, même par convention, sans tomber dans le crime.
Ainsi
nous nous proposerons de formuler les questions suivantes : quel
est le rôle du CICR face aux conflits étatiques internes ?
Comment le CICR procède-t-il pour mettre en oeuvre son intervention?
Peut-on parler d'effectivité de cette intervention? Ces
différentes questions peuvent être regroupées dans une
problématique générale à savoir :
Quelle est l'étendue de l'action du CICR face aux conflits
étatiques internes ?
Force
est de dire que la réponse à cette problématique commande
nécessairement une étude de l'action du CICR dans les conflits
étatiques internes et une analyse de l'effectivité de cette
action.
Dans
l'analyse de l'action du CICR dans les conflits étatiques internes, on
se propose d'examiner, d'abord, le mandat du CICR. Ensuite, nous verrons la
mise en oeuvre de ce mandat.
En ce
qui concerne l'effectivité de l'action du CICR sur le terrain, nous
examinerons, dans un premier chapitre, les contraintes liées à
son intervention. Dans un second chapitre, nous essaierons de donner quelques
recommandations qui permettront, sans doute, au CICR, d'assurer une
effectivité de son action dans les conflits étatiques
internes.
A la
lumière de ce qui précède, nous nous proposerons
d'analyser, dans un premier temps, l'action du CICR dans les conflits
étatiques internes (Première Partie). Ensuite,
nous montrerons le caractère mitigé de cette action
(Deuxième Partie).
Le CICR s'est toujours
efforcé de répondre à des problèmes humanitaires
dans les conflits n'ayant pas un caractère international, en
développant et en diversifiant son action. L'action du CICR se fonde sur
son mandat juridique international (Chapitre I) qui lui a
été confié. En répondant aux besoins des personnes,
le CICR veille toujours à ce que ce mandat soit mis en oeuvre
(Chapitre II) quels que soient la période ou les lieux
concernés.
Chapitre I : Le mandat du CICR dans les conflits
étatiques internes
Le
mandat du CICR dans les conflits étatiques internes consiste à
protéger les vies et la dignité des victimes et vise à
prévenir la souffrance par la promotion et le renforcement du DIH. Pour
mieux mettre en exergue ce mandat, nous intéresserons, d'abord, à
ses fondements (Section 1), avant d'en examiner sa
nature dans lesdits conflits (Section 2).
Section1 : Les fondements du mandat du CICR dans les
conflits étatiques internes
Il
s'agit essentiellement des fondements juridiques du mandat du CICR
(Paragraphe 1). Ceux-ci auront pour
conséquence la reconnaissance de privilèges et immunités
au CICR par la Communauté internationale (Paragraphe
2).
Paragraphe 1: Les fondements juridiques du mandat du CICR dans
les conflits étatiques internes
Les
fondements juridiques de l'intervention du CICR, dans les conflits
étatiques internes reposent, pour l'essentiel, sur le droit
conventionnel (A) et des résolutions des
Conférences internationales de la Croix-Rouge (B).
A. Le droit
conventionnel
L'art.
3, alinéa 2, commun aux Conventions de Genève de 1949
précise qu'«un organisme humanitaire impartial, tel que le
Comité International de la Croix-Rouge, pourra offrir ses services aux
Parties au conflit ». Cet alinéa a une grande valeur,
à la fois morale et pratique. En effet, c'est l'adaptation de l'art. 9
commun aux Conventions de Genève. Aux termes de celui-ci
« les dispositions de la présente convention ne font pas
obstacles aux activités humanitaires du Comité International de
la Croix-Rouge (...) entreprendra pour la protection des blessés,
malades et naufragés, ainsi que des membres du personnel sanitaire et
religieux, et pour des secours à leur apporter, moyennant
l'agrément des Parties au conflit
intéressées ». Cette disposition montre ainsi que
le CICR dispose d'un droit d'initiative s'analysant comme le droit pour lui de
proposer aux Parties des activités humanitaires au profit des victimes.
Ce droit d'initiative reste conditionné par le consentement de l'Etat.
Cependant l'acceptation du rôle accordé au CICR par les
Conventions de Genève emporte l'obligation pour l'Etat d'examiner de
bonne foi l'action proposée8(*). Il n'en reste pas moins que sans consentement de
l'Etat, le CICR ne pourra intervenir.
Si
dans certains conflits internes, le CICR a pu exercer une action humanitaire
importante, en d'autres, au contraire, les portes lui ont été
fermées, ses offres de service ayant été qualifiées
de tentatives d'ingérence dans les affaires intérieures de
l'Etat. Pour que ses offres de service soient légitimes et puissent
être acceptées, elles doivent émaner d'un organisme
« humanitaire » et
« impartial ». Et il faut que les services offerts
et rendus aient ce même caractère
d'«humanité » et
d'« impartialité ». Si toutes ces
conditions sont réunies, l'intervention du CICR, dans l'exercice du
droit général d'initiative reconnu aux termes de l'alinéa
2 de l'art. 3, sera déterminante. Elle ne sera pas
considérée comme une immixtion dans les affaires internes de
l'Etat déchiré par la lutte armée ; elle
amènera, très souvent, le Gouvernement concerné à
reconnaître l'existence d'un conflit, et donc, à admettre
l'application de l'art. 3.
L'art.
5, alinéa 2 d) des Statuts du Mouvement de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge, quant à lui, confirme le mandat du CICR
découlant du DIH. Il a une force de convention internationale et
consacre à la fois le droit général d'initiative du
Comité et le droit particulier d'aider à la mise en oeuvre des
Conventions de Genève. En effet, selon cette disposition, le CICR a
notamment pour rôle « de s'efforcer en tout temps, en sa
qualité d'institution neutre dont l'activité humanitaire s'exerce
spécialement en cas de conflits armés -internationaux ou autres -
ou de troubles intérieurs, d'assurer protection et assistance aux
victimes militaires et civiles desdits évènements et de leurs
suites directes ». Cette disposition permet au Gouvernement
régulier de consentir au déploiement de l'action humanitaire
générale, tout en contestant l'existence d'un conflit interne et
l'applicabilité de l'art. 3 commun aux Conventions de Genève. Une
telle attitude n'est pas contradictoire9(*). Elle marque la répugnance du pouvoir
établi à conférer, dès ce stade de l'insurrection,
par la mise en oeuvre de l'art. 3, une certaine personnalité au parti
insurgé10(*).
En
plus du droit conventionnel, les résolutions adoptées lors des
Conférences internationales de la Croix-Rouge constituent un fondement
juridique non négligeable du mandat du CICR dans les conflits
étatiques internes.
B. Les résolutions des Conférences de la
Croix-Rouge
Les
résolutions de Conférences internationales de la Croix-Rouge
constituent également une base d'intervention pour le CICR dans les
conflits étatiques internes11(*). Elles complètent ou réaffirment les
dispositions du droit conventionnel.
Nous
pouvons prendre l'exemple de la protection du personnel sanitaire. Elle n'est
pas expressément édictée par l'art. 3. Ce dernier
précise que « les blessés et les malades sont
recueillis et soignés ». Mais les rédacteurs de la
Convention semblent surtout avoir eu en vue ici une prise en charge sanitaire
officielle par le camp gouvernemental, voire par l'organisation rebelle dans la
mesure où elle dispose de l'infrastructure nécessaire. L'effort
des commentateurs et des experts a tendu, depuis, à ménager des
facilités aux insurgés, dans le domaine de l'assistance sanitaire
privée, et dans le cadre exigu de la guerre civile
révolutionnaire. C'est la XIXe Conférence internationale de la
Croix-Rouge, réunie en 1957 à New Delhi, qui émet le voeu
que les médecins ne soient en aucune manière
inquiétés à l'occasion de soins qu'ils sont appelés
à donner et que le principe du secret médical soit
respecté.
Nous
pouvons aussi prendre l'exemple du respect de l'unité familiale et plus
particulièrement de la séparation des enfants de leurs
géniteurs. Cette disposition n'a pas été
expressément prévue par le droit conventionnel. Cependant, deux
résolutions adoptées par consensus par les Conférences
internationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge évoquent cette
question. Dans une résolution sur la protection des enfants dans les
conflits armés, la XXVe Conférence internationale, se
référant aux Conventions de Genève et aux deux Protocoles
additionnels, a recommandé que « toutes les mesures
nécessaires soient prises pour préserver l'unité de la
famille et faciliter le regroupement des familles »12(*). Dans une résolution
sur la protection de la population civile en période de conflit
armé, la XXVIe Conférence internationale a
exigé que « toutes les parties à un conflit
évitent toute action destinée à - ou ayant pour effet de -
provoquer la séparation des familles de manière contraire au
Droit International Humanitaire »13(*)
Comme
l'art. 3 commun aux Conventions de Genève et le Protocole Additionnel II
de 1977, les résolutions des Conférences internationales de la
Croix-Rouge et du Croissant-Rouge jouent un rôle primordial en
matière d'intervention du CICR dans les conflits armés. Elles
participent à l'extension de son champ de compétence et
complètent en même temps le droit conventionnel conférant
au CICR son mandat juridique international.
Les
fondements juridiques du mandat du CICR dans les conflits étatiques
internes permettent au CICR de bénéficier de certains
privilèges et immunités reconnus par l'ensemble de la
Communauté internationale.
Paragraphe 2 : La reconnaissance de privilèges et
immunités
Il
convient de mettre d'abord en exergue le contenu des privilèges et
immunités reconnus au CICR (A) avant de montrer la base
juridique de leur reconnaissance (B).
A. Le contenu des privilèges et
immunités
Le
CICR ne peut mener son action de protection et d'assistance en faveur des
victimes des conflits internes que si ses principes qui sont à la base
de son action sont respectés. C'est en reconnaissant au CICR des
privilèges et immunités que les Etats et les Organisations
Internationales montrent qu'ils respectent ces principes. Il s'agit, entre
autres, des privilèges et immunités du CICR et de ceux
accordés aux personnes en qualité officielle auprès du
CICR.
Les
privilèges et immunités du CICR sont essentiellement
l'inviolabilité et l'immunité de juridiction et
d'exécution. Aux termes de l'art. 2 de l'Accord entre le conseil
fédéral suisse et le CICR conclu le 19 mars 1993 et entré
en vigueur le même jour, « le conseil fédéral
suisse garantit l'indépendance et la liberté d'action du
CICR ». Ainsi, la Suisse, à l'instar des autres Etats et
Organisations Internationales, accorde un traitement privilégié
au CICR qui est dû au rôle unique que joue l'institution dans le
monde. De plus, les bâtiments ou parties de bâtiments et le terrain
attenant, qui, quel qu'en soit le propriétaire, sont utilisés
pour les besoins du CICR, sont inviolables. Il en est de même pour les
archives du CICR, les documents ainsi que les supports de données qui
lui appartiennent ou qui se trouvent en sa possession14(*). En ce qui concerne
l'immunité de juridiction et d'exécution, elle est très
encadrée. Aux termes de l'art. 5 de l'Accord, le CICR ne
bénéficie pas de l'immunité de juridiction et
d'exécution dans la mesure où cette immunité a
été formellement levée, dans un cas particulier, par le
Président du CICR ou son représentant dûment
autorisé ; en cas d'action en responsabilité civile
intentée contre le CICR pour dommage causé par tout
véhicule lui appartenant ou circulant pour son compte...
Quant
aux privilèges et immunités accordés aux personnes
appelées en qualité officielle auprès du CICR, nous
pouvons énumérés entre autres l'immunité de
juridiction pour les actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions, y
compris leurs paroles ou écrits, même après que les
personnes auront cessé leurs fonctions et l'inviolabilité de tous
papiers et documents.
B. La base juridique de la reconnaissance des
privilèges et immunités
La
base juridique sur laquelle reposent les privilèges et immunités
essentiels du CICR est reconnue de diverses manières et notamment
par :
- Les
accords de siège entre le CICR et les Gouvernements, ou la
législation nationale. Le CICR mène des opérations
d'envergure dans près de 80 pays. Sa personnalité juridique, son
immunité de juridiction et son exemption de l'obligation de
témoigner y sont reconnues soit par un traité, soit par la
législation.
- Les
décisions juridictionnelles : plusieurs tribunaux nationaux et
internationaux se sont prononcés sur l'immunité de juridiction du
CICR et son exemption de témoigner. En effet, le Règlement de
procédure et de preuve de la Cour Pénale Internationale (CPI) a
été négocié et adopté par la Commission
préparatoire de la CPI à sa session de juin 2000. La
règle 73 traite des privilèges en matière de
communications et d'informations. La partie de cette règle du CICR est
le résultat d'un compromis : le CICR avait préconisé
une règle conférant une protection absolue, alors que plusieurs
Etats avaient insisté pour que la Cour ait un rôle à jouer
dans la détermination au cas par cas de l'information du CICR, s'il y en
a, qui devrait être transmise. Aux termes de cette règle, le CICR
doit mener des consultations avec la Cour si cette dernière juge
l'information comme « d'une grande importance dans un cas
d'espèce ». Le CICR a toutefois le dernier mot sur la
divulgation de son information. Aucune autre organisation, tant non
gouvernementale qu'intergouvernementale, ne s'est vu conférer un tel
privilège. Le traitement extraordinaire accordé au CICR
reflète l'intérêt que les Etats portent au mandat unique de
cette institution humanitaire dans le monde. Ainsi, la règle 73 est la
pierre angulaire de l'immunité du CICR en matière de preuve pour
l'avenir. Récemment, le Tribunal Pénal International pour
l'ex-Yougoslavie (TPIY), dans sa décision du 27 juillet 1999 concernant
l'affaire Le Procureur c/ Simiç et consorts, a jugé que
le CICR jouit, au regard du droit international coutumier, du privilège
absolu de ne pas divulguer son information confidentielle.
- L'AG
NU accorde au CICR le statut d'observateur « eu égard au
rôle et aux mandats particuliers qui lui ont été
assignés par les Conventions de Genève du 12 août
1949 » par une résolution du 16 octobre 1990. Cette
résolution constitue l'unique cas d'un statut d'observateur
accordé à une organisation qui n'est ni un Etat non membre des
Nations Unies, cas du Saint-Siège, ni d'un mouvement de
libération nationale comme l'OLP15(*). Le statut d'observateur qui lui est reconnu au sein
des NU apparaît en outre comme le couronnement d'une évolution qui
a conduit le CICR à bénéficier d'un statut
spécifique consultatif auprès de nombreuses organisations
multilatérales comme le Mouvement des Non-alignés, l'Union
Africaine...
Il
faut noter que les privilèges et immunités ne sont établis
en vue de conférer à ceux qui en bénéficient des
avantages personnels. Ils sont institués uniquement afin d'assurer, en
toute circonstance, le libre fonctionnement du CICR et la complète
indépendance des personnes concernées dans l'exercice de leurs
fonctions.
Après avoir montré les fondements du
mandat du CICR dans les conflits étatiques internes, il convient de
mettre en exergue l'essence de ce mandat. Autrement dit, quelles sont les
composantes du mandat du CICR dans ces conflits ?
Section 2 : Le contenu du mandat du CICR dans les conflits
étatiques internes
Le
CICR, dans les conflits étatiques internes a une mission exclusivement
humanitaire qui est de secours (Paragraphe 1). Il s'efforce
également de prévenir la souffrance par la promotion du Droit
International Humanitaire (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le secours du CICR
Il
s'agit des missions exclusivement humanitaires du CICR. Elles sont
indissociables et c'est la raison pour laquelle elles ont été
confiées à un organisme unique, le CICR16(*). Ce sont, entre autres, la
protection des victimes (A) et l'assistance de la population
dans les conflits étatiques internes (B).
A. La protection des victimes de conflits
étatiques internes
La
protection englobe, au sens large du terme, toutes les activités visant
à faire en sorte que les Etats et autres Parties à un conflit
armé respectent pleinement les droits des individus et se conforment
entièrement à leurs obligations découlant des normes
juridiques pertinentes, conformément à l'esprit et à la
lettre du droit applicable. Pour le CICR, la protection au sens strict, englobe
toutes les activités visant à prévenir et à faire
cesser les violations des droits des individus, commises par les Etats et
d'autres Parties au conflit, ainsi qu'à prévenir ou à
faire cesser le non respect, par ces Parties, des obligations que leur imposent
le DIH et d'autres règles fondamentales protégeant les individus
dans les situations de violence, conformément à l'esprit et
à la lettre du droit applicable. Ainsi, l'action de protection est au
coeur du mandat du CICR : il s'agit de veiller à ce que toutes les
Parties au conflit respectent leurs obligations, ainsi qu'au respect des droits
individuels garantis par le DIH et d'autres normes fondamentales.
Les
dispositions de l'art. 3 commun aux Conventions de Genève
protègent toutes les personnes « qui ne participent pas
directement aux hostilités ». Elles incluent
explicitement dans cette catégorie : d'une part « les
membres des forces armées qui ont déposé leurs
armes », d'autre part « les personnes mises hors
combat pour maladie, blessure, détention ou pour autre
cause ». Ainsi, il convient de distinguer non seulement les
civils des forces armées, mais encore les civils qui ne participent pas
directement aux hostilités des civils qui « participent
directement aux hostilités ». En vertu du DIH, la notion
de « participation directe aux hostilités »
se réfère à un comportement individuel qui, s'il est
affiché par des civils, suspend la protection dont ils jouissent contre
les dangers qui découlent des opérations militaires. De plus,
pendant la durée de leur participation directe aux hostilités,
les civils peuvent être directement attaqués comme s'ils
étaient combattants17(*). De ces dispositions, il ressort que deux
catégories de personnes bénéficient de la protection dans
les conflits étatiques internes.
La
première catégorie de personnes bénéficiant de la
protection du DIH est la population civile. Le DIH est fondé sur le
principe de l'immunité de la population civile. Les personnes qui ne
participent pas aux hostilités ne doivent, en aucune circonstance, faire
l'objet d'attaque ; elles doivent être épargnées et
protégées. De ce fait, le CICR maintient une présence
permanente dans les zones où les civils sont particulièrement en
danger. Dans les conflits étatiques internes, le civil est
présent sur le champ de bataille non en tant qu'acteur mais davantage en
tant que victime. Il est comme une personne qui, sans être visée
expressément dans la conduite des hostilités, peut devenir l'un
des enjeux. Le civil doit souvent endurer des épreuves effroyables dans
les conflits internes dont il est parfois la cible directe. Massacres, prises
d'otages, violence sexuelle, harcèlement, expulsions, transferts
forcés et pillages... sont au nombre des pratiques qui engendrent
terreur et souffrance sur les populations civiles.
Pour
prévenir de tels actes, le CICR s'efforce de faire connaître le
DIH et les principes humanitaires à tous ceux qui doivent les respecter.
Il a des interlocuteurs clairement définis : les Parties au
conflits, auprès desquelles il interviendra à propos du
traitement des personnes en leur pouvoir et de la conduite des
hostilités. Le respect des règles de conduite des
hostilités permet aux populations civiles de jouir d'une protection
particulière qui lui confère des droits en mettant des
obligations à la charge des combattants.
Le
droit fondamental des populations civiles est celui d'être mis en dehors
de toute logique d'attaque. Cette interdiction d'attaques dirigées
contre les civils emporte plusieurs conséquences au sens de l'art. 3
commun aux Conventions de Genève et du Protocole Additionnel II qui
énumèrent les interdictions de façon large18(*).
La
politique de protection des populations civiles offre au sein de celle-ci une
distinction riche d'enseignements en ce sens qu'elle tient tantôt compte
du physique de la personne protégée, tantôt de sa
qualité. Ainsi nous pouvons distinguer la catégorie des personnes
fragiles par nature et celle des personnes fragiles par incident qui peuvent
être rangées dans la catégorie des personnes à haut
risque. Elles bénéficient d'un régime de protection
particulière.
Les
personnes fragiles par nature sont entre autres la femme dans la mesure
où elle est désignée à tort ou à raison
« sexe faible » et l'enfant dans la mesure
où sa fragilité résulte de son âge.
Outre
la protection générale dont bénéficie la femme en
tant que membre de la population civile, celle-ci a droit à une
protection dite spéciale. Le CICR veille à ce que les besoins
spécifiques des femmes en termes de protection, de soins de
santé et d'assistance soient convenablement pris en compte dans
l'ensemble de ses activités. Il a notamment pris l'engagement d'insister
sur la protection qui doit être accordée aux femmes et aux jeunes
filles, de faire savoir à tous ceux qui portent les armes que la
violence sexuelle sous tous ses formes est interdite par le droit humanitaire
et qu'il convient de tout faire pour prévenir de tels actes19(*). En cas d'emprisonnement, le
CICR insiste aussi pour que les femmes soient logées dans les locaux
séparés et placées sous la surveillance immédiate
des femmes.
L'enfant jouit aussi d'une protection
particulière du fait de sa vulnérabilité. C'est pourquoi
le CICR exige que les Parties au conflit prennent des mesures
nécessaires pour que les enfants de moins de 15 ans, devenus orphelins
ou séparés de leur famille du fait de la guerre ne soient pas
laissés à eux-mêmes et que pour soient facilités en
toute circonstance, leur entretien, la pratique de leur religion et leur
éducation.
Outre
ces personnes fragiles par nature, d'autres personnes, bien que physiquement
aptes et plus ou moins préparées à la guerre font aussi
l'objet d'une protection particulière. C'est pourquoi elles sont
désignées personnes fragiles par incident. Il s'agit du personnel
humanitaire qui comprend tous les civils qui se trouvent sur le terrain des
hostilités pour des raisons de secours et d'assistance aux victimes.
