Partie 3 : Prise en charge du malade et
médication
1) L'observation et l'approche
Nous pouvons nous retrouver face à deux types situations
: le malade agité ou le malade dépressif. Le comportement face au
malade agité ne s'improvise pas :
· Une approche solitaire face à ce type de
comportement n'est pas conseillée, méme si nous avions une bonne
relation antérieure avec la personne.
· Il faut se protéger.
· Face à l'agitation l'officier responsable des
soins doit garder son calme, éviter d'élever la voix.
Dans le cas d'un patient posant un problème de
dépression, l'approche doit se faire en relation duelle, la personne
pourra alors plus facilement se confier.
L'approche est un moment d'observation simple :
· de la présentation de la personne,
· de ses premières réactions qui sont soit
l'opposition, soit de l'acceptation, soit de l'indifférence.
2) L'entretien et ses difficultés
a) L'entretien
Il est important de prendre conscience que la
communication est essentielle. Elle permet au travers du dialogue avec
la personne de repérer un trouble du comportement et d'apaiser la
personne.
Dans toutes relations, il est nécessaire de
créer un contact,
· d'avoir une attention,
· une attitude réceptive,
· il faut aussi respecter la personne : échanger
avec elle comme on voudrait qu'une autre personne échange avec nous.
Etre dans une attitude de compréhension et
d'empathie (c'est le mécanisme qui permet la
compréhension ressentie d'autrui) car le patient est en souffrance.
Comme pour l'approche l'entretien est à
aborder de manière différente, si la personne a un trouble du
comportement dit « positif » ou « négatif »
:
Pour la personne atteinte de trouble «
négatif », le but sera de recueillir des données
complètes à transmettre au médecin : repérer le
problème, les symptômes, et pouvoir juger de la
nécessité d'un avis médical.
· L'écoute de la personne est un
moment clé du diagnostic.
· Il est conseillé d'adopter les attitudes
facilitant la répétition, la reformulation, la clarification, la
compréhension.
· On doit amener la personne à parler de son mal
être.
· Il faut avoir un ton neutre, afin de ne pas
interpréter, de ne pas juger le malade.
Pour une personne atteinte de troubles du
comportement dit « positifs », le but de l'entretien est
tout autre : c'est dans un premier temps, essayer de désamorcer ou de
calmer l'agitation, l'agressivité.
· Pour cela, il faut laisser la personne s'exprimer, parler
sur un ton calme, garder son sang froid.
· Il peut être nécessaire de
médicaliser la relation, par une prise de tension, le questionner sur
son état de santé physique, de lui proposer un verre d'eau, de
s'asseoir ou de s'allonger dans le but de détourner sa focalisation sur
ce trouble.
Dans ce cas, il est nécessaire d'appeler d'urgence le
médecin, pour connaître la conduite à tenir, pour
protéger l'équipage ainsi que la personne.
b) Les difficultés
Il peut être difficile pour le marin de parler de ses
problèmes « mentaux », normalement vécus comme
strictement personnels et privés, à une personne se trouvant dans
le même milieu de travail que lui.
Ces personnes se connaissent et se côtoient tous les
jours. Il est relativement plus facile, encore que pas toujours évident,
d'échanger avec un médecin qui lui, est une personne moins proche
et neutre. Cette difficulté d'expression de ce trouble est encore plus
prononcée lorsque la différence de hiérarchie est
présente. Le malade peut avoir peur de représailles. Le marin a
toujours l'envie de montrer une forme mentale idéale face au
supérieur hiérarchique.
De plus, le monde maritime français possède une
pluri-nationalité, aujourd'hui, Philippins, Roumains, Indiens,
Africains.
Certes la langue universelle sur ces navires est l'anglais, mais
qui est déjà difficile à comprendre lorsqu'il est
parlé par différentes nationalités.
L'anglais est parfois mal maîtrisé par les marins et
le vocabulaire médical est peu connu du responsable des soins.
Il sera par conséquent d'autant plus difficile d'exprimer
ses souffrances mentales dans une langue qui n'est pas sa langue natale.
Comme noté dans le paragraphe « comportement dit
négatif » de la partie sémiologie du trouble du
comportement, certaines personnes préfèrent cacher ce type de
troubles.
Ces personnes ont tendance à s'isoler.
