B- Les théories critiquées par Keynes
Keynes aura lui aussi mis en bandoulière sa
dimension d'historien de la pensée économique en passant en revue
des théories qu'il ne considère pas comme totalement
erronées. Il leur reconnaît des contributions positives.
-Les théories du surinvestissement
Certaines théories attribuent le phénomène
des cycles à un « surinvestissement » ou
« sous consommation
Ces théories n'ont pas en réalité pour
fondement les rapports épargne -investissement. Elles insistent
plutôt sur le déséquilibre entre l'offre et la demande de
biens de production. A en croire leurs analyses, le cycle apparaît
dès lors que la quantité de biens de production permet de
produire une quantité de bien de consommation supérieure au
pouvoir d'achat obtenu par le public, compte tenu des prix pratiqués.
». Keynes les considère comme étant très proche de la
sienne sans la recouper entièrement même si à
première vue, il semble y avoir une
convergence : « At bottom these theories have, I think,
some affinity with my own.But they are not so close as might be supposed at
first sight. »(p 160)
Malgré les échecs observés dans leurs
tentatives d'élucider le problème des cycles, Keynes leur
reconnaît le mérite d'avoir abordé le problème des
fluctuations sous un angle nouveau au moment où la pensée
orthodoxe sanctifiait Say.
-Les théories du capital fixe
Il existe des théories du cycle qui considèrent que
l'origine des perturbations est due aux fluctuations du capital fixe. Keynes
les considère comme incompletes du fait qu'elles negligent le role
joué par le capital circulant qui à son sens est
préeminent dans le déclenchement des cycles :
: « whenever we have to deal with a boom or a slump in the total
volume of employment and current out put, it is a question of a change in the
rate of investment in working capital rather than in fixed capital ; so
that it is by increased investment in working capital that every case of
recovery from a previous slump is characterized.» P.252
Toutefois, il ajoutera:» whilst theses solutions have been
incompleted particulary through their neglect of fluctuations in working
capital, most of them, even when they appeared to reach opposite results
seem to me to have hold of some part of the truth ». p.89
A l'intérieur de ces théories, certaines
considèrent que le déficit est lié à une sous
épargne alors que d'autres soutiennent qu'il s'agit d'un excès
de capital fixe qu'ils qualifient de sur investissement . « Some
of them have attributed the cycle to under saving and some have attributed it
to over investment ». p.89, Tome II
L'exemple tiré de l'analyse du professeur Mitchell montre
à quel point il existe une opposition dans le rôle
attribué au capital fixe dans le déclenchement des crises.
« Professor Tugan- Baranovski contends that crisis come because
people do not save enough money to meet the huge capital requirement of
prosprity ; professor Spiethoff holds that crisis come because people put
their savings into toot much industrial equipment and not enough consumption
goods ». 89
Malgré leur contradiction de prime à bord, Keynes
considère que ces deux analyses traduisent la même
réalité, à savoir l'inégalité entre
investissement et épargne ; ce qui constitue le noyau de sa
théorie des cycles. « If we interpret the first of
these statements to means that saving falls short of investment and the second
to mean that investment runs ahead of saving , we see that the two authorities
mean essentially the same thing and also the same thing that i
mean ».Tome II,p.89
Keynes vient ainsi d'annoncer ce qu'il considère comme
étant la cause du cycle ; il s'agit d'un écart non
négligeable entre investissement et épargne.
Toutefois malgré son adhésion à cette forme
de pensée qui attribue l'origine des crises à une
inadéquation épargne-investissement, Keynes ne s'est pas
empêché de mettre l'accent sur ce qu'il considère comme
étant une défaillance dans la pensée d'un auteur tel que
Baranovski ; ce dernier selon Keynes considère que
l'épargne non investie durant les phases de dépressions est
à n'importe quel taux d'intérêt réintroduit
graduellement lors de la phase d'expansion et suggère que si
l'épargne ne parvient pas à devenir investissement, c'est
lié à la distribution des revenus et non , tel que le suppose
Schumpeter, à une mésentente entre entrepreneur et système
bancaire. C'est cette transformation spontanée de l'épargne en
investissement que Keynes rejette aussi bien chez ces auteurs que chez Hayek. A
son sens, il existe un véritable problème de coordination entre
ces deux variables. Et en l'absence d'une coordination efficace il en
résulte une impasse car il n'existe aucun mécanisme
régulateur automatique faisant de l'épargne un investissement
en puissance.
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