Dans cette catégorie, on classe d'abord le personnel sanitaire, ensuite
les journalistes et enfin les religieux.
La
seconde catégorie des personnes qui bénéficient de la
protection du DIH en général et du CICR, en particulier, sont les
personnes « qui ne participent plus aux
hostilités ». Ce sont généralement
« les membres des forces armés qui ont
déposé leurs armes » et « les
personnes mises hors combat par maladie, blessure, détention ou pour
toute autre cause ». Les dispositions de l'art. 3
précisent ici qu'aucune distinction de caractère
défavorable fondée sur la race, la couleur, la religion... ne
doit être opérée entre les personnes
protégées.
En
plus de la protection de la population, le CICR participe aussi à son
assistance dans les conflits étatiques internes.
B. L'assistance de la population
Les
activités d'assistance ont pour but de préserver ou de
rétablir des conditions de vie acceptables et de permettre aux membres
de la population de maintenir un niveau de vie adéquat ainsi qu'un
environnement socioculturel aussi proche que possible de celui auquel ils sont
accoutumés, et ce jusqu'au moment où leurs besoins essentiels
peuvent être satisfaits par les autorités ou par eux-mêmes.
Le DIH
accorde une grande importance à l'assistance matérielle comme
contribution à la protection des victimes des conflits telle que la
définissent les Conventions de Genève et les Protocole
Additionnels. Le CICR intervient lorsque certaines conditions sont remplies.
D'abord, il se mobilise en fonction de l'urgence des besoins, autrement dit,
lorsque les besoins vitaux des personnes vulnérables (abri, nourriture
et boisson, hygiène et soins de santé, protection contre la
violence...) ne sont pas satisfaits. L'assistance ne doit pas toutefois
entraver le relèvement ni le développement à long terme.
C'est pourquoi le CICR inclut dans toutes ses opérations de secours des
activités de relèvement qui faciliteront les efforts de
développement ultérieurs entrepris par d'autres organismes. Cela
peut consister, selon le cas, à distribuer des semences et des outils ou
du matériel de pêche... Ensuite le CICR n'entreprend une
opération d'assistance que s'il est assuré de pouvoir jouir d'une
totale indépendance dans le choix des programmes et des
bénéficiaires ainsi que les modalités d'action. Il doit
aussi pouvoir accéder librement à tous ceux qui ont besoin
d'assistance. Il doit également pouvoir retourner à tout moment
sur les lieux de ses interventions afin d'évaluer la pertinence et
l'efficacité. Le CICR doit, enfin, respecter les usages culturels et
sociaux des communautés concernées, mais dans les limites de ses
propres principes et en veillant à ce que son intervention
n'entraîne pas d'effets négatifs, ni parmi ses
bénéficiaires, ni parmi les habitants de la région. Il ne
doit pas causer préjudice direct ni indirect à ces derniers, que
ce soit à travers leur environnement naturel, leur économie ou
leur mode d'existence en général. Il doit prendre garde
également de ne pas favoriser des comportements de dépendance.
L'assistance peut revêtir diverses formes, selon
la nature de la crise et la région où elle se produit. L'action
du CICR est en effet axée sur des services essentiels tels que la
fourniture de vivres et/ou de médicaments, la construction ou la
réparation des systèmes d'approvisionnement en eau ou des
installations médicales et la formation du personnel fournissant les
soins de santé primaire, des chirurgiens ou des techniciens en
orthopédie.
Dans
les conflits étatiques internes, l'une ou l'autre des parties peut avoir
recours à des tactiques prohibées (blocus, coupures de
l'approvisionnement en eau, destruction délibérée des
récoltes ou d'infrastructures essentielles...). Dans ce cas, avant
même de porter assistance à la population, le CICR s'efforce de
prévenir ou de faire cesser les violations, en attirant l'attention des
parties sur les responsabilités que leur impose le DIH.
Avant
de mettre en place un programme d'assistance, le CICR évalue avec soin
les besoins de chaque groupe, au sein de son propre environnement, afin que
l'aide fournie soit appropriée. En outre, le CICR veille à ce que
les secours soient distribués dans le respect des principes
d'humanité, d'impartialité et de neutralité. Le CICR suit
aussi, de part en part, le déroulement de chaque programme afin de tirer
des enseignements « pour mieux faire la prochaine
fois ». La politique qu'il adopte en matière
d'évaluation porte sur chaque sphère de son activité et
non uniquement sur les activités de secours dans le but de
répondre aux multiples besoins des victimes de conflits.
Le
CICR, dans les conflits étatiques internes, poursuit ainsi une mission
humanitaire qui est de protéger et d'assister les populations.
Cependant, il a aussi une mission préventive axée sur la
promotion du DIH.
Paragraphe 2 : La promotion du DIH
Le
CICR a pour mission de concourir activement à la promotion du DIH par
les Etats. Il s'intéresse de plus en plus à une action de type
préventif. Il s'agit de veiller à ce que le mandat et les
activités de l'organisation visent précisément tout un
ensemble de groupes et de personnes dans le monde entier (A),
et de promouvoir un respect beaucoup plus important su DIH
(B).
A. La diffusion du DIH
Le
CICR veille, dans les conflits étatiques internes, à ce que le
DIH soit diffusé. Il produit du matériel didactique. Il dispense
un enseignement dont le contenu varie en fonction de ceux auxquels il
s'adresse. La diffusion du DIH par le CICR se matérialise d'abord
à travers ses nombreuses publications traduites en de nombreuses langues
afin de multiplier le nombre de lecteurs20(*). Pour ce faire, le CICR partage son expertise avec
des ressortissants du pays dans lequel il exerce ses activités, qui
pourront relayer un message vernaculaire et dans le respect des traditions
culturelles locales. Ces publications sont appuyées par le soutien qu'il
apporte aux chercheurs en vue de l'édition des manuels relatifs au
DIH.
A
côté de ces documents écrits figure en bonne place le
soutien audio-visuel qui se traduit dans le montage et la diffusion
d'éléments sonores et visuels sur les chaînes de radio et
de télévision, les spots brefs mais explicatifs. En effet, par
des contacts avec les médias, le CICR cherche à donner à
ce message le plus large écho possible. Il veille ainsi à
transmettre des messages d'ordre humanitaire à tous ceux qui peuvent
soit renforcer son action, soit, au contraire, l'entraver, ou encore à
tous ceux susceptibles d'influer le sort des victimes de conflits armés.
L'objectif, ici, est de renforcer la capacité du CICR à
accéder aux personnes et aux populations ayant le plus besoin d'aide, et
de les aider effectivement. A cet égard, le CICR a une double politique
de communication : d'une part, une communication qui s'adresse aux
autorités publiques et vise à mobiliser les acteurs majeurs afin
qu'ils interviennent dans les dossiers humanitaires les plus pressants, et,
d'autre part, une communication plus
« fonctionnelle » qui vise à la
reconnaissance des activités du CICR et à permettre
l'accès aux victimes.
L'organisation de conférences et de
séminaires régionaux auxquels prennent part les
représentants des Sociétés nationales de la Croix-Rouge et
du Croissant-Rouge et parfois ouverts au public visent aussi à
promouvoir et à diffuser davantage l'humanité qui reste le cheval
de bataille du CICR.
Le
rôle de diffusion est relayé sur les territoires nationaux par les
Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge dont
l'une des missions premières est de tout faire pour encrer le DIH dans
l'esprit des citoyens. Pour cela, les Sociétés nationales, sous
l'impulsion du CICR, sensibilisent la presse et le grand public sur la question
des crises humanitaires, au respect des emblèmes.
Cette
activité du CICR a pour objectifs principaux de contribuer au respect du
DIH.
B. Le respect du DIH
L'enseignement du DIH dans les conflits
étatiques internes ne se distingue guère de celui qui est
donné dans les conflits armés internationaux, où la
distinction entre civils et combattants est clairement établie. L'art.
19 du Protocole Additionnel II dispose que le Protocole « sera
diffusé aussi largement que possible », et les groupes
armés sont tenus de respecter cette disposition21(*).
L'exigence que les groupes d'opposition armés
respectent au minimum certaines règles du DIH applicables dans les
conflits étatiques internes est inscrite dans l'art. 3 commun aux
Conventions de Genève. Si le Protocole Additionnel II est moins
explicite dans la formulation de l'exigence selon laquelle les parties au
conflit sont liées par ses règles, le Protocole développe
et complète l'art. 3 commun aux Conventions de Genève, et il est
contraignant à la fois pour les forces gouvernementales et pour les
groupes d'opposition armés. Le CICR a appelé à de
nombreuses reprises l'ensemble des Parties à des conflits armés
non internationaux à respecter et à faire respecter le DIH, par
exemple, en ce qui concerne les conflits en Afghanistan, en Angola, en
Bosnie-Herzégovine, en Somalie et dans l'ex-Yougoslavie22(*).
Les
groupes d'opposition armés doivent respecter et faire respecter le DIH,
et la diffusion est généralement considérée comme
un outil indispensable à cette fin. Dans la pratique, les groupes
d'opposition armés ont souvent autorisé le CICR à diffuser
le DIH parmi leurs membres. Le CICR lui-même a appelé les Parties
aux conflits armés non internationaux à assurer la diffusion du
DIH parmi les troupes, ou à autoriser et faciliter les efforts du CICR
à cette fin23(*).
Au-delà de cette exigence de respecter et de
faire respecter le DIH, le CICR oblige les groupes d'opposition armés
d'encourager l'enseignement du DIH à la population civile placée
sous leur autorité. Il demeure important que « les civils
(...) soient partout informés des règles du Droit International
Humanitaire afin d'en assurer une stricte observation »24(*). Dans la pratique, les groupes
d'opposition armés ont souvent autorisé le CICR à diffuser
le DIH dans les zones placées sous leur autorité.
Chapitre II : La mise en oeuvre du mandat du CICR dans les
conflits étatiques internes
Parler
de la mise en oeuvre du mandat du CICR dans les conflits étatiques
internes revient à mettre en exergue les interventions du CICR sur le
terrain. Dans un nombre croissant de conflits étatiques internes, le
CICR est appelé à agir doublement. Son action est, d'une part, de
contribuer à la résolution politique et militaire du conflit et,
d'autre part, alléger les conséquences du conflit sur les
populations victimes. Il s'agit essentiellement du rôle du CICR, en tant
qu'intermédiaire neutre entre les Parties au conflit
(Section 1) et de ses prestations en faveur des
victimes (Section 2).
Section 1 : Le rôle
d'intermédiaire neutre du CICR entre les Parties
belligérantes
Nous
allons étudier successivement le CICR en tant que diplomate humanitaire
(Paragraphe 1) et le CICR en tant
qu'intermédiaire dans les négociations (Paragraphe
2).
Paragraphe 1 : Le CICR, un diplomate humanitaire
Il
s'agit de voir ici la démarche confidentielle du CICR entre les Parties
au conflit en cas de violation des règles du DIH (A) et
le rôle du délégué dans la diplomatie de persuasion
(B).
A. La démarche confidentielle du CICR entre les
Parties au conflit en cas de violation du DIH
Discrétion et persuasion sont les mots clefs de
la diplomatie humanitaire du CICR. On reproche parfois au CICR son goût
du secret, des silences coupables devant les infractions au droit humanitaire
qui le rendraient complice ou témoigneraient d'une incapacité
d'agir. On se demande souvent pourquoi le CICR n'informe-t-il pas la
Communauté internationale qui lui a donné son mandat
humanitaire ? Pourquoi ne saisit-il pas l'opinion publique internationale
qu'il contribue à former, en l'informant pour qu'elle fasse pression sur
les responsables de ces violations ?
D'une
part, il n'est pas dans le rôle du CICR d'être le procureur du
droit humanitaire ; c'est aux Etats qu'appartient la responsabilité
première du contrôle. D'autre part, si le CICR est appelé
à mettre en exergue certaines modalités de contrôle, le
critère de son intervention est celui de l'intérêt des
victimes qu'il cherche à protéger. La confidentialité est
vitale sur le plan de la capacité du CICR à s'acquitter des
obligations qui lui incombent au titre du DIH de protéger les victimes
des conflits armés actuels et futurs. Le CICR doit donc toujours
soigneusement peser toutes les implications de sa réaction en sachant
qu'une condamnation publique n'est pas le meilleur moyen pour amener les
parties belligérantes à collaborer avec lui. Ainsi l'objectif
principal étant d'améliorer les conditions d'existence de
l'ensemble des populations touchées par le conflit ou les affrontements,
la confidentialité est une méthode de travail dans le cadre de la
protection. Il en est autrement dans celui de l'assistance où, tout au
contraire, seule la publicité peut permettre de réunir les moyens
matériels.
Cependant il ne faut pas confondre
confidentialité et complaisance. Le fait que le CICR ne parle pas
publiquement de certaines questions ne signifie pas qu'il les passe sous
silence. Le CICR se montre relativement tenace lorsqu'il s'agit de
vérifier des allégations de violations. Il est prêt
à en faire ses préoccupations jusqu'au sommet de la
hiérarchie si c'est nécessaire pour mettre un terme aux abus.
Le
CICR rappelle régulièrement aux Parties au conflit les
obligations qui leur incombent en vertu du DIH. Il met tout en oeuvre pour
maintenir un dialogue avec l'ensemble des Parties prenantes quand il s'agit
d'insister sur la nécessité d'épargner la population
civile lors des opérations militaires ou de faciliter la
libération des otages détenus par des groupes d'opposition
armés. C'est dans cette optique que, lors de la libération des
otages des FARC25(*), le
transfert de 70 soldats des mains de la guérilla à celles de
l'armée a été le couronnement de l'action humanitaire de
loin la plus significative à laquelle le CICR ait participé en
Colombie26(*) en 1996.
La
volonté de discrétion est manifeste devant les cas de violation
du DIH. Le CICR peut tout d'abord intervenir de sa propre initiative lorsque
ses délégués constatent des violations du droit
humanitaire. Selon l'importance de la violation, la démarche entreprise
peut aller de la remarque orale faite par un délégué au
responsable d'une prison au rapport détaillé du président
du CICR au gouvernement intéressé. En principe, si ces violations
sont graves ou répétées, le CICR peut sortir de sa
réserve et prendre publiquement position quand les conditions suivantes
sont réunies :
- les
démarches faites à titre confidentiel n'ont pas permis de faire
cesser les violations graves ;
- la
publicité est dans l'intérêt des victimes ;
- les
délégués ont été soit des témoins
directs de ces violations, soit l'existence et l'ampleur de celles-ci sont
établies au moyen de sources sûres et vérifiables.
C'est
ainsi, par exemple, que le CICR a condamné avec véhémence
les massacres commis, entre décembre 2008 et janvier 2009, dans le Nord
Kivu27(*), par les troupes
de Laurent Nkunda.
La
confiance des Etats en sa neutralité et son impartialité ainsi
obtenue, le CICR peut mener une diplomatie de la persuasion.
B. Le rôle du délégué du
CICR dans la diplomatie de la persuasion
La
recherche du consentement de l'Etat est d'autant plus nécessaire que le
CICR veut intervenir dans des domaines qui ne sont pas régis par le DIH.
L'exemple le plus important est celui de la visite des personnes privées
de liberté lors des conflits. C'est un des principaux rôles qui
sont conférés aux délégués du CICR.
Les
délégués visitent des milliers de détenus sur tous
les continents. En général, les visites sont effectuées
par une équipe composée d'un ou deux
délégués et d'un médecin du CICR. Elles ont pour
but non seulement de prévenir les disparitions, tortures et mauvais
traitements ou d'y mettre un terme, mais aussi d'améliorer les
conditions de détention lorsque cela est nécessaire et de
permettre le rétablissement des liens familiaux. La fonction
préventive du CICR mérite d'être soulignée : la
présence de l'institution dans un lieu de détention ne signifie
nullement que des problèmes humanitaires s'y posent, mais uniquement que
les autorités sont disposées à dialoguer avec le CICR dans
le but d'assurer un traitement humain aux personnes qu'elles
détiennent.
Lorsque le délégué
pénètre dans une prison, il est concerné en premier lieu,
par les personnes qui ont été arrêtées en raison de
la situation de conflits étatiques internes. Dans certains contextes,
ces personnes sont considérées comme des
« détenus politiques » ou des
« détenus de sécurité ». Il
peut s'agir aussi des détenus aussi divers qu'un guérillero
capturé, un paysan accusé de collaboration avec l'opposition
armé, un étudiant qui a manifesté contre le pouvoir...
auxquels le CICR peut être amené à demander à avoir
accès à eux.
Pour
que ses visites puissent donner lieu à des propositions concrètes
et crédibles, le CICR demande au préalable aux
autorités :
- la
possibilité de voir tous les détenus qui entrent dans le cadre de
son champ d'intérêt et d'avoir accès à tous les
lieux où se trouvent ces détenus ;
-
l'autorisation pour ses délégués d'avoir avec les
détenus de leur choix des entretiens sans témoin ;
-
l'assurance d'être autorisé à établir en cours de
visites la liste des détenus qu'il estime entrer dans le cadre de son
mandat ou de recevoir des autorités une telle liste, qu'il sera
autorisé à vérifier et, le cas échéant,
à compléter ;
-
l'autorisation de répéter ses visites à tous les
détenus auxquels il a eu accès et de voir toute autre personne
incarcérée de son choix, ayant le même profil, quel que
soit le lieu auquel ils se trouvent, la périodicité de ces
visites étant déterminé par le CICR en fonction des
besoins.
Par
ailleurs, le CICR souhaite obtenir le droit d'effectuer des visites sans
préavis ou avec un court délai de préavis, ainsi que la
notification des arrestations, des hospitalisations, des transferts, des
condamnations, des libérations et des décès.
Au
cours de sa visite à des personnes détenues, le
délégué du CICR tente de se faire une idée
objective des problèmes humanitaires qui existent. Il peut s'agir de
conditions de détention particulièrement dures, de mauvais
traitements, voire d'exécutions, ou encore de l'absence de contact du
détenu avec sa famille. Dans certains cas, la non observation des
garanties judiciaires est assimilable à un mauvais traitement, car elle
a des répercussions graves sur l'état physique et psychique de
l'individu28(*).
Les
résultats de la visite font l'objet d'un rapport confidentiel aux
autorités, appréciant les conditions de détention et
pouvant comporter des suggestions pour les améliorer. En principe, le
CICR se borne à rendre publics les lieux et les dates des visites, le
nombre de personnes vues et le fait que l'entretien se soit
déroulé sans témoin. La protection apportée par ces
visites n'est en effet réelle que si elles peuvent être
répétées ; or, la publication d'un rapport condamnant
un gouvernement peut le conduire à en refuser la continuation. Lorsque
le CICR a la conviction que la présence de ses
délégués n'est qu'un paravent pour les autorités,
il peut suspendre ou mettre fin à ses visites et rendre publique sa
décision. Il peut également rendre public le refus
systématique d'un gouvernement car, il ne veut pas être complice
pars son silence : seule la sanction de l'opinion publique peut
éventuellement inciter le gouvernement à changer d'attitude.
Le
CICR joue aussi un rôle essentiel en ce qui concerne les
négociations entre les Parties belligérantes.
Paragraphe 2 : Le rôle de médiateur du CICR
dans les négociations
En ce
qui concerne les négociations entre les parties belligérantes, le
CICR peut jouer un rôle de médiateur (A),
rôle qu'il ne peut mener à bien sans une collaboration avec
d'autres acteurs sur le terrain (B).
A. La médiation humanitaire du CICR
Moins
connue, la médiation est tout aussi importante que les autres
activités du CICR. C'est le rôle que peut jouer le CICR pour
faciliter, dans un conflit étatique interne, la conclusion d'accords
humanitaires entre les Parties au conflit. L'art. 3 commun aux Conventions de
Genève demande, en effet, aux Parties de s'efforcer « de
mettre en vigueur par voie d'accords spéciaux tout ou partie des autres
dispositions de la présente Convention » et permet au
CICR de leur offrir ses services. C'est ainsi que le CICR peut proposer ses
bons offices ou sa médiation en vue de la conclusion d'accords
permettant l'évacuation de blessés ou de civils (trêves,
suspension d'armes) ou la création de zones sanitaires et de
sécurité.
Par
ailleurs, sans que soient conclus des accords formels, le CICR peut offrir ses
services pour accomplir des activités qui nécessitent
l'assentiment des Parties au conflit (recherche de dépouilles mortelles
dans une zone contestée, réparation d'un réservoir d'eau
dans une zone temporairement déterminée par ceux qui la
contrôlent) ou pour communiquer des messages strictement humanitaires
entre des acteurs de la violence qui ne se parlent pas. Cependant, en cas de
prise d'otages, le CICR ne s'autorisera à présenter une offre
spontanée de service aux Parties impliquées que dans
l'hypothèse où la prise d'otages s'inscrit dans le cadre d'un
conflit armé couvert par les Conventions de Genève. L'otage,
civil ou militaire, doit pouvoir profiter pleinement de la protection
conventionnelle qui lui est due et dont le CICR a pour mandat de veiller
à ce qu'elle soit respectée par les Parties. En revanche, dans
les situations qui ne sont pas couvertes par le DIH, le CICR n'interviendra
qu'à la demande des Parties. En effet, au vu de la complexité de
ce genre de situation et des risques encourus, le CICR ne fera
spontanément une médiation que s'il estime être seul, ou
particulièrement, à même de le faire.
Pour
qu'une médiation du CICR ait des chances de réussir, elle doit
porter sur des phénomènes limités dans le temps et dans
l'espace, et se dérouler avec des acteurs bien définis.