Il est donc difficile pour l'officier responsable des soins
d'aller vers la personne souffrante lorsqu'elle se trouve dans sa cabine, son
coin intime.
Demander sans précaution à une personne d'entrer
dans sa cabine pour qu'elle nous expose ses souffrances, peut être
compris comme un non respect de la vie privée.
« L'article 9 al 1 du code civil dispose que «
chacun a droit au respect de sa vie privée ». Ce principe est
également inséré à l'article 8 de la Convention de
sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales :
1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée
et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d'une
autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette
ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure
qui, dans une société démocratique, est nécessaire
à la sécurité nationale, à la sûreté
publique, au bien-être économique du pays, à la
défense de l'ordre et à la prévention des infractions
pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou
à la protection des droits et libertés d'autrui. »
L'officier responsable des soins peut être alors
légitimement repoussé. Il est donc important dans ce cas
d'expliquer le but de sa visite afin que le malade l'accepte.
3) L'avis médical, Téléconsultation du
C.C.M.M
La survenue de troubles du comportement à bord justifie
une consultation médicale, à terre à l'occasion d'une
escale, voire télémédicale par le C.C.M.M, afin de poser
un diagnostic et de prescrire une conduite à tenir appropriée.
Dans un premier temps il est essentiel de renseigner la Fiche
d'Observation Médicale avant de consulter le médecin du C.C.M.M.
(cf. annexe 1).
Les éléments de cette fiche d'observation sont
utiles pour le médecin dans l'élaboration de son diagnostic, ou
lui permettront de réaliser un diagnostic différentiel
(comparaison de l'ensemble des symptômes afin de définir la
réelle maladie).
- Cette fiche comprend des informations détaillées
sur les circonstances de l'évènement, sur
l'examen des fonctions vitales, sur les antécédents
médicaux, les traitements en cours.
- Les médecins nous expliquent bien, qu'un examen
clinique est important à réaliser pour
tout comportement anormal.
Par exemple, si le malade est agité et confus, on doit
considérer, jusqu'à preuve du contraire que la cause de ce
trouble n'est pas psychiatrique, mais médicale.
Le plus souvent l'agitation confuse est due à un toxique :
alcool, médicament, drogue, solvant.
Certains troubles du comportement avec confusion peuvent aussi
être engendrés par des pathologies dites somatiques,
c'est-à-dire à des maladies physiques et non psychiatriques.
Il me parait utile de les citer les plus fréquentes pour y
penser le moment venu et ne pas négliger l'examen clinique qui permettra
au médecin de les diagnostiquer.
On retrouve les maladies endocriniennes (anomalies de
sécrétion d'hormones) :
Dans cette catégorie le diabète et notamment
l'hypoglycémie (taux de sucre dans le sang anormalement abaissé)
peut entraîner des troubles du comportement : agitation,
incohérence. L'hyperthyroïdie (une augmentation du taux d'hormones
thyroïdienne dans le sang) peut entraîner un état d'agitation
anxieuse.
D'autres maladies peuvent aussi provoquer des troubles du
comportement : des pathologies neurologiques (relative au système
nerveux et notamment au cerveau, comme l'épilepsie, une tumeur...), les
pathologies infectieuses (méningo-encéphalite,
neuro-paludisme...).
Au cours de la téléconsultation avec le
médecin du C.C.M.M, un deuxième entretien direct entre le
médecin et le malade peut s'avérer utile.
- Cette consultation en direct pré-suppose que le
responsable des soins donne son accord, ce qui a priori ne doit pas poser
problème en pratique.
- Ce type d'entretien ne dispense en rien le responsable de
l'examen complet qui doit réaliser en préalable de la
téléconsultation.
- Sauf cas particulier qui fera l'objet d'une discussion
préalable entre le capitaine et le médecin, il est
préférable que le capitaine ou sa personne
déléguée en charge des soins à bord soit
présente auprès du malade lors de l'entretien
téléphonique.
- En tout état de cause, la conclusion diagnostique du
médecin et les recommandations de prise en charge seront données
en direct au responsable des soins.
Une téléconsultation spécialisée avec
un médecin psychiatre pourra également être
organisée si le médecin du C.C.M.M estime qu'elle est
nécessaire.
Dans ce cas, la téléconsultation médicale
sera assurée en conférence à trois entre le bord, le
médecin C.C.M.M et le spécialiste.