Le
facteur temps est déterminant pour la réussite d'une action de
médiation. Si le CICR est sur les lieux immédiatement
après le déclenchement d'une crise, ses chances d'influencer la
situation seront beaucoup plus grandes que s'il n'intervient que plus tard dans
le processus. Au début, il est plus facile de gagner la confiance des
parties et de fixer d'emblée quelques « règles du
jeu » importantes. Pour reprendre l'exemple de la
libération des soldats colombiens détenus par les FARC en 1996,
le succès du CICR a été l'aboutissement d'un processus de
négociation de neuf mois et demi, auquel la délégation a
pris part dès les premières heures.
La
médiation exige de la persévérance et une bonne
connaissance de la situation. Elle demande aussi une bonne dose de pragmatisme
et de souplesse. Lorsqu'ils interviennent en tant que médiateurs dans un
conflit, les délégués quittent les hautes sphères
« aseptisées » des traités et des
théories et deviennent eux-mêmes partie prenante du
scénario de crise, même s'ils restent indépendants et
neutres. Enfin, pour parvenir dans une situation souvent tendue et qui
évolue rapidement, le meilleur conseiller est souvent le bon sens.
Cependant, il convient de noter que cette mission de
médiation humanitaire n'est pas exclusive au CICR. Elle est
partagée avec d'autres institutions en vue de résoudre les
problèmes humanitaires.
B. La participation d'autres institutions dans la
médiation humanitaire
Le
CICR ne peut que rarement résoudre seul des problèmes
humanitaires. Il n'est toujours qu'un acteur parmi tant d'autres, une
pièce d'un puzzle complexe, composé de diverses figures
principales et secondaires. En plus des Parties au conflit, ce puzzle se
compose également des autorités civiles, des chefs religieux, des
institutions privées de toutes sortes, des médias, autrement dit
de la société civile. Sans son appui, les possibilités du
CICR sont limitées. Il obtient cet appui par le dialogue
systématique et un travail d'information. Celui-ci tient compte des
ébauches de discussions critiques dans l'opinion publique et tente, dans
la mesure du possible, de les préserver et de les encourager.
Le
CICR s'efforce de sensibiliser les responsables politiques et les guides
d'opinion (parlementaires, membres des ONG, journalistes et autres personnes
influentes) et d'obtenir leur appui en vue du DIH.
La
collaboration du CICR avec d'autres institutions en matière de
médiation est surtout notable en ce qui concerne la libération
d'otages. Celle-ci se produit souvent en application d'un accord conclu au
terme d'un conflit, sur la base d'un échange bilatéral. Chaque
phase du processus de libération se passe presque toujours avec la
participation d'un intermédiaire neutre, depuis la négociation
sur la libération des personnes jusqu'à la supervision de
libération proprement dite, ou même la prise en charge des
ex-détenus juste après leur libération. Les parties qui
prennent part à ce type d'échanges doivent coopérer de
bonne foi avec le CICR et les autres intermédiaires29(*). Une pratique similaire a
aussi été rapportée en ce qui concerne l'Angola30(*), la Colombie31(*), le Rwanda32(*), la Somalie33(*) et le Soudan34(*). Le Conseil de
sécurité de l'ONU et la Commission des NU pour les droits de
l'Homme, ainsi que l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, ont
appelé les Parties à coopérer avec le CICR en
matière de libération des détenus.
Cette
collaboration est aussi notable en ce qui concerne les accords de cessez-le-feu
et de paix. Dans les conflits étatiques internes, ceux-ci sont
négociés entre l'Etat et les groupes armés, d'ordinaire
par des Etats tiers ou des intermédiaires neutres. Les accords de
cessez-le-feu comportent quelquefois un engagement général que
les parties ont pris d'assurer le respect du DIH, comme cela a
été le cas dans un accord de cessez-le-feu de 1999 entre les
Parties au conflit en RDC.
Ces
accords peuvent comporter spécifiquement les divers actes et les
violations du DIH que les Parties s'engagent à ne pas commettre. Par
exemple, dans un accord de 2002, les Parties au conflit en Angola ont convenu
de garantir la protection des personnes et de leurs biens et de ne pas
conduire de déplacements forcés de population civile, commettre
des actes de violence contre la population civile ou de détruire des
biens. En plus des dispositions spécifiques du DIH, les accords de
cessez-le-feu comportent souvent des engagements pris par les Parties de
permettre l'acheminement sans entrave de l'assistance humanitaire ou de
l'accès des organisations humanitaires. De tels accords ont
été signés en Guinée Bissau, au Libéria, au
Soudan et dans d'autres pays. C'est ainsi que le CICR, en collaboration avec
d'autres acteurs, ont utilisé les dispositions figurant dans les accords
de cessez-le-feu pour rappeler les Parties les obligations qui leur incombent
au titre du DIH, d'encourager le respect du droit ou de négocier un
accès. Cela s'est produit dans les représentations basées
sur l'accord de cessez-le-feu de 1999 dans la RDC35(*).
Le
rôle d'intermédiaire neutre du CICR entre les parties
belligérantes est ainsi d'alléger et de prévenir la
souffrance des hommes en invitant les Parties au conflit armé d'agir
conformément au DIH. Cependant, il est à souligner que l'action
principale du CICR sur le terrain est d'apporter secours à la
population, principale victime des conflits armés.
Section 2 : L'établissement d'un programme
d'assistance aux victimes
Il
s'agit des prestations du CICR en faveur de la population civile qui est la
principale victime dans les conflits étatiques internes. Ces prestations
peuvent être matérielles (Paragraphe 1)
ou non matérielles (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les prestations matérielles du CICR
Les
prestations matérielles du CICR dans les conflits étatiques
internes sont le plus souvent l'aide sanitaire et alimentaire
(A) et la garantie d'une sécurité
économique à la population (B).
A. L'aide sanitaire et alimentaire
C'est
la partie visible de la politique de secours du CICR qui consiste à
apporter des médicaments ou de la nourriture pour maintenir des
individus ou des populations en vie, diminuer leurs souffrances et
éviter que les séquelles des maladies, blessures ou carences
alimentaires ne handicapent leur avenir. Le CICR s'efforce en premier lieu
d'obtenir que les autorités de droit ou de fait permettent à la
population d'accéder aux ressources et aux services indispensables
à la survie et au bon fonctionnement de la communauté et, si
nécessaire, qu'elles fournissent l'assistance requise. Le partage de son
expertise en matière d'hygiène publique, de logistique et de
médecine d'urgence, l'appui qu'il peut donner pour former le personnel
médical appelé à remettre en état les
infrastructures défaillantes, le rôle qu'il peut jouer, en sa
qualité d'institution neutre, pour lever les entraves à la vie de
la communauté qu'aucune nécessité militaire ne justifie,
constituent des aspects tout aussi importants de la politique de secours du
CICR36(*).
Lorsqu'il y a une assistance d'urgence et que le CICR
est particulièrement à même de jouer un rôle utile en
raison de sa spécificité, il pose trois conditions avant
d'entreprendre un programme d'aide alimentaire et sanitaire :
-
avoir accès aux personnes à assister, prendre connaissance de
leur situation et faire une évaluation de leur besoin ;
-
être présent lorsque l'aide est apportée
-
pouvoir procéder à un contrôle administratif afin
d'établir des rapports sur les distributions faites.
Il
souhaite également avoir l'autorisation de retourner sur les lieux pour
évaluer l'impact de son action sur l'état des populations par
rapport aux objectifs fixés.
En
règle générale, l'aide du CICR a un caractère
d'urgence. Celle-ci est dictée par l'ampleur ou la gravité des
besoins humanitaires (malnutrition, épidémies...). Dans les
situations où la population souffre de faim ou de famine, le CICR met en
place des centres d'alimentation thérapeutique supervisés par du
personnel médical qui accueillent les enfants souffrant de malnutrition.
L'aide d'urgence peut aussi être dictée par le caractère
récent des actes qui sont à l'origine de ces besoins humanitaires
précités. Lorsque l'urgence est passée, l'assistance
apportée par le CICR prend normalement fin. Elle a contribué
à permettre à des personnes en détresse de passer un cap
difficile. Elle a souvent même amélioré le niveau de vie
d'une communauté en créant une infrastructure dont elle
était dépourvue auparavant, tels des dispensaires, des puits ou
des latrines. Dans ce domaine, l'action du CICR vise principalement à
renforcer la capacité opérationnelle des Sociétés
nationales de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge auxquelles il appartient de
contribuer au développement de leur pays37(*).
Le
CICR, en plus des secours sanitaires et alimentaires qu'il apporte aux
populations victimes des conflits armés, leur assure une couverture de
leurs besoins économiques.
B. La garantie d'une sécurité
économique à la population
Dans
un conflit étatique interne, l'approche du CICR consiste à mettre
l'accent sur la dynamique de l'économie des ménages. Son
intervention porte à la fois sur les moyens de production
nécessaires pour couvrir l'ensemble des besoins économiques
essentiels d'un ménage et sur la fourniture des ressources
nécessaires à la satisfaction de ces besoins. Il est
évident que parmi les besoins essentiels, certains comme l'eau et la
nourriture sont plus vitaux que d'autres. Pourtant, et cela est souvent
négligé, l'être ne vit pas que nourriture. Pour cette
raison, le CICR prend en compte l'ensemble des besoins économiques
essentiels des ménages : logement, vêtements, ustensiles de
cuisine et combustible.
En
fonction du degré de perte de la sécurité
économique au sein de la population, l'intervention du CICR porte sur
l'une des trois formes suivantes.
D'abord, un soutien économique pour
protéger les moyens de production vitaux des victimes d'un conflit
étatique interne, afin de permettre à chaque foyer de conserver,
dans toute la mesure du possible, se capacité de production et son
autosuffisance économique. En effet, dès les premières
apparitions des signes d'un conflit, le CICR intervient en rappelant aux
autorités la protection accordée à la population civile
par le DIH, qui exige le respect des personnes et de leurs biens. Si la
population rencontre des problèmes économiques par suite d'un
processus manifeste d'appauvrissement et si ses moyens de production
s'avèrent déficients ou risquent de ne plus être
suffisants, le CICR intervient en fournissant un soutien économique.
Cette aide peut revêtir différentes formes : distributions de
nourriture pour soutenir l'économie, mesures visant à diversifier
la production, ou encore protection du bétail grâce à des
services vétérinaires.
Ensuite, quand il le peut, le CICR donne
priorité aux activités de soutien économique.
Néanmoins, d'autres types d'assistance sont souvent eux aussi,
essentiels. Le CICR n'a en effet aucun moyen de prévenir le processus
d'appauvrissement et de décapitalisation déclenché par le
conflit. Pour enrayer ce phénomène, le CICR fournit des secours
pour la survie, en distribuant aux victimes les biens essentiels que leurs
moyens de production ne peuvent plus leur donner.
Enfin,
la réhabilitation économique pour aider les victimes d'un conflit
à rétablir leurs moyens de production et à retrouver,
là ou cela est possible, leur autosuffisance économique. Quand
la situation commence à s'améliorer, la population a besoin
d'aide afin de retrouver et de rétablir son autosuffisance, ce qui
permettra de mettre progressivement fin aux opérations d'assistance et
de secours pour la survie. Les programmes de réhabilitation
économique du CICR ont pour but de restaurer et de renforcer les moyens
de production au travers de toute une gamme d'activités telles que la
distribution de semences, d'outils agricoles et de matériel de
pêche, la fourniture de services vétérinaires ou la remise
en état de système d'irrigation afin d'aider la population
résidente et les personnes déplacées à subvenir
à leurs besoins.
Paragraphe 2 : Les prestations non matérielles
Les
prestations non matérielles du CICR sont essentiellement les visites des
personnes privées de liberté (A) et la recherche
des personnes portées disparues (B).
A. Les visites des personnes privées de
liberté
Dans
les conflits armés non internationaux, le CICR peut offrir ses services
aux Parties au conflit afin de visiter toutes les personnes privées de
liberté pour des raisons liées au conflit, dans le but de
vérifier leurs conditions de détention et rétablir le
contact entre ces personnes et leur famille.
Le
CICR demande systématiquement à avoir accès aux personnes
privées de liberté en relation avec les conflits étatiques
internes, et cet accès est généralement accordé.
Tel est le cas dans les conflits en Algérie, en El Salvador, au
Nicaragua, au Nigeria, au Rwanda, en Tchétchénie et au
Yémen38(*). Les
conditions de ces visites sont souvent arrêtées dans les accords
officiels, tels que ceux qui ont été conclus dans le contexte des
conflits dans l'ex-Yougoslavie, ou encore le Protocole d'Achgabat sur les
échanges de prisonniers au Tadjikistan39(*). Il existe de nombreux exemples de groupes
d'opposition armés et d'entités séparatistes qui ont
accordé l'accès aux personnes détenues.
Lors
de l'entretien final qu'il a avec le responsable du lieu de détention
à l'issue de la visite, le délégué du CICR signale,
si besoin est, les problèmes humanitaires qu'il identifiés, et
examine avec lui comment y remédier. Ce n'est que si, objectivement,
l'autorité détentrice n'est pas en mesure d'y répondre et
que ceux-ci doivent être satisfaits de façon urgente, que le CICR
peut apporter temporairement une assistance. Celle-ci peut
bénéficier aussi à des détenus de droit commun,
souvent eux-mêmes victimes indirectes du conflit qui prévaut dans
le pays. En effet le mauvais fonctionnement de l'administration
pénitentiaire affecte tout le système carcéral.
La
visite du CICR, dans un milieu carcéral, est suivie de démarches
orales ou écrites dont un rapport confidentiel est destiné aux
autorités.
Les
visites du CICR ont pour objet de prévenir les disparitions
forcées, les exécutions extrajudiciaires, de surveiller les
conditions de détentions et de rétablir les liens familiaux par
l'échange de messages.
B. Le rétablissement des liens
familiaux
Lorsque des personnes sont portées manquantes,
c'est soit de façon fortuite, en raison des évènements qui
ont affecté le pays, soit le fruit d'une politique
délibérée de l'Etat ou des mouvements d'opposition. Ainsi,
dans un conflit étatique interne, la trace d'un militaire peut
être perdue lors des combats ou celle d'un civil égaré
lorsqu'il a fui les affrontements ou a été déplacé
de force ; mais il arrive aussi qu'une politique de disparitions
forcées soit pratiquée par ceux qui détiennent le pouvoir
ou par leurs adversaires : des civils, arrêtés ou
capturés, ne parviennent jamais dans le circuit carcéral ou ne
sont jamais vus aux mains de l'opposition.
Pour
éviter que des combattants ne soient portés disparus, le CICR
attire l'attention des autorités sur la nécessité de
prendre certaines mesures : veiller au port d'un document
d'identité ou d'une médaille avec matricule par les combattants,
être prêt à localiser les tombes et à recueillir les
objets personnels, créer un organisme habilité à traiter
ces cas. Si la trace de combattants a néanmoins été perdue
sur le champ de bataille, le CICR demande que des informations soient
récoltées, par exemple, que la liste des
décédés soit dressée. Il peut se mettre à
la disposition des Parties pour faciliter l'échange de communications et
la recherche de ceux dont le sort n'est pas élucidé.
L'action en faveur des civils est surtout corrective.
Les délégués du CICR s'efforcent de remettre en contact
avec leurs proches des personnes qui ont fui, ont été
déplacées, n'ont plus les moyens de donner leurs nouvelles.
Lorsque les moyens de communication habituels sont interrompus, le CICR met en
place et coordonne un réseau d'échange de nouvelles familiales
donnant à tous ceux qui sont touchés par les
évènements la possibilité de reprendre et d'entretenir le
contact avec leurs proches.
Ce
réseau permet aux membres d'une même famille d'échanger des
nouvelles personnelles, généralement par le biais des messages.
Ces messages se présentent sous la forme de lettres non scellées,
que les autorités peuvent lire. Lorsque les moyens techniques
appropriés sont disponibles et que la situation le permet du point de
vue de la sécurité, les messages peuvent être
envoyés par la voie électronique. Dans ce cas, le message est
adressé par l'expéditeur à un bureau du CICR ou de la
Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge, où son contenu est
contrôlé. Il est ensuite transmis à son destinataire. Dans
d'autres cas des téléphones satellite ou portables sont mis
à la disposition des personnes qui souhaitent rassurer leurs proches.
Avec l'accord des intéressés, les listes de noms de personnes
cherchant à donner de leurs nouvelles ou à obtenir des nouvelles
de parents peuvent aussi être diffusées, sous forme écrite
(par voie de presse ou dans des publications ad hoc) et sur le site Web du CICR
ou encore par le biais de messages radiodiffusés ou
télévisés. Ainsi en Angola, depuis mai 2002, plus de
190 000 messages Croix-Rouge ont été échangés
entre des membres d'une même famille, ce qui a permis de rétablir
le contact après la longue guerre civile. Plus de 10 000 noms de
personnes recherchées par leur famille figurent sur le site Web du CICR
« Rétablir les liens familiaux », ainsi que
dans un livre largement diffusé dans le pays et à
l'extérieur. Plus de 1 500 enfants séparés de leur
famille ont été réunis avec leurs proches40(*).
En
revanche, lorsqu'il est confronté à une politique de disparitions
forcées, le CICR ne reçoit pas de réponses à ses
interventions ou en reçoit d'insatisfaisantes. S'il a la conviction
qu'une personne est décédée, il s'efforce d'en obtenir la
confirmation pour que sa famille puisse assumer ce deuil. Il intervient
notamment auprès des autorités pour obtenir une notification
officielle, afin que les proches du disparu puissent régler les
problèmes en suspens, tels que la succession ou l'octroi d'une
pension.
Le
CICR et les Sociétés nationales de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge reçoivent les demandes de recherches émanant des
familles qui sont sans nouvelles de proches disparus dans les situations de
conflit armé. Afin de disposer d'autant d'éléments que
possible pour localiser les personnes recherchées ou établir leur
sort, il faut verser au dossier de recherches des renseignements personnels
complets, des informations sur les circonstances de la disparition et tous
enregistrements ou témoignages qui pourraient aider à
élucider le sort de la personne. Chaque fois que possible, le personnel
du CICR et des Sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge
s'entretient avec des témoins éventuels, consulte les registres
disponibles et lance des appels publics en vue de recueillir des renseignements
supplémentaires. Les documents collectés et la confirmation
d'informations peuvent apporter des réponses aux familles.
Les
demandes de recherches qui n'ont pas abouti sont soumises aux autorités
et aux responsables chargés de collecter l'information sur le sort des
personnes concernées. Il est fréquent que le CICR soutienne -
voire préside - des mécanismes spécifiques, tels que des
commissions ou des groupes de travail multilatéraux, auxquels
participent toutes les parties concernées pour renforcer le processus
d'échange et de suivi des informations sur les personnes disparues.
En
somme, l'action du CICR, dans les conflits étatiques internes, est
fondée sur l'art. 3 commun aux Conventions de Genève et sur le
Protocole Additionnel II. Ce même article 3 lui reconnaît le droit
d'offrir ses services aux Parties belligérantes, afin d'entreprendre des
actions de secours et de visiter les personnes détenues en relation avec
le conflit.
Cependant, malgré les efforts du CICR, les
civils continuent à être frappés de plein fouet par les
conflits étatiques internes. Ils restent les principales victimes des
violations du DIH commises par les forces gouvernementales et les groupes
armés non étatiques. Les attaques délibérées
contre les civils, le déplacement forcé des populations, la
destruction d'infrastructures vitales pour la population civile et de biens de
caractère civil, ne sont que quelques exemples d'actes interdits qui
sont perpétrés régulièrement. Le CICR est donc
confronté à des contraintes qui peuvent, sans nul doute, remettre
en cause l'effectivité de son action. Ainsi, que doit-il faire pour
faire face à ces contraintes ? Nous tenterons de répondre
à cette interrogation dans nos développements qui suivront.
Le CICR est
confronté à de nombreuses contraintes dans la mise en oeuvre de
ses activités dans les conflits étatiques internes
(Chapitre I). Ces contraintes sont le plus souvent le
résultat de la méconnaissance ou du manque de respect volontaire
des règles essentielles du droit des conflits armés. Ainsi des
perspectives peuvent être envisagées pour que l'organisme
impartial et neutre qu'est le CICR puisse mener à bien son action dans
ces conflits (Chapitre II).
Chapitre I : Les contraintes
Selon
Jakob KELLENBERGER41(*), « une relation spéciale lie le
CICR au DIH. Le CICR a été à l'origine de la codification
de la majeure partie du DIH en vigueur de nos jours ou y a
participé ; par ailleurs, le DIH a expressément reconnu la
mission du CICR et formalisé le mandat que lui a conféré
la Communauté internationale. Aussi, tout en gardant à l'esprit
que c'est aux Etats Parties aux Conventions de Genève qu'incombe la
responsabilité première de respecter et de faire respecter le
DIH, les défis que le DIH doit relever sont d'une importance
fondamentale pour le CICR42(*) ».
Les
contraintes qui entravent l'action du CICR dans les conflits étatiques
internes sont multiples. Cependant elles peuvent être regroupées
sous deux catégories. Elles peuvent être soulevées aux
plans politique et juridique (Section 1). A cela s'ajoutent
des contraintes opérationnelles (Section 2).
Section 1 : Aux plans politique et juridique
Ce
sont, entre autres, les contraintes liées à l'attitude des
Parties belligérantes (Paragraphe 1) et celles
liées à la mise en oeuvre du DIH (Paragraphe
2).