4) Le traitement
Après consultation télémédicale, le
médecin du C.C.M.M prescrit la prise en charge du patient avec notamment
la prescription de médicament selon le type et le degré du
trouble du comportement.
Ces médicaments sont rangés dans la pharmacie de
bord et se trouvent dans la catégorie psychiatrieneurologie. Ces
médicaments font partie d'un ensemble, la liste ².
Nom générique
|
Nom Commercial
|
Dosage
|
Indication
|
Effets indésirables
|
Rangement
|
Diazépam
|
Valium
|
Comprimé de 5mg ou ampoules de 10 mg/ 2ml
(I.M)*
|
Anti-convulsivant, Anxiolytique (tranquillisant) calme
l'angoisse
|
Maux de tête, sensation d'ivresse, somnolence
diurne, ralentissement des idées, fatigue, sensation
de faiblesse musculaire, vision double
|
Coffre Commandant
|
Méprobamate
|
Equanil
|
Comprimé de 250mg ou ampoules de 400 mg/ 5
ml (I.M)*
|
Stabilise les comportements utilisé
pour traité l'anxiété
|
Somnolence diurne
|
Pharmacie
|
Zopiclone
|
Imovan / Zopiclone
|
Comprimé de 7,5 mg
|
Hypnotique traite l'insomnie sévère
|
Perte de mémoire, somnolence
diurne, ralentissement de la pensée, fatigue musculaire
|
Pharmacie
|
Cyamémazine
|
Tercian
|
Ampoules de 50 mg / 5 ml (I.M)*
|
Neuroleptique, agit sur l'excitation, sur
l'agressivité également utilisé
pour dépressions sévères
|
Raideur musculaire, fièvre, trouble
de l'humeur,irrégularité du rythme
cardiaque, tremblements, troubles de l'accommodation
|
Pharmacie
|
* : I.M : injection intramusculaire.
En établissant le tableau de ces médicaments, j'ai
noté que la somnolence diurne est parmi les effets indésirables
de chacun de ces médicaments.
Il est donc impératif, lors de l'avis médical de
préciser au médecin prescripteur, l'activité
professionnelle du marin à bord. Le médecin prendra alors des
précautions sur la prescription pour des personnes dont
l'activité principale à bord est la conduite du navire ou la
conduite machine.
J'ai noté qu'un surdosage du médicament
Diazépam pourrait faire plonger la malade dans un coma profond. Il sera
donc rangé avec précaution dans la cabine du commandant dans un
compartiment sous clé.
Comme tous les médicaments, il est
déconseillé de les absorber avec de l'alcool.
Selon l'Article 217-3.05 de la réglementation
française
« Médicaments relevant d'une prescription
médicale.
A bord des navires sans médecin, sauf cas de force
majeure, les médicaments relevant de la réglementation des
stupéfiants (ex tableau B), de la réglementation de la liste I
(ex
tableau A) ou de celle de la liste II (ex tableau C)
ne peuvent être utilisés que sur prescription
médicale. »
Il est à noter que les médicaments
anti-dépresseurs sont des traitements fréquemment prescrits en
psychiatrie. Ces médicaments ne font pas partie de la dotation
médicale embarquée :
- ces médicaments ne sont pas prescrits en urgence.
- ils doivent être le plus souvent prescrits par un
spécialiste.
- ces médicaments sont à utiliser avec
précaution, ils ont un délai d'action au bout de quinze jours
(risque de passage à l'acte par levée d'inhibition).
- ils peuvent être néanmoins prescrits par un
spécialiste à terre.
Cependant, certaines personnes peuvent être sous traitement
anti-dépresseur à bord. C'est une information importante à
recueillir lors de l'entretien afin de la communiquer au médecin.
5) Le consentement aux soins
D'une manière générale, la pratique des
soins médicaux repose sur le principe de consentement aux soins.
Lorsqu'un médecin prescrit des médicaments, il doit
expliquer les modalités de la prise de ces médicaments et donner
les raisons de la prescription.
Un adulte majeur, a tous les droits de refuser les soins. Le
médecin doit lui communiquer les risques qu'il encourt. En cas de
refus affirmé, le malade doit signer un document de refus de soins, afin
de
montrer que le sujet est conscient de son refus. Ce principe est
applicable quelle que soit la pathologie considérée.