Paragraphe 1 : Les contraintes liées à
l'attitude des Parties belligérantes
Il
s'agit essentiellement du refus d'applicabilité du DIH par les Parties
belligérantes (A) et de leur absence de volonté
politique pour mettre en oeuvre le DIH (B).
A. Le refus de l'applicabilité du
DIH
Il
n'est pas rare qu'une Partie à un conflit étatique interne - un
Etat ou un groupe armé - nie l'applicabilité du DIH, et il est
alors difficile pour le CICR d'engager une discussion sur le respect du droit.
Les
autorités gouvernementales peuvent être amenées à
nier l'applicabilité du DIH si elles ne sont pas d'accord pour qu'une
situation particulière ne soit qualifiée de conflit armé.
Elles affirmeraient au contraire qu'il s'agit d'une situation de
« tension » ou de simple banditisme et que cette
situation ne saurait être assimilée à celle d'un conflit
armé. Un Etat peut aussi se montrer réticent à permettre
toute négociation ou entrée en matière qui, de son avis,
conférerait une
« légitimité » au groupe
armé.
Des
groupes non étatiques peuvent aussi nier l'applicabilité du DIH
en refusant de reconnaître un corpus de droit créé par les
Etats, ou en affirmant qu'ils ne sauraient être liés par des
obligations qui ont été ratifiés par le gouvernement
contre lequel ils luttent. En pareil cas, le droit constituera rarement un
cadre de référence pertinent, en particulier pour les groupes
dont les actions sont déterminées par une idéologie
forte.
Les
règles tirées du DIH sont probablement encore plus difficiles
à appliquer, aujourd'hui, dans un contexte qui se caractérise de
plus en plus par la guerre asymétrique à cause de l'engagement
des groupes armés non étatiques et par la guerre urbaine
La
guerre asymétrique est caractérisée par des
inégalités significatives entre les capacités militaires
des parties belligérantes. Son but fondamental consiste à trouver
le moyen d'éviter la supériorité militaire de la Partie
adverse. L'asymétrie rend souvent les confrontations armées
aujourd'hui les plus brutales, et il semble qu'elle laisse peut d'espace
à la règle de droit. Si la guerre asymétrique
présente de nombreuses facettes, elle touche spécifiquement les
règles les plus fondamentales sur la conduite des hostilités,
à savoir le principe de distinction et l'interdiction de la perfidie.
Lorsqu'elle fait l'objet d'une attaque, une Partie
belligérante qui a moins de capacité militaire et technologique
peut être tentée de se soustraire aux méthodes et moyens de
guerre modernes sophistiqués. En conséquence, elle peut
être amenée à s'engager dans des pratiques interdites par
le DIH, telles que feindre d'avoir un statut protégé, fondre les
combattants et les objectifs militaires au sein de la population civile et les
biens de caractère civils ou utiliser les civils comme boucliers
humains. Ces pratiques augmentent clairement le risque de provoquer incidemment
des pertes de la population civile et des dommages aux biens de
caractère civil. La Partie qui fait l'objet de l'attaque peut parfois
même chercher délibérément à provoquer de
telles pertes et dommages incidents. Le but final peut être de
bénéficier de la forte impression négative
véhiculée par la couverture médiatique de ces incidents.
L'idée est de « générer » des images
de personnes civiles tuées ou blessées, et de ce fait, de porter
atteinte au soutien dont bénéficie l'adversaire pour continuer
son action militaire.
Les
Etats ou les groupes armés désavantagés technologiquement
peuvent tenter de tirer parti du statut protégé de certains
objets (sites religieux ou culturels, unités médicales) pour
lancer des attaques. Des méthodes de combat telles que feindre d'avoir
le statut de civil ou de non combattant et mener des opérations
militaires au milieu d'une foule de civils constituent une perfidie. En outre,
la Partie la plus faible peut tenter de lancer des attaques directes contre les
« cibles faciles ». C'est parce que ces attaques
causent les plus lourds dommages dans les sociétés modernes ou
c'est parce que cette Partie est incapable d'atteindre le personnel ou les
installations militaires de l'ennemi. En conséquence, la violence est
dirigée contre les personnes civiles et les biens de caractère
civil, parfois sous la forme d'attaques suicide. Le recours à la prise
d'otages est également un phénomène fréquent.
Les
dangers de la guerre asymétrique concernent également les moyens
de guerre susceptibles d'être utilisés par la Partie
désavantagée. Il est de plus en plus vraisemblable que les Etats
et groupes armés qui sont impuissants face à un armement
sophistiqué cherchent à acquérir ou à construire
des armes chimiques, biologiques... contre lesquelles les moyens traditionnels
de défense de la population civile et des biens de caractère
civil sont inappropriés.
Le
refus d'applicabilité du DIH est aussi notable dans la guerre urbaine.
Dans cette situation, les opérations militaires au sol en milieu urbain
sont particulièrement complexes : ceux qui se défendent
contre une attaque bénéficient d'innombrables positions de tir et
peuvent lancer une attaque n'importe où et à tout moment. La peur
d'une attaque surprise est susceptible d'entraver la capacité des forces
armées de l'attaquant à identifier correctement les forces
ennemies et les objectifs militaires, et à évaluer les pertes
civiles et les dommages contre les biens civils qui pourraient incidemment
résulter de ses opérations. De même, les tirs d'artillerie
et les bombardements aériens contre des objectifs militaires
situés dans les villes sont compliqués, car ces objectifs se
trouvent à proximité de la population civile et des biens de
caractère civil.
Dans
de telles situations, le plus souvent, c'est la volonté ou parfois la
capacité des Parties de mettre en oeuvre le DIH, notamment par le biais
du droit pénal, qui fait défaut.
B. L'absence de volonté politique pour mettre
en oeuvre le DIH
Dans
les conflits étatiques internes, il se peut qu'une Partie ne manifeste
que peu de volonté politique, voire aucune, de se conformer aux
dispositions du DIH. Il est très probablement difficile de
déterminer la force de la volonté politique dans une situation
donnée, mais une connaissance approfondie du contexte, ainsi que de bons
contacts et un dialogue avec des personnalités influentes de cette
Partie, seront utiles.
Même au sein d'une Partie à un conflit,
les attitudes des différentes factions peuvent être diverses. Par
exemple, il se peut que l'aile militaire reconnaisse l'importance du respect du
droit, alors que les représentants politiques n'admettent pas
l'applicabilité du DIH et n'appuient pas la mise en oeuvre de ses
dispositions. L'inverse est aussi possible.
Lorsqu'un objectif militaire d'une Partie à un
conflit étatique interne est intrinsèquement contraire aux
principes, aux règles et à l'esprit du DIH, la volonté
politique d'appliquer là le droit fera défaut.
Considérons, par exemple, des Parties qui commettent certains actes dans
le cadre d'une attaque généralisée ou systématique
contre une population civile déterminée, ou des Parties qui ne
s'intéressent qu'à saisir le contrôle des ressources ou des
richesses économiques. En pareils cas, les violations du DIH sont les
moyens par lesquels les objectifs sont poursuivis.
Le
respect insuffisant des règles du DIH est le résultat constant et
malheureux de l'absence de volonté politique et de capacité
pratique des Etats et des groupes armés engagés dans les conflits
étatiques internes de se conformer à leurs obligations
juridiques. Cette attitude découle notamment du manque de connaissances
de leurs obligations et responsabilités, de la part des autorités
civiles et militaires assumant des responsabilités quant à la
mise en oeuvre du DIH. Elle peut aussi découler du manque de diffusion
du DIH. En effet, dans la plupart des cas, le manque de volonté des
Parties à appliquer les règles régissant les conflits est
dû à la méconnaissance du contenu de ces règles.
Le
CICR a toujours été conscient du fait qu'il ne peut y avoir de
respect des règles du DIH sans leur connaissance, c'est pourquoi qu'il
est inscrit une obligation de diffusion dans tous les instruments du droit des
conflits armés. Cependant cette obligation souffre d'un défaut de
contrôle. La diffusion est une responsabilité nationale mais
malgré cet engagement, la pratique des autorités laisse,
toutefois, souvent à désirer.
Paragraphe 2 : Les difficultés d'application du
DIH
Il
convient de mettre en exergue les contraintes qui sont relatives à
l'application des textes conventionnels dans les conflits étatiques
internes (A) et les difficultés qui peuvent être
notées dans l'appréhension du caractère interne d'un
conflit armé (B).
A. Les contraintes relatives à l'application
des textes conventionnels
Deux
obstacles de taille entravent l'application des textes conventionnels dans les
conflits étatiques internes actuels.
D'abord les textes ne s'appliquent qu'aux Etats qui
les ont ratifiés. De ce fait, les traités de DIH qui s'appliquent
dans tel ou tel conflit varient en fonction des instruments conventionnels que
les Etats concernés ont ratifiés. Si les quatre Conventions de
Genève ont été ratifiés par presque tous les Etats,
tel n'est pas le cas à ce jour, des Protocoles Additionnels. Le
Protocole Additionnel II n'est applicable que dans les conflits armés
qui se déroulent sur le territoire d'un Etat qui l'a ratifié or,
si l'on compte quelque 150 Etats qui ont ratifié ce texte, tel n'est pas
le cas de plusieurs pays dans lesquels se déroulent des conflits
armés non internationaux. Dans ces conflits, l'art. 3 commun aux
Conventions de Genève demeure souvent l'unique disposition applicable
d'un traité de droit humanitaire.
Ensuite, une proportion importante des conflits
armés d'aujourd'hui n'est pas régie de manière
suffisamment détaillée par ces nombreux traités. La raison
essentielle en est que la majorité des conflits armés actuels ne
sont pas de caractère international ; de ce fait, ils font l'objet
d'un nombre de règles conventionnelles bien inférieur à
celui des règles qui régissent les conflits internationaux. En
réalité, les traités qui s'appliquent aux conflits
étatiques internes ne sont guère nombreux : il s'agit de la
Convention sur certaines armes classiques, telle qu'amendée du Statut de
la CPI, de la Convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel,
de la Convention sur les armes chimiques, de la Convention de La Haye pour la
protection des biens culturels et de son Deuxième Protocole et, du
Protocole Additionnel II et l'art. 3 commun aux Conventions de Genève.
L'art.3 commun revêt une importance capitale, mais il ne fixe qu'un cadre
rudimentaire de normes minimales. Le Protocole Additionnel II complète
utilement l'art.3 commun, mais il demeure moins détaillé que les
règles qui régissent les conflits armés internationaux
dans les Conventions de Genève et dans le Protocole Additionnel I.
Le
Protocole Additionnel II ne contient guère que 15 articles de fond,
là où le Protocole Additionnel I en compte plus de 80. Ces
chiffres ne sont sans doute pas si importants en soi, mais ils mettent en
évidence une nette disparité dans la réglementation
touchant les conflits armés, selon qu'ils sont internationaux ou non.
Les conflits étatiques internes souffrent d'un manque de règles,
de définitions, de dispositions détaillées et d'exigences
en droit conventionnel. Telle est la situation, alors même que la majeure
partie des conflits sont aujourd'hui non internationaux.
Plus
spécifiquement, le Protocole Additionnel II ne contient qu'une
réglementation très rudimentaire de la conduite des
hostilités. L'art.13 dispose que « ni la population civile
en tant que telle, ni les personnes civiles ne devront être l'objet
d'attaques (...) sauf si elles participent directement aux hostilités et
pendant la durée de cette participation ». Or,
contrairement au Protocole Additionnel I, le Protocole Additionnel II ne
contient ni règles, ni définition s spécifiques concernant
les principes de distinction et de proportionnalité.
Ces
obstacles de taille notées dans l'application des textes conventionnels
dans les conflits étatiques internes auront, sans doute, des
répercussions graves sur l'intervention la compétence du CICR
dans ces types de conflit.
B. Les difficultés dans l'appréhension
du caractère interne d'un conflit armé
Il
s'agit de montrer le problème de la constatation de l'existence d'un
conflit étatique interne qui risque de se poser en termes aigus et de
mettre en relief les problèmes qui peuvent survenir dans la distinction
conflit armé international et conflit armé non international.
Le
principe dominant du DIH dans les conflits étatiques internes est
d'enlever au gouvernement légal directement concerné
l'appréciation discrétionnaire de l'existence d'un état de
conflit : toute autre solution équivaudrait à faire
resurgir, dans un contexte nouveau, l'esprit de la reconnaissance facultative
de belligérance. La détermination de l'existence du conflit doit
répondre à des conditions objectives... De fait, tous les Etats
parties aux Conventions de Genève ont le droit et l'obligation de faire
respecter les dispositions de l'art. 3 commun aux Conventions de Genève
et du Protocole Additionnel II. Ils peuvent donc théoriquement pour
faire constater l'existence d'un conflit étatique interne. Mais si le
gouvernement de l'Etat en proie à la lutte armée n'a pas cru bon
de prendre lui-même une telle initiative, l'action entreprise par le
gouvernement tiers risque d'être dénoncée comme une
inadmissible ingérence dans les affaires intérieures de l'Etat
intéressé. On retrouve ici, toute proportion gardée, les
réactions que provoque la reconnaissance de belligérance
émanée d'une puissance tierce, lorsque le gouvernement
légal continue de considérer les insurgés comme les purs
et simples criminels.
La
distinction opérée entre les conflits armés internationaux
et les conflits armés non internationaux peut aussi présenter des
difficultés dans la qualification d'une guerre. En effet, la stricte
division du DIH en règles applicables dans le cadre de conflits
armés internationaux et règles applicables aux conflits qui ne
sont pas de caractère international est presque universellement
critiquée. Ces difficultés sont plus notables surtout en ce qui
concerne les conflits internationalisés, c'est-à-dire les
conflits armés présentant, tout à la fois, les
caractéristiques d'un conflit interne et d'un conflit international.
Cette « internationalisation » a institué
des tests complexes qui, dans la pratique, sont quasiment irréalisables.
L'exemple de la RDC illustre bien la complexité d'un conflit
internationalisé. Ce pays est en proie à neuf conflits -
internes, internationaux ou internes internationalisés - dans lesquels
sont engagés six armées nationales et 21 groupes
irréguliers. Le plus grave oppose le gouvernement de Kinshasa au
Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) allié du Rwanda,
à l'Ouganda et au Burundi. Le RCD a subi plusieurs scissions et la
faction soutenue par l'Ouganda a affronté celle appuyée par le
Rwanda sur le sol congolais, en y provoquant des pertes humaines et
matérielles. Le Mouvement de Libération du Congo (MLC) lutte
contre le gouvernement. Un autre conflit, attisé par les par les forces
armées ougandaises, oppose les ethnies hema et lendu.
Dans tous ces conflits, les victimes sont toujours les congolais43(*).
Et
même lorsqu'un conflit est internationalisé, il est difficile de
déterminer quel droit est applicable, car les relations et les
présences militaires changent. En outre, la dichotomie
« international/non international » du DIH peut
faire l'objet d'incroyables manipulations politiques, souvent au
détriment de la protection humanitaire.
Cependant les difficultés que rencontrent le
CICR sont plus remarquables dans le déroulement de ses opérations
dans les conflits étatiques internes. Elles vont des problèmes
d'accès aux victimes à la question de la sécurité
du personnel du CICR.
Section 2 : Au plan opérationnel
Sur le
plan opérationnel, le CICR rencontre des difficultés qui sont
relatives à l'accès aux victimes des conflits étatiques
internes (Paragraphe 1) et celles qui existent entre
les acteurs présents sur le terrain, c'est-à-dire entres acteurs
actifs dans la guerre (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les problèmes liés à
l'accès aux victimes
Les
problèmes que rencontre le CICR pour avoir accès aux victimes
sont soit liés aux difficultés relatives à l'inspection
des zones (A), soit à l'absence de dialogue entre le CICR et les
Parties belligérantes (B).
A. Les difficultés relatives l'inspection des
zones
Les
Etats ont le devoir de s'occuper de leurs citoyens. Les populations civiles,
dont les besoins, dans bien des cas, ne sont pas satisfaits en temps de
conflits étatiques internes, doivent être en mesures de s'adresser
aux organisations humanitaires internationales et d'être secourues par
elles. Malheureusement, ces organisations, à l'instar du CICR, se voient
parfois refuser l'accès aux zones où se déroulent les
pires abus contre les populations protégées, au moment où
ces actes sont commis.
L'accès aux victimes peut être
gênées par une instrumentalisation des Parties
belligérantes sur les organisations humanitaires.
Du
côté gouvernemental, le but est pour l'Etat de laisser les
organisations humanitaires arriver, pour faire bonne figure, tout en assurant
le contrôle total sur leur moindre geste. L'Etat peut, par exemple,
imposer une liste de lieux d'atterrissage et interdit aux organisations
humanitaires telles que le CICR de distribuer l'aide elles-mêmes. Elles
sont cantonnées en des lieux déterminés, et ne sont, le
plus souvent, pas en contact direct les victimes des conflits. Le CICR et les
autres organisations humanitaires sur le terrain sont engagés dans un
bras de fer permanent pour pouvoir accéder aux populations les plus
à risque.
Quant
aux rebelles, l'aide des organisations humanitaires représente une
ressource considérable pour leur mouvement. Eux aussi, ils ont tendance
à éloigner ces organisations des populations civiles pour pouvoir
détourner une partie significative de l'aide apportée aux
victimes des conflits.
Cette
instrumentalisation a plusieurs conséquences. Elle facilite la
logistique des mouvements rebelles. En effet, dans une telle situation, les
organisations humanitaires ont tendance à livrer les stocks d'aide par
air dans des zones d'accès routier très difficile. Le
gouvernement a une bonne excuse de refuser l'acheminement d'aide aux
régions en crise, sachant qu'elle aboutit en grande partie dans les
entrepôts des rebelles. C'est dans ce contexte que le régime de
Mengistu, en Ethiopie, aurait refusé l'acheminement de vivres comme arme
contre des groupes d'opposition armés, y compris en interdisant les
mouvements de secours de secours après une famine à la fin de
198944(*).
Ainsi,
on constate, dans plusieurs conflits étatiques internes, que l'aide
apportée par le CICR aux populations civiles est suffisante mais
n'arrive pas à la destination souhaitée du fait de l'utilisation
qui en est faite par les Parties au conflit. L'aide humanitaire assure dans
l'armée gouvernementale, à côté du butin des
prédations, la loyauté des troupes, le soutien des milices
tribales et une grande latitude vis-à-vis des autorités civiles.
De ce fait la famine gagne du terrain chez les populations qui ne peuvent pas
avoir un accès direct avec le CICR tandis que l'armée
gouvernementale ou la partie dissidente s'enrichit.
B. Les difficultés relatives à
l'accès aux populations dispersées
Dans
les conflits étatiques internes, il n'existe pas de base conventionnelle
explicite donnant au CICR l'accès aux personnes privées de
liberté. Ni l'art. 3 commun aux Conventions de Genève, habilitant
le CICR à offrir ses services, ni le Protocole Additionnel II ne
mentionnent les visites à des détenus ni les prérogatives
particulières du CICR à ce sujet. Ainsi, juridiquement, les
Parties concernées n'ont pas l'obligation d'accepter les visites du CICR
à des détenus dans ces conflits. Le CICR doit ainsi
négocier, y compris avec les groupes armés et les
éventuelles entités non étatiques, des autorisations.
Cependant, obtenir l'accès aux détenus est parfois très
difficile. Dans certains contextes, le CICR est présent mais ne peut pas
avoir accès aux détenus. De même, d'autres contextes
où le CICR souhaiterait être actif restent clos, les
autorités compétentes se montrant totalement hermétiques
au dialogue avec le CICR sur toute question liée à la
détention dans son ensemble et plus particulièrement sur celle
concernant la possibilité d'accès aux détenus. Dans
d'autres cas, comme dans le conflit tchétchène, bien que les
autorités russes, en novembre 2004, aient accepté le principe des
visites du CICR aux détenus, il n'y a pas eu d'accord au sujet des
procédures traditionnelles du CICR45(*). Dans la plupart des cas, ces détenus sont
souvent considérés comme des ennemis. De ce fait, leur vie
quotidienne dans les prisons est dure. Il arrive qu'ils souffrent de la faim,
de la maladie ou du sadisme des gardiens de prison. Il arrive aussi que le CICR
n'obtienne pas entière satisfaction, certaines autorités
n'autorisant l'accès qu'à une partie des personnes privées
de liberté ou seulement après un certain délai46(*).
Répondre à l'angoisse des milliers de
familles depuis longtemps sans nouvelle de leurs proches portés disparus
est un problème majeur que le CICR se retrouve confronté lors des
conflits armés, notamment dans les guerres civiles. Malgré le
réseau de messages Croix-Rouge qui constitue un excellent moyen pour les
personnes déplacées ou réfugiées de renouer le
contact, il arrive que des lettres ne trouvent pas leurs destinataires. Dans la
plupart des situations, l'action du CICR est entravée par le manque de
volonté des autorités ou des Parties concernées. C'est le
cas, par exemple, des disparitions forcées qui
« impliquent des violations des droits de l'homme fondamentaux,
tels que le droit à la vie, à la liberté et à la
sécurité personnelle, le droit de ne pas être soumis
à la torture ou à des traitements cruels, inhumains ou
dégradants, le droit de ne pas être arrêté ou
détenu arbitrairement et le droit d'être jugé
équitablement et publiquement »47(*). Selon le statut de la CPI,
cette pratique constitue un crime contre l'humanité. Elle est
considérée comme « les cas où des personnes
sont arrêtées, détenues ou enlevées par un Etat ou
une organisation politique ou avec l'autorisation ou l'assentiment de cet Etat
ou de cette organisation, qui refuse ensuite d'admettre que ces personnes sont
privées de liberté ou de révéler le sort qui est
réservé à l'endroit où elles se trouvent, dans
l'intention de les soustraire à la protection de la loi pendant une
période prolongée »48(*). Il convient de relever aussi
que, même si c'est la pratique généralisée de la
disparition forcée qui est constitutive du crime contre
l'humanité, toute disparition forcée est une violation du DIH et
du DIDH. Il en est même pour la privation arbitraire de
liberté.
De
plus les contraintes relatives à l'accès du CICR aux victimes
sont étroitement liées à la sécurité de son
personnel ainsi que pour les actions qui visent à développer un
dialogue bilatéral avec les belligérants sur le respect du DIH et
formuler des observations s'il est violé.
Paragraphe 2 : Les difficultés entre acteurs sur
le terrain
Il
s'agit de l'insécurité du personnel du CICR
(A) et de la compétition du CICR et des autres acteurs
sur le terrain (B).
A. L'insécurité du personnel du
CICR
La
sécurité du personnel humanitaire est une condition indispensable
à l'acheminement des secours humanitaires et à l'accès aux
populations civiles victimes des conflits étatiques internes. Bien que
l'art.18, par.2 du Protocole Additionnel II exige que des actions de secours
soient organisées en faveur de la population civile dans le besoin, le
Protocole ne contient pas de disposition spécifique sur la
protection du personnel chargé des secours humanitaires. Or, cette
règle est indispensable pour le succès des actions des
organisations humanitaires en général et plus
particulièrement du personnel du CICR en faveur des populations. Les
menaces de sécurité dans les conflits étatiques internes
sont répandues, en particulier dans les conflits qui ne sont pas
structurés ou lorsque les Parties au conflit ne sont pas capables
d'offrir les garanties de sécurité effectives. De ce fait, le
CICR, dans ses interventions est confronté à des contraintes de
sécurité.
Ces
contraintes peuvent être dues à la confusion entre actions
militaires et humanitaires. Cette confusion complexifie
énormément le travail au quotidien des humanitaires dans les
zones les plus sensibles. Elle augmente la méfiance des acteurs
armés vis-à-vis des organisations humanitaires et plus
particulièrement du CICR et suscite des suspicions sur une
éventuelle collaboration avec les forces armées. Dès
qu'une organisation humanitaire est perçue comme
« collaborateur » ou un
« infiltré », elle devient vite un
« objectif militaire » du groupe armé
concerné.
Ces
contraintes peuvent aussi être dues à la multiplication des
factions. Ce qui entraînera une impossibilité pour les
autorités à assurer la sécurité du personnel
humanitaire sur le terrain. C'est le cas des attaques lancées contre un
véhicule transportant du véhicule du CICR au Burundi en 1996. Le
Président et le Premier Ministre du Burundi avaient tous deux
déclaré qu'ils déploraient cet incident et avaient, du
même coup, manifesté leur incompétence à garantir
efficacement la sécurité du personnel du CICR49(*).
Les
couvertures médiatiques peuvent aussi être une cause de
l'insécurité du personnel du CICR. En effet, ces couvertures
peuvent provoquer des erreurs embarrassantes. Des informations tenues
secrètes peuvent échapper et compliquer la mise en place de
l'aide ou perturber la sécurité du personnel humanitaire.
Les
contraintes de sécurité du personnel du CICR peuvent se
manifester de diverses manières. Il s'agit essentiellement des mauvais
traitements, des violences physiques et morales, du meurtre, de
l'enlèvement, de la prise d'otages, du harcèlement, du rapt, de
l'arrestation et des détentions illégales du personnel du CICR.
C'est dans cette optique qu'on a assisté le 26 avril au Congo à
la mort tragique et brutale de six collaborateurs du CICR50(*). Aussi, le CICR a
consigné, en Colombie 35 cas d'infractions commises contre la mission
médicale en 2008. Les principales infractions observées sur le
terrain ont été : menaces individuelles, privation de
liberté des membres du personnel de santé dans l'exercice de leur
profession, entraves aux soins de santé aux blessés et aux
malades, ainsi qu'entraves aux évacuations médicales et à
l'accès de la population civile aux services de santé, et
attaques directes contre des unités sanitaires ou du personnel de
santé.
En
plus de ces formes de contraintes exercées sur le personnel du CICR, il
existe d'autres qui peuvent survenir indépendamment de la volonté
des Parties belligérantes. Il s'agit des bombardements et des mines qui
peuvent entraver l'action du CICR. C'est dans cette lancée que le CICR
avait suspendu partiellement ses activités dans le nord de la Casamance
suite à l'explosion d'une mine anti-véhicule ayant tué une
déléguée et blessé trois autres collaborateurs en
septembre 200651(*).
Les
contraintes de sécurité du personnel du CICR peuvent enfin
être notées à travers l'attaque des biens du CICR
utilisés dans les opérations de secours humanitaires. Selon les
Statuts de la CPI et du Tribunal spécial pour la Sierra Léone, le
fait de lancer des attaques délibérées contre les
installations, le matériel, les uniformes ou les véhicules
employés dans le cadre d'une mission d'aide humanitaire
conformément à la Charte des NU est considéré comme
un crime de guerre dans les conflits armés non internationaux, pour
autant que ces biens aient droit à la protection que le droit
international des conflits armés garantit aux biens de caractère
civil52(*).
Selon
Jakob KELLENBERGER, les vrais défis du Comité en matière
de sécurité de son personnel sont plus notables en Angola,
au Rwanda, en Ouganda, au Sahara Occidental, en Colombie... Cependant, à
côté de ceux-ci, il existe d'autres qui doivent être
relevés. Il s'agit des problèmes qui naissent entre acteurs
humanitaires dans leur intervention sur le terrain.
B. La compétition entre acteurs sur le
terrain
Les
mesures prises par la Communauté internationale peuvent perdre leur
efficacité dans les conflits étatiques internes lorsque les
différents acteurs humanitaires ne s'en tiennent pas à leurs
mandats spécifiques et respectifs. En effet, cela limite le champ
d'action des organismes humanitaires internationaux concernés ainsi que
les moyens d'atteindre les objectifs fixés. Si la coordination entre les
organisations humanitaires sur le terrain fait défaut, les victimes des
conflits risquent de ne pas bénéficier du soutien dont elles ont
besoin tandis que d'autres reçoivent une aide supérieure à
leurs besoins. Il en est aussi de même si elles ne sont pas claires sur
les zones qu'elles peuvent ou ne peuvent pas atteindre. Une
indépendance totale n'est pas aussi conciliable avec une participation
à des initiatives où l'organisation humanitaire ne garde pas sa
propre capacité décisionnelle ou lorsque la perception de son
identité risque d'être bafouée si elle s'associe à
d'autres entités dont l'agenda n'est pas exclusivement humanitaire.
Les
rapports entre les Etats et les ONG ou le CICR sont fragiles. L'intervention de
l'Etat sur le plan humanitaire est parfois considérée comme un
moyen d'éluder la réponse politique face à une situation.
Le conflit en ex Yougoslavie illustre bien cette situation. D'autre part, le
partenariat parfois l'institutionnalisation des liens est équivoque. Il
peut servir à défendre les intérêts d'un Etat. Les
associations gèrent de façon hétérogène ces
relations. L'accroissement des liens entre Etat et autres acteurs humanitaires
est difficile à mettre en place. La tentative du Commission Consultative
de l'Action Humanitaire (CCAH) a échoué en 199453(*).
D'autres part, des problèmes de cohabitation
peuvent exister entre le CICR et les médias. Ici, la critique
essentielle porte sur la mise en scène de l'information par les
médias, qui limite la compréhension du citoyen à la
réalité de la situation. La télévision
privilégie l'image instantanée diffusée au
détriment de l'analyse. Ainsi, la complexité des relations entre
médias et acteurs humanitaires, en général, peut trouver
une explication du fait que les logiques ne sont pas les mêmes : les
médias ne veulent pas être au service des humanitaires et ceux-ci
ne veulent pas être instrumentalisés. Chacun veut conserver son
indépendance. De plus, l'action humanitaire n'est guère
favorisée par les médias. Il est donc incontestable qu'il
subsiste une incompréhension des deux côtés. Les
médias ont sans doute une vision sommaire du milieu humanitaire.
Celui-ci doté toutefois de structures de communication,
appréhende difficilement ce monde médiatique complètement
différent du sien.
Chapitre II : Les perspectives pour une
effectivité de l'action du CICR
Une
action effective du CICR dans les conflits étatiques internes doit
nécessairement passer par une extension de son champ de
compétence. Pour ce faire, il faut, d'une part, un renforcement du cadre
juridique du CICR pour assurer une garantie de la mise en oeuvre de son action
(Section 1). D'autre part, il faut que le CICR adapte
son cadre opérationnel par rapport à la situation et ses
activités par rapport au conflit (Section
2).
Section 1 : Un renforcement du cadre juridique
Il
passe par un accroissement du respect du DIH (Paragraphe
1) et par l'élargissement des règles applicables
aux conflits étatiques internes (Paragraphe
2).
Paragraphe 1 : Accroissement du respect du DIH
Pour
mener à bien ses activités dans les conflits étatiques
internes, le CICR doit inviter les Parties à l'accroissement du respect
du DIH par des instruments juridiques (A) et l'inclusion du
DIH dans les codes de conduite (B).
A. Aux moyens des instruments juridiques
L'accroissement du respect du DIH dans les conflits
étatiques internes peut être effectif par le biais des instruments
juridiques comme les accords spéciaux ou les déclarations
unilatérales.
Comme
l'indique l'art. 3 commun aux Conventions de Genève, les accords
spéciaux permettent aux Parties aux conflits armés non
internationaux de s'engager explicitement à se conformer au droit
humanitaire. Un accord spécial peut, soit créer de nouvelles
obligations juridiques en allant au-delà des dispositions du DIH
déjà applicables dans les circonstances précises, soit
réaffirmer simplement le droit qui lie déjà les Parties,
indépendamment de l'accord. Il peut aussi se limiter à des
règles spécifiques qui sont particulièrement pertinentes
pour un conflit en cours ; en pareil cas, il conviendrait de
préciser clairement que le champ limité d'application de l'accord
est sans préjudice pour les autres règles applicables qui n'y
sont pas mentionnées.
Un
accord spécial peut prendre la forme d'une simple réaffirmation
du droit applicable dans le contexte et garantir que les Parties s'engagent
clairement à respecter le droit. Il fournira une base importante pour
des interventions de suivi permettant de remédier aux violations du
droit. Le fait qu'un leader identifiable pour chaque Partie ait
signé un accord spécial, prenant ainsi la responsabilité
d'adhérer à l'accord, fournit non seulement une personne contact
et un point de référence pour de futures représentations,
mais donne aussi un signal clair à ses forces. En outre, comme il est
fort probable qu'un accord spécial devienne public, un grand nombre
d'acteurs de la Communauté internationale seront au courant et pourront
peut-être aider les Parties à honorer leurs engagements. C'est
ainsi que, sous les auspices du CICR, les diverses Parties au conflit dans la
République de Bosnie-Herzégovine ont conclu un accord
spécial54(*). Le
fait que les Parties aient été réunies pour
négocier l'accord présente en soi un intérêt.
L'accord spécial peut inciter davantage à respecter le droit.
Les
engagements pris dans les accords spéciaux ont constitué une base
pour les interventions de suivi avec les Parties à un conflit,
concernant soit le respect du DIH en général soit une question
précise ou un objectif opérationnel. Par exemple, le CICR s'est
fondé sur l'accord de Bosnie-Herzégovine en 1992, lorsqu'il a
demandé aux Parties de mettre en vigueur leurs engagements et de lui
permettre de fournir secours et protection aux victimes du conflit. De
même, il a fondé ses représentations sur l'accord
spécial de 1998 aux Philippines55(*).
Les
déclarations unilatérales, quant à elles, ont pour but
principal de donner aux groupes armés la possibilité d'exprimer
leur engagement à respecter le DIH. Il convient de souligner que les
groupes armés restent liés par les dispositions et les
règles du DIH applicables à un conflit non international qu'ils
aient ou non fait une déclaration unilatérale.
Tout
comme les autres formes d'«engagement exprès »,
la signification d'une déclaration unilatérale ne réside
pas uniquement dans le fait qu'elle a été faite. Le processus de
négociation d'une telle déclaration peut être utile dans
l'engagement et le dialogue en cours avec un groupe armé. Les
déclarations unilatérales, une fois qu'elles ont
été faites, peuvent donner aux efforts de suivi une plus grande
influence pour encourager le respect du droit. Elles peuvent porter sur l'art.3
commun56(*) ou à la
fois sur l'art.3 commun et le Protocole Additionnel II57(*). Elles peuvent aussi
faire état de dispositions du DIH que le groupe armé s'engage
à respecter, sans référence à des dispositions
conventionnelles spécifiques.
Outre
les déclarations unilatérales faites à l'initiative des
groupes armés, le CICR peut demander aux groupes armés de faire
une déclaration écrite qui indique leur volonté de se
conformer au DIH. Ces demandes sont en général bilatérales
et confidentielles. Pour aller dans cette lancée, le CICR a
présenté de telles demandes notamment en Colombie, en
Indonésie, au Libéria et au Soudan.
De
plus, les déclarations peuvent être utilisées comme une
base des interventions de suivi du CICR pour l'examen des violations
alléguées du droit ou pour l'envoi d'un rappel
général à un groupe de l'engagement qu'il a pris
d'adhérer au DIH. De telles interventions se sont produites
auprès de groupes armés en Angola, en Colombie, au Nicaragua, au
Rwanda, en Afrique du Sud, à Sri Lanka...
D'autre part, le renforcement du respect du DIH peut passer
par l'inclusion dudit droit dans les codes de conduite.
B. Par l'inclusion du DIH dans les codes de
conduite
Les
codes de conduite compatibles avec les règles du DIH offrent un
mécanisme concret qui permet aux personnes de respecter le droit. Les
règles fondamentales du DIH devraient être
présentées sous une forme facilement compréhensible par
les membres du groupe armé. Le code de conduite devrait également
contenir une description des moyens nécessaires pour mettre en oeuvre le
DIH, notamment les sanctions internes.
Cet
instrument juridique fait fonction d'engagement exprès vis-à-vis
du droit, sur la base duquel des interventions peuvent avoir lieu concernant
son respect. Mais il peut avoir un impact direct sur la diffusion des
règles et sur la formation des membres du groupe armé.
Le
fait que la hiérarchie d'un groupe armé entreprenne ou accepte un
code de conduite relève son degré d'engagement à assurer
le respect du droit et de l'action des acteurs humanitaires présents sur
le terrain, notamment du CICR. Aussi des discussions avec la hiérarchie
d'un groupe armé sur l'élaboration d'un code de conduite ou sur
l'incorporation du DIH dans un code déjà existant peut favoriser
le processus d'engagement avec le groupe. La période de
négociations et de discussions concernant un code de conduite peut
servir à informer la direction d'un groupe armé sur le DIH, et
aussi à comprendre la volonté politique et les attitudes d'un
groupe armé concernant son respect.
Si un
groupe armé a fait une déclaration unilatérale, le CICR
peut lui suggérer d'élaborer un code de conduite comprenant le
DIH comme « prochaine étape » logique. En
offrant une assistance pour l'élaboration d'un code de conduite ou en
incluant le DIH dans un code déjà existant, le CICR peut
également aider le groupe à mettre en pratique les engagements
qu'il a pris dans la déclaration unilatérale.
Contrairement aux autres acteurs humanitaires qui
appellent publiquement souvent les groupes armés à
élaborer ou adopter des codes de conduite ou des
« règles d'engagement » pour leurs membres,
le CICR agit le plus souvent sur une base bilatérale et confidentielle.
Ainsi, les groupes armés ont élaboré des codes de conduite
internes, de leur propre initiative, à un moment ou un autre, en
Algérie, en Colombie, en El Salvador, en Côte d'Ivoire, au
Libéria, au Népal, en Sierra Léone, et dans d'autres pays.
Les codes de conduite varient suivant la manière dont ils
reflètent le DIH, se contentant quelquefois de ne mentionner que les
traditions locales ou des normes culturelles. Néanmoins, là
où un contact et un dialogue ont pu s'instaurer, les codes de conduite
ont fourni une base pour l'examen du droit. Dans certains cas comme en Colombie
et en El Salvador, le CICR a proposé de revoir et de commenter les codes
de conduite existants58(*).
En
plus des actions qu'il mène auprès des Parties
belligérantes dans les conflits étatiques internes, le CICR,
fidèle à sa mission préventive, agit aussi en temps de
paix en organisant des ateliers sur le DIH59(*) ou en diffusant ce droit dans les universités.
C'est dans cette lancée qu'il a organisé dans les
universités de Saint-Louis du Sénégal et de Niamey au
Niger des concours de plaidoirie en 200860(*).
Outre l'accroissement du respect du DIH, l'effectivité
de l'action du CICR exigerait aussi un élargissement des règles
applicables dans les conflits étatiques internes.
Paragraphe 2 : Elargissement des règles
applicables aux conflits étatiques internes
L'idée d'élargir les règles
applicables aux conflits étatiques internes a émergé avec
l'étude sur le DIHC entreprise par le CICR (A). L'application de cette
étude aux conflits et l'extension du régime juridique qui leur
est applicable nous amènerons néanmoins vers un nouveau DIH
applicable à ces conflits (B).
A. Des prémices avec l'étude du CICR des
règles DIHC
Le
droit conventionnel est bien développé et couvre de nombreux
aspects de la conduite de la guerre, en accordant une protection à un
large éventail de personnes en période de conflit armé et
en limitant les moyens et méthodes autorisés. Les Conventions de
Genève et leurs Protocoles Additionnels définissent un
régime très complet de protection des personnes qui ne
participent pas, ou plus, directement aux hostilités. Cependant, deux
obstacles de taille entravent l'application de du droit conventionnel dans les
conflits armés actuels et expliquent la nécessité et
l'utilité d'une application des règles coutumières du DIH.
Premièrement, les traités ne
s'appliquent qu'aux Etats qui les ont ratifiés. De ce fait,
différents traités de DIH s'appliquent dans différents
conflits armés, en fonction des instruments conventionnels que les Etats
concernés ont ratifiés. Si les quatre de Convention de
Genève de 1949 sont universellement ratifiées, il n'en va pas de
même pour leurs Protocoles Additionnels. Alors que près de 160
Etats ont ratifié le Protocole Additionnel I, plusieurs Etats dans
lesquels se déroulent les conflits armés non internationaux ne
l'ont pas fait. Dans ces conflits, l'art.3 commun aux Conventions de
Genève reste souvent l'unique disposition applicable.
Deuxièmement, pour une proportion importante de
conflits étatiques internes, le DIH conventionnel n'est pas assez
détaillé. Les règles conventionnelles qui s'appliquent
à eux sont, en effet, beaucoup moins nombreuses que pour les conflits
internationaux. Par exemple, le Protocole Additionnel II complète
utilement l'art.3 commun aux Conventions de Genève, mais il demeure
moins détaillé que les règles qui régissent les
conflits armés internationaux dans les Conventions de Genève et
le Protocole Additionnel I. Le Protocole Additionnel II ne contient
guère que 15 articles de fond, là où le Protocole
Additionnel I en compte plus de 80. De ce fait, on note une disparité
importante dans la réglementation opérée par le droit
conventionnel entre conflits armés internationaux et non internationaux,
en particulier lorsqu'il s'agit de règles et de définitions
détaillées.
C'est
dans cette optique que le CICR a entrepris une étude sur le DIHC suite
au mandat que lui a confié la Vingt-Sixième Conférence
internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge réunie du 3 au 7
décembre 1995 à Genève. Cette étude est le fruit de
près de dix ans de travaux et de recherches complétés par
de larges consultations61(*). En effet, la règle coutumière,
contrairement à la règle conventionnelle, s'impose à tous
les membres de la Communauté Internationale, qu'ils l'aient
expressément ou non acceptée. D'où l'intérêt
de mieux identifier les règles du DIH qui sont de nature
coutumière et qui sont dès lors d'application universelle.
L'étude des règles coutumières du
DIH est primordiale dans les conflits étatiques internes dans la mesure
où ces règles sont applicables à toutes les Parties
à un conflit, que celles-ci aient ou non ratifié les
traités contenant ces règles ou des règles similaires. Les
règles coutumières du DIH régissent, d'autre part, les
conflits armés non internationaux de manière plus
détaillée que le DIH conventionnel. Ces dites règles ont
ainsi pour objectif de combler les lacunes du droit conventionnel. En effet, on
constate qu'en ce qui concerne le droit des conflits armés, il existe
souvent un abîme entre les besoins de protection qu'engendrent certains
conflits et les dispositions conventionnelles qui visent à
protéger les victimes de ces mêmes conflits.
L'étude des règles coutumières du
DIH contribuera aussi à étendre les bases de l'action du CICR
comme celle des autres acteurs humanitaires. Elle permettra au CICR de prendre
en compte les règles coutumières dans ses démarches et
dans ses travaux, tout en étant conscient que la coutume est un
processus dynamique et évolutif. Elle servira aussi de base de
discussion en ce qui concerne la mise en oeuvre, l'explication et le
développement du droit humanitaire.