Il peut s'avérer qu'une personne ayant des troubles du
comportement refuse un traitement. La maladie mentale ne constitue pas une
exception au droit de consentir à l'acte de soins sauf si :
- le refus de soins est une conséquence de sa maladie
mentale.
- la volonté de la personne de refuser les soins met sa
vie en danger.
- la volonté de la personne de refuser les soins l'expose
à un risque vital immédiat.
Si une des conditions est présente, la mise en oeuvre des
soins sous contrainte est possible mais uniquement si :
- les soins sont strictement nécessaires.
- les troubles mentaux rendent impossible le consentement.
- l'abstention du médecin pourrait être
qualifiée de non assistance à personne en danger.
L'appréciation de la nécessité de soins
relève du médecin.
A terre, dans les hôpitaux psychiatrique, il
existe trois types d'hospitalisations : l'hospitalisation libre,
l'hospitalisation sur demande d'un tiers et l'hospitalisation
d'office.
L'article L3211-1, L3212-1, L3213-1 du code de la santé
publique (annexe 2) décrivent la possibilité d'hospitaliser un
malade atteint de troubles du comportement refusant des soins médicaux
ou de personne étant incapable de reconnaître leur maladie (par
exemple, cas de l'agitation délirante).
La loi du 27 juin 1990 règlemente les hospitalisations
sans consentement. Elle précise que « les restrictions à
l'exercice de ces libertés individuelles doivent être
limitées à celles nécessitées par son état
de santé et à la mise en oeuvre de son traitement »
· L'hospitalisation libre : le patient accepte de recevoir
des soins, donne son consentement. Dans le cas où la personne n'est pas
consentante on retrouve :
· L'hospitalisation sur demande d'un tiers :
l'hospitalisation est réalisée sans consentement du malade en
raison de ces troubles mentaux qui rend impossible son consentement. Cette
demande est faite par un membre de la famille ou une personne lui portant de
l'intérêt. Deux certificats médicaux doivent être
joints à la demande. Ils doivent indiquer l'état mental de la
personne et la nécessité de l'hospitaliser sans consentement.
· L'hospitalisation d'office : elle concerne les
personnes dont les troubles mentaux compromettent l'ordre public ou la
süreté des personnes. Alors que l'hospitalisation sur demande d'un
tiers peut être considérée comme un acte essentiellement
médical, l'hospitalisation d'office est une mesure administrative
permettant à la société de se protéger. Elle est
prononcée par le préfet aux vues d'un certificat médical
circonstancié. En cas d'urgence, le maire ou le commissaire de police
peuvent prendre une mesure provisoire d'hospitalisation d'office lorsqu'il
existe un danger imminent pour la sécurité des personnes.
A bord, comment faire quand il existe une urgence,
comment appliquer la contrainte ?
Lors de la téléconsultation médicale, le
médecin au vu de l'urgence prescrit des soins sous contrainte au
capitaine du navire.
Sur un plan légal : alors que cette situation ne se
trouve pas dans le cadre légal d'un hôpital psychiatrique,
même si les consultations téléphoniques avec le C.C.M.M
sont toujours enregistrées, ne faudrait-il pas que le médecin
envoie (par mail ou fax) un certificat mentionnant la nécessité
de soins sous contrainte ?
Sur le plan pratique : comment contraindre une personne ayant des
troubles du comportement sur un navire ? Comment surveiller, comment contenir
le malade lorsqu'il y a urgence ?
Selon le code disciplinaire et pénal de la marine
marchande, dans l'article 28 et 29, le capitaine a des pouvoirs de police
à bord du navire. Il peut mettre une personne en détention
préventive en cas d'urgence.
Art. 28 du Code Disciplinaire et Pénal de la
Marine Marchande
Le capitaine prend toutes mesures nécessaires et
adaptées en vue d'assurer la préservation du navire et de sa
cargaison et la sécurité des personnes se trouvant à
bord.
Article 29 du Code Disciplinaire et Pénal de la
Marine Marchande
« A la demande du procureur de la République
compétent au titre de l'article 37 ou avec son accord, le capitaine peut
ordonner la consignation dans un lieu fermé, pendant la durée
strictement nécessaire, d'une personne mettant en péril la
préservation du navire, de sa cargaison ou de la sécurité
des personnes se trouvant à bord lorsque les aménagements du
navire le permettent. Le mineur doit être séparé de toute
autre personne consignée.