B. Vers un nouveau DIH applicable aux conflits
étatiques internes
Les
règles du DIH en vigueur ne permettent pas d'endiguer la spirale de la
violence. De même, les combattants, qui s'exposent aux peines les plus
sévères au seul titre de leur participation aux
hostilités, n'auront que de faibles motifs de respecter les lois et les
coutumes de la guerre. En vérité, tous les conflits
étatiques internes du XXe et ceux du début du
XXIe siècle ont été caractérisés
par les violations massives du DIH empêchant le CICR et les autres
acteurs humanitaires de mener à bien leur action sur le terrain. La
violence des affrontements, les condamnations prononcées de part et
d'autre et la surenchère des représailles provoquent des
blessures morales qui font obstacles à toute perspective de suspension
des combats et de réconciliation.
La
solution idéale serait d'adopter un nouveau régime juridique
applicable aux conflits étatiques internes qui renforcerait de
façon significative la protection des victimes de ces conflits et
donnerait, notamment, un statut aux combattants capturés. Deux
hypothèses peuvent être envisagées pour cette nouvelle
codification du DIH applicable dans les conflits étatiques internes.
Premièrement, cette nouvelle codification
pourrait être l'application pure et simple des quatre Conventions de
Genève de 1949 et de leurs Protocoles Additionnels aux conflits
étatiques internes. Les règles et les limites qu'ils imposent
à la manière de conduite de la guerre devraient aussi s'appliquer
aussi bien aux conflits armés internationaux que non internationaux. Le
fait qu'en 2001, la Convention sur certaines armes classiques ait
été amendée pour élargir son champ d'application
aux conflits armés non internationaux montre que cette hypothèse
gagne du terrain au sein de la Communauté internationale. Ainsi
l'extension des règles du DIH aux conflits étatiques internes
pourrait définir un standard minimum applicable à toute
détenue à l'occasion d'un conflit armé et qui ne
bénéficie pas d'un traitement plus favorable. Ce standard minimum
pourrait s'inspirer, par exemple, des garanties fondamentales prévues
à l'art. 75 du Protocole Additionnel I62(*) mais devrait s'appliquer à tous les conflits
armés, internationaux ou non internationaux. Il constituerait un
authentique « filet de sécurité
humanitaire ».
Dans
la même perspective, l'étude des règles du DIHC entreprise
par le CICR sous la direction de Jean-Marie HENCKAERTS et Louise
DOSWALD-BECK63(*) peut
servir de base à une nouvelle codification du DIH. C'est dans cette
optique que va l'arrêt du TPIY du 11 mars 200564(*) où la Chambre d'appel
du TPIY s'est référée à l'étude
publiée par le CICR et, en particulier, aux indications contenues dans
le volume II, pour démontrer la nature coutumière du principe
général de la protection des biens civils, aussi longtemps qu'ils
ne constituent pas des objectifs militaires, et la nature coutumière de
l'obligation de respecter et de protéger les biens culturels65(*). Cette nouvelle codification
du DIH applicable aux conflits étatiques internes pourrait prendre appui
sur les conclusions de l'étude sur le DIHC. L'application du DIHC
pourrait amener les acteurs non étatiques à s'engager
formellement à respecter le DIH à défaut de reconnaissance
de belligérance. Il est évident que l'art. 3 commun aux
Conventions de Genève s'applique de plein droit à toutes les
Parties au conflit en vertu du caractère élémentaire des
obligations qu'il comporte. Aujourd'hui, on peut sans doute en dire autant pour
le Protocole Additionnel II. Il n'empêche qu'aucun acteur, gouvernemental
ou non gouvernemental, n'acceptera facilement de reconnaître qu'il est
lié par un instrument s'il n'a pas la possibilité de manifester
sa volonté de s'engager à le respecter. L'application des
règles du DIHC permettrait aussi à l'ensemble de ses dispositions
qui régissent la conduite des hostilités de s'appliquer aussi
bien aux conflits armés non internationaux qu'aux conflits armés
internationaux. En d'autres termes, les Etats acceptent en pratique que les
mêmes règles s'appliquent aux conflits armés internationaux
et aux conflits armés non internationaux. Les méthodes et les
moyens de combats qui sont prohibés lorsqu'il s'agit de combattre un
ennemi extérieur ne peuvent être utilisés contre des
nationaux, et ces règles s'appliquent aux insurgés aussi bien
qu'aux forces gouvernementales.
Ainsi
en appliquant les règles du DIHC dans les conflits étatiques
internes, la question de la force obligatoire de la règle
coutumière vis-à-vis du parti insurgé se trouvera
posée. Et le CICR, dans l'exercice de sa mission préventive qui
est de diffuser et de promouvoir le DIH ne sera pas confronté à
des obstacles liés au non respect de ce droit. Cependant, en ce qui
concerne sa mission d'assistance et de protection, il doit faire de telle sorte
que ses actions soient en conformité par rapport aux besoins des
populations victimes de conflit.
Section 2 : Une adaptation plus opportune et plus
efficace du cadre opérationnel du CICR
Elle
passe par une bonne connaissance des caractéristiques du conflit et des
Parties (Paragraphe 1) et par un renforcement des
rapports entre le CICR avec les autres acteurs humanitaires sur le terrain
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La définition d'une politique
opérationnelle
Définir une politique opérationnelle
dans les conflits étatiques internes revient, pour le CICR, à
avoir une bonne connaissance des caractéristiques du conflit et des
Parties (A) et à agir selon les besoins des victimes
(B).
A. Une bonne connaissance des caractéristiques
du conflit et des Parties
Le
CICR doit commencer par répertorier les caractéristiques communes
aux conflits armés même si tous les conflits ont leurs traits
spécifiques. Ainsi dans le continent africain, nous constatons certains
points communs aux conflits armés. Dans plusieurs pays africains, les
conflits sont marqués par la contestation de la légitimité
de l'Etat qui continue de prendre des formes violentes. Nous pouvons citer
l'exemple des rébellions en Côte d'Ivoire, au Libéria, et
en RDC, des émeutes au Nigéria, des mutineries au Niger, des
coups d'Etat en Guinée Bissau ou des mouvements autonomistes et
séparatistes en Casamance (Sénégal), au Darfour (Soudan)
et à Cabinda (Angola). Dans d'autres pays, les conflits sont
marqués par l'irruption de la religion qui est de plus en plus une
réalité dans les conflits africains. La religion y est souvent
utilisée comme de mobilisation politique et aussi, dans les
sociétés très déstabilisées où
l'identification de l'Etat est difficile, comme un moyen de s'intégrer
dans la globalisation.
Le
CICR se doit aussi de prendre en compte le développement de nouveaux
types de conflits impliquant de nouveaux acteurs de violence armée qui
traduit la vulnérabilité accrue de nombreuses
sociétés. Ce sont, d'une part, les conflits dans lesquels des
bandes armées sans structures de commandement effectives tuent, violent,
mutilent sans aucune retenue. Et, d'autre part, des conflits avec des
combattants bien structurés, dont le but de guerre génocidaire
est l'élimination physique ou la déportation d'un groupe ethnique
et religieux.
Cette
négation totale des principes de base du DIH est sans doute le
défi le plus considérable auquel le CICR ait été
confronté. Pour une institution dont les principes d'action sont
fondées sur le dialogue avec tous les acteurs de la violence, sur la
volonté de faire changer les comportements en convainquant plutôt
qu'en dénonçant, la tâche est immense.
Les
tentatives visant à influencer le comportement des Parties à un
conflit étatique interne seront les plus efficaces dans le contexte d'un
processus d'engagement et de relations de chacune des Parties au conflit.
Un
long processus d'engagement offre des possibilités de négocier un
accès, d'instaurer de bons contacts avec des personnalités
influentes et d'obtenir des informations fiables sur les circonstances
entourant le conflit ; il permettra aussi d'obtenir des indications sur
les caractéristiques d'une Partie et d'examiner le droit de
manière stratégique. De plus, il offrira, avec le temps, les
possibilités d'examiner les questions concernant la volonté et la
capacité politiques de la Partie en question ainsi que son respect du
droit.
Une
perspective sur le long terme inclut des initiatives essentielles de suivi.
Cela est particulièrement vrai lorsqu'on arrive à obtenir de la
Partie qu'elle s'engage à respecter le droit. Les Parties devraient
être encouragées et aidées à traduire leurs
engagements dans la pratique. Le CICR s'y emploie par un processus en cours de
dialogue bilatéral confidentiel et de représentations qui
consistent notamment à rappeler à la Partie ses obligations et
ses engagements, à assurer le suivi et l'établissement de
rapports, ainsi que la formation et le renforcement des capacités.
En plus d'une bonne connaissance des caractéristiques
des conflits, le CICR se doit aussi d'adapter son action aux besoins des
victimes.
B. Une adaptation de l'action aux besoins des
victimes
Quelle
assistance pour quelles victimes ? Telle est la question que le CICR doit
se poser en permanence dans les conflits armés. Il est évident
que les besoins humanitaires des populations victimes des conflits sont
immenses. L'action humanitaire ne peut pas tous les satisfaire. Il y a donc un
fossé profond entre les besoins des victimes et ce que le CICR peut
concrètement offrir. L'évolution récente des conflits a
mis en évidence une baisse du nombre de victimes directement
affectées par les hostilités ; dans l'ensemble, il y a moins
de blessés de guerre, mais il y a plus de personnes
déplacées et de résidents dont les besoins se situent
aussi bien au niveau de l'urgence qu'à celui de l'aide structurelle. Le
CICR se doit d'adapter son action aux besoins les plus importants, en tenant
compte de l'analyse politique et économique et de l'action des autres
intervenants sur le terrain. Ce défi est majeur pour sa politique
d'assistance et de protection. Cette politique doit en outre être
portée à la connaissance des victimes, des autorités et
des autres acteurs, afin qu'ils sachent ce que le CICR fait et ne fait pas et
les raisons de ses choix. L'action que le CICR a menée en Ethiopie ces
dernières années est, à ce titre, illustrative : elle
a non seulement, et une fois encore, mis en évidence les
compétences du CICR en matière de distributions alimentaires dans
une situation de conflit, mais aussi et surtout, démontré la
capacité du CICR d'effectuer une évaluation indépendante
et de définir une approche originale, par exemple la distribution de
semences et de vivres dans un environnement où la plupart des autres
acteurs se sont concentrés sur la seule distribution de nourriture.
L'action a aussi montré l'importance de connaître les politiques
agricoles et leurs effets négatifs ainsi que la nécessité
de faire des questions structurelles l'objet de discussions avec ceux qui en
sont responsables.
Pour
mieux adapter son action aux besoins des populations victimes des conflits
étatiques internes, le CICR doit rester auprès des victimes tout
en assurant la sécurité de son personnel. Le Libéria a
constitué un test dans cette politique de proximité. En 2003, le
CICR a fait le choix d'assurer une présence dans les situations
extrêmes aussi longtemps que possible. Ce choix suppose non seulement
l'acceptation du risque, mais aussi l'amélioration constante des
dispositifs de sécurité dans les délégations. Toute
organisation humanitaire a besoin de se doter de politiques
opérationnelles qui assurent à la fois une action décisive
pour les victimes de sécurité acceptable pour son
personnel66(*).
L'anticipation du danger et des risques est une
priorité absolue dans la grande majorité des opérations.
Cette priorité est désormais reconnue et mise en oeuvre par tous.
Dans ce domaine, les éléments de défi concernant l'analyse
indépendante de l'environnement dans lequel le CICR doit
évoluer ; l'établissement et le maintien des contacts
fiables et suivis avec tous les acteurs d'une crise ; l'évaluation,
en tout temps, de l'acceptabilité de l'action du CICR. La
définition d'une politique opérationnelle et des modes d'action
doit répondre effectivement aux besoins des victimes.
Le
CICR se doit aussi de faire une analyse politique, à travers les
contacts directs avec les belligérants, le dialogue avec les Parties au
conflit et l'établissement de contacts informels avec des personnes
dignes de confiance, avant de prendre les décisions
opérationnelles appropriées. Dans ce domaine, le CICR doit
remettre en cause les analyses journalistiques et académiques qui sont
parfois assez distantes de la réalité du terrain. Le CICR se doit
de développer les compétences qui lui garantissent les analyses
politiques les plus proches du terrain et la prise en compte des influences
externes.
Cependant la définition d'une politique
opérationnelle du CICR pour une effectivité de son action dans
les conflits étatiques internes doit impérativement s'accompagner
d'une bonne entente entre le CICR et les auteurs acteurs sur le terrain.
Paragraphe 2 : Le renforcement des rapports avec les
autres acteurs sur le terrain
Il se
traduit par une coopération du CICR avec le Mouvement dans les conflits
étatiques internes (A) et une coordination plus
efficace avec les autres organismes pour un bon déroulement de l'action
humanitaire (B).
A. La coopération du CICR avec le
Mouvement
Dans
les situations de conflits étatiques internes, le CICR assume
normalement la direction générale des opérations,
conformément à son mandat d'organisation neutre et
indépendante. Cette qualité du CICR ancrée dans les
Conventions de Genève et les Statuts du Mouvement amène ce
dernier à agir parfois dans certaines circonstances. La
société nationale, de son côté ne se réduit
pas aux activités qu'implique son association avec le CICR. Elle aura
des activités propres et pour certaines d'entre elles au moins, les
poursuivra dans des moments difficiles. C'est donc dans les domaines où
s'exerce une action commune que le CICR et la Société nationale
chercheront à établir et à consolider leur partenariat.
Les domaines de la coopération opérationnelle entre le CICR et le
Mouvement sont divers. Ils peuvent porter sur la conception et la
réalisation de plans, ou d'activités dans les domaines de la
diffusion du DIH ainsi que de sa mise en oeuvre. Ils peuvent aussi porter sur
l'organisation et le fonctionnement efficaces d'un service de recherches
(informations sur des personnes disparues, échange de messages entre
familles dispersées, organisation de regroupements familiaux). Mais le
domaine dans lequel cette coopération est plus significative
réside, sans nul doute, dans la préparation à une action
de secours en cas de conflit armé, et le cas échéant, dans
la conduite d'une action conjointe en faveur des victimes d'un conflit.
Dans
une situation de conflit interne, le CICR aura surtout besoin de
coopérer avec une Société nationale respectée par
l'ensemble des Parties belligérantes et dotée d'une
capacité opérationnelle appropriée. En effet, il aura
besoin de l'appui des volontaires de la Société nationale, appui
non seulement matériel mais culturel. Ce sont souvent ces volontaires
qui connaissent la réalité locale, les canaux d'entraide, le
fonctionnement de la communauté. Ils permettront au CICR de tenir
compte, dans son action, de facteurs difficiles à percevoir dans sans
une intime connaissance du pays.
En
retour, le CICR doit veiller à ce que la Société nationale
se développe harmonieusement. Il faut rappeler qu'il est
particulièrement responsable de la préparation de la
Société nationale à des activités en faveur des
victimes du conflit. Une telle préparation implique une infrastructure
adéquate et la formation des volontaires dans les domaines
identifiés en commun.
Une
des spécificités essentielles de l'interaction entre le CICR et
les Sociétés nationales actives dans leurs pays respectifs est
qu'elle devient de plus en plus stratégique. Les Sociétés
nationales cherchent à jouer un rôle plus dynamique dans les
actions menées pour répondre aux besoins de leur population.
Elles aspirent également à ce que leur contribution et leurs
capacités soient mieux reconnues par le CICR. En 2009, le CICR
poursuivra ses partenariats prioritaires dans différents contextes tels
que la Colombie, le Liban, la RDC, la Somalie et le Soudan, où la
coopération est devenue une composante intrinsèque de la
capacité globale à répondre efficacement par la FICR et le
CICR de consolider et démontrer la valeur ajoutée du Mouvement au
sein de la communauté humanitaire mondiale.
B. Une coordination plus efficace avec les autres
organismes
La
complexité accrue des crises humanitaires, la diversification des
acteurs des conflits et la nature nouvelle de ces conflits exigent une
coordination plus efficace des organisations humanitaires. Le CICR s'efforce en
permanence d'adapter son action aux besoins spécifiques des populations
touchées. Cependant, il ne peut pas répondre à l'ensemble
des besoins. Par conséquent, la coordination humanitaire est, pour le
CICR, un moyen d'associer systématiquement ses efforts à ceux
d'autres organisations. Le type de coordination souhaité par le CICR
doit viser, d'une part, à répondre l'ensemble des besoins des
populations affectées par un conflit grâce au rôle
complémentaire de chaque organisation afin d'éviter les doubles
emplois et les lacunes, et, d'autre part, à maximaliser l'action du
CICR.
Pour
être efficace, la coordination doit être axée vers l'action
et tenir compte des réalités sur le terrain, c'est-à-dire
qu'elle doit reposer sur des capacités existantes sur le terrain en
termes de ressources humaines, de capacités professionnelles disponibles
et de moyens logistiques. Les organisations, parties prenantes à une
coordination fondée sur la réalité, doivent
également être claires sur les zones qu'elles peuvent ou ne
peuvent pas atteindre. Une indépendance crédible n'est toutefois
pas conciliable avec une participation à des initiatives où
l'organisation ne garde pas sa propre capacité décisionnelle ou
lorsque la perception de son identité risque d'être bafouée
si elle s'associe à d'autres entités dont l'agenda n'est pas
exclusivement humanitaire.
Le
CICR, pour sa part, consulte de nombreuses organisations internationales et non
gouvernementales travaillant dans les mêmes contextes que lui et
coordonne son action avec elles. Il doit mener son action humanitaire tout en
veillant particulièrement à ce que l'ensemble des organisations
comprennent son approche et son rôle, l'objectif étant de
favoriser une coopération harmonieuse et la
complémentarité des actions menées sur le terrain.
Le
CICR s'efforce de participer à un processus de coordination humanitaire
aussi bien institutionnel qu'opérationnel, dans le but
d'améliorer directement ou indirectement le sort des personnes
touchées par les conflits étatiques internes. En effet, des
efforts ont été entrepris afin d'harmoniser une approche commune
de l'action humanitaire. Par exemple, le CICR bénéficie du statut
d'observateur auprès des NU et il coopère avec le Bureau de la
Coordination des Affaires Humanitaires (OCHA). Il assiste, en tant
qu'invité permanent, aux réunions du Comité permanent
interinstitutions, un mécanisme de coordination composé de
principales institutions des NU ayant un mandat humanitaire, de la
Fédération internationale et de plusieurs ONG.
Le
CICR doit s'adapter aux nouvelles formes de coordination de l'action
humanitaire mises dans le cadre de l'actuelle réforme de l'action
humanitaire des NU. En l'absence de tout mécanisme officiel de
coordination humanitaire, le CICR doit s'efforcer de collaborer avec d'autres
organisations, d'établir des liens et d'échanger avec ces
organisations. C'est ainsi qu'il coordonne ses activités avec celles
d'autres organisations notamment pour les réfugiés (HCR), pour la
protection des enfants dans les conflits (UNICEF) et dans le cadre de l'aide
alimentaire (PAM) et sanitaire (OMS).
Par un
processus de coordination humanitaire ancré dans le réel et
orienté vers l'action, le CICR se doit de donner le plus d'impact
possible à ses initiatives, en veillant à la satisfaction totale
des besoins des populations victimes des conflits étatiques internes. D
ans sa volonté de compléter et d'élargir l'éventail
des acteurs humanitaires, le CICR fidèle à son approche neutre et
indépendante, doit s'efforcer de mener une action impartiale,
pertinente, opportune et efficace.
Les conflits étatiques internes, à cette
présente époque, sont de plus en plus nombreux. Ils se
complexifient du fait de l'apparition de nouvelles formes de guerre et du but
poursuivi très varié. Il apparaît dès lors que le
contexte dans lequel évolue le CICR devient de plus en plus confus. En
effet, l'accès aux Parties belligérantes, plus
particulièrement des insurgés, est très difficile. Cette
difficulté est due à la multiplication de leurs interlocuteurs,
à l'existence de plusieurs factions rebelles dans certains conflits. Cet
accès est surtout rendu difficile par l'impossibilité d'inspecter
les zones dans lesquelles ils se trouvent. Les contraintes de
sécurité du personnel du CICR, dans un environnement conflictuel
changeant, rendent aussi plus difficiles l'obtention de cet accès. A
cela s'ajoute le non respect des règles du DIH dans ces conflits. Ce
facteur contribue à la complexité des missions du CICR dans la
mesure où le non respect des règles de conduite de la guerre
augmente le nombre de civils tués, mutilés, maltraités. La
Partie au conflit, en état de faiblesse, peut utiliser des
méthodes prohibées pour augmenter le nombre de victimes. De ce
fait, les personnes qui ne participent pas aux hostilités (vieillards,
enfants, femmes) sont prises pour cibles. Ainsi les limites de la guerre, qui
trouvent leur source dans les valeurs humanitaires communes à toutes les
grandes civilisations, sont de plus en plus érodées par le choix
de méthodes de lutte telles que les exécutions sommaires, les
prises d'otages et la torture.
Malgré cette complexité des conflits
étatiques internes actuels, le CICR s'est efforcé de
répondre aux problèmes humanitaires que rencontrent les victimes.
Il prend en compte de différentes manières les
préoccupations de sécurité de son personnel. Il fait de
telle sorte que ses activités soient acceptées par toutes les
Parties au conflit. Pour ce faire, il a développé et
diversifié ses activités. Les visites des détenus de
guerre, longtemps considérées comme la mission dans laquelle
s'identifiait le CICR, ne sont aujourd'hui qu'une des facettes de son mandat.
Le CICR a accordé une importance croissante à la situation des
personnes affectées par les violences hors des prisons, non seulement en
entreprenant des actions de secours alimentaires et médicales, parfois
d'une grande envergure, mais surtout en intervenant auprès des
autorités de droit ou de fait, pour attirer l'attention sur les
problèmes humanitaires rencontrés et les prier d'y
remédier. L'activité principale du CICR consiste non pas à
agir lui-même, mais à intercéder auprès de ceux qui
détiennent le pouvoir pour qu'ils connaissent et assument leurs
responsabilités humanitaires à l'égard des populations
victimes des conflits armés. Cet engagement peut aller jusqu'à
faciliter la rencontre des Parties au conflit pour qu'elles trouvent
elles-mêmes des solutions à leurs problèmes
humanitaires.
Cependant, dans certaines situations, le CICR se
trouve dans l'impossibilité de mener une action effective visant
à assister et à protéger les populations victimes des
conflits étatiques internes. Il peut être gêné, dans
l'accomplissement de son mandat, par d'autres acteurs sur le terrain. En effet,
la réponse humanitaire, dans les conflits actuels, est assurée
par une variété d'acteurs, des organisations humanitaires
internationales et locales, gouvernementales ou non gouvernementales, et dans
certaines régions également par des unités militaires. Il
peut ainsi avoir un risque d'une présence trop nombreuse d'acteurs dans
les endroits relativement sûrs et un risque très grand de
confusion de rôle entre ces différents acteurs. Pour éviter
toutes ces contraintes opérationnelles, le CICR doit, en coordination
avec les autres acteurs sur le terrain, définir le domaine
d'activité de chacun pour que l'action humanitaire soit effective.
L'action du CICR, dans les conflits étatiques internes, peut être
plus efficace avec la mise en place de nouvelles règles DIH applicables
à de tels conflits. Il peut s'agir de l'extension des règles de
conflits armés internationaux aux conflits non internationaux ou
l'application des règles du DIHC dans tous les conflits. Cependant,
force est de dire que, malgré toutes ces solutions proposées pour
remédier aux difficultés que rencontre le CICR sur le terrain, la
volonté des Parties au conflit à respecter les règles du
DIH est le meilleur moyen pour le CICR de mener à bien son action dans
les conflits étatiques internes.
Annexe I : Article 3 commun aux quatre Conventions de
Genève
En
cas de conflit armé ne présentant pas un caractère
international et surgissant sur le territoire de l'une des Hautes Parties
contractantes, chacun des Parties au conflit sera tenue d'appliquer au moins
les dispositions suivantes :
1)
Les personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y
compris les membres de forces armées qui ont déposé les
armes et les personnes qui ont été mises hors de combat pour
maladie, blessure, détention, ou pour toute autre cause, seront, en
toutes circonstances, traitées avec humanité, sans aucune
distinction de caractère défavorable basée sur la race, la
couleur, la religion ou la croyance, le sexe, la naissance ou la fortune, ou
tout autre critère analogue.
A
cet effet, sont et demeurent prohibés, en tout temps et en tout lieu,
à l'égard des personnes mentionnées
ci-dessus :
a)
les atteintes portées à la vie et à
l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses
formes, les mutilations, les traitements cruels, tortures et
supplices ;
b)
les prises d'otages ;
c)
les atteintes à la dignité des personnes, notamment les
traitements humiliants et dégradants ;
d)
les condamnations prononcées et les exécutions effectuées
sans jugement préalable, rendu par un tribunal
régulièrement constitué, assorti de garanties judiciaires
reconnues comme indispensables par les peuples civilisés.
2)
Les blessés, les malades, les naufragés seront recueillis et
soignés
Un
organisme humanitaire impartial, tel que le Comité international de la
Croix-Rouge, pourra offrir ses services aux Parties au conflit.
Les Parties au conflit s'efforceront, d'autre part, de
mettre en vigueur par voie d'accords spéciaux tout ou partie des autres
dispositions de la présente Convention.
L'application des dispositions qui
précèdent n'aura pas d'effet sur le statut juridique des Parties
au conflit.
Annexe II : Le Protocole Additionnel II de 1977
PREAMBULE
Les Hautes Parties
contractantes,
Rappelant que les principes humanitaires consacrés
par l'article 3 commun aux Conventions de Genève du 12 août 1949
constituent le fondement du respect de la personne humaine en cas de conflit
armé ne présentant pas un caractère
international, Rappelant également que les instruments internationaux
relatifs aux droits de l'homme offrent à la personne humaine une
protection fondamentale, Soulignant la nécessité d'assurer une
meilleure protection aux victimes de ces conflits armés, Rappelant
que, pour les cas non prévus par le droit en vigueur, la personne
humaine reste sous la sauvegarde des principes de l'humanité et des
exigences de la conscience publique, Sont convenues de ce qui suit
:
TITRE I. PORTEE DU PRESENT PROTOCOLE
Article premier - Champ d'application
matériel
1. Le présent Protocole, qui développe et
complète l'article 3 commun aux Conventions de Genève du 12
août 1949 sans modifier ses conditions d'application actuelles,
s'applique à tous les conflits armés qui ne sont pas couverts par
l'article premier du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du
12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits
armés internationaux (Protocole I), et qui se déroulent sur le
territoire d'une Haute Partie contractante entre ses forces armées et
des forces armées dissidentes ou des groupes armés
organisés qui, sous la conduite d'un commandement responsable, exercent
sur une partie de son territoire un contrôle tel qu'il leur permette de
mener des opérations militaires continues et concertées et
d'appliquer le présent Protocole. 2. Le présent Protocole ne
s'applique pas aux situations de tensions internes, de troubles
intérieurs, comme Les émeutes, les actes isolés et
sporadiques de violence et autres actes analogues, qui ne sont pas
considérés comme des conflits armés.
Article 2
- Champ d'application personnel
1. Le présent Protocole
s'applique sans aucune distinction de caractère défavorable
fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou la
croyance, les opinions politiques ou autres, l'origine nationale ou sociale, la
fortune, la naissance ou une autre situation, ou tous autres critères
analogues (ci-après appelés «distinction de caractère
défavorable») à toutes les personnes affectées par un
conflit armé au sens de l'article premier. 2. A la fin du conflit
armé, toutes les personnes qui auront été l'objet d'une
privation ou d'une restriction de liberté pour des motifs en relation
avec ce conflit, ainsi que celles qui seraient l'objet de telles mesures
après le conflit pour les mêmes motifs,
bénéficieront des dispositions des articles 5 et 6 jusqu'au terme
de cette privation ou de cette restriction de liberté.
Article 3
- Non-intervention
1. Aucune disposition du présent Protocole ne
sera invoquée en vue de porter atteinte à la souveraineté
d'un Etat ou à la responsabilité du gouvernement de maintenir ou
de rétablir l'ordre public dans l'Etat ou de défendre
l'unité nationale et l'intégrité territoriale de l'Etat
par tous les moyens légitimes. 2. Aucune disposition du
présent Protocole ne sera invoquée comme une justification d'une
intervention directe ou indirecte, pour quelque raison que ce soit, dans le
conflit armé ou dans les affaires intérieures ou
extérieures de la Haute Partie contractante sur le territoire de
laquelle ce conflit se produit.
TITRE II. TRAITEMENT
HUMAIN
Article 4 - Garanties fondamentales
1. Toutes les
personnes qui ne participent pas directement ou ne participent plus aux
hostilités, qu'elles soient ou non privées de liberté, ont
droit au respect de leur personne, de leur honneur, de leurs convictions et de
leurs pratiques religieuses. Elles seront en toutes circonstances
traitées avec humanité, sans aucune distinction de
caractère défavorable. Il est interdit d'ordonner qu'il n'y ait
pas de survivants. 2. Sans préjudice du caractère
général des dispositions qui précèdent, sont et
demeurent prohibés en tout temps et en tout lieu à l'égard
des personnes visées au paragraphe 1 : a) les atteintes
portées à la vie, à la santé et au bien-être
physique ou mental des personnes, en particulier le meurtre, de même que
les traitements cruels tels que la torture, les mutilations ou toutes formes de
peines corporelles ; b) les punitions collectives ; c) la prise d'otages
; d) les actes de terrorisme ; e) les atteintes à la
dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et
dégradants, le viol, la contrainte à la prostitution et tout
attentat à la pudeur ; f) l'esclavage et la traite des esclaves sous
toutes leurs formes ; g) le pillage ; h) la menace de commettre les actes
précités. 3. Les enfants recevront les soins et l'aide dont
ils ont besoin et, notamment : a) ils devront recevoir une éducation,
y compris une éducation religieuse et morale, telle que la
désirent leurs parents ou, en l'absence de parents, les personnes qui en
ont la garde ; b) toutes les mesures appropriées seront prises pour
faciliter le regroupement des familles momentanément
séparées ; c) les enfants de moins de quinze ans ne devront
pas être recrutés dans les forces ou groupes armés, ni
autorisés à prendre part aux hostilités ; d) la
protection spéciale prévue par le présent article pour les
enfants de moins de quinze ans leur restera applicable s'ils prennent
directement part aux hostilités en dépit des dispositions de
l'alinéa c et sont capturés ; e) des mesures seront prises, si
nécessaire et, chaque fois que ce sera possible, avec le consentement
des parents ou des personnes qui en ont la garde à titre principal en
vertu de la loi ou de la coutume, pour évacuer temporairement les
enfants du secteur où des hostilités ont lieu vers un secteur
plus sûr du pays, et pour les faire accompagner par des personnes
responsables de leur sécurité et de leur
bien-être.
Article 5 - Personnes privées de
liberté
1. Outre les dispositions de l'article 4, les
dispositions suivantes seront au minimum respectées à
l'égard des personnes privées de liberté pour des motifs
en relation avec le conflit armé, qu'elles soient internées ou
détenues :
a) les blessés et les malades seront
traités conformément à l'article 7 ; b) les personnes
visées au présent paragraphe recevront dans la même mesure
que la population civile locale des vivres et de l'eau potable et
bénéficieront de garanties de salubrité et
d'hygiène et d'une protection contre les rigueurs du climat et les
dangers du conflit armé ; c) elles seront autorisées à
recevoir des secours individuels ou collectifs ; d) elles pourront pratiquer
leur religion et recevoir à leur demande, si cela est approprié,
une assistance spirituelle de personnes exerçant des fonctions
religieuses, telles que les aumôniers ; e) elles devront
bénéficier, si elles doivent travailler, de conditions de travail
et de garanties semblables à celles dont jouit la population civile
locale. 2. Ceux qui sont responsables de l'internement ou de la
détention des personnes visées au paragraphe 1 respecteront dans
toute la mesure de leurs moyens les dispositions suivantes à
l'égard de ces personnes : a) sauf lorsque les hommes et les femmes
d'une même famille sont logés ensemble, les femmes seront
gardées dans des locaux séparés de ceux des hommes et
seront placées sous la surveillance immédiate de femmes ; b)
les personnes visées au paragraphe 1 seront autorisées à
expédier et à recevoir des lettres et des cartes dont le nombre
pourra être limité par l'autorité compétente si elle
l'estime nécessaire ; c) les lieux d'internement et de
détention ne seront pas situés à proximité de la
zone de combat. Les personnes visées au paragraphe 1 seront
évacuées lorsque les lieux où elles sont internées
ou détenues deviennent particulièrement exposés aux
dangers résultant du conflit armé, si leur évacuation peut
s'effectuer dans des conditions suffisantes de sécurité ; d)
elles devront bénéficier d'examens médicaux ; e) leur
santé et leur intégrité physiques ou mentales ne seront
compromises par aucun acte ni par aucune omission injustifiés. En
conséquence, il est interdit de soumettre les personnes visées au
présent article à un acte médical qui ne serait pas
motivé par leur état de santé et ne serait pas conforme
aux normes médicales généralement reconnues et
appliquées dans des circonstances médicales analogues aux
personnes jouissant de leur liberté. 3. Les personnes qui ne sont pas
couvertes par le paragraphe 1 mais dont la liberté est limitée de
quelque façon que ce soit, pour des motifs en relation avec le conflit
armé, seront traitées avec humanité conformément
à l'article 4 et aux paragraphes 1 a, c, d et 2 b du présent
article. 4. S'il est décidé de libérer des personnes
privées de liberté, les mesures nécessaires pour assurer
la sécurité de ces personnes seront prises par ceux qui
décideront de les libérer.
Article 6 - Poursuites
pénales
1. Le présent article s'applique à la
poursuite et à la répression d'infractions pénales en
relation avec le conflit armé. 2. Aucune condamnation ne sera
prononcée ni aucune peine exécutée à l'encontre
d'une personne reconnue coupable d'une infraction sans un jugement
préalable rendu par un tribunal offrant les garanties essentielles
d'indépendance et d'impartialité. En particulier : a) la
procédure disposera que le prévenu doit être informé
sans délai des détails de l'infraction qui lui est imputée
et assurera au prévenu avant et pendant son procès tous les
droits et moyens nécessaires à sa défense ; b) nul ne
peut être condamné pour une infraction si ce n'est sur la base
d'une responsabilité pénale individuelle ; c) nul ne peut
être condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient
pas un acte délictueux d'après le droit national ou international
au moment où elles ont été commises. De même, il ne
peut être infligé aucune peine plus forte que celle qui
était applicable au moment où l'infraction a été
commise. Si postérieurement à cette infraction la loi
prévoit l'application d'une peine plus légère, le
délinquant doit en bénéficier ; d) toute personne
accusée d'une infraction est présumée innocente
jusqu'à ce que sa culpabilité ait été
légalement établie ; e) toute personne accusée d'une
infraction a le droit d'être jugée en sa présence ; f)
nul ne peut être forcé de témoigner contre lui-même
ou de s'avouer coupable. 3. Toute personne condamnée sera
informée, au moment de sa condamnation, de ses droits de recours
judiciaires et autres, ainsi que des délais dans lesquels ils doivent
être exercés. 4. La peine de mort ne sera pas prononcée
contre les personnes âgées de moins de dix-huit ans au moment de
l'infraction et elle ne sera pas exécutée contre les femmes
enceintes et les mères d'enfants en bas âge. 5. A la cessation
des hostilités, les autorités au pouvoir s'efforceront d'accorder
la plus large amnistie possible aux personnes qui auront pris part au conflit
armé ou qui auront été privées de liberté
pour des motifs en relation avec le conflit armé, qu'elles soient
internées ou détenues.
TITRE III BLESSES, MALADES ET
NAUFRAGES
Article 7 - Protection et soins
1. Tous les
blessés, les malades et les naufragés, qu'ils aient ou non pris
part au conflit armé, seront respectés et
protégés. 2. Ils seront, en toutes circonstances,
traités avec humanité et recevront, dans toute la mesure du
possible et dans les délais les plus brefs, les soins médicaux
qu'exige leur état. Aucune distinction fondée sur des
critères autres que médicaux ne sera faite entre
eux.
Article 8 - Recherches
Chaque fois que les circonstances le
permettront, et notamment après un engagement, toutes les mesures
possibles seront prises sans retard pour rechercher et recueillir les
blessés, les malades et les naufragés, les protéger contre
le pillage et les mauvais traitements et leur assurer les soins
appropriés, ainsi que pour rechercher les morts, empêcher qu'ils
soient dépouillés et leur rendre les derniers
devoirs.
Article 9 - Protection du personnel sanitaire et
religieux
1. Le personnel sanitaire et religieux sera respecté et
protégé. Il recevra toute l'aide disponible dans l'exercice de
ses fonctions et ne sera pas astreint à des tâches incompatibles
avec sa mission humanitaire. 2. Il ne sera pas exigé du personnel
sanitaire que sa mission s'accomplisse en priorité au profit de qui que
ce soit, sauf pour des raisons médicales.
Article 10 - Protection
générale de la mission médicale
1. Nul ne sera puni
pour avoir exercé une activité de caractère médical
conforme à la déontologie, quels qu'aient été les
circonstances ou les bénéficiaires de cette
activité. 2. Les personnes exerçant une activité de
caractère médical ne pourront être contraintes ni
d'accomplir des actes ou d'effectuer des travaux contraires à la
déontologie ou à d'autres règles médicales qui
protègent les blessés et les malades, ou aux dispositions du
présent Protocole, ni de s'abstenir d'accomplir des actes exigés
par ces règles ou dispositions. 3. Les obligations professionnelles
des personnes exerçant des activités de caractère
médical quant aux renseignements qu'elles pourraient obtenir sur les
blessés et les malades soignés par elles devront être
respectées sous réserve de la législation nationale. 4.
Sous réserve de la législation nationale, aucune personne
exerçant des activités de caractère médical ne
pourra être sanctionnée de quelque manière que ce soit pour
avoir refusé ou s'être abstenue de donner des renseignements
concernant les blessés et les malades qu'elle soigne ou qu'elle a
soignés.
Article 11 - Protection des unités et moyens de
transport sanitaires
1. Les unités et moyens de transport
sanitaires seront en tout temps respectés et protégés et
ne seront pas l'objet d'attaques. 2. La protection due aux unités et
moyens de transport sanitaires ne pourra cesser que s'ils sont utilisés
pour commettre, en dehors de leur fonction humanitaire, des actes hostiles.
Toutefois, la protection cessera seulement après qu'une sommation
fixant, chaque fois qu'il y aura lieu, un délai raisonnable, sera
demeurée sans effet.
Article 12 - Signe distinctif
Sous le
contrôle de l'autorité compétente concernée, le
signe distinctif de la croix rouge, du croissant rouge ou du lion-et-soleil
rouge, sur fond blanc, sera arboré par le personnel sanitaire et
religieux, les unités et moyens de transport sanitaires. Il doit
être respecté en toutes circonstances. Il ne doit pas être
employé abusivement.
TITRE IV POPULATION CIVILE
Article 13
- Protection de la population civile
1. La population civile et les
personnes civiles jouissent d'une protection générale contre les
dangers résultant d'opérations militaires. En vue de rendre cette
protection effective, les règles suivantes seront observées en
toutes circonstances. 2. Ni la population civile en tant que telle ni les
personnes civiles ne devront être l'objet d'attaques. Sont interdits les
actes ou menaces de violence dont le but principal est de répandre la
terreur parmi la population civile. 3. Les personnes civiles jouissent de la
protection accordée par le présent Titre, sauf si elles
participent directement aux hostilités et pendant la durée de
cette participation.
Article 14 - Protection des biens indispensables
à la survie de la population civile
Il est interdit d'utiliser
contre les personnes civiles la famine comme méthode de combat. Il est
par conséquent interdit d'attaquer, de détruire, d'enlever ou de
mettre hors d'usage à cette fin des biens indispensables à la
survie de la population civile, tels que les denrées alimentaires et les
zones agricoles qui les produisent, les récoltes, le bétail, les
installations et réserves d'eau potable et les ouvrages
d'irrigation.
Article 15 - Protection des ouvrages et installations
contenant des forces dangereuses
Les ouvrages d'art ou les installations
contenant des forces dangereuses, à savoir les barrages, les digues et
les centrales nucléaires de production d'énergie
électrique, ne seront pas l'objet d'attaques, même s'ils
constituent des objectifs militaires, lorsque ces attaques peuvent
entraîner la libération de ces forces et causer, en
conséquence, des pertes sévères dans la population
civile.
Article 16 - Protection des biens culturels et des lieux de
culte
Sous réserve des dispositions de la Convention de La Haye
du 14 mai 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit
armé, il est interdit de commettre tout acte d'hostilité
dirigé contre les monuments historiques, les oeuvres d'art ou les lieux
de culte qui constituent le patrimoine culturel ou spirituel des peuples et de
les utiliser à l'appui de l'effort militaire.
Article 17 -
Interdiction des déplacements forcés
1. Le
déplacement de la population civile ne pourra pas être
ordonné pour des raisons ayant trait au conflit sauf dans les cas
où la sécurité des personnes civiles ou des raisons
militaires impératives l'exigent. Si un tel déplacement doit
être effectué, toutes les mesures possibles seront prises pour que
la population civile soit accueillie dans des conditions satisfaisantes de
logement, de salubrité, d'hygiène, de sécurité et
d'alimentation. 2. Les personnes civiles ne pourront pas être
forcées de quitter leur propre territoire pour des raisons ayant trait
au conflit.
Article 18 - Sociétés de secours et actions de
secours
1. Les sociétés de secours situées dans le
territoire de la Haute Partie contractante, telles que les organisations de la
Croix-Rouge (Croissant-Rouge, Lion-et-Soleil-Rouge) pourront offrir leurs
services en vue de s'acquitter de leurs tâches traditionnelles à
l'égard des victimes du conflit armé. La population civile peut,
même de son propre chef, offrir de recueillir et soigner les
blessés, les malades et les naufragés. 2. Lorsque la
population civile souffre de privations excessives par manque des
approvisionnements essentiels à sa survie, tels que vivres et
ravitaillements sanitaires, des actions de secours en faveur de la population
civile, de caractère exclusivement humanitaire et impartial et conduites
sans aucune distinction de caractère défavorable, seront
entreprises avec le consentement de la Haute Partie contractante
concernée.
TITRE V DISPOSITIONS FINALES
Article 19 -
Diffusion
Le présent Protocole sera diffusé aussi
largement que possible.
Article 20 - Signature
Le présent
Protocole sera ouvert à la signature des Parties aux Conventions six
mois après la signature de l'Acte final et restera ouvert durant une
période de douze mois.
Article 21 - Ratification
Le
présent Protocole sera ratifié dès que possible. Les
instruments de ratification seront déposés auprès du
Conseil fédéral suisse, dépositaire des
Conventions.
Article 22 - Adhésion
Le présent
Protocole sera ouvert à l'adhésion de toute Partie aux
Conventions non signataire du présent Protocole. Les instruments
d'adhésion seront déposés auprès du
dépositaire.