En cas d'urgence, la consignation est immédiatement
ordonnée par le capitaine. Il informe dès le début de
celle-ci le procureur compétent afin de recueillir son accord.
»
Un malade atteint de troubles du comportement, lorsqu'il
refuse les soins ou est incapable de reconnaître sa maladie, le capitaine
en relation avec le médecin du C.C.M.M, peut donc contraindre un malade
à recevoir les soins indispensables.
6) Cas particulier d'une nécessité
d'isolement
L'isolement peut être utilisé quand le navire est en
mer, quand il y a impossibilité de débarquer le malade.
Le traitement étant administré, selon la
gravité de la maladie, le médecin peut prescrire un isolement.
Cet isolement ne doit être envisagé qu'en dernier
recours (notion d'urgence) lorsqu'il y a nécessité d'exercer un
contrôle physique du malade.
L'isolement peut être nécessaire pour
protéger celui-ci, éviter le passage à l'acte, mais
aussiprotéger l'équipage des agitations excessives du
malade, et par conséquent nécessaire pour la
sécurité du navire.
Le malade doit être placé dans une cabine sans
sabord.
Avant son entrée, il est important de retirer tout
objet de strangulation comme par exemple les vêtements, les ceintures,
les lacets, son sac de voyage, le rideau de douche, le flexible de la pomme de
douche, tout cable d'appareils électriques.
Il est nécessaire de retirer tout objet coupant, couteau,
rasoir, ciseaux.
Une vérification d'absence de médicaments dans sa
cabine est obligatoire.
La porte de la cabine doit être fermée à
clé avec une personne devant la porte en surveillance en cas de bruit
important et éviter le passage à l'acte.
Toute entrée dans la cabine doit être faite au
minimum à deux personnes afin d'éviter d'être surpris par
une agitation du malade.
Ses repas sont servis dans sa cabine, avec des ustensiles en
plastiques.
7) L'évacuation sanitaire
Le Médecin peut demander un débarquement du patient
au prochain port d'escale du navire ou évacuation sanitaire selon la
gravité du déséquilibre mental.
Il est habituellement difficile de procéder à une
évacuation sanitaire, par hélicoptère ou moyen nautique,
compte tenu de l'état de ce type de patient.
Lorsque le navire est à quai, le malade est
débarqué et dirigé vers l'hôpital psychiatrique par
un moyen de transport sanitaire déclenché à cet effet.
La barrière du langage est une complexité en cas
d'hospitalisation à l'étranger. Le personnel médical peut
avoir des difficultés de compréhension sur les souffrances
mentales du malade. Il peut être alors nécessaire de faire appelle
à un traducteur.
De plus, en consultant la carte mondiale représentant
le nombre de psychiatres pour 100 000 habitants, je note que le nombre de
psychiatres en Asie, en Amérique centrale et en Afrique est très
réduit (de 0-1 psychiatres pour 100 000 habitants).
La cause principale de cette pauvreté médicale
vient d'un désintérêt des gouvernements des pays dans le
milieu de la santé mentale. Selon l'OMS, une majorité de pays
consacre moins de 2% de
leur budget de la santé à la santé mentale.
Gette constatation peut être expliquée par l'approche culturelle
de ces pathologies dans chaque pays.
Gas concret n° 2 : une situation à bord d'un
navire (source du C.C.M.M) :
Le 1/09/2xxx, à 2h24, appel du commandant du navire
FXXY, porte-conteneur français entre les Antilles et l'Europe, pour un
patient de 29 ans :
- le motif d'appel est un état d'agitation chez un
marin roumain qui parle habituellement le français, mais qui tient des
propos incohérents, en roumain. Ces propos traduits par le lieutenant
roumain du bord semblent mettre en évidence un sentiment de
persécution. Le patient est très anxieux, il exprime ses craintes
par rapport à ceux qui lui voudraient du mal. Dans un premier temps et
dans ce contexte de consultation télémédicale d'urgence,
le médecin C.C.M.M prescrit un médicament sédatif,
anxiolytique ( Equanil- Méprobamate) en comprimés et demande de
rappeler quelques heures plus tard.