Article 23 - Entrée en vigueur
1. Le
présent Protocole entrera en vigueur six mois après le
dépôt de deux instruments de ratification ou
d'adhésion. 2. Pour chacune des Parties aux Conventions qui le
ratifiera ou y adhérera ultérieurement, le présent
Protocole entrera en vigueur six mois après le dépôt par
cette Partie de son instrument de ratification ou
d'adhésion.
Article 24 - Amendement
1. Toute Haute Partie
contractante pourra proposer des amendements au présent Protocole. Le
texte de tout projet d'amendement sera communiqué au dépositaire
qui, après consultation de l'ensemble des Hautes Parties contractantes
et du Comité international de la Croix-Rouge, décidera s'il
convient de convoquer une conférence pour examiner le ou les amendements
proposés. 2. Le dépositaire invitera à cette
conférence les Hautes Parties contractantes ainsi que les Parties aux
Conventions, signataires ou non du présent Protocole.
Article 25
- Dénonciation
1. Au cas où une Haute Partie contractante
dénoncerait le présent Protocole, la dénonciation ne
produira ses effets que six mois après réception de l'instrument
de dénonciation. Si toutefois, à l'expiration des six mois, la
Partie dénonçante se trouve dans la situation visée
à l'article premier, la dénonciation ne prendra effet qu'à
la fin du conflit armé. Les personnes qui auront été
l'objet d'une privation ou d'une restriction de liberté pour des motifs
en relation avec ce conflit continueront néanmoins à
bénéficier des dispositions du présent Protocole
jusqu'à leur libération définitive. 2. La
dénonciation sera notifiée par écrit au dépositaire
qui informera toutes les Hautes Parties contractantes de cette
notification.
Article 26 - Notifications
Le dépositaire
informera les Hautes Parties contractantes ainsi que les Parties aux
Conventions, qu'elles soient signataires ou non du présent Protocole
: a) des signatures apposées au présent Protocole et des
instruments de ratification et d'adhésion déposés
conformément aux articles 21 et 22 ; b) de la date à laquelle
le présent Protocole entrera en vigueur conformément à
l'article 23 ; et c) des communications et déclarations reçues
conformément à l'article 24.
Article 27 -
Enregistrement
1. Après son entrée en vigueur, le
présent Protocole sera transmis par le dépositaire au
Secrétariat des Nations Unies aux fins d'enregistrement et de
publication, conformément à l'article 102 de la Charte des
Nations Unies. 2. Le dépositaire informera également le
Secrétariat des Nations Unies de toutes les ratifications et
adhésions qu'il pourra recevoir au sujet du présent
Protocole.
Article 28 - Textes authentiques
L'original du
présent Protocole, dont les textes anglais, arabe, chinois, espagnol,
français et russe sont également authentiques, sera
déposé auprès du dépositaire qui fera parvenir des
copies certifiées conformes à toutes les Parties aux
Conventions.
BIBLIOGRAPHIE
Ø Ouvrages
- ZORGBIBE, C., Le
droit d'ingérence, Que sais-je ? PUF, 1995.
- TORELLI, Maurice. Le Droit International
Humanitaire, Que sais-je ? PUF, 1995.
-
BUIRETTE, Patricia. Le Droit International Humanitaire, La
Découverte, 1996.
-
RYFMAN, Pierre. La question humanitaire : histoire,
problématiques, acteurs et enjeux de l'aide humanitaire
internationale, Ellipses, 2005.
-
HENCKAERTS, Jean Marie et DOSWALD-BECK, Louise. Le Droit International
Humanitaire Coutumier, Volume I : Règles, Bruylant, 2006.
Ø Manuels
-
Découvrez le CICR, CICR, septembre 2005.
-
Respecter et faire respecter le DIH, guide pratique à l'usage des
parlementaires n°1, CICR, 1999.
-
Droit International Humanitaire, Réponses à vos
questions, CICR, avril 2003, seconde édition février
2004.
-
Conflit armé et liens familiaux, CICR, 2002, seconde édition
août 2005.
- Les déplacés internes, CICR, mars
2007.
Ø Articles et Revues
-
Christian KOENIG, Considérations juridiques sur le Statut
d'Observateur du CICR auprès des Nations Unies, RICR n°787,
février 1991, p.39 à 52.
- Yves SANDOZ, Droit ou devoir d'ingérence, droit
à l'assistance : de quoi parle-t-on ? , RICR n°795,
août 1992, p. 225 à 237.
- Marion HARROFF-TAVEL, L'action du CICR face aux
situations de violence interne, RICR n°801, juin 1993, p. 211
à 237.
- Yves SANDOZ, Existe-t-il un « droit
d'ingérence » dans le domaine de l'information, Le droit
à l'information sous l'angle du Droit International Humanitaire,
RICR n°832, décembre 1998, p. 683 à 692.
- Anne RYNIKER, Position de Comité International de
la Croix-Rouge sur l'« intervention humanitaire »,
RICR n°842, juin 2001, p.521 à 526.
- Jean PICTET, La formation du Droit International
Humanitaire, RICR n°846, juin 2002, p. 321 à 344.
- Jean Christophe SANDOZ, Attitude du CICR en cas de prise
d'otages, RICR n°846, juin 2002, p. 475 à 488.
- Christoph HARNISCH, Le CICR en Afrique : contexte
et défis, RICR n°852, décembre 2003, p. 737 à
748.
- Gabor RONA, Le CICR et le privilège de ne pas
témoigner : la confidentialité dans l'action,
février 2004.
-
Déclaration de Jakob KELLENBERGER, Les défis du CICR et du
DIH, Washington, Université de Georgetown, 19 octobre 2006.
-
Bulletin d'information de la délégation régionale du CICR
de Dakar, janvier 2009.
Ø Traités
- Les
Conventions de Genève du 12 août 1949.
- Le
Deuxième Protocole Additionnel aux Conventions de Genève du 8
juin 1977.
- Le
Statut de la CPI.
- Les
Résolutions des Conférences internationales de la Croix-Rouge.
-
L'Accord entre le Conseil fédéral suisse et le CICR en vue de
déterminer le statut du Comité en Suisse, mars 1999.
- Deuxième Protocole relatif à la Convention
pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé. La Haye,
26 mars 1999.
Ø Wébographie
- www.cicr.org
TABLE DES
MATIERES
SOMMAIRE
1
ABREVIATIONS UTILES
3
INTRODUCTION
4
PREMIERE PARTIE : L'ACTION DU CICR DANS
LES CONFLITS ETATIQUES INTERNES
12
Chapitre I :
Le mandat du CICR dans les conflits étatiques
internes
14
Section1 :
Les fondements du mandat du CICR dans les conflits étatiques
internes
14
Paragraphe 1:
Les fondements juridiques du mandat du CICR dans les conflits
étatiques internes
14
A. Le droit
conventionnel
14
B. Les
résolutions des Conférences de la Croix-Rouge
16
Paragraphe
2 : La reconnaissance de
privilèges et immunités
17
A. Le contenu des
privilèges et immunités
17
B. La base
juridique de la reconnaissance des privilèges et
immunités
18
Section
2 : Le contenu du mandat du CICR dans les
conflits étatiques internes
19
Paragraphe 1 : Le
secours du CICR
19
A. La protection
des victimes de conflits étatiques internes
20
B. L'assistance de
la population
23
Paragraphe 2 : La
promotion du DIH
24
A. La diffusion du
DIH
24
B. Le respect du
DIH
25
Chapitre II : La mise en oeuvre du
mandat du CICR dans les conflits étatiques internes
27
Section 1 :
Le rôle d'intermédiaire neutre du CICR entre les Parties
belligérantes
27
Paragraphe 1 : Le
CICR, un diplomate humanitaire
27
A. La
démarche confidentielle du CICR entre les Parties au conflit en cas de
violation du DIH
27
B. Le rôle du
délégué du CICR dans la diplomatie de la
persuasion
29
Paragraphe 2 : Le
rôle de médiateur du CICR dans les
négociations
31
A. La
médiation humanitaire du CICR
31
B. La participation
d'autres institutions dans la médiation humanitaire
32
Section 2 :
L'établissement d'un programme d'assistance aux victimes
34
Paragraphe
1 : Les prestations matérielles du
CICR
34
A. L'aide sanitaire
et alimentaire
34
B. La garantie
d'une sécurité économique à la
population
36
Paragraphe
2 : Les prestations non
matérielles
37
A. Les visites des
personnes privées de liberté
37
B. Le
rétablissement des liens familiaux
38
DEUXIEME PARTIE : UNE ACTION
MITIGEE
41
Chapitre I : Les
contraintes
43
Section 1 : Aux plans
politique et juridique
43
Paragraphe 1 : Les
contraintes liées à l'attitude des Parties
belligérantes
43
A. Le refus de
l'applicabilité du DIH
43
B. L'absence de
volonté politique pour mettre en oeuvre le DIH
45
Paragraphe 2 : Les
difficultés d'application du DIH
46
A. Les contraintes
relatives à l'application des textes conventionnels
46
B. Les
difficultés dans l'appréhension du caractère interne d'un
conflit armé
.............................................................................................
48
Section 2 : Au plan
opérationnel
49
Paragraphe 1 : Les
problèmes liés à l'accès aux victimes
49
A. Les
difficultés relatives l'inspection des zones
50
B. Les
difficultés relatives à l'accès aux populations
dispersées
51
Paragraphe 2 : Les
difficultés entre acteurs sur le terrain
52
A.
L'insécurité du personnel du CICR
52
B. La
compétition entre acteurs sur le terrain
54
Chapitre II : Les perspectives pour
une effectivité de l'action du CICR
56
Section 1 : Un
renforcement du cadre juridique
56
Paragraphe 1 :
Accroissement du respect du DIH
56
A. Aux moyens des
instruments juridiques
56
B. Par l'inclusion
du DIH dans les codes de conduite
58
Paragraphe 2 :
Elargissement des règles applicables aux conflits étatiques
internes
59
A. Des
prémices avec l'étude du CICR des règles DIHC
60
B. Vers un nouveau
DIH applicable aux conflits étatiques internes
61
Section 2 : Une
adaptation plus opportune et plus efficace du cadre opérationnel du
CICR
63
Paragraphe 1 : La
définition d'une politique opérationnelle
63
A. Une bonne
connaissance des caractéristiques du conflit et des Parties
64
B. Une adaptation
de l'action aux besoins des victimes
65
Paragraphe 2 : Le
renforcement des rapports avec les autres acteurs sur le terrain
66
A. La
coopération du CICR avec le Mouvement
67
B. Une coordination
plus efficace avec les autres organismes
68
CONCLUSION
70
Annexe I : Article 3
commun aux quatre Conventions de Genève
73
Annexe II : Le
Protocole Additionnel II de 1977
74
BIBLIOGRAPHIE
85
* 1 Découvrez le
CICR ; cicr.org
* 2 Mouvement international de
la Croix-Rouge, Croix-Rouge de Belgique francophone
* 3 Mouvement international de
la Croix-Rouge, Croix-Rouge de Belgique francophone
* 4 P .BUIRETTE, le
droit international humanitaire, Edition La Découverte, Paris,
1996, p.65.
* 5 Protocole additionnel II,
art. 1, par. 1.
* 6 Statut de la CPI, art. 8,
par. 2 f : « Il s'applique aux conflits qui
opposent de manière prolongée sur le territoire d'un Etat les
autorités du gouvernement de cet Etat et des groupes armés
organisés ou des groupes armés organisés entre
eux ».
* 7 Protection des victimes des
conflits armés non internationaux, Genève, Janvier 1971, p. 78
* 8 TORELLI, M., le Droit
International Humanitaire, Paris, PUF, collection Que sais-je ? p. 126
* 9 Attitude de la
Grande-Bretagne aux prises avec la rébellion mau-mau au Kenya en
1957.
* 10 ZORGBIBE, C., le droit
d'ingérence, Paris, PUF, collection Que sais-je ? p. 80
* 11 Il s'agit, en
particulier, des résolutions XIV de la Xe Conférence
internationale de la Croix-Rouge (Genève, 1921) ; XIV de la XVIe
Conférence internationale de la Croix-Rouge (Londres, 1938) ; XX de
la XVIIe de la Conférence internationale de la Croix-Rouge (Stockholm,
1948) ; XIX de la XIX Conférence internationale de la Croix-Rouge
(Nouvelle Delhi, 1957) ; XXXI de la XXe Conférence internationale
de la Croix-Rouge (Vienne, 1965) et VI de la XXIVe Conférence
internationale de la Croix-Rouge (Manille, 1981).
* 12 XXVe
Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge,
résolution IX, paragraphe 576.
* 13 XXVIe
Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge,
résolution II, paragraphe 577.
* 14 Art. 4 de l'Accord entre
le conseil fédéral suisse et le CICR du 19 mars 1993 en vue de
déterminer le statut du Comité en Suisse
* 15 Organisation pour la
Libération de la Palestine
* 16 Voir protection et
assistance, RICR, n° 767, septembre-octobre 1987
* 17 Art. 13.3 du Protocole
Additionnel II ; Règle 6, Henckaerts, Doswald-Beck, Droit
International Humanitaire Coutumier, Genève, CICR, 2005.
* 18 Aux termes de l'art. 3
commun et du Protocole Additionnel II, il est interdit de tuer,
d'exécuter sommairement, de torturer physiquement et mentalement, de
procéder à des mutilations, de condamner à des peines
corporelles, de violer, de contraindre à la prostitution, d'attenter
à la pudeur, de piller, d'infliger des peines collectives, de prendre
des otages, de commettre des actes qui sèment la terreur, de menacer de
tuer, de menacer d'exécuter sommairement, de menacer de torturer
physiquement ou mentalement, de menacer de procéder à des
mutilations, de mener de peines corporelles, de menacer de viol, de menacer de
commettre des actes qui sèment la terreur, de menacer de prendre des
otages, de menacer de piller.
* 19 Découvrez le CICR,
p.23
* 20 La « Revue
internationale de la Croix-Rouge », le « manuel du
soldat », le manuel scolaire »...
* 21 Yves SANDOZ, Christophe
SWINARSKI et Bruno ZIMMERMANN, Commentaire des Protocoles Additionnels, CICR,
Genève, 1986, paragraphe 4909.
* 22 Jean Marie HENCKAERTS
et Louise DOSWALD-BECK, le Droit International Humanitaire Coutumier, Volume
I : Règles, page 655.
* 23 Voir, par exemple,
CICR, Mémorandum sur le respect du DIH en Angola (paragraphe 539),
Conflit d'Afrique australe : appel du CICR (paragraphe 539).
* 24 XXVIIIe AG ONU,
résolution 3102 (adoptée par 107 voix pour, O contre et 25
abstentions).
* 25 Forces armées
révolutionnaires colombiennes (Fuerzas Armadas Revolucionarias de
Colombia).
* 26 « Le CICR,
médiateur humanitaire dans le conflit colombien :
possibilités et limites », Gabriel Garcia Marquez.
www.cicr.org
* 27 Région
administrative de la RDC réunissant le Nord Kivu, le Sud Kivu et le
Maniema.
* 28 Les garanties
judiciaires sont spécifiquement mentionnées à l'art. 3
commun aux Conventions de Genève. Le CICR, qui a pour rôle
« de travailler dans l'application fidèle du DIH
applicables dans les conflits armés » (art.5,
alinéa 2c des Statuts du Mouvement), peut intervenir pour que soient
respectées les garanties judiciaires fondamentales dans le cadre d'un
conflit armé non international.
* 29 Accords de paix entre
le Gouvernement de l'Angola et l'UNITA (1991) ; Accord
général de paix pour le Mozambique (1992) ; Accord de
Cotonou concernant la situation au Libéria...
* 30 Voir Secrétaire
Général de l'ONU, nouveau rapport sur la Mission de
vérification des Nations Unies en Angola (UNAVEM II).
* 31 Rapport sur la pratique
de la Colombie.
* 32 Voir Association
rwandaise pour la défense des droits de la personne et des
libertés publiques, Rapport sur les droits de l'homme au Rwanda -
Année 1992.
* 33 Secrétaire
Général de l'ONU, Rapport sur la situation en Somalie.
* 34 Voir CICR, Rapport
d'activité 1986.
* 35 Voir XXXe
Conférence internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge de
Genève de novembre 2007.
* 36 Jean Luc BLONDEL,
« l'assistance aux personnes protégées »,
Revue internationale de la Croix-Rouge, N°767, septembre-octobre1987, pp.
471 -489.
* 37 La politique du CICR en
matière de développement des Sociétés nationales de
la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge a pour cadre l'art. 7 de l'Accord entre le
CICR et la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge et du
Croissant-Rouge du 20 octobre 1989. (La Ligue a pris par la suite le nom de
Fédération internationale).
* 38 Voir la pratique d'El
Salvador, de la Russie et Rwanda ainsi que la pratique rapportée de
l'Afghanistan et du Yémen ; voir aussi, Le CICR et la protection
des victimes de la guerre, 2e édition, CICR, Genève,
2000, p.735 à 756 (donnant des exemples tirés des conflits en
Algérie, en El Salvador, au Nicaragua et au Nigeria, entres autres).
* 39 Accord entre le
gouvernement de la Grèce et le CICR (1969) ; Protocole d'Achgabat
sur l'échange des prisonniers au Tadjikistan (1996)
* 40 Conflit armé et
liens familiaux, CICR janvier 2002, seconde édition avril 2004
* 41 Président du
CICR
* 42 Extrait de la
déclaration sur les « les défis du CICR et du
DIH », Washington, Université de Georgetown, 19 octobre
2006.
* 43 « Question de
la violation des droits de l'Homme et des libertés fondamentales
où qu'elle se produise dans le monde », Rapport sur la
situation des droits de l'Homme en RDC, présenté par le
Rapporteur spécial, M. Roberto GARRETON, conformément à la
résolution 2000/15 de la Commission des droits de l'Homme.
* 44 Jean Marie HENCKAERTS
et Louise DOSWALD-BECK, le Droit International Humanitaire Coutumier, Volume
I : Règles, page 261.
* 45 Activité du CICR,
Rapport de la Commission des migrations, des réfugiés et de la
population, 2008.
* 46 Revue Internationale de
la Croix-Rouge, Débat humanitaire : droit, politiques, action,
Sélection française 2005.
* 47 XXIVe
Conférence internationale de la Croix-Rouge, rés. II.
* 48 Statut de la CPI de
1998, art. 7, par. 2, al. i.
* 49 Jean Marie HENCKAERTS
et Louise DOSWALD-BECK, le Droit International Humanitaire Coutumier, Volume
I : Règles, page 145.
* 50 Interview de Jakob
KELLENBERGER accordé au Magazine du Mouvement International de la
Croix-Rouge et du Croissant-Rouge le 14 mars 2001.
* 51 Juan CODERQUE, Chef de
délégation régionale du CICR à Dakar, Editorial du
Bulletin d'information du CICR n°1, janvier 2009.
* 52 Statut de la CPI
(1998), art.8, par. 2, al. e) ; Statut du Tribunal spécial pour la
Sierra Léone (2002), art. 4, al.1b
* 53 Philippe RYFMAN, La
question humanitaire : histoire, problématiques, acteurs et enjeux
de l'aide humanitaire internationale, Editions Ellipses, 2005.
* 54 Accord spécial
signé par les Parties au conflit de Bosnie-Herzégovine et
négocié par le CICR en 1992.
* 55 XXXe
Conférence Internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge,
Genève 26-30 novembre 2007, le DIH et les défis posés par
les conflits armés contemporains.
* 56 Déclarations
unilatérales faites par le FLN en 1956 en Algérie.
* 57 Déclarations
unilatérales faites par les FMLN en El Salvador en 1988 et en 1991 par
le NDFP aux Philippines.
* 58 XXXe
Conférence Internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge,
Genève 26-30 novembre 2007, le DIH et les défis posés par
les conflits armés contemporains.
* 59 Atelier sur le DIH
organisé à Bamako avec des leaders religieux du Niger, du Mali et
du Sénégal, Bulletin d'information de la Délégation
régionale du CICR de Dakar, n°1, janvier 2009.
* 60 Bulletin d'information
de la Délégation régionale du CICR de Dakar, n°1,
janvier 2009.
* 61 Jean-Marie HENCKAERTS
et Louise DOSWALD-BECK, Droit international humanitaire coutumier, Vol. I,
Règles, Bruxelles, Etablissements Emile Bruylant, et Genève,
Comité internationale de la Croix-Rouge, décembre 2006, LXXIII
& 878 pages.
* 62 « Dans la
mesure où elles sont affectées par une situation visée
à l'article premier du présent Protocole, les personnes qui sont
au pouvoir d'une Partie au conflit et qui ne bénéficient pas d'un
traitement plus favorable en vertu des Conventions et du présent
Protocole seront traitées avec humanité en toutes circonstances
et bénéficieront au moins des protections prévues par le
présent article sans aucune distinction de caractère
défavorable fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue,
la religion ou la croyance, les opinions politiques ou autres, l'origine
nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou une autre situation, ou tout
autre critère analogue. Chacune des Parties respectera la personne,
l'honneur, les convictions et les pratiques religieuses de toutes ces
personnes ».
* 63 Jean-Marie HENCKAERTS
et Louise DOSWALD-BECK, Droit International Humanitaire Coutumier, vol. I et
Vol. II.
* 64 TPIY, 11 mars 2005,
« Prosecutor v. Enver Hadzihasanovic and Amir Kubura ».
* 65 François BUGNION,
Droit International Humanitaire Coutumier, novembre 2007.
* 66 Christoph HARNISH, le CICR
en Afrique : contexte et défis
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