- Le 01/09 à 13h01, 2ème appel : le
patient reste très anxieux, un peu opposant quant à la prise de
médicaments. Il ne semble pas franchement délirant mais il
persiste une note de paranoïa (persécution). Il est parfois confus,
mais ni agressif ni violent. Il n'exprime pas d'idées
suicidaires. Le médecin prescrit un traitement
sédatif puissant par voie intramusculaire (neuroleptique -- Tercian)
matin et soir et en cas de refus du patient une augmentation du traitement par
comprimés (Equanil + Valium), trois fois par jour.
- Le 02/09 à 14h14, 3ème appel :
après une amélioration la veille, sous traitement, est
réapparue
une récidive de l'agitation avec un net délire
paranoïaque. Le patient est très agité, il refuse tout
traitement. Il reste encore cinq jours de mer .... en cas d'échec de
nouvelles tentatives de traitement par voie orale le médecin confirme la
nécessité de traitement par Tercian injectable après
contention du patient.
- Le 03/09 à 9h55, 4ème appel : le
patient a continué de refuser tout traitement mais est redevenu calme et
a accepté de s'entretenir avec le second. Le médecin donne les
consignes de surveillance rapprochée et de traitement de contrainte par
voie intramusculaire en cas de récidive de l'agitation.
- Le 03/09 à 21h21, 5ème appel : le
patient a reçu le traitement prescrit par voir intramusculaire
(Valium+Tercian), il reste très opposant mais plus calme, il est
à l'isolement, sous surveillance, dans une cabine. Il reste encore trois
jours de mer.
- Le 04/09 à 22h50, 6ème appel : le
patient est calme, il n'est plus délirant, il continue de recevoir son
traitement par voie intramusculaire.
- Le 05/09 à 9h45, 7ème appel : le
patient est redevenu coopérant, il ne présente plus de trouble du
comportement, le traitement est poursuivi par voie intramusculaire. Le
médecin C.C.M.M, en Liaison avec le SAMU de coordination médicale
maritime du Havre, prépare l'accueil du patient à l'antenne
psychiatrique de Dunkerque dés l'arrivée au port, dans 3 jours,
où il sera accompagné par le lieutenant roumain comme
interprète.
- Le 06/09 à 8h31, 8ème appel : le
patient est tout à fait calme, mange et communique normalement, le
même traitement sera poursuivi pendant 48h, jusqu'à
l'arrivée au port de Dunkerque.
Ce cas clinique illustre l'association d'une démarche
médicale malgré des conditions difficiles (approche, entretien
avec l'aide d'un interprète), téléconsultation et
administration d'un traitement à un patient opposant, et d'une
contention avec isolement pour soins de contraintes.
La préparation de l'accueil, pour une consultation
spécialisée avec présence d'un interprète à
l'arrivée.
8) Les responsabilités
Selon la division 217-2.04 de la réglementation
française.
Le capitaine est responsable des soins sur les navires sans
médecin. Cette responsabilité peut être
déléguée à d'autres membres d'équipage ayant
reçu la formation médicale de niveau ²² ou
²²².
« Navires sans médecin.
Sur les navires sur lesquels n'est pas embarqué un
médecin, le capitaine est responsable des soins.
Il peut déléguer la pratique des soins, la
gestion et l'usage de la dotation médicale à un ou plusieurs
membres de l'équipage ayant reçu la formation appropriée,
réactualisée périodiquement, au moins tous les cinq ans
».
Un trouble du comportement est une pathologie. Elle doit donc
être prise en charge à bord, avec avis médical ou
télémédical suivant l'urgence et la situation du navire.
Ces personnes souffrent mentalement, elles ont besoin d'aide, de protection, de
soins.
Ces troubles sont parfois repoussés sur les navires car
ils ne font pas partie de la normalité du marin. Selon l'article du code
Pénal, l'officier responsable des soins à bord d'un navire peut
être sanctionné s'il ne permet pas au patient souffrant de
troubles du comportement d'accéder aux soins qui lui sont
nécessaires.
Non-assistance à personne en péril (Art 223-6, du
code Pénal)
« Quiconque pouvant empêcher par son action
immédiate, sans risque pour lui ou pour les tiers, soit un crime, soit
un délit contre l'intégrité corporelle de la personne
s'abstient volontairement de le faire est puni de cinq ans d'emprisonnement et
de 75000 euros d'amende.
Sera puni des mêmes peines quiconque s'abstient
volontairement de porter à une personne en péril l'assistance
que, sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter soit
par son action personnelle, soit en provoquant un secours.